CS/9304

DARFOUR: LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ENTEND DEUX EXPOSÉS DÉCRIVANT UNE SITUATION TOUJOURS AUSSI ALARMANTE ET INSTABLE

22/04/08
Conseil de sécuritéCS/9304
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Conseil de sécurité

5872e séance – matin


DARFOUR: LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ENTEND DEUX EXPOSÉS DÉCRIVANT UNE SITUATION TOUJOURS AUSSI ALARMANTE ET INSTABLE


Le Représentant spécial conjoint de l’Union-africaine et des Nations Unies, M. Rodolphe Adada, et le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. John Holmes, ont tous deux décrit, ce matin, devant le Conseil de sécurité, une situation instable au Darfour sur les plans sécuritaire et humanitaire. 


Quatre ans après que le Conseil de sécurité ait été saisi pour la première fois de cette question, on estime que des 6 millions de personnes vivant au Darfour, 4,27 millions ont été gravement affectées par le conflit, 2,45 millions déplacées et 260 000 réfugiées dans des pays voisins, a souligné M. Holmes.


La situation humanitaire est encore plus sombre qu’il y a un an, a-t-il fait remarquer, en rappelant que depuis le début 2008, 100 000 personnes supplémentaires avaient été forcées à fuir.  La situation continue d’être marquée par l’insécurité, l’impunité et l’absence de l’état de droit, a-t-il précisé, soulignant les nombreux abus des droits de l’homme qui se poursuivent.  Le Secrétaire général adjoint s’est dit très préoccupé par la violence sexuelle, qui a augmenté en particulier au cours de ces deux derniers mois au Darfour-Ouest. 


M. Holmes a aussi fait part de la violence constante que subit la communauté humanitaire, rappelant que depuis le début de l’année, 106 véhicules avaient été attaqués, 46 locaux avaient été pris d’assaut et six travailleurs humanitaires avaient été tués.  Cela menace les efforts d’assistance à un moment où de nombreux indicateurs humanitaires s’aggravent, a-t-il regretté.  C’est pourquoi, le Programme alimentaire mondial (PAM) est contraint de réduire ses distributions alimentaires le mois prochain, ce qui, outre les difficultés de la saison des pluies, pourrait faire doubler le nombre d’enfants souffrant de malnutrition aiguë.


Face aux souffrances de la population du Darfour, le Conseil de sécurité a décidé que l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies (MINUAD) serve de principal outil pour protéger les civils, a pour sa part rappelé M. Adada.  Il reste encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir déclarer que nous avons réalisé la promesse faite par le Conseil, a-t-il fait observer. 


Trois mois après le transfert de l’autorité de la Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS) à la MINUAD, le déploiement de cette dernière n’a même pas atteint, à ce jour, 40% de ses effectifs.  Soulignant les conditions particulièrement difficiles dans lesquelles la MINUAD travaille*, il a indiqué

qu’il était peu probable que la Force hybride atteigne sa pleine capacité opérationnelle avant 2009.  Malgré tous nos efforts, la Force de la MINUAD ne dépasse pas celle de la Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS) à la fin du mois de décembre 2007, a-t-il regretté.


M. Adada a indiqué que les questions de logistique et d’ingénierie opérationnelle dicteraient le taux futur de déploiement des unités.  Il a également noté que la Mission mettait la dernière main à une liste de mesures d’urgence visant à assurer ce déploiement, précisant cependant que leur mise en œuvre dépendrait de la coopération sans entrave de toutes les parties.  Le Représentant spécial a aussi rappelé que la MINUAD manquait de capacités des domaines clefs tels que les hélicoptères d’attaque, la surveillance aérienne, le génie militaire et le soutien logistique. 


Sur le front politique, a indiqué le Représentant spécial, la MINUAD continue à pousser pour une solution politique complète au conflit.  « Toutefois, a-t-il dit, je crains que les chances d’aboutissement du processus de paix au Darfour soient très minces. »  Il a argué qu’il était généralement entendu, au Darfour, que la paix n’est attrayante ni économiquement, ni politiquement.  Par ailleurs, il a constaté que les conflits au Darfour et au Tchad étaient maintenant étroitement liés et qu’il était difficile d’envisager une solution à l’un sans résoudre l’autre. 


Dans ce contexte, M. Adada a averti que l’accueil chaleureux qu’a reçu la MINUAD pourrait rapidement se traduire par des frustrations parmi la population du Darfour. 


Ce Conseil a invariablement déclaré qu’il considérait le Darfour comme une des crises les plus importantes à l’heure actuelle, et je l’appelle à nouveau à redoubler ses efforts pour que la Mission puisse surmonter les obstacles logistiques et politiques auxquels elle est confrontée, a-t-il déclaré. 


Enfin, M. Adada a également fait lecture d’un message des Envoyés spéciaux pour le Darfour, Salim Ahmed Salim et Jan Eliasson, faisant part de leurs activités et consultations pour faire avancer le processus politique au Darfour.  Ceux-ci ont indiqué que la MINUAD ne pourrait s’acquitter de son mandat s’il n’y a pas de paix à maintenir et estimé que les perspectives de pourparlers dans un avenir proche n’étaient guère favorables.


