AG/10925

Dialogue interactif de haut niveau: l’eau, enjeu des objectifs du millénaire pour le développement, des changements climatiques, de la paix et de la sécurité

22/03/2010
Assemblée généraleAG/10925
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Assemblée générale

Soixante-quatrième session

Dialogue interactif sur l’eau

Matin & après-midi


D IALOGUE INTERACTIF DE HAUT NIVEAU: L’EAU, ENJEU DES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT, DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES, DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ


L’Assemblée générale dresse un bilan à mi-parcours de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau, source de vie »


Abondante pour les uns, un luxe pour plus d’un milliard d’autres, l’eau est devenue un enjeu des orientations politiques mondiales.  L’Assemblée générale a établi aujourd’hui, à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, un bilan à mi-chemin de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau, source de vie », en examinant plus particulièrement ses liens avec les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), les changements climatiques et les catastrophes, la paix et la sécurité*.


Ces questions ont alimenté un « dialogue interactif de haut niveau » autour de trois tables rondes qui se sont succédé au Siège des Nations Unies, à New York.


Le 21 décembre dernier**, l’Assemblée générale avait en effet invité son Président, M. Ali Abdussalam Treki, à organiser un dialogue interactif de haut niveau consacré à la mise en oeuvre de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau, source de vie », proclamée en décembre 2003***, et ouverte le 22 mars 2005.


Lors de la première table ronde qu’il animait, consacrée aux OMD, l’ancien Ministre suédois des affaires étrangères, M. Jan Eliasson, a ainsi réitéré le geste symbolique qu’il avait effectué en 2005 à la tribune de l’Assemblée générale, qu’il présidait alors, en levant un verre d’eau, « geste naturel » pour un pays comme le sien, a-t-il dit, mais « de luxe » pour de nombreux autres.


Réduire de moitié, d’ici à 2015, la proportion de personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable ou qui n’ont pas les moyens de s’en procurer, est l’un de huit Objectifs du Millénaire pour le développement fixés en 2000 par les États Membres.


« Alors qu’une personne sur six n’a pas accès à l’eau potable, que 2,5 milliards de personnes n’ont pas accès aux services d’assainissement et que des milliers d’enfants continuent de mourir chaque jour de maladies transmises par l’eau qui peuvent être évitées, nous sommes à la traîne dans la mise en œuvre des engagements souscrits dans le cadre des OMD et lors du Sommet mondial sur le développement durable de 2002 », avait déclaré M. Treki, en ouvrant le Dialogue.


La Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, Mme Asha–Rose Migiro, s’est, quant à elle, dite convaincue que les échanges interactifs de cette journée contribueraient à « tracer la voie future en matière de gestion de l’eau ».  « Cette capacité est une condition préalable pour sortir de la pauvreté », a-t-elle souligné, expliquant que la situation était critique dans les pays de l’Afrique subsaharienne, où les femmes, « qui sont pourtant les principaux usagers et gestionnaires de l’eau », sont rarement impliquées dans la prise de décisions en matière de gestion de l’eau.


Pour le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Sha Zukang, « les ressources en eau jouent un rôle central dans la réalisation de tous les objectifs environnementaux, économiques et sociaux des pays ».  « Sans eau, la réalisation des OMD n’est même pas envisageable », a-t-il assuré, demandant notamment aux délégations de réfléchir aux moyens de consolider la coopération entre les 27 entités du système de l’ONU impliquées dans la mise en œuvre de la Décennie.


Le Premier Ministre du Tadjikistan, M. Akil Akilov, dont le pays avait initié l’Année internationale de l'eau douce et de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau, source de vie », a insisté sur la nécessité d’accélérer la mise en œuvre de l’ordre du jour des Nations Unies pour l’eau.  Comme le fait actuellement son pays, il faut lier, a-t-il dit, les politiques de gestion de l’eau aux stratégies nationales de développement et de réduction de la pauvreté.


Le résumé détaillé du Dialogue interactif de haut niveau d’aujourd’hui constituera une contribution importante à la Conférence internationale de haut niveau à Douchanbé, en juin, et au Sommet de septembre sur le suivi des OMD, a souligné M. Treki, dans ses remarques de clôture.


* A/64/694, A/64/695, A/64/692

** A/RES/64/198

*** A/RES/58/217


DIALOGUE INTERACTIF SUR L’EAU – DÉCENNIE INTERNATIONALE D’ACTION SUR LE THÈME « L’EAU, SOURCE DE VIE » (2005-2015)


Déclarations liminaires


M. ALI ABDUSSALAM TREKI, Président de l’Assemblée générale, a souligné que l’eau constituait un thème très important, car l’eau est essentielle à la vie.  C’est une ressource précieuse qui est commune à toute l’humanité et qui concerne tant les générations actuelles que les générations futures.  Les défis sont de taille, a-t-il dit, mais les opportunités et le potentiel du travail commun pour les surmonter le sont tout autant.  À mi-chemin de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau, source de vie », il faut faire le bilan de la situation pour ce qui est de la mise en œuvre des objectifs et des engagements qui ont été adoptés. 


Alors qu’une personne sur six n’a pas accès à l’eau potable, que 2,5 milliards de personnes n’ont pas accès aux services d’assainissement et que des milliers d’enfants continuent de mourir chaque jour de maladies transmises par l’eau qui peuvent être évitées, nous sommes à la traîne dans la mise en œuvre des engagements concernant l’eau potable et l’assainissement, souscrits dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et lors du Sommet mondial sur le développement durable de 2002, a-t-il déclaré.  Il faut être conscient, a-t-il ajouté, de ses impacts sur d’autres objectifs relatifs aux questions de pauvreté, de santé et de durabilité de l’environnement qui seront traitées dans le contexte de l’examen des OMD lors du sommet de septembre prochain.


Le Président de l’Assemblée générale a également souligné que l’eau constituait un facteur crucial dans le débat sur les changements climatiques.  Il a mis l’accent sur le lien entre les catastrophes naturelles, leurs séquelles et l’eau, ainsi que l’ont montré les exemples récents des tremblements de terre en Haïti et au Chili.  Pour M. Treki, ce Dialogue interactif donne l’occasion de souligner l’interaction entre l’eau, les changements climatiques, la gestion des catastrophes naturelles et l’engagement proactif de toutes les parties prenantes pour surmonter les défis.


Mme ASHA-ROSE MIGIRO, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, a souligné qu’une « gestion rationnelle et durable de l’eau » était nécessaire pour la croissance économique des pays en développement.  Tous les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), ainsi que la sécurité alimentaire et politique des sociétés, dépendent d’une bonne gestion des ressources hydriques, a-t-elle ajouté.  Convaincue que les échanges interactifs d’aujourd’hui contribueront à tracer la voie future en matière de gestion de l’eau, Mme Migiro a rappelé qu’actuellement 2,6 milliards de personnes, dont la majorité habite dans les zones rurales, n’ont pas accès aux moyens d’assainissement de l’eau.  « Cette capacité, a-t-elle souligné, est une condition préalable pour sortir de la pauvreté ».  Elle a expliqué que la situation était critique dans les pays de l’Afrique subsaharienne, où les femmes, « qui sont pourtant les principaux usagers et gestionnaires de l’eau », sont rarement impliquées dans la prise de décisions en matière de gestion de l’eau. 


Mme Migiro a ensuite indiqué que les changements climatiques rendaient le traitement rationnel et efficace  de l’eau et la préservation des écosystèmes à la fois plus difficile et indispensable.  « Face à l’alternance brutale de sécheresses et d’inondations, nous devons agir ensemble dans un cadre adapté aux nouveaux défis », a-t-elle plaidé, estimant que le renforcement des capacités et de la coopération entre États constituait la meilleure riposte possible aux conflits transfrontaliers attisés par les problèmes d’accès à l’eau.  « Les populations sont liées entre elles par des bassins, et le partage des ressources naturelles doit être la base des échanges entre États concernés », a-t-elle également considéré.  Avant de conclure, Mme Migiro a préconisé de lier les politiques de planification sociale et celles de gestion des eaux pour accélérer, dans les pays vulnérables qui ont des besoins particuliers, la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) touchant à l’eau.


M. AKIL AKILOV, Premier Ministre du Tadjikistan, a affirmé qu’en dépit des progrès enregistrés dans la réalisation d’un certain nombre d’objectifs pour le développement, des retards paralysent celle de la plupart des autres objectifs.  La réduction des ressources d’eau douce causée par les changements climatiques risque de créer des difficultés supplémentaires sur la voie de la réalisation des objectifs pour le développement liés à l’eau internationalement convenus.  Le problème peut aggraver la situation, en particulier dans les régions arides et semi-arides, a-t-il ajouté, notant qu’une gestion efficace des ressources en eau était devenue une question cruciale pour la communauté internationale.  M. Akilov a souligné que la pénurie d’eau potable dans de nombreux pays et de nombreuses régions du monde, la détérioration de la qualité de l’eau, la dégradation des sources d’eau, la croissance démographique excessive, l’impact des changements climatiques et d’autres conséquences négatives avaient exacerbé de façon considérable les problèmes que nous connaissons en matière d’eau.


Le Premier Ministre du Tadjikistan, dont le pays avait initié l’Année internationale de l'eau douce et de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau, source de vie », a souligné qu’il était nécessaire d’accélérer la mise en œuvre de l’ordre du jour des Nations Unies pour l’eau.  Depuis son indépendance, a-t-il rappelé, le Tadjikistan a pris de nombreuses initiatives en faveur de cette ressource, à la fois sur le plan international, le plan régional et le plan national.  Plus de 800 milliards de km3 d’eau douce se sont accumulés dans les glaciers et les lacs du pays, a-t-il dit, précisant que cette quantité représentait plus de la moitié du potentiel d’eau potable d’Asie centrale.  Pourtant, a fait remarquer le Premier Ministre, 40% de la population n’ont pas accès à l’eau potable, en particulier dans les zones rurales.


De l’avis de M. Akilov, il faut lier, comme le fait actuellement son pays, les politiques de gestion de l’eau aux stratégies nationales de développement et de réduction de la pauvreté.  Cette approche intégrée doit, en outre, permettre de contrer les utilisations irrationnelles et non durables des ressources hydrauliques, qui ont conduit à la dégradation de la mère d’Aral, jadis l’une des plus abondantes sources d’eau potable de la Terre, a également souligné le Premier Ministre du Tadjikistan.  M. Akilov a indiqué que la crise concernant la mer d’Aral était en voie d’être résolue, notamment par le biais de mesures de préservation et de réhabilitation des systèmes d’irrigation.  L’amélioration des politiques agricoles, basée sur la réduction de la consommation d’eau des cultures, est également essentielle en vue d’assurer la sécurité alimentaire des peuples de la région, a-t-il expliqué.  Dans le contexte actuel de conjonction de crises, seule une action efficace et coordonnée des pays, de la société civile et du secteur privé permettrait d’atteindre d’ici à 2015 les objectifs de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau, source de vie », a estimé M. Akilov.

M. SHA ZUKANG, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a souligné que, ces dernières années, de la Barbade à la Chine, de l’Éthiopie à l’Australie, les pays, développés et en développement, ont été le témoin des effets dévastateurs des sécheresses.  « Demandez aux fermiers qui ont vu leurs champs de riz se dessécher, leurs élevages décimés par les pénuries d’eau, et vous comprendrez en écoutant leurs réponses ce que signifie « L’eau, source de vie », a ajouté M. Zukang.  « Les ressources en eau jouent un rôle central dans l’atteinte de tous les objectifs environnementaux, sociaux et économiques des pays », a-t-il dit, avant d’affirmer que « sans eau, la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) n’est même pas envisageable ».


La promotion d’une gestion intégrée des ressources en eau, a insisté M. Sha, doit être une action prioritaire des Nations Unies dans le cadre de la mise en œuvre de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau, source de vie ».  Il a expliqué que le PNUD et la Banque mondiale, par exemple, s’étaient associés pour conduire des initiatives visant à renforcer les installations d’assainissement en milieu rural et en milieu urbain.  Au plan national, le Département des affaires économiques et sociales fournit une assistance technique, notamment dans les pays en développement sans littoral, a-t-il poursuivi.  Les commissions économiques régionales de l’ONU ont lancé des programmes de planification stratégique de gestion durable de l’eau, en les liant aux mesures de prévention de catastrophes naturelles, a précisé le Secrétaire général adjoint.  Avant de conclure, il a demandé aux délégations, au cours des débats à venir, de réfléchir aux moyens de consolidation de la coopération entre les 27 entités du système de l’ONU impliquées dans mise en œuvre de la Décennie.


Intervenant par vidéoconférence en direct de Nairobi, au Kenya, où se déroule un dialogue dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale de l’eau, le Prince GUILLAUME-ALEXANDRE des Pays-Bas a réaffirmé que l’objectif en Afrique était d’assainir l’eau.  Il faut, a-t-il dit, prendre des mesures concertées pour traiter l’eau polluée.  Il a préconisé un modèle qui réponde aux besoins réels du XXIe siècle, faisant remarquer que les modèles existants ne sont plus à la hauteur des défis.  Il convient ainsi de construire de nouveaux systèmes pour économiser l’énergie et réduire les coûts adaptés aux conditions locales.  Il faut une révolution de la gestion en eau, a-t-il déclaré, soulignant la nécessité de prendre des engagements concrets.


M. ACHIM STEINER, Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), a indiqué que, dans le cadre des manifestations organisées à Nairobi pour marquer la Journée internationale de l’eau à Nairobi, les participants avaient mis l’accent sur la nécessité, partout où cela est nécessaire, d’améliorer la qualité de l’eau.  Une équipe spéciale de l’ONU va être créée pour examiner cette question et proposer des recommandations aux États Membres, l’enjeu étant de mobiliser les efforts de tous et nous permettre de travailler de manière plus unie, a indiqué M. Steiner.  Insistant sur le thème de la qualité de l’eau, il a expliqué que le déversement en quantités de plus en plus grandes d’eaux usées polluait gravement les océans, au point d’engendrer de « véritables zones désoxygénées condamnées à mort du point de vue environnemental ».


« La dégradation de la santé des populations riveraines et autres usagers de ces zones est une catastrophe sanitaire pour les pays concernés », a-t-il affirmé.  Pour le Directeur exécutif du PNUD, la priorité doit être dans ce contexte de prévenir cette pollution à grande échelle et d’améliorer parallèlement le traitement des eaux polluées.  « Nos débats l’ont confirmé, une riposte est possible grâce aux technologies dont nous disposons », a-t-il assuré.  Plaidant enfin pour une approche intégrée en matière de gestion durable et rationnelle des ressources hydrauliques, M. Steiner a répété que la qualité de l’eau doit être au cœur des actions entreprises dans le cadre de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau, source de vie ».


Table ronde I: « L’eau et les Objectifs du Millénaire pour le développement »


Les participants à cette première table ronde ont notamment examiné les progrès et identifié les retards dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement.  L’eau douce, tout comme l’air, un des éléments naturels essentiels aussi bien à la vie humaine et à la civilisation qu’à la faune, à la flore et aux écosystèmes, fait en effet l’objet de nombreux accords internationaux et régionaux et objectifs de développement convenus à l’échelle internationale.


Déclarations liminaires


M. JAN ELIASSON, Président de la soixantième session de l’Assemblée générale et ancien Ministre suédois des affaires étrangères, qui animait cette première table ronde, a assuré que l’eau et l’assainissement constituaient un problème urgent.  « Il faut se concentrer, a-t-il dit, sur les problèmes pour lesquels nous avons des solutions, et appliquer ces solutions ».  Selon M. Eliasson, il reste beaucoup à faire pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en général, et en particulier le septième d’entre eux qui concerne l’eau, et qui vise à réduire de moitié la proportion de personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable ou qui n’ont pas les moyens de s’en procurer.  « Il ne faut pas être trop pessimistes », a-t-il dit, notant que des progrès avaient été accomplis.  Il a néanmoins fait état de grandes différences régionales et estimé que la mise en œuvre était loin d’être satisfaisante.  En 2023, au rythme actuel, on arrivera peut-être à avoir de l’eau potable en Afrique australe, a-t-il dit.


M. Eliasson s’est également demandé pourquoi l’assainissement n’était pas considéré comme un sujet sérieux.  Aujourd’hui, a-t-il fait remarquer, 40% de l’humanité ne disposent pas de conditions d’assainissement décentes et il y a plus de personnes en Afrique australe qui meurent des causes de cette lacune que du VIH/sida ou du paludisme réunis.  L’eau et l’assainissement sont reliés, dans la pratique, à tous les autres objectifs du Millénaire, a-t-il souligné.  Les problèmes liés à l’eau représentent une tragédie humanitaire et un affront pour la dignité humaine, a-t-il déclaré.  Il faut, a estimé M. Eliasson, mieux s’organiser pour traiter les problèmes d’eau et d’assainissement.  C’est pourquoi, il est nécessaire de mobiliser le secteur privé, les organisations non gouvernementales, les chercheurs et les universités.  Il faut assurer un meilleur partage du travail, a-t-il ajouté, précisant qu’il convenait d’accorder une large part de l’aide au développement aux activités liées à l’eau.  M. Eliasson a réitéré le geste qu’il avait effectué à la tribune de l’Assemblée générale en levant un verre d’eau, signe naturel pour des pays comme le sien, a-t-il dit, mais de luxe pour de nombreux autres.


Mme BUYELWA PATIENCE SONJICA, Ministre de l’eau et des affaires environnementales de l’Afrique du Sud et Présidente du Conseil des ministres africains de l’eau, a affirmé que la crise de l’eau en Afrique ainsi que les questions qui lui sont rattachées étaient aujourd’hui reconnues comme des problèmes importants.  Elle a rappelé que 340 millions d’Africains n’avaient pas accès à l’eau potable et que 580 millions étaient privés des services d’assainissement de base.  De même, elle a souligné l’inégalité qui existe entre les populations urbaines et les populations rurales.  Sept habitants des campagnes sur 10 n’ont pas accès à des services sanitaires décents, a-t-elle expliqué.  Mme Sonjica a fait état des progrès réalisés dans son pays en matière d’eau potable et d’assainissement.  Elle a affirmé que la plupart des problèmes étaient liés au manque d’infrastructures en eau et au manque de financement, ainsi qu’à l’absence de mécanismes de gouvernance et d’institutions judiciaires.  La Ministre a, en outre, mis l’accent sur l’impact des changements climatiques sur les ressources en eau.  Cette situation, a-t-elle ajouté, a été exacerbée par la crise économique.  C’est pourquoi, il faut agir, a-t-elle dit.  « Il y a beaucoup de théories mais la mise en œuvre laisse à désirer », a-t-elle regretté.  Mme Sonjica a également jugé important de se concentrer sur la durabilité des projets mis en œuvre.  Il faut, selon elle, augmenter la formation et renforcer les capacités.  Les bailleurs de fonds doivent, pour leur part, prendre des mesures visant à atteindre les objectifs fixés en matière d’aide au développement.


M. MOHAMED MIJARUL QUAYES, Secrétaire des affaires étrangères du Bangladesh, a en particulier mis l’accent sur les menaces posées par l’eau.  Il a ainsi pris l’exemple des Maldives qui, a-t-il dit, seront touchées à 100% par l’augmentation du niveau de la mer.  Le Bangladesh lui-même ne sera pas épargné, a-t-il prévenu, indiquant que 20% des zones côtières du pays seront affectées par ce phénomène, provoquant ainsi le déplacement de 20 millions de personnes.  Il a également cité les cas du Bhoutan et du Népal où les glaciers sont sur le point d’éclater.  M. Quayes a estimé qu’il y avait un impératif moral à prendre des engagements.


M. RICHARD GRAINIER, du Groupe Hestian Environnement, organisation non gouvernementale spécialisée sur les questions de l’eau, a affirmé que celle-ci était prête à entrer en partenariat avec les Nations Unies et les autres parties pertinentes pour la réalisation des OMD.  Indiquant que son organisation était un des principaux sponsors de la Journée mondiale de l’eau, il a estimé en particulier que le succès commercial était indivisible de la santé publique et de l’environnement.  Il a également mentionné la dimension des droits de l’homme.


Dialogue interactif


Le représentant de l’Espagne, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne, a mis l’accent sur le lien qui existe entre l’eau et les droits de l’homme en général et les droits de la personne en particulier, se félicitant notamment qu’une experte indépendante en la matière ait été désignée au sein du Conseil des droits de l’homme.  L’eau et l’assainissement sont indispensables à la dignité humaine dans le monde entier, a-t-il dit.  Il a affirmé que l’Union européenne participait entièrement à la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau, source de vie », considérant qu’il s’agissait d’un élément important de l’action.  L’Union européenne, a-t-il ajouté, est prête à jouer un rôle primordial dans ce domaine.  Il a expliqué que le Fonds de l’Union européenne pour l’eau était, par exemple, destiné aux États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP).  Il existe aussi plusieurs programmes dans divers États membres de l’Union européenne, notamment en Espagne.  Le représentant a préconisé une plus grande collaboration au niveau mondial et souligné la nécessité de concentrer les investissements sur les pays qui en ont le plus besoin, en particulier ceux qui sont encore loin de réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement, les plus vulnérables et les plus démunis.


Au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique, la déléguée de Nauru a notamment plaidé pour une action urgente de la communauté internationale pour faire face aux effets dévastateurs des changements climatiques, en particulier dans les pays insulaires en développement.  Elle a exhorté tous les pays à ne pas répéter ce qui s’est passé à Copenhague, en décembre 2009, mais à travailler de manière inclusive et productive en vue de parvenir à un accord contraignant lors de la Conférence sur les changements climatiques, qui se tiendra au Mexique, à la fin de l’année.


Au nom du Groupe des États africains, son homologue de la Guinée, a affirmé que l’eau était la clef du développement durable en Afrique, soulignant à cet égard les difficultés des personnes vivant en milieu rural.  Il a expliqué que nombre de pays africains avaient pris des mesures pour s’acquitter des engagements en vue d’assurer le développement durable.  L’approvisionnement en eau est essentiel pour éliminer la pauvreté, a-t-il ajouté, notant le manque de moyens dont disposent les pays africains pour atteindre leurs objectifs.  Il a, en outre, mis l’accent sur les iniquités en matière d’affectation des ressources et préconisé de faire de l’eau et de l’assainissement une priorité des pays donateurs.  Il a, par ailleurs, plaidé en faveur d’un renforcement à tous les niveaux de partenariats en vue d’accélérer les progrès en matière de réalisation des OMD.


Le représentant du Canada, qui s’exprimait également au nom de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande (CANZ), a, quant à lui, jugé essentiel de bien gérer et exploiter les ressources en eau pour réaliser les OMD et atteindre les autres repères définis à l’échelle internationale dans ce domaine.  Il a indiqué que l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada aidaient les populations les plus pauvres des pays en développement à obtenir l’accès à une eau potable saine et à des services d’assainissement de base grâce à une meilleure planification de la gestion de l’eau à l’échelle des pays et des régions, à des pratiques durables de gestion des bassins versants et à des projets d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement.


Le représentant du Népal, au nom des pays les moins avancés (PMA), a estimé que l’aide et les investissements étaient essentiels pour l’amélioration et la promotion d’un accès simple à l’eau et à l’assainissement et la production hydroélectrique.  De même, les Nations Unies devraient jouer un rôle important dans le domaine de l’échange des recherches techniques et scientifiques, tandis que le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et d’autres institutions des Nations Unies, les commissions régionales et les institutions financières internationales devraient jouer un rôle de soutien en faveur dans la gestion efficace, de la préservation et de l’utilisation de l’eau dans les pays les moins avancés.


Les représentants de la Bolivie, de l’Australie, au nom du Forum des îles du Pacifique, de la Colombie, de la Fédération de Russie et du Venezuela se sont également exprimés.


Table ronde II: L’eau, les changements climatiques et les catastrophes


Les participants à la deuxième table ronde ont démontré à quel point l’eau servait de lien fondamental entre le système climatique, la société humaine et l’environnement.  L’eau est le principal vecteur facilitant les effets des changements climatiques sur les écosystèmes terrestres et, par conséquent, les moyens d’existence et le bien-être des populations.

Déclarations liminaires


M. JORGE JURADO, Secrétaire national de l’eau, Ministre et membre du Cabinet présidentiel de l’Équateur, qui animait le débat, a expliqué que son propre pays avait opéré un véritable « saut qualitatif en matière de gestion de l’eau » au cours de ces dernières années, la Constitution équatorienne considérant par exemple que l’eau est un bien d’utilité publique et stratégique.  « L’Équateur est le premier pays du monde à reconnaître l’accès à l’eau comme un droit fondamental, ce qui signifie également que chacun est responsable de son utilisation rationnelle et durable », a-t-il expliqué.


Il a ensuite considéré que la gestion durable de l’eau, par le biais de systèmes d’irrigation installés sur tout le territoire, était le moyen le plus efficace pour assurer la sécurité alimentaire.  « L’Équateur a pris des décisions souveraines qui peuvent servir d’exemples », a ajouté M. Jurado, qui a jugé que les questions relatives à l’eau « ne peuvent pas être réglées de manière ponctuelle, en fonction des urgences ».  Il a ainsi plaidé pour une utilisation équitable des ressources en eau reposant sur une gestion intégrée qui tienne compte des cycles hydrologiques.


« Il incombe à tous de ne pas perturber ces cycles.  C’est aussi une solution technique », a-t-il ajouté, concluant que le respect de la nature était le meilleur moyen d’empêcher les pénuries d’eau et de participer collectivement aux efforts de développement à la fois au plan national et au plan international.


M. ABDELAZIZ ABDELKEBIR ZAHOUD, Secrétaire d’État pour l’environnement et l’eau, Ministère de l’environnement, de l’eau, des mines et de l’énergie du Maroc, a, pour sa part, reconnu que les changements climatiques étaient une réalité aux conséquences souvent dramatiques sur le développement des pays les plus vulnérables.  « La réaction doit être urgente car chaque retard ne fait qu’accroître la vulnérabilité de ces pays », a-t-il dit.


« Le Maroc participe, dans ce cadre, aux initiatives internationales de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et il est en pointe dans le perfectionnement de l’énergie solaire », a expliqué M. Zahoud.  Il a indiqué que le Maroc s’était fixé pour objectif à moyen terme de parvenir à la production de 40% de son énergie par des moyens « verts ».  Il a également souligné l’apport indispensable des bailleurs de fonds pour appuyer la construction de barrages protégeant non seulement des inondations mais aussi des répercussions néfastes des sécheresses sur l’agriculture.


« Le Roi du Maroc souhaite mettre en place une nouvelle stratégie de développement économique qui soit respectueuse de l’environnement et qui nous permettra de nous adapter plus efficacement aux changements climatiques, en particulier dans le domaine agricole », a également indiqué l’intervenant.


Pour le Maroc, « une approche intégrée en matière de gestion durable de l’eau doit prévaloir, comporter une dimension sociale et s’appuyer sur le rôle des pays développés, qui ont pris l’engagement d’aider technologiquement les pays pauvres à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement d’ici à 2015 ».

M. SALVANO BRICENO, Directeur de la Stratégie internationale des Nations Unies pour la prévention des catastrophes (UNISDR), a, quant à lui, déclaré que les risques naturels n’étaient pas la cause principale des catastrophes.  « C’est d’abord le manque de cohérence dans la prévention des risques qui transforme un risque naturel en catastrophe », a-t-il dit.  M. Briceno a ainsi préconisé de répondre aux défis des changements climatiques en réduisant la vulnérabilité des communautés les plus exposées à la dégradation des écosystèmes et à l’insécurité alimentaire.  « Dans l’immédiat, il faut renforcer le niveau d’adaptation des pays aux nouveaux périls liés en partie à l’eau », a-t-il suggéré.  Les États, a-t-il dit, doivent, pour ce faire, lier dans leurs stratégies nationales les actions devant être prises en matière de climat et celles destinées à réduire les risques de catastrophes naturelles.  Il a plaidé pour un rapprochement institutionnel en vue d’unifier et de planifier plus efficacement les mesures gouvernementales en matière d’eau, de climat et de prévention des risques.


Mme BARBARA FROST, Chef exécutif de WaterAid, une ONG active dans des régions parmi les plus pauvres du monde, a évoqué les ravages causés par les pénuries d’eau pure et potable et de sanitaires en Afrique subsaharienne.  « Le manque d’eau contamine et rend malade, et pour aller chercher de l’eau potable les femmes doivent marcher plusieurs heures par jour, parfois au péril de leur vie ».  « Le manque de services d’assainissement et sanitaires complique de manière considérable la situation en matière de santé.  À ce jour, 2,6 milliards de personnes n’ont pas accès à des toilettes », a fait remarquer Mme Frost.  Cependant, grâce à des programmes menés conjointement avec les gouvernements et l’ONU, la mortalité infantile en raison de pénuries d’eau avait baissé dans les pays de la région considérée.


