DSG/SM/579-AFR/2266-DEV/2912

l’Afrique n’a pas besoin de pitié ni de charité mais de respect, de solidarité et des moyens de lutter à armes égales, déclare la Vice-Secrétaire générale

12/10/2011
Vice-Secrétaire généraleDSG/SM/579
AFR/2266
DEV/2912
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

L’AFRIQUE N’A PAS BESOIN DE PITIÉ NI DE CHARITÉ MAIS DE RESPECT, DE SOLIDARITÉ ET

DES MOYENS DE LUTTER À ARMES ÉGALES, DÉCLARE LA VICE-SECRÉTAIRE GÉNÉRALE


On trouvera ci-après le discours de la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme Asha-Rose Migiro, lors du Forum mondial sur les connaissances, qui s’est tenu le 12 octobre à Séoul en République de Corée:


C’est un plaisir pour moi de m’associer au présent débat qui porte sur un aspect crucial de l’avenir de l’Afrique.


La perception que l’on a du continent africain, jusqu’ici considéré comme une région où la pauvreté, la faim, les maladies et les guerres civiles sont la norme, est en train de changer rapidement.  Nombreux sont ceux qui mesurent désormais les vastes possibilités qui s’offrent un peu partout en Afrique.  La croissance robuste de plus de 5 % en moyenne qu’a connue durant ces 10 dernières années le continent africain montre que celui-ci est sorti de la période de grande instabilité qui a marqué les années 80 et le début des années 90.


Même s’il reste élevé, le taux de pauvreté, qui atteignait 59 % en 1996, a considérablement baissé, tombant à quelque 50 %.  Bien qu’il s’agisse d’une tâche extrêmement ardue, la lutte contre des maladies comme le paludisme et le VIH/sida, grâce à des interventions consistant notamment à distribuer des moustiquaires et des médicaments antirétroviraux, a réduit de manière spectaculaire le nombre de décès imputables à ces pandémies.


En outre, le nombre de guerres civiles est à son niveau le plus bas depuis 50 ans, la plupart des conflits qui ont fait rage sur le continent africain durant les années 80 et 90 ayant pris fin.


Plusieurs éléments portent à croire que l’Afrique est à la veille d’un renouveau économique.  Ses taux de croissance élevés devraient se maintenir.  C’est ainsi qu’il est prévu qu’elle affiche en 2012 un taux de croissance économique d’environ 6 %, résultat tout à fait remarquable si on le compare à ceux des principales puissances économiques de la planète qui souffrent d’une aggravation de leurs déséquilibres macroéconomiques.


Les économies africaines ont prouvé qu’elles résistaient aux principaux chocs qui ont secoué l’économie mondiale en affichant un taux de croissance de 3,1% au plus fort de la crise de 2009, lorsque nombre d’économies de premier plan stagnaient.


Il convient en outre de noter que certains des moteurs de la croissance actuelle de l’Afrique, à savoir l’augmentation des échanges commerciaux avec des pays émergents comme la Chine, l’Inde, le Brésil et la Turquie et le fait que ces derniers investissent de plus en plus sur le continent, continueront d’avoir des effets positifs sur la croissance africaine au cours des années à venir.


Perçue sous l’angle du développement humain, la croissance économique de l’Afrique n’a pas été pleinement inclusive.  On a constaté en effet que, selon l’Indice de développement humain (IDH), mis au point par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour refléter une conception du développement axée sur l’être humain, l’Afrique était, en 2010, au plus bas de l’échelle.  Des progrès ont toutefois été accomplis.  Tous les pays africains, sauf un, ont vu leur indice de développement humain s’améliorer entre 2000 et 2010.


La communauté internationale peut jouer un rôle important en aidant l’Afrique à conserver des taux de croissance économique et de développement humain élevés.


Même si, ces dernières années, les nouveaux partenaires de l’Afrique ont resserré leurs liens de coopération avec celle-ci, une très grande partie des échanges commerciaux, des investissements et de l’aide reste le fait des partenaires traditionnels, et cette situation ne devrait pas évoluer rapidement.


Il semblerait en outre qu’il y ait de nettes différences entre les types d’assistance fournie par les divers partenaires.


Les partenaires traditionnels ont mis l’accent sur le capital humain en exécutant des projets dans les secteurs de la santé et de l’éducation tandis que les partenaires des pays émergents ont donné la priorité aux infrastructures physiques.  Ces efforts sont fort heureusement complémentaires.


Même si l’aide est encore importante pour la plupart des pays africains, la période qui a suivi l’indépendance a clairement montré qu’à elle seule, cette assistance n’était pas suffisante.  L’Afrique a également besoin d’un accès plus équitable aux marchés pour être à même d’exporter ses produits sans entraves inutiles, d’un accès plus aisé, et à un coût raisonnable, aux technologies occidentales pour pouvoir se doter d’industries compétitives, de davantage d’investissements dans les secteurs productifs et dans les infrastructures, et aussi d’une marge de manœuvre politique plus large lui permettant de définir sa propre stratégie de développement.


Ce dont elle a le plus besoin, toutefois, c’est d’être reconnue comme offrant de nouvelles possibilités d’investissement, une région où les rendements sont parmi les plus élevés du monde.  Le continent africain recèle certains des plus importants gisements de ressources minérales connus, dont des mines de diamants et d’or, et la plupart de ces richesses minières demeurent inexploitées.


Le continent africain est aussi en train de jouer un rôle de plus en plus important sur le marché pétrolier international, à mesure que des pays comme le Ghana et l’Ouganda viennent s’ajouter sur la liste des pays exportateurs de pétrole.  L’Afrique possède également les plus vastes superficies de terres arables non défrichées, atout stratégique dans un monde où les crises alimentaires deviennent récurrentes.


