SG/SM/10742-AFR/1464-DEV/2608

LES PROGRÈS IMPORTANTS RÉALISÉS RÉCEMMENT TANT AU NIVEAU DE L’APD QUE DE LA LUTTE CONTRE LE SIDA NE NOUS AUTORISENT PAS À LA MOINDRE COMPLAISANCE, DÉCLARE KOFI ANNAN

16/11/2006
Secrétaire généralSG/SM/10742
AFR/1464
DEV/2608
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

LES PROGRÈS IMPORTANTS R É ALISÉS RÉCEMMENT TANT AU NIVEAU DE L’APD QUE DE LA LUTTE CONTRE LE SIDA NE NOUS AUTORISENT PAS À LA MOINDRE COMPLAISANCE, DÉCLARE KOFI ANNAN


On trouvera ci-après le texte intégral de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, au Forum africain du développement, à Addis-Abeba, le 16 novembre:   


Nous venons de vivre 10 années contrastées sur le plan du développement, mais extraordinaires par le rôle qu’y a joué l’ONU.


Quand je suis entré en fonctions en 1997, l’aide publique au développement déclinait depuis plus d’une décennie.  Le financement dont bénéficiait le système des Nations Unies s’était dissous dans les querelles d’idées entre institutions de Bretton Woods et autres partenaires sur la façon dont il fallait aborder le développement.  Pendant ce temps, le monde prenait du retard dans la solution des nouveaux problèmes auxquels il avait à faire face, particulièrement le VIH/sida.


Aujourd’hui, grâce surtout aux grands desseins et à la volonté politique qui se sont dégagés des quatre réunions au sommet que l’ONU a tenues en six ans –le Sommet du Millénaire en 2000, ceux de Monterrey et de Johannesburg en 2002 et le Sommet mondial de l’an dernier– l’APD est en voie de franchir le niveau record de 100 milliards de dollars, et les principaux protagonistes du développement ont souscrit à un ensemble d’objectifs agréés: les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).  Enfin, nous nous sommes dotés de stratégies communes pour réaliser ces objectifs, énoncées dans le rapport sur le projet du Millénaire paru au début de l’an passé.


Sur le plan du VIH/sida, il y a aussi de bonnes nouvelles parmