FEM/1640

LES EXPERTS DU COMITÉ CEDAW ENCOURAGENT LE BRÉSIL À POURSUIVRE SES EFFORTS EN ASSURANT UNE APPLICATION EFFICACE ET GÉNÉRALISÉE DE SES LOIS EN FAVEUR DES FEMMES

25/07/2007
Assemblée généraleFEM/1640
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Comité pour l’élimination de la discrimination

à l’égard des femmes

Trente-neuvième session

Chambre B - 795 & 796e séances – matin & après-midi


LES EXPERTS DU COMITÉ CEDAW ENCOURAGENT LE BRÉSIL À POURSUIVRE SES EFFORTS EN ASSURANT UNE APPLICATION EFFICACE ET GÉNÉRALISÉE DE SES LOIS EN FAVEUR DES FEMMES


Malgré les efforts et réformes entrepris par le Gouvernement brésilien, les experts du Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes se sont déclarés préoccupés par l’application inégale des lois et politiques en faveur des femmes sur l’ensemble du territoire, la persistance des stéréotypes et le fort taux de mortalité maternelle, après avoir entendu la présentation du sixième rapport périodique du Brésil.


La délégation du Brésil, conduite par Mme Nilcea Freira, Ministre au Secrétariat spécial chargé des politiques de la femme (SPM), a présenté les mesures prises par son pays pour promouvoir l’égalité des sexes et les droits de la femme, conformément à la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes qu’il a ratifiée avec des réserves le 31 mars 1981.  Le Brésil a également ratifié en 2002 le Protocole facultatif qui permet aux femmes ou à des groupes de femmes de porter plainte auprès du Comité pour des violations de leurs droits, après avoir épuisé tous les recours sur le plan national.  


Au cours d’un dialogue interactif, les experts ont félicité le Gouvernement brésilien pour les efforts consentis depuis la dernière présentation de ses rapports périodiques et pour les engagements politiques pris dans le cadre de réformes et programmes en faveur des femmes.  Mme Nilcea Freira a fait part des amendements à la législation en vigueur et des nouvelles politiques nationales en faveur des femmes, qui représentent aujourd’hui près de la moitié de la population totale du Brésil, soit près de 100 millions de personnes.  Elle a en particulier fait référence au Plan national des politiques en faveur des femmes ou à la promulgation de la loi Maria da Penha relative à la violence familiale.


Toutefois, les membres du Comité se sont particulièrement inquiétés de lacunes au niveau de l’application de la Convention et des politiques nationales, compte tenu de la complexité de la structure fédérale du pays.  Mme Regina Tavares da Silva, experte du Portugal, a à cet égard constaté que les mesures prises ne couvraient pas l’ensemble du pays et que le budget consacré à leur mise en œuvre demeurait faible tandis que Mme Meriem Belmihoub-Zerdani, experte de l’Algérie, a, quant à elle, constaté avec regret que les États fédérés n’accordaient pas la même importance à la Convention, en dépit de sa ratification par le Gouvernement fédéral et la primauté des traités sur les lois nationales.  Plusieurs experts, parmi lesquels Mme Fumiko Saïga, experte du Japon, se sont notamment étonnés du mécanisme de « contrôle social », système de suivi et de contrôle d’application des politiques par la société civile en cas de carence des autorités compétentes.  

Les experts ont en ce sens encouragé le Gouvernement brésilien à remédier à ce manque d’application au plus vite.  Ils lui ont en outre suggéré de mettre en place des campagnes de sensibilisation auprès de la population et des magistrats de même que des mécanismes de vérification d’application des lois.


Les experts ont également déploré le manque de données précises pour évaluer l’efficacité des politiques mises en place et remédier à la persistance des stéréotypes au sein de la société brésilienne qui encouragent la violence à l’égard des femmes et les enferment dans des rôles traditionnels.  Plusieurs d’entre eux, à l’instar de Mme Xiaoqiao Zou, experte de la Chine, ont noté la sous-représentation des femmes dans l’administration et les instances politiques. En effet, malgré l’existence d’un système de quotas, les femmes ne représentent que 8,6% des membres.  De même, en dépit des programmes d’autonomisation des femmes et d’éducation mis en œuvre par le Gouvernement brésilien, le revenu moyen des femmes ayant au moins 4 ans d’enseignement supérieur représente 86% du salaire des hommes.  Face à ce manque de progrès dans ce domaine, les experts ont demandé au Brésil de s’imposer comme un modèle pour les autres États de la région et d’accorder aux femmes la place qui leur revient, notamment aux postes de responsabilités. Ils ont également mis l’accent sur la nécessité de fournir des données statistiques récentes et ventilées par sexe et par race dans les domaines de l’emploi, de l’éducation et de la santé.


Malgré les efforts déployés par le Brésil pour améliorer la santé sexuelle et reproductive des femmes, les experts ont jugé le taux élevé de mortalité maternelle gravement préoccupant.  Les mesures adoptées par le Gouvernement brésilien en la matière devraient s’appliquer sans discrimination à toutes les régions du pays, ont rappelé certains experts.  L’avortement constitue la quatrième cause de décès des femmes, un taux qui peut être encore plus élevé dans certaines régions du Brésil.  Répondant à l’appel des experts en faveur de la dépénalisation de l’avortement, la délégation a indiqué qu’un projet de loi sur le sujet était actuellement examiné par le Parlement.


Le Comité, réuni en chambre B, examinera demain, jeudi 26 juillet à 10 heures, les deuxième et troisième rapports périodiques du Liechtenstein.


Pour de plus amples informations, veuillez consulter le site du CEDAW: www.un.org/womenwatch/daw/cedaw.


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES: RAPPORT DU GROUPE DE TRAVAIL PRÉSESSION


Sixième rapport périodique du Brésil ( CEDAW/C/BRA/6)


Déclaration liminaire


Mme NILCEA FREIRA, Ministre au Secrétariat spécial chargé des politiques de la femme (SPM), présentant le sixième rapport périodique du Brésil, a déclaré que son gouvernement accordait une importance particulière à la réalisation des politiques en faveur des femmes afin de lutter contre toutes les formes de discrimination fondées sur le sexe, la race, l’orientation sexuelle et l’âge. Depuis la présentation de son dernier rapport en 2003, le Brésil a connu des changements importants sur le plan juridique et dans l’élaboration de ses politiques sociales en faveur des femmes, a indiqué la Ministre, citant en particulier le Plan national des politiques en faveur des femmes, lancé en décembre 2004 au cours de la première conférence nationale sur la politique de la femme.


Le plan pluriannuel pour la période 2008-2011 qui en résulte affirme la nécessité de lutter contre les inégalités entre les sexes et les races et vise à donner une cohérence aux actions du secteur public grâce à la mise en place d’une stratégie de développement et de réduction des inégalités sociales et régionales. Il s’articule autour de trois piliers, à savoir la citoyenneté et la mise en place des droits civiques des femmes, la prévention et la lutte contre la violence à leur égard et la promotion de la dimension sexospécifique dans les politiques nationales.  Elle a également indiqué que la seconde Conférence nationale de la politique de la femme se tiendrait du 17 au 20 août prochains et aura pour objectif d’étudier les possibilités d’amélioration du Plan national.  Elle s’est félicitée du dynamisme de la société civile qui a contribué à instaurer un dialogue constructif avec le Gouvernement.


Sur le plan législatif, Mme Freira a fait part de l’adoption de lois importantes concernant la promotion et la défense des droits des femmes, qui au total représentent 11 décrets, 4 amendements constitutionnels et 18 lois.  Ces mesures législatives et réglementaires portent notamment sur la lutte contre les discriminations à l’égard des femmes dans les médias.  Certaines de ces mesures ont permis d’établir des mécanismes de prévention contre la violence familiale et domestique.  Elle a particulièrement souligné la promulgation de la loi Maria da Penha, qui prévoit des mécanismes de défense des femmes contre la violence au foyer.  Cette loi envisage d’autre part la création de tribunaux spéciaux pour juger ce type de délit, reconnaît le caractère potentiellement très dangereux de la violence conjugale et prévoit des mesures de protection et d’assistance immédiate aux femmes.


S’agissant de la représentation des femmes dans la sphère politique,

Mme Freira a reconnu qu’il s’agissait d’un domaine où il restait beaucoup à faire.  Les femmes sont en effet toujours sous-représentées au Parlement, où elles ne représentent que 8,6% des membres, mais également au sein de la magistrature. C’est pourquoi, cette question sera l’une des priorités de la seconde Conférence nationale, a-t-elle fait valoir.


Elle a fait remarquer qu’aucune mesure ne peut être considérée comme complète si une action n’est pas menée directement en faveur des enfants.  C’est pourquoi, dans le domaine de l’éducation, le Brésil a établi un Programme pour la diversité et la parité à l’école en 2006 afin de former et sensibiliser les enseignants aux questions de parité entre les sexes et les races.  Dans le domaine de l’emploi, elle a notamment souligné la reconduction en 2006 du Programme pour l’équité entre les sexes dont l’objectif est de promouvoir l’égalité des chances. Dans le domaine de la santé, l’une des priorités du pays, la Ministre a mis l’accent sur l’action du Gouvernement dans le domaine de la santé reproductive et de la lutte contre la propagation du virus du VIH/sida.  L’objectif du programme de planification familiale auquel ont adhéré les 27 États fédérés est de réduire la proportion des avortements clandestins et des grossesses non désirées grâce à des campagnes de sensibilisation et d’information et à la réduction des prix des contraceptifs, a-t-elle ajouté.  Le Gouvernement a adopté un Plan national, élaboré avec la participation de la société civile, en vue de lutter contre le trafic des personnes, en particulier des femmes et des enfants, les abus et l’exploitation.  Une ligne téléphonique gratuite a été établie pour signaler tout abus contre les enfants, dont le taux a triplé au cours des quatre dernières années.


Pour venir en aide aux femmes rurales, le Secrétariat spécial de la politique de la femme, en partenariat avec le Ministère pour le développement agraire, a élaboré un programme sur les femmes rurales actives.  En 2005-2006, 25,58% de ces femmes ont accèdé au microcrédit.


Dialogue avec les experts


Questions portant sur les articles 1 à 6


M. CORNELIS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, a relevé qu’en 2003, le Comité avait recommandé au Gouvernement brésilien la création d’un mécanisme de vérification de l’application de la Convention à tous les niveaux.  Or, aucun mécanisme de cette nature n’a été créé mais le Secrétariat spécial de la politique de la femme et le Conseil d’État s’occupent de ce rôle.  Comment l’uniformité des résultats peut être assurée et, compte tenu de la structure fédérale du Brésil, que peut faire le Gouvernement fédéral quand un gouvernement local n’applique pas la Convention?  Vous ne mentionnez pas non plus le rôle que peut jouer le système judicaire dans le suivi de la Convention qui peut être invoquée devant des tribunaux.  Le Brésil, a-t-il aussi relevé, a ratifié le Protocole facultatif.  Pouvez-vous nous donner des exemples d’affaires dans le cadre desquelles la Convention a été invoquée.  M. Flinterman a aussi prévenu la délégation que les termes « équité et égalité » qu’elle emploie indifféremment ne signifiaient pas la même chose.  Il a demandé à la délégation ce qu’elle entendait par équité et si l’égalité en était l’objectif final.  L’expert a aussi appelé l’attention de la délégation sur le phénomène des doubles discriminations en raison de l’appartenance au sexe féminin mais aussi à une ethnie. 


Mme REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, a félicité le Gouvernement brésilien pour les efforts consentis depuis la dernière présentation de ses rapports périodiques et pour les engagements politiques exprimés par le biais des réformes politiques mais aussi des programmes et mesures en place.  Toutefois,  ces mécanismes ne couvrent pas l’ensemble du pays et leurs ressources semblent faibles.  L’experte a souhaité en savoir plus sur leur mode de fonctionnement.  Le Pacte pour la réduction des décès néonataux par exemple, a-t-elle fait observer, se heurte à des résistances.  Quel est l’engagement politique des structures du pouvoir décentralisé?  Quel est l’articulation de tous ces programmes et politiques?  Elle a aussi demandé pourquoi le terme « équité » était employé.


Mme FUMIKO SAÏGA, experte du Japon, s’est-elle aussi félicitée des efforts qui ont permis de mettre en œuvre des mécanismes de surveillance au niveau des États fédérés et du Gouvernement central tout en disant avoir du mal à comprendre quelle était l’articulation des prérogatives de chaque organe, notamment les Conseils d’État locaux.


Mme DUBRAVKA ŠIMONOVIĆ, Présidente du Comitéet experte de la Croatie, a demandé quelle était la place des traités internationaux dans le droit brésilien et quelles ont été les mesures prises pour sensibiliser les cours et tribunaux au texte de la Convention.  Quels sont les mécanismes établis pour suivre l’application des dispositions de la Convention?  Qu’avez-vous fait pour sensibiliser les femmes à leurs droits afin qu’elles puissent avoir recours au Protocole facultatif? 


Répondant à cette série de questions, la délégation a expliqué que le rôle du Secrétariat des politiques pour les femmes est de définir des politiques stratégiques dont la mise en œuvre est assurée de manière décentralisée.  Si les autorités locales décident de ne pas appliquer les politiques de l’État, un « contrôle social » sera assuré par le biais de la société civile qui interviendra.  Le Secrétariat spécial dispose d’une politique nationale de la femme.  Il s’agit d’un document comprenant 199 actions que 11 ministères et trois secrétariats spéciaux se sont engagés à appliquer en signant un Pacte.  Cette politique nationale de la femme prévoit un mécanisme de surveillance et d’évaluation.  À ce jour, 24 États fédérés sur 26 ont signé le Pacte pour la mise en œuvre de la politique nationale de la femme.  La délégation a par ailleurs expliqué que le débat a fait jour au Brésil parmi les acteurs concernés par la notion d’équité et d’égalité, ce qui explique que ces deux termes soient employés  dans le rapport.  Elle a toutefois convenu que l’égalité devait être l’objectif final.  Au sujet de la notion de double discrimination, elle a expliqué que des mesures spécifiques sont prises en faveur des femmes issues de minorités comme par exemple les femmes d’ascendance africaine.


Mme DORCAS COKER-APPIAH, experte du Ghana, a félicité le Gouvernement brésilien pour son adoption de la loi Maria da Penha qui comprend, selon elle, des dispositions très complètes pour prévenir la violence, punir les auteurs et instaurer des mécanismes judiciaires spécifiques.  Elle a toutefois fait remarquer que cette loi ne pouvait être utile que si les victimes en avaient connaissance.  Comprenant qu’une loi fédérale n’était pas automatiquement adoptée par tous les États fédérés, elle a demandé combien d’États fédérés avaient adopté la loi Maria da Penha et s’est interrogée sur les moyens facilitant l’application de cette loi.  Elle a à cet égard recommandé la mise en place de mécanismes de contrôle.  Intervenant par ailleurs sur la question de la traite des personnes, elle a demandé des précisions sur les efforts entrepris par le Gouvernement brésilien pour lutter contre les exclusions sociales et la pauvreté qui rendent les femmes particulièrement vulnérables.


Mme MARY SHANTHI DAIRIAM, experte de la Malaisie, a demandé s’il existait des campagnes de sensibilisation sur la loi Maria da Penha et des mesures spéciales de collecte de données qui permettraient de juger l’ampleur des progrès réalisés depuis son adoption.


Répondant aux questions des expertes sur la loi Maria da Penha, la délégation en a rappelé la complexité.  Si la loi fédérale doit être adoptée par les États fédérés, certains aspects de cette loi doivent être adaptés au niveau national, a-t-elle précisé.  S’agissant des mécanismes de contrôle, elle a indiqué que le Gouvernement brésilien avait fait le choix de sélectionner un projet, élaboré par des femmes expertes de la question de la violence familiale, pour suivre son application.  Elle a également indiqué que des bureaux du défenseur public avaient été mis en place pour fournir des services de défense, notamment aux femmes victimes de violence.  Elle a ajouté que des campagnes de sensibilisation avaient été menées dans la presse et qu’une ligne d’appel gratuite avait été mise en place pour fournir aux femmes des informations sur leurs droits.  Un secrétariat créé en vertu de la loi Maria da Penha a été créé pour soutenir des projets visant à lutter contre la violence, notamment pour la formation de personnel au sein des centres de santé.


Pour ce qui est de la collecte de données, la délégation a informé qu’un système de statistiques national avait été créé en 2003 et recueillait des données quantitatives sur le nombre d’agressions mais également sur le profil des agresseurs et des victimes afin de mieux comprendre la nature des crimes et adopter des mesures préventives, comme les campagnes de sensibilisation.


S’agissant de la lutte contre la pauvreté, la délégation a indiqué que le Brésil était l’un des pays les plus actifs en la matière et a rappelé que 60% des femmes dans le monde vivaient en dessous du seuil de pauvreté, situation à laquelle n’échappe pas le Brésil.  C’est la raison pour laquelle, avec un taux de 37% des chefs de famille femmes, le Gouvernement brésilien a mis en place des politiques visant à donner des moyens aux femmes, afin qu’elles deviennent des acteurs du changement de la société.


Concernant la traite et l’exploitation sexuelle des femmes au Brésil, la délégation a indiqué que le Gouvernement avait mis en place une équipe spéciale chargée de la question.  Son action porte sur la prévention en mettant en place des programmes visant à fournir une aide alimentaire et des documents d’identité aux femmes afin de réduire leur vulnérabilité.  Parmi les mesures prises par le Gouvernement, la délégation a notamment indiqué que 6 300 agents de la sécurité publique avaient spécialement été formés à ces questions pour lutter contre la traite aux niveaux fédéral et national et des centres de police spéciaux avaient été créés.


Répondant aux préoccupations soulevées par les experts sur la situation des femmes incarcérées, la délégation a reconnu qu’une attention particulière devait leur être portée et a fait part de l’existence d’actions menées au niveau national dans les domaines sanitaire et éducatif.


Mme XIAOQIAO ZOU, experte de la Chine, a relevé qu’une loi adoptée en 2004 prévoyait l’adoption d’un système de quotas, notant cependant que le nombre de femmes dans la vie politique est encore très faible.  C’est bien d’adopter une telle loi mais faut-il encore qu’elle soit appliquée.  Quelles sont les mesures concrètes prises par le Gouvernement brésilien pour accroître la participation des femmes à la vie politique du pays et que faites-vous pour veiller à ce que les personnes de diverses origines ethniques jouissent des mêmes droits pour participer à la vie publique et politique? 


Mme MAGALYS AROCHA DOMINGUEZ, experte de Cuba, a dit ne pas comprendre pourquoi le Brésil, vaste pays qui dispose du mouvement social et féministe le plus actif de toute l’Amérique latine, ne dispose pas de plus de femmes à des postes de direction dans l’administration et dans les institutions politiques.  Elle a aussi demandé ce qui était fait pour que les femmes autochtones aient accès à la vie politique et publique du pays.  Elle a aussi relevé que peu de femmes occupent des postes importants sur la scène internationale.


Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, a invité le Gouvernement à faire preuve de davantage de volonté politique pour que les Brésiliennes jouissent de leurs droits civils, sociaux et économiques.  Reconnaissant la complexité de la structure administrative et politique décentralisée du pays, elle a toutefois pressé le Gouvernement de faire plus en faveur de ses citoyennes.  Nous vous demandons à nouveau de consentir un effort important pour qu’à la prochaine session le Brésil s’impose comme un modèle pour les autres États de la région.  Il faut que les femmes soient présentes dans toutes les instances de prise de décisions.  Aujourd’hui, le Brésil doit accorder la place qui revient aux Brésiliennes.


Répondant à ces commentaires, la délégation a expliqué que son gouvernement actuel corrigeait des années de négligence et d’abandon.  S’agissant des mesures temporaires spéciales, elle a dit qu’un projet de loi sur les quotas est en cours d’examen.  Malheureusement, a-t-elle aussi expliqué, le processus électoral repose sur un système de vote nominal, précisant qu’un débat était en cours sur cette question.  Une loi nationale prévoit le financement public des crèches et garderies et nous espérons que cette initiative contribuera aux efforts de promotion des femmes dans la vie publique.  Nous espérons aussi que les autorités locales appuieront les mécanismes qui visent à accorder plus de temps aux femmes.  


L’expert des Pays-Bas s’est dit préoccupé par la nature du système judiciaire brésilien, rappelant que la responsabilité du système judiciaire revenait au Gouvernement.  Il a voulu connaître les mesures prises par le Gouvernement pour déterminer la place de la Convention dans le droit interne.  Il s’est par ailleurs interrogé sur les moyens mis à la disposition des femmes pour faciliter leur accès à la justice en cas de violation de leurs droits.


L’experte du Japon a pour sa part demandé des éclaircissements sur le mécanisme de suivi de l’application des lois, constatant que si le Gouvernement local ne s’acquittait pas de ses obligations en vertu des lois en faveur des femmes, il revenait à la société civile d’agir.


L’experte du Portugal a, quant à elle, voulu connaître la proportion des femmes dans les universités et notamment celles issues de groupes minoritaires.  Félicitant la délégation pour la structure du Secrétariat spécial de la politique de la femme, elle a demandé s’il disposait d’un budget à la hauteur de ses fonctions et quelle était sa part dans le budget national. 


En réponse à ces questions, la délégation a indiqué qu’il existait dans le pays une branche exécutive et une branche judiciaire dont les compétences ne sont pas subordonnées à l’une ou à l’autre.  S’agissant du contrôle de l’application des politiques, le Gouvernement brésilien assure le suivi de toutes les politiques fédérales, a-t-elle assuré, citant à titre d’exemple la création de services de police pour assister les femmes victimes de violence au foyer.  Toutefois, une fois la politique gouvernementale lancée, le Gouvernement fédéral ne peut contraindre les États fédérés à la mettre en place, en créant notamment ces services d’assistance de la police, a-t-elle déclaré.  Il peut néanmoins encourager les États à le faire, en les aidant financièrement par exemple, a-t-elle expliqué.  Le Gouvernement ne peut tout contrôler, a-t-elle fait remarquer, soulignant qu’il revient également à la société civile de suivre ces questions, a-t-elle ajouté.


Dans les universités, a précisé la délégation, le nombre des femmes de descendance africaine est supérieur à celui des hommes de même origine et, d’une manière générale, les effectifs d’étudiants comptent davantage de femmes. 


Répondant aux questions sur le budget du Secrétariat, elle a indiqué que celui-ci recevait des crédits de plus en plus importants.  Toutefois, elle a rappelé que le mandat du Secrétariat spécial n’était pas d’appliquer directement les politiques, mais de coordonner les politiques relatives à la parité entre les sexes et à la promotion des femmes dans les différents ministères.


Intervenant de nouveau, l’experte de l’Algérie, a constaté que le Brésil avait ratifié plusieurs conventions telles que la Convention CEDAW.  Elle a toutefois demandé à la délégation d’expliquer pourquoi la Convention n’avait pas la même place dans tous les États fédérés, malgré sa ratification par le Gouvernement fédéral et la primauté des traités sur les lois nationales.


Sur ce point, la délégation a affirmé que la Convention CEDAW ou toute autre convention, lorsqu’elle est ratifiée par le Parlement, devenait une loi ordinaire.  Les obligations internationales ne se placent pas au-dessus de la Constitution mais à un niveau infraconstitutionnel, a-t-elle expliqué.


Questions portant sur les articles 10 à 16


Intervenant sur l’application de l’article de 10 relatif à l’éducation, l’expert des Pays-Bas a demandé si des délais avaient été fixés pour la réalisation des programmes relatifs à la promotion des femmes dans les universités et quels étaient les résultats de ces programmes.  Il a de plus tenu à connaître la proportion des femmes d’origine africaine dans l’enseignement supérieur et les intentions du Gouvernement brésilien pour encourager celles-ci à faire des études supérieures.


L’experte du Japon a, pour sa part, demandé si le Gouvernement envisageait de prendre des mesures visant à encourager les femmes à choisir des domaines peu conventionnels.  S’agissant de l’éducation primaire, l’experte a demandé des données chiffrées sur le taux de scolarisation et le taux d’abandon scolaire des garçons et des filles et des informations sur les mesures prises par le Gouvernement pour remédier au problème de l’abandon scolaire.


En réponse à ces questions sur l’éducation, la délégation a fait savoir qu’elle disposait de statistiques récentes, ventilées par sexe et recueillies par le Ministère de l’éducation.  Elle a par ailleurs indiqué que le projet de loi relatif à l’application de système de quotas par race n’avait pas encore été promulgué.  Toutefois, certaines universités ont mis en place des systèmes analogues de leur propre chef, a-t-elle fait savoir.  S’agissant plus spécifiquement des femmes d’origine africaine de plus de 40 ans, le Gouvernement a mis en place un programme d’alphabétisation, a-t-elle ajouté, avec pour objectif de réduire l’analphabétisme de 15%.  L’action gouvernementale se concentre principalement sur la modification et la destruction des stéréotypes qui accordent des rôles prédéterminés aux femmes et aux hommes, a-t-elle indiqué.  L’objectif de cette action est de permettre aux hommes et aux femmes de choisir les études et la carrière de leur choix tout en s’assurant des débouchés.


Se penchant à présent sur l’article 11 relatif à l’emploi, l’experte la Chine a constaté que malgré un niveau d’éducation plus élevé, les femmes connaissaient toujours de plus grandes difficultés que les hommes à trouver un emploi.  Malgré la mise en place de programmes de lutte contre les discriminations sur le lieu de travail et d’autonomisation des femmes, l’écart salarial entre les hommes et les femmes reste de 38% et les femmes continuent de souffrir de discrimination, a-t-elle regretté.  C’est pourquoi, elle a demandé des informations complémentaires sur la mise en œuvre des programmes en la matière et

en particulier sur les résultats obtenus par le Comité tripartite sur les questions sexospécifiques.  Elle a également demandé si le Brésil a promulgué des lois pour lutter contre le harcèlement sexuel et sanctionner les auteurs de tels actes.


Intervenant à son tour, Mme RUTH HELPERIN-KADDARI, experte d’Israël, a estimé que les programmes mis en œuvre dans le domaine de l’emploi étaient impressionnants.  Elle a cependant regretté que la délégation n’ait pu donner des indications précises sur les résultats obtenus.  Elle a en outre voulu des précisions sur les mécanismes mis à disposition des femmes victimes de discriminations sur le lieu de travail. Elle a aussi demandé des indications supplémentaires sur la nouvelle législation visant à protéger les employés domestiques.


L’experte de la Malaisie a indiqué que le Brésil était un pays riche et que le problème portait sur le partage des richesses.  Quel est le processus qui vous permet d’obtenir une cohésion entre les divers programmes et mécanismes en faveur des femmes mais également des groupes les plus vulnérables comme les femmes autochtones, d’origine africaine ou les femmes pauvres? 