« Cette année encore, WaterAid va organiser la plus longue file d’attente devant des toilettes », a ensuite indiqué Mme Frost.  « Du Ghana à Paris, les gens vont s’unir pour attirer l’attention sur une situation intenable au XXIe siècle », a-t-elle lancé.  « Il faut que cesse l’inacceptable.  Chaque jour, a-t-elle rappelé, 4 000 enfants meurent de diarrhée et autres maladies infectieuses véhiculées par l’eau ».


Elle a plaidé pour le renforcement de la coopération internationale afin de « changer la vie de centaines de millions de personnes, dont une majorité de femmes et d’enfants».  « 2010 est une année critique, l’occasion aussi pour la société civile de faire entendre sa voix à mi-parcours de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau, source de vie » et 10 ans après les engagements pris en faveur de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement », a encore déclaré M. Frost.  Elle a conclu en appelant toutes les parties prenantes à investir en faveur de l’accès à l’eau et aux services d’assainissement, en sachant, comme l’estime l’OMS, qu’un système d’assainissement amélioré génère 9 dollars de bénéfice pour 1 dollar dépensé.


Dialogue interactif


La représentante de l’Argentine a indiqué que son pays liait gestion durable de l’eau, prévention des catastrophes et développement.  La prise de mesures d’adaptation doit être basée sur la connaissance et le respect des cycles hydrologiques, a-t-elle dit, en plaidant pour un rapprochement productif des décideurs politiques et de la communauté des chercheurs.

« Ensemble, nous devons établir des politiques appropriées, au moment où se négocie le régime juridique sur les changements climatiques qui succèdera au Protocole de Kyoto », a souligné la représentante.  Elle a, par ailleurs, estimé que la souveraineté des États qui partagent des eaux transfrontières avec d’autres pays, devrait être respectée dans le cadre d’accords régissant l’utilisation équitable et rationnelle des ressources naturelles de ces zones.  L’exploitation de ces ressources doit être l’occasion de rapprocher les pays et non de les opposer, a-t-elle déclaré.


Pour le représentant de Cuba, il est évident que l’objectif de réduire de moitié avant 2015 le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’eau potable ne pourra pas être tenu.  « Pire encore, si nous ne prenons pas des mesures d’urgence, à l’arrivée, davantage de populations seront touchées », a-t-il ajouté. « Même si l’Amérique latine est riche en ressources en eau, le manque d’infrastructures fait qu’environ 800 millions de personnes souffrent d’une pénurie d’eau potable, une situation aggravée par les conséquences des changements climatiques », a indiqué le délégué de Cuba.  Poursuivant, il a souligné que les pays en développement avaient d’abord besoin d’équipements techniques.


« Le transfert de technologies n’est possible qu’à travers une coopération internationale accrue et dénuée d’arrière-pensées, qui s’effectuerait grâce à des mécanismes de financement qui ne soient pas soumis aux exigences du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale ».  « Annulons d’abord la dette extérieure des pays pauvres et rééquilibrons les conditions des échanges commerciaux, et c’est ensuite que nous pourrons relever les défis brûlants que posent les changements climatiques et la sécurité alimentaire », a ensuite lancé le représentant.  Avant de conclure, il a plaidé pour l’adoption d’une résolution de l’Assemblée générale reconnaissant que l’accès à l’eau potable est un droit fondamental, « une notion que certains pays continuent de rejeter ».


Les délégations ont réagi aux interventions des panélistes en reconnaissant de nouveau que l’engagement, pris il y a 10 ans de réduire de moitié, d’ici à 2015, le nombre de personnes n’ayant pas un accès durable à l’eau potable et à des services d’assainissement de base, ne pourrait être tenu.  Plusieurs intervenants, dont les représentants du Mexique et de la Jamahiriya arabe libyenne, ont estimé que le contexte actuel, marqué par les répercussions dévastatrices des changements climatiques, exigeait qu’il faudrait faire de l’accès à l’eau un droit fondamental de toute personne et intensifier la coopération internationale en matière d’accès à l’eau potable dans l’intérêt du plus grand nombre.  Le développement d’un mécanisme de dialogue multipartite et d’une « diplomatie en faveur de l’eau » a été évoqué en vue d’harmoniser les différentes positions sur les questions de la gestion durable de l’eau.  « L’eau doit être synonyme de paix, d’hygiène et de développement, et non pas de conflits, de pauvreté et de maladies », ont rappelé les intervenants.


Le représentant du Sénégal a estimé que le financement des grands ouvrages dans le domaine de l’eau ne pouvait plus reposer « essentiellement sur l’aide publique au développement (APD) ».  « Les défis auxquels nous sommes confrontés sont d’une ampleur telle, notamment dans les zones rurales, que nous devons explorer des voies innovantes impliquant, aux côtés des gouvernements, la société civile, les ONG et le secteur privé », a-t-il ajouté.  Le représentant a préconisé que les partenaires du développement, « y compris les entreprises », adhérent aux principes du Pacte mondial en matière de dépollution.  « Outre les considérations d’ordre moral qui peuvent sensibiliser aux actions entreprises dans le cadre de la

Décennie internationale sur le thème « L’eau, source de vie », nous devons maximiser le retour d’investissements potentiels dans ce domaine pour attirer de nouveaux bailleurs de fonds », a préconisé le représentant.


De leur côté, les petits États insulaires en développement, représentés par le délégué de Saint-Vincent-et-les Grenadines, ont exhorté les États à faire preuve de volonté politique.  « Ceux-ci doivent parvenir à un accord juridiquement contraignant sur le climat pour dépasser les timides arrangements conclus à Copenhague », a souligné le représentant.  Constatant que les peuples de la région, « n’ont ni les capacités financières ni les moyens techniques pour répondre de manière indépendante aux effets dévastateurs des changements climatiques » sur leur développement économique social, le représentant a indiqué que la sécheresse qui frappe actuellement son pays commençait déjà d’assécher les rivières et de présenter de sérieux risques pour les récoltes.


