CS/9982

Guinée-Bissau: le Représentant spécial du Secrétaire général souligne que consolidation de la paix et développement passent par la restauration de l’ordre civil

15/07/2010
Conseil de sécuritéCS/9982
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Conseil de sécurité

6359e séance – matin


GUINÉE-BISSAU: LE REPRÉSENTANT SPÉCIAL DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SOULIGNE QUE CONSOLIDATION DE LA PAIX ET DÉVELOPPEMENT PASSENT PAR LA RESTAURATION DE L’ORDRE CIVIL


Le Conseil de sécurité a souligné, ce matin, la nécessité que la subordination militaire à l’ordre civil soit restaurée en Guinée-Bissau. 


Lors d’une réunion sur l’évolution de la situation dans le pays et les activités du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS), le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Joseph Mutuboba, a ainsi rappelé que le maintien de l’appui de la communauté internationale aux réformes de consolidation de la paix était lié au respect de certaines conditions. 


M. Mutaboba a notamment demandé aux autorités nationales bissau-guinéennes, qui étaient représentées par le Ministre des affaires étrangères, M. Adelino Mano Queta, la libération immédiate de l’ancien Chef d’état-major général des armées et Vice-amiral, José Zamora Induta.  Évoquant les événements récemment survenus dans le pays, M. Mutaboba, qui s’est largement appuyé sur le rapport* du Secrétaire général dont était saisi le Conseil, est revenu sur les conséquences des incidents du 1er avril dernier. 


Ce jour-là, « des soldats agissant sur ordre de l’adjoint du chef d’état-major général se sont emparés du quartier général des forces armées et ont détenu pendant quelques heures le Premier Ministre CarlosGomes Júnior », a-t-il rappelé.  M. Mutaboba a ensuite expliqué que le Président Sanha avait relevé de ses fonctions M. Zamora Induta pour le remplacer par le major général Indjai, « qui a officiellement prêté serment le 29 juin ».  « Le Président Sanha a souligné que cette décision avait été prise de manière souveraine et non pas sous la contrainte, et qu’il avait chargé le nouveau Chef des armées d’assurer le respect des autorités civiles », a ajouté le Représentant spécial. 


Pour celui-ci, cet évènement indique à l’inverse que les autorités civiles en Guinée-Bissau « n’exercent pas un plein contrôle sur les forces armées », la nomination de M. Indjai, « qui a joué un rôle de meneur lors de l’insurrection du 1er avril, ayant était critiquée par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union européenne, l’Union africaine et les États-Unis ». 


Le Représentant spécial du Secrétaire général a en outre fait savoir que du 1er au 3 juillet, s’était tenue, au Sommet des chefs d’État de la CEDAO, une réunion officieuse sur la situation en Guinée-Bissau à laquelle ont participé les Ministres des affaires étrangères de l’Angola, du Brésil, du Cap-Vert, du Portugal, ainsi que des représentants de l’UE et lui-même. 


« Nous avons reconnu à cette occasion le besoin que les réformes fondamentales en cours en Guinée-Bissau soient poursuivies, en particulier celle du secteur de la sécurité, qui doit être une étape vers le renforcement du contrôle civil des institutions de la sécurité du pays », a-t-il indiqué. 


M. Mutaboba a noté que parallèlement à cela, le Procureur général de la Guinée-Bissau l’avait informé du fait que la commission d’enquête sur les assassinats, en mars 2009, du Président Vieira et du Chef des armées, Tagme Na Waie, était sur le point de rendre ses conclusions. 


« Le Procureur a toutefois demandé l’appui financier et l’expertise du Brésil et de l’Union européenne pour conclure l’enquête », a ajouté M. Mutaboba, qui a relevé que les partenaires internationaux fourniraient cette assistance si des garanties sont préalablement données concernant la crédibilité et la transparence des investigations qui ont été conduites jusqu’à présent.


Pour sa part, M. Adelino Mano Queta, Ministre des affaires étrangères de la Guinée-Bissau, a déclaré que, seule, la Guinée-Bissau ne pourrait relever les défis auxquels elle est confrontée.  « Nous traversons une période cruciale, et nous sommes pleinement conscients de ce que les aspirations de notre peuple ne peuvent continuer d’être compromises », a-t-il assuré, reconnaissant que les progrès en matière de consolidation de la démocratie et de l’état de droit ne peuvent plus être continuellement sapés. 