La croissance de l’Afrique ne s’explique cependant pas uniquement par celle du secteur des matières premières.  Elle est de plus en plus diversifiée.  Les investisseurs considèrent un large éventail de secteurs tels que le commerce de détail, les services financiers, les télécommunications et l’immobilier comme très prometteurs.  De nouveaux investissements sont prévus.  Ce sont là des signes encourageants.  J’engage les investisseurs à tirer parti des débouchés économiques qui existent pour produire des biens et des services susceptibles d’améliorer les conditions de vie de millions d’Africains aujourd’hui aux prises avec la pauvreté.


Néanmoins, même si les partenaires de l’Afrique ont un rôle à jouer, les pays africains doivent eux aussi agir.  Ils doivent poursuivre les réformes en vue de rendre leurs économies plus attrayantes tout en veillant à ce que leur population bénéficie des investissements étrangers.  Ils doivent aussi veiller à ce que le processus de croissance soit inclusif.  La création d’emplois, notamment dans les secteurs où les pauvres travaillent le plus, devra être la priorité première des politiques de croissance.  Il faut également que les pays d’Afrique luttent contre la corruption, renforcent les institutions et prennent toutes les autres mesures qui sont les marques d’une saine gestion des affaires publiques.  Ce n’est qu’en adoptant de telles politiques que l’Afrique pourra échapper à ce qu’il est convenu d’appeler « la malédiction des ressources » et exploiter pleinement ses richesses.  


Les liens de coopération qui unissent l’Afrique à la Chine et à l’Inde sont particulièrement importants.  Permettez-moi, à ce sujet, de formuler trois observations.


En premier lieu, l’Afrique aurait tout intérêt à élaborer une vision proprement africaine de ce que devraient être ses liens de coopération avec la Chine et l’Inde.  L’ONU s’emploie à mieux préparer les pays africains à développer ce type de collaboration.


En deuxième lieu, les liens de coopération entre l’Afrique et la Chine pourraient être renforcés grâce à une diversification des économies africaines dans des secteurs comme l’agriculture, les services et l’industrie manufacturière, ce qui permettrait d’élargir la base d’exportation du continent africain.


Même si le continent africain reste une source de matières premières majeure pour les pays émergents, la Chine pourrait contribuer pour une part importante à la croissance du secteur manufacturier africain en important davantage de produits fabriqués sur le continent.  Il s’agit là d’un domaine où il reste encore des progrès à faire.


En troisième lieu, le renforcement de l’intégration régionale pourrait aider à remédier à la situation difficile que connaissent les petits pays d’Afrique, notamment les États sans littoral.  Vu les avantages comparatifs que détiennent la Chine et l’Inde dans le domaine du développement des infrastructures, ces deux pays sont bien placés pour aider l’Afrique à se doter d’un marché régional, en mettant en place des infrastructures régionales telles que les routes, les chemins de fer, les aéroports et les réseaux de télécommunication.


Alors que nous évoquons les principaux partenaires de l’Afrique, je me dois de mentionner la République de Corée.


Ce dernier pays joue en effet, surtout depuis 10 ans, un rôle de plus en plus important dans le développement de l’Afrique.  En l’espace de 3 ans seulement –2005 à 2008–, le montant total de l’aide publique au développement (APD) qu’il fournit à l’Afrique est passé de 39 millions de dollars à 104 millions.  Le Gouvernement de la République de Corée a également fourni un appui résolu au Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD).


Ce soutien a notamment permis de promouvoir certains projets d’infrastructures, dans des pays comme l’Afrique du Sud, l’Angola, la Namibie, la République démocratique du Congo, la Zambie ainsi que mon propre pays, la République-Unie de Tanzanie.


Je puis attester que la République de Corée est une grande amie et un partenaire majeur de l’Afrique.  Il convient en effet de lui reconnaître le mérite d’avoir mis à profit la période durant laquelle elle a exercé la présidence du Groupe des Vingt (G-20) pour faire en sorte que les dirigeants des pays membres de ce Groupe accordent un rang de priorité élevé aux problèmes de développement.


Pour cimenter cette alliance aussi solide que stratégique et réaliser concrètement les objectifs qu’il s’est fixés au titre de l’Initiative de la République de Corée pour le développement de l’Afrique (KIAD), le partenariat actuel devrait aider les pays africains à accéder aux marchés mondiaux et promouvoir les intérêts de l’Afrique en ce qui concerne les questions de portée internationale.


Le quatrième Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide, qui aura lieu le mois prochain à Busan, offrira de nouveau au Gouvernement de la République de Corée l’occasion d’appuyer la position commune de l’Afrique sur l’efficacité de l’aide.  Il nous faut maintenant aller au-delà de la question de l’efficacité de l’aide pour nous attacher au problème de l’efficacité du développement, l’objectif ultime étant de réduire la dépendance à l’égard de l’aide et de promouvoir l’autosuffisance ainsi que le développement à long terme.


Je me permettrai, en conclusion, d’insister sur le point suivant: les peuples d’Afrique n’ont pas besoin de pitié ni de charité.  Le respect, la solidarité internationale et les moyens de lutter à armes égales peuvent contribuer pour beaucoup à l’avènement d’une nouvelle ère sur le continent africain.  L’ONU attend avec intérêt de poursuivre sa collaboration avec tous ses partenaires, et avec vous tous, pour réaliser cet objectif rapidement.


Je vous remercie de votre attention et espère que ces quelques observations donneront lieu à un débat animé.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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