Dans leurs remarques de clôture, les panélistes ont notamment appuyé certaines délégations en se ralliant à la recommandation du Secrétaire général (A/64/695), selon laquelle le monde politique doit donner à la question de l’eau la place centrale qui lui revient dans les plans nationaux de développement axés sur la gestion des ressources en eau.


Table ronde III: « L’eau, la paix et la sécurité »


Dans un rapport dont était saisie l’Assemblée générale pour les besoins de cette table ronde, le Secrétaire général rappelle que les eaux transfrontières constituent une ressource importante pour des millions d’êtres humains et font naître des interdépendances sécuritaires, environnementales, politiques et socioéconomiques.  Les bassins versants transfrontières couvrent ainsi plus de 40% des terres émergées.


L’utilisation raisonnable et équitable des ressources en eau transfrontières est donc un problème majeur pour la paix et la sécurité dans le monde, et la répartition de l’eau entre les régions particulièrement difficile pour les pays des zones arides ou semi-arides.  Jusqu’à présent, la coopération l’a nettement emporté sur le conflit en ce concerne les eaux partagées mais, souligne le rapport, si l’on veut préserver cet équilibre dans le monde de demain, qui sera marqué par les conséquences des changements climatiques, par la croissance démographique et par un développement économique plus intense, il faudra faire davantage.  Cette table ronde, modérée par M. Mahmoud Abu-Zeid, Président du Conseil arabe de l’eau et ancien Ministre de l’irrigation et des ressources hydrauliques de l’Égypte, a été l’occasion de faire le point sur les initiatives qui pourraient être lancées en ce sens.


Déclarations liminaires


M. JOAO GOMES CRAVINHO, Secrétaire d’État aux affaires étrangères et à la coopération du Portugal, a rappelé que l’accès à l’eau devrait être considéré comme un droit fondamental.  Comme les ressources deviennent de plus en plus rares –près de deux millions de personnes étant privées d’eau potable-, il est devenu indispensable de réaffirmer le caractère fondamental de ce droit.  Celui-ci ne peut être dissocié des conséquences des changements climatiques, a-t-il souligné, estimant que les mesures d’adaptation aux changements climatiques doivent inclure des projets liés à l’eau.  Dans ce contexte, les pays devraient envisager d’adopter une vision intégrée de la gestion des ressources en eau, renforçant la résilience des systèmes vulnérables et allant au-delà des positions actuelles.  Ceci implique une coordination des politiques concernant les terres et les eaux, entre l’industrie, l’agriculture, l’infrastructure de l’approvisionnement en eau, la navigation et les autres secteurs relatifs à l’eau, a-t-il fait observer.  Par ailleurs, une coopération transfrontière efficace est la condition sine qua non d’une meilleure gestion des ressources en eau au niveau national, dans le respect des principes de la gestion internationale des ressources en eau, qui soit capable de surmonter les obstacles fréquemment rencontrés, à savoir des mandats contradictoires, une autorité fragmentée et la capacité limitée des institutions locales.  C’est pourquoi, il est nécessaire de continuer à renforcer les capacités nationale et locale, a souligné le panéliste en conclusion.


M. JAN KUBIS, Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE) et Coordonnateur des commissions régionales, a expliqué que les causes profondes des tensions entre les pays étaient souvent la pénurie d’eau, la construction de barrages, le prélèvement d’eau, la pollution chronique ou accidentelle de l’eau par l’industrie et le mépris ou le refus des dispositions des traités.  Aussi, a-t-il assuré qu’il faudrait favoriser la coopération pour prévenir l’émergence de conflits.  À cette fin, la Commission a encouragé les pays ne l’ayant pas encore fait à ratifier la Convention des Nations Unies de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation, et les pays européens à ratifier la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux et ses amendements.  La Convention de 1997, a expliqué le panéliste, représente un cadre juridique qui régit la coopération entre les États en matière d’utilisation des cours d’eau internationaux.  Bien qu’elle ne soit pas encore entrée en vigueur, ses principes fondamentaux –l’utilisation équitable et raisonnable des cours d’eau et l’obligation de ne pas causer de dommage– sont devenus des éléments constitutifs du droit international coutumier, a noté le Secrétaire exécutif de la CEE.  Là où il n’existe pas encore d’accords concernant des eaux superficielles et souterraines transfrontières entre tous les pays riverains, il faudrait conclure de tels accords prévoyant une « structure institutionnelle permanente de coopération », a suggéré M. Kubis.


M. OLCAY UNVER, Coordonnateur du Programme mondial pour l’évaluation des ressources en eau à l’UNESCO, a rappelé qu’il y a à peine cinq ans, personne ne se souciait des problèmes d’eau qui se posent aujourd’hui au Soudan, en Somalie, en Haïti ou au Kazakhstan et menacent la sécurité de ces pays.  En mars 2000 pourtant, l’UNESCO avait annoncé la création d’un programme à l’échelle du système des Nations Unies, que M. Unver coordonne aujourd’hui: le Programme mondial pour l’évaluation des ressources en eau (WWAP), qui est le programme phare de l’ONU-eau.  Le WWAP s’intéresse aux questions liées à l’eau douce en vue de fournir des recommandations, de développer des études de cas, d’améliorer la capacité d’évaluation à l’échelle nationale et d’infléchir les processus décisionnels.  Évoquant la gravité des problèmes qui se poseront à l’avenir en raison de la combinaison des changements climatiques, des besoins alimentaires, de la croissance démographique et de l’augmentation des problèmes d’eau, il a souligné l’importance de mettre en place une « bonne gouvernance » de l’eau, sur la base d’une coopération internationale, régionale et sous-régionale.


Dialogue interactif


La représentante du Brésil a appelé à des solutions adaptées aux situations et spécificités régionales en améliorant les mécanismes de coopération et de coexistence pacifique dans le domaine de la gestion des eaux transfrontières.  La meilleure façon d’assurer la sécurité est d’assurer le développement, a-t-elle dit, en rappelant que l’utilisation des ressources en eau était étroitement liée à la notion de droit au développement.  Elle a regretté que les exposés présentés n’aient pas insisté davantage sur les expériences des pays d’Amérique du Sud, en se référant par exemple aux traités qu’ils ont conclus et qui sont des exemples de l’utilisation coordonnée et rationnelle des bassins régionaux.  S’agissant de la réalisation des OMD dans le domaine de l’eau, elle a salué la proposition du Tadjikistan de déclarer 2012, l’année mondiale de la diplomatie en faveur de l’eau en souhaitant que l’on adopte dans les deux ans à venir un plan d’action mondial de l’eau avec des objectifs liés à l’accès à l’eau et à l’assainissement.  Elle a rappelé qu’une partie du territoire du Brésil était semi-aride (nord-est).


Le représentant de l’Italie a salué l’importance de cette réunion avant la conférence internationale de juin 2010 à Douchanbé sur la gestion des eaux internationales.  Il a cité en exemple la coopération entre l’Asie centrale et l’Union européenne en matière de gestion de l’eau, en précisant que l’Italie présidait la stratégie européenne de coopération avec l’Asie centrale en matière d’eau et d’environnement.  Il a indiqué que les réunions d’Ashkabat en 2008 et de Rome en décembre 2009 ont abouti à l’adoption d’une plate-forme sur l’eau et l’environnement.  L’Europe veut créer un nouveau groupe de travail Europe-Asie centrale sur la gouvernance environnementale et les changements climatiques, a-t-il ajouté.


L’accès à l’eau est à la base du développement, mais il représente aussi une garantie de sécurité, a rappelé le représentant du Tadjikistan.  Il a souligné les difficultés de son pays en termes de production d’électricité, en expliquant que de nombreuses zones du pays n’ont parfois de l’électricité que deux ou trois heures par jour.  Il a rappelé que les glaciers du Tadjikistan ont perdu un tiers de leur volume au XXe siècle, alors que la croissance démographique a un impact considérable sur la consommation d’eau.  Il a rappelé que la sécurité d’un pays ne pouvait être assurée au détriment de celle d’un autre.  C’est pourquoi, a-t-il dit, il faut une solution équilibrée d’accès aux énergies et à la gestion de l’eau.


Le représentant de la Turquie a indiqué que son pays avait renforcé ses capacités institutionnelles et techniques pour la gestion de l’eau.  Il a précisé que la Turquie avait accueilli le cinquième Forum international sur l’eau, en mars 2009.  Ce Forum, a-t-il précisé, a rassemblé 25 000 personnes, 165 délégations d’États Membres de l’ONU dont 19 ministres.  Il a précisé que ce Forum d’Istanbul a été l’occasion de mettre l’accent sur les liens entre la production d’aliments, la lutte contre la faim et l’accès à l’eau.  Le représentant a aussi mis l’accent sur la nécessité d’inclure l’eau dans toutes les négociations sur les changements climatiques.  Les questions liées à l’eau ont des incidences sociales et politiques, a-t-il ajouté, en mettant l’accent sur la nécessité d’établir une coopération efficace pour répondre aux défis de la gestion transfrontalière des ressources en eau.


Réagissant à cette série d’observations et commentaires, M. GOMES CRAVINHO a appuyé la proposition de mise en place d’un plan mondial d’accès à l’eau avec un mécanisme adéquat de coopération.  M. KUBIS a mis l’accent sur les exemples efficaces de coopération qui existent à travers le monde en matière de gestion transfrontalière des ressources en eau.  Pour sa part, M. UNVER a déclaré que le Rapport mondial de l’ONU sur la mise en valeur des ressources en eau montrait que même s’il y avait des risques de conflit, la coopération était la norme plutôt que l’exception en matière de gestion transfrontalière des ressources en eau.

Dans ses remarques de clôture, M. ALI ABDUSSALAM TREKI, Président de l’Assemblée générale, a indiqué que le débat d’aujourd’hui avait permis de réaffirmer que l’eau était un élément central de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).  L’accès à l’eau potable et aux services d’assainissement est une condition indispensable pour sortir les gens de la pauvreté, pour la promotion de l’égalité entre les sexes, pour réduire la mortalité infantile et accroître la santé maternelle.  De même, une gestion durable des ressources en eau est essentielle pour garantir la croissance économique et préserver les écosystèmes, a-t-il ajouté.  L’amélioration des systèmes de gestion des ressources en eau aidera les pays, a-t-il estimé, à s’adapter aux défis des changements climatiques.  Les expériences passées confirment qu’il est possible pour les parties ayant des intérêts divergents d’utiliser une ressource commune dans un esprit coopératif, a également fait observer M. Treki.  Le défi mondial auquel la communauté internationale est confronté, a-t-il souligné, doit être traité grâce à une responsabilité mondiale, que ce soit au niveau local, national, régional ou international.  Le Président de l’Assemblée générale a mis l’accent sur la nécessité d’engager les gouvernements, le secteur privé, les organisations non gouvernementales et toutes les parties prenantes pour renforcer les partenariats existants et créer de nouveaux partenariats là où ils sont nécessaires.  Le résumé détaillé du Dialogue interactif de haut niveau d’aujourd’hui constituera une contribution importante à la Conférence internationale de haut niveau qui se tiendra à Douchanbé (Tadjikistan), en juin, et au Sommet de septembre sur le suivi des Objectifs du Millénaire pour le développement au Siège de l’ONU à New York, a conclu M. Treki.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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