* Rapport du Secrétaire général publié sous la cote S/2008/196


Rapport du Secrétaire général sur le déploiement de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (S/2008/249 )


Ce rapport porte sur la période allant de janvier à mars »2008.  Il rend compte des progrès dans la mise en place de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) et du déroulement du processus politique, conformément au paragraphe »21 de la résolution »1769 (2007) du Conseil de sécurité, par lequel ce dernier a prié le Secrétaire général de lui rendre compte tous les 90 jours de la situation au Darfour. 


Le Secrétaire général se dit « extrêmement déçu » par l’absence de progrès sur tous les fronts que connaissent les efforts déployés pour tenter de trouver une solution à la situation au Darfour.  Il estime que les parties semblent toujours résolument en faveur d’une solution militaire, que « le processus politique est au point mort », que le déploiement de la MINUAD progresse très lentement et se heurte toujours à de nombreux problèmes, et que la situation humanitaire ne s’améliore pas.


En effet, dans ce document, le Secrétaire général note que la situation sur le plan de la sécurité au Darfour reste extrêmement instable, que la MINUAD a été attaquée, le 7 »janvier, presque immédiatement après la passation des pouvoirs de la Mission des Nations Unies au Soudan (MUAS) à la MINUAD, le 31 décembre.  Il constate aussi que les opérations militaires menées par les Forces armées soudanaises et les milices dans le couloir nord du Darfour-Ouest au cours des trois premiers mois de 2008 ont fait des dizaines de morts parmi les civils et, selon les estimations, provoqué le déplacement de 60 000 personnes.  Il précise que les conséquences des conditions actuelles de sécurité sont graves pour la population du Darfour et entravent la possibilité qu’ont les organisations humanitaires de fournir à la population civile l’aide dont elle a cruellement besoin. 


Au 26 mars, poursuit ce rapport, l’effectif total de la MINUAD était d’environ 10 600 personnes.  De plus, la Force manque toujours d’un certain nombre de moyens cruciaux: trois unités dotées d’hélicoptères de transport moyen, une unité de reconnaissance aérienne, une unité de transport lourd et une unité autonome logistique multirôle.  Le Secrétaire général demande une nouvelle fois aux États Membres de s’engager à fournir à la MINUAD les moyens dont elle a besoin ou d’amener à le faire ceux qui le pourraient.


Tout en considérant comme un progrès la signature de l’Accord sur le statut de la Force entre la MINUAD et le Gouvernement soudanais, le 9 février, le Secrétaire général estime que le fait qu’une complète liberté de mouvement n’ait pas été accordée à la MINUAD, en particulier dans les régions du Darfour-Ouest où la violence est permanente, montre qu’il est nécessaire que toutes les parties, notamment le Gouvernement et le Mouvement pour la justice et l’égalité, coopèrent pleinement avec la MINUAD et respectent tant l’esprit que la lettre des dispositions de l’Accord sur le statut de la Force.


Selon le Secrétaire général, le principal obstacle au Darfour est l’absence de volonté politique de toutes les parties de rechercher une solution pacifique à la crise.  Si les deux camps avaient pu trouver la volonté nécessaire et accepter de mettre fin aux hostilités, de coopérer au déploiement de la MINUAD, de collaborer sincèrement avec les Envoyés spéciaux en vue d’entamer des négociations de fond et de s’engager à protéger les civils, nous aurions déjà constaté des progrès considérables vers une solution durable, affirme-t-il.


Le rapport souligne que le recours à la force militaire par les parties a relégué au second plan le processus politique et créé un climat qui rend les perspectives de négociation encore plus lointaines.  Indépendamment des souffrances injustifiables que ces combats infligent à la population civile, poursuit le Secrétaire général, la violence persistante montre bien que les parties ne sont pas disposées à mettre fin à ce conflit par la voie du dialogue.  Il demande donc à toutes les parties qu’elles s’engagent sans attendre à mettre fin aux hostilités et entament sérieusement le processus politique conduit par les Envoyés spéciaux.


Enfin, le Secrétaire général constate les tensions qui sont apparues entre le Tchad et le Soudan et, notamment l’incident du 3 mars 2008, au cours duquel les Forces armées soudanaises ont tiré sur un véhicule de la Force de l’Union européenne qui était passé par erreur du Tchad dans le Darfour-Ouest causant la mort d’un soldat français.  À cet égard, il accueille avec satisfaction l’Accord auquel sont parvenus, le 13 mars 2008, à Dakar, les Présidents Déby et al‑Bachir, visant à normaliser les relations entre les deux pays et de s’employer à empêcher que ne se produisent de nouveaux actes de violence.  Toutefois, il estime que la lettre du 27 mars 2008, adressée par le Soudan au Président du Conseil de sécurité (S/2008/212), et qui soutient que le Tchad a déjà violé l’Accord de Dakar, est un signe inquiétant du climat de méfiance qui existe entre les deux pays.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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