En réponse à cette série de questions, la délégation a indiqué que le plafond de verre existait toujours même si les femmes ont obtenu un meilleur niveau d’éducation.  Elles tendent encore à occuper des postes moins prestigieux et moins importants que les hommes.  En 2005, le revenu moyen des femmes ayant au moins 4 ans d’enseignement supérieur représentait 86% du salaire des hommes.  Huit millions de femmes travaillent comme employées de maison rémunérées et la majorité d’entre elles sont des femmes de couleur. Seulement 25% de ces travailleuses rémunérées sont déclarées.  Elle a cité le programme pour l’égalité qui, après avoir été mis en place dans le secteur public, s’applique désormais au secteur privé.  Il s’agit d’un programme fédéral coordonné par le Secrétariat pour l’égalité entre les races qui a pour mandat d’appliquer les mesures pour la réduction de la pauvreté en faveur des descendants d’esclaves, des autochtones, des Noirs et autres groupes de population vulnérables.  De grands efforts ont été consentis pour renforcer ces programmes et élargir leur portée, compte tenu de la dimension géographique importante du Brésil.  Mais il existe encore de nombreux préjugés machistes qui freinent la mise en œuvre de la Convention et renforcent les discriminations à l’égard des femmes.


L’experte de Cuba a reconnu les efforts déployés par le Brésil pour améliorer la santé sexuelle et reproductive des femmes.  Toutefois, l’avortement est la quatrième cause du décès des femmes, un taux qui est encore plus élevé dans certaines régions du pays.  Elle a aussi relevé un taux élevé de curetages qui sont pratiqués à la suite d’avortements clandestins.  Elle a demandé confirmation des rapports faisant état d’un projet de loi légalisant l’avortement.


L’experte du Portugal a aussi dit que le taux élevé de mortalité maternelle était un grave problème.  Elle s’est demandée si cette question n’était pas considérée comme peu importante par les décideurs politiques.  Elle a voulu savoir si le pays disposait de programmes d’information sur la santé sexuelle à l’attention des jeunes filles et garçons.  L’experte de la Malaisie a rappelé que depuis la dernière prestation du Brésil devant le Comité CEDAW, le Gouvernement s’était fixé pour objectif de faire baisser de 15% le taux de mortalité maternelle.  Pourquoi certaines politiques comme le Pacte national visant à réduire les taux de mortalité maternelle ne sont pas imposées à tous les États du pays?  Quelle est votre approche pour réduire ce phénomène? Est-ce que toutes les

méthodes de planification familiale sont accessibles à toutes les couches de la population et quelles sont les méthodes auxquelles les femmes recourent le plus?  L’experte de la Croatie a engagé le Brésil à dépénaliser l’avortement et à s’inspirer de la recommandation générale 24 du Comité.


En réponse aux questions des experts sur la santé, la délégation a indiqué que les services de santé étaient fournis indépendamment du statut des personnes et que l’action du pays en matière sanitaire était mise en place aux niveaux gouvernemental, national et municipal.


En dépit des efforts entrepris par le Gouvernement pour réduire la mortalité maternelle, la délégation a reconnu que les résultats attendus n’avaient pas été obtenus.  Toutefois, les statistiques de 2005-2006 indiquent une stabilité, voire une légère baisse du taux de mortalité, a-t-elle fait remarquer.  Expliquant le manque de statistiques par un manque d’accès aux données réelles, elle a indiqué que le nombre de municipalités à même d’analyser les causes des décès avait triplé, ce qui va permettre au Gouvernement d’ajuster son action.  Elle a par ailleurs déclaré que 47% des femmes brésiliennes utilisaient des méthodes contraceptives.  À cet égard, elle a assuré que le Gouvernement brésilien était déterminé à renforcer les politiques de planification familiale et à rendre disponibles les méthodes contraceptives au niveau de l’ensemble des municipalités.  Concernant les adolescentes et l’éducation sexuelle, le Gouvernement adopte une approche qui associe prudence et tact.  Il mène en ce sens des actions de sensibilisation auprès du personnel enseignant et des actions d’éducation pour les adolescents afin de faire prendre conscience de l’intérêt de reporter à plus tard une grossesse.  Des mesures plus spécifiques telles que l’installation de distributeurs de préservatifs dans les établissements sont également prises, a-t-elle ajouté.


Sur le thème de l’avortement, la délégation a indiqué que si la société brésilienne commençait à discuter de la question, on constatait actuellement une résurgence des forces conservatrices au sein de la société civile brésilienne.  Elle a à cet égard informé qu’il existait actuellement un groupe de 96 membres au sein du Parlement qui luttait contre la loi sur l’avortement et a appelé à cet égard la société civile à unir ses forces pour défendre les droits des femmes.


Concernant l’application de l’article 14, Mme ANAMAH TAN, experte de Singapour, s’est interrogée sur le nombre de femmes n’ayant pas encore reçu de documents au titre du programme d’octroi de documents.  Elle a également demandé comment ce programme avait atteint toutes les zones rurales.  Elle a aussi voulu savoir si le Gouvernement éduquait les femmes d’origine africaine sur l’importance de disposer de documents d’identité.  Par ailleurs, elle s’est dite consternée par le taux de 84% des femmes rurales interrogées ayant affirmé connaître une femme victime de violences.  Elle a demandé si des mesures avaient été prises pour remédier à cette situation et pour les informer de leur droit à vivre une vie exempte de violence.  Elle a par ailleurs demandé des précisions sur les méthodes de répartition des terres entre les époux en cas de divorce.  