Le Ministre bissau-guinéen a qualifié de « tragédies contraires aux valeurs de son peuple » les incidents de mars 2009 et du 1er avril dernier.  « Nous sommes également d’avis que la réforme des secteurs de la sécurité et de la défense ne peut être reportée, et nous sommes tout aussi conscients de la nécessité pour le pays de se doter d’une armée moderne et républicaine au service de l’établissement de l’état de droit », a-t-il encore affirmé. 


Notant que pour mettre en œuvre les réformes fondamentales, le Gouvernement de son pays a besoin de l’appui international, notamment pour créer une caisse de retraite des militaires, il a plaidé pour l’organisation d’une conférence internationale de haut niveau sur la réforme du secteur de la sécurité.  « Je souhaite également réaffirmer notre détermination à combattre le narcotrafic dans notre pays et dans la sous-région », a-t-il assuré, considérant qu’un appui technique et judiciaire continu était indispensable à cette fin. 


De son côté, la représentante du Brésil, qui préside la formation Guinée-Bissau de la Commission de consolidation de la paix (CCP), Mme Maria Luiza Ribeiro Viotti, a jugé que « l’épisode du 1er avril, malgré ses conséquences troublantes, a eu un aspect positif: il a montré que la population était attachée aux institutions démocratiques de son pays ».


Réagissant aux propos de M. Queta, elle a estimé qu’une lutte efficace contre « le fléau » du trafic de drogues passait « par le fonctionnement des institutions de l’État, en particulier dans les secteurs de la justice et de la sécurité, et par la démonstration d’une volonté politique ferme ».


Mme Ribeiro Viotti a également jugé que les efforts de coopération internationale en vue de consolider la paix ne devaient pas s’appuyer sur les seuls aspects de sécurité.  « Pour que la paix se maintienne, les bases du développement économique et social doivent être renforcées », a-t-elle dit.  « Ce sont la revitalisation de l’économie et les créations d’emplois qui produiront les ressources nécessaires à la prestation de services de base à la population et qui permettront à l’État de leur assurer un fonctionnement durable », a expliqué Mme Ribeiro Viotti.


Selon la Présidente de la formation Guinée-Bissau, la consolidation de la paix ne réussira que si la société et les dirigeants du pays le veulent, et s’ils sont disposés à prendre les décisions difficiles, mais indispensables, pour asseoir la stabilité et jeter les bases de la prospérité.


Dans son exposé, M. Mutaboba a repris la partie du rapport du Secrétaire général indiquant que le Conseil d’administration du FMI a approuvé, le 7 mai, l’octroi d’un montant de 33,3 millions de dollars à débloquer sur trois ans au titre de la Facilité élargie de crédit pour appuyer le programme économique à moyen terme de la Guinée-Bissau. 


« Dans son évaluation de la situation macroéconomique, le Conseil d’administration a souligné que le bilan du pays s’était amélioré au cours des dernières années et que, s’il continue sur cette voie, le pays pourra atteindre, à la fin de 2010, le point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) », a-t-il dit.


Concluant son intervention, le Représentant spécial a répété que le contrôle des forces armées par les autorités nationales civiles était indispensable pour garantir la poursuite du processus de réformes « sur la base de normes internationales acceptables ».


*     S/2010/335


LA SITUATION EN GUINÉE-BISSAU


Rapport du Secrétaire général sur l’évolution de la situation en Guinée-Bissau et les activités du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS) ( S/2010/335)


Dans ce rapport, le Secrétaire général revient sur les conséquences politiques et en matière de sécurité des événements survenus le 1er avril en Guinée-Bissau et évoque le rôle du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS). 


Il rappelle ainsi que le 1er avril dernier, des soldats agissant sur ordre de l’adjoint du chef d’état-major général se sont emparés du quartier général des forces armées et ont détenu pendant quelques heures le Premier Ministre Gomes Júnior.  Le Secrétaire général note qu’il a immédiatement condamné cette action « illégale » et demandé aux dirigeants militaires et politiques du pays de régler leurs différends par des moyens pacifiques, de maintenir l’ordre constitutionnel, et de respecter l’état de droit. 


Il indique que tout au long de la crise, son Représentant spécial a coopéré étroitement avec les dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union africaine et la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), ainsi qu’avec les représentants sur place de l’Union européenne, afin d’aider à empêcher que la situation ne dégénère et de préserver l’ordre constitutionnel.  Le rapport souligne que face aux préoccupations de la communauté internationale, le Président Sanha a entamé des démarches diplomatiques pour assurer la continuité de l’engagement de la communauté internationale dans son pays. 


Dans ce rapport, Ban Ki-moon déplore que depuis les événements du 1er avril, la situation militaire et sécuritaire en Guinée-Bissau soit restée tendue, le chef d’état-major général étant toujours détenu et aucune mesure n’ayant encore été prise par le Procureur général pour permettre sa traduction en justice.  Il relève en outre que, le 8 avril, le Ministère des finances des États-Unis a accusé le chef d’état-major en exercice de l’armée de l’air, le général Ibraima Papa Camara, et le contre-amiral Bubo Na Tchuto de diriger le trafic de drogue.  « Il est vraisemblable que des mesures analogues seront prises contre certains autres membres des forces armées », indique le Secrétaire général, avant de s’inquiéter de ce que cette situation puisse accroître les tensions au sein de l’armée, en particulier si un chef digne de confiance n’est pas nommé.


Concernant la réforme du secteur de la sécurité, le rapport fait savoir que le BINUGBIS a collaboré étroitement avec les principaux acteurs nationaux et internationaux pour renforcer la coordination de l’assistance fournie par les partenaires internationaux.  Le Secrétaire général y indique qu’à cette fin, le Département des opérations de maintien de la paix, à l’appui du BINUGBIS, a présenté aux parties prenantes le concept d’un « tableau de bord » pour synchroniser la réforme du secteur de la sécurité.  « Ce concept vise à renforcer l’efficacité et la performance des organes, comités, commissions ou autres structures analogues chargés de gérer les programmes et projets de réforme du secteur de la sécurité dans le pays », précise le Secrétaire général.


Il note également que le BINUGBIS a entrepris un programme de soutien au Ministère de l’intérieur afin d’établir un processus de contrôle de sécurité des forces de l’ordre, une stratégie en matière d’intégrité et de responsabilité, et un programme de protection des témoins qui sont jugés essentiels pour briser le cycle de l’impunité. 


Le Secrétaire général souligne comme autre initiative, la mise au point, par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), d’un projet d’appui aux programmes en matière d’état de droit.  « Ce projet, doté d’un budget de 5 millions de dollars, facilitera l’accès à la justice et assurera l’interface voulue entre les mécanismes de justice formelle et la justice traditionnelle », indique-t-il.  Il note aussi qu’en avril, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) a entrepris une évaluation du système pénitentiaire bissau-guinéen en vue d’élaborer un programme global de réforme des prisons. 


En matière de consolidation de la paix, le rapport assure que les quatre projets financés par le Fonds pour la consolidation de la paix se poursuivent, à savoir la rénovation des casernes, l’appui aux programmes de formation professionnelle, l’emploi des jeunes, et la remise en état des prisons. 


S’agissant de la situation économique, le rapport indique entre autres que le Conseil d’administration du FMI a approuvé, le 7 mai, l’octroi d’un montant de 33,3 millions de dollars à débloquer sur trois ans au titre de la Facilité élargie de crédit pour appuyer le programme économique à moyen terme de la Guinée-Bissau.  Dans son évaluation de la situation macroéconomique, est-t-il dit, le Conseil d’administration a souligné que le bilan du pays s’était amélioré au cours des dernières années et que, s’il continue sur cette voie, le pays pourra atteindre, à la fin de 2010, le point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE).


Dans ses observations, M. Ban Ki-moon, qui qualifie « la violation sans précédent des locaux des Nations Unies le 1er avril dernier » d’inacceptable, exhorte les autorités nationales bissau-guinéennes à honorer leur obligation de protéger les installations, le personnel et les biens de l’ONU. 


Soulignant que l’influence croissante de la criminalité transnationale dans certains secteurs de l’armée et de l’administration, ainsi que dans l’économie, menace de fragiliser encore plus l’État, il se dit « profondément inquiet d’entendre parler de liens entre le trafic de drogue et les incidents du 1er avril ».


Enfin, réaffirmant que la réforme du secteur de la sécurité est une condition indispensable pour la stabilisation du pays, le Secrétaire général fait part de son intention d’engager les autorités nationales et les partenaires régionaux à étudier les moyens de renforcer la sécurité des dirigeants civils du pays, « par des initiatives spécifiques dans le contexte de l’appui de l’ONU à la réforme du secteur de la défense et de la sécurité ». 


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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