L’experte d’Israël s’est dite perplexe au sujet de l’article 16 sur le mariage et la vie de famille que la délégation aborde de manière très succincte.  Elle a demandé des explications sur certaines restrictions relatives au mariage.  Est-ce que les femmes ont droit à une pension alimentaire?  Quels sont les droits de l’épouse en matière de biens matrimoniaux?


L’experte de l’Algérie a félicité la délégation compte tenu des avancées faites avec l’entrée en vigueur du nouveau Code civil qui pose le principe de l’égalité et l’incorpore dans les dispositions relatives au mariage.  Ainsi, ce nouveau Code civil abolit le certificat de virginité au moment du mariage et les droits de la femme dans le cadre du mariage sont pratiquement les mêmes que ceux reconnus aux hommes.  Le nouveau Code civil ne parle plus de l’autorité de l’époux et fixe l’âge minimum pour le mariage à 16 ans tant pour les filles que pour les garçons.  Elle a toutefois demandé à l’État partie de se mettre en conformité avec la Convention sur les droits de l’enfant qu’il a ratifiée et qui fixe l’âge minimal du mariage à 18 ans.


L’experte de Singapour a souhaité obtenir des chiffres sur les unions libres et a demandé si ce type d’unions était régi par les mêmes lois.  Elle a demandé si les lois qui protègent les mariages hétérosexuels s’appliquaient aussi aux unions homosexuelles.  Est-ce que les femmes qui souhaitent divorcer ont accès facilement à l’aide juridique?  Elle a relevé que depuis 2005, l’adultère n’est plus un crime dans le Code pénal mais il semblerait que le système demande la fidélité à la femme et non pas à l’homme, celle-ci perdant ses droits, voire même la garde de ses enfants en cas d’adultère.  L’experte du Ghana a souhaité obtenir des informations sur les biens acquis au cours du mariage et sur les droits à l’héritage des femmes.


Répondant à cette série de questions, la délégation a indiqué que le Code pénal et le Code civil avaient été revus et adaptés à la nouvelle Constitution.  Les hommes et les femmes ont les mêmes droits en matière de succession tandis que la loi sur le divorce est appliquée dans tout le pays.  Lors de la dissolution du mariage, aucune discrimination n’est faite à l’encontre des femmes.  La législation a toujours protégé les droits des femmes en cas de divorce car on se rend compte que ce sont les femmes qui obtiennent la garde des enfants.  L’union civile entre les couples du même sexe n’est pas autorisée mais des décisions judiciaires ont reconnu au concubin survivant d’hériter. 


Dans les régions rurales, a expliqué la délégation, l’absence de l’enregistrement des naissances en raison de l’isolement des communautés rend difficile l’établissement de documents d’identité.  Nous avons toutefois mené des campagnes de sensibilisation des populations isolées à la nécessité de se procurer des documents d’identité.  Ce mois d’août, des unités mobiles se rendront dans 635 municipalités rurales sur les 5 000 que compte le Brésil. 


Par ailleurs, a poursuivi la délégation, 49 centres ont été crées dans les villes et municipalités de taille intermédiaire pour protéger et lutter contre les discriminations à l’encontre des homosexuels.  La plus grande Gay Parade a eu lieu à Sao Paulo qui a réuni 3 millions d’homosexuels.


Composition de la délégation de l’État partie


Outre, Mme Nilcea Freire, Ministre au Secrétariat spécial chargé des politiques de la femme (SPM), la délégation brésilienne était composée de: Ana Lucy Cabral, Ministre et Directrice du Département des droits de l’homme et des questions sociales au Ministère des relations extérieures; Regina Viola, Coordinatrice pour les questions techniques touchant à la santé de la femme au Ministère de la santé; Andrea Zarzar Butto, Coordinatrice du Programme pour l’égalité entre les races, les ethnies et les sexes au Ministère du développement agraire; Juliana Barroso, Coordinatrice au Secrétariat national de la sécurité publique au Ministère de la justice; Pedro Pontual, Conseiller auprès du Secrétariat spécial des droits de l’homme; Sonia Malheiros Migueal, Sous-secrétaire pour l’articulation institutionnel auprès de la Présidence de la République; Stella Taquette, Directrice du Sous-secrétariat thématique de l’Action thématique auprès de la Présidence de la République et Luana Pinheiro, Directrice des projets au sein du Sous-secrétariat de la planification auprès de la Présidence de la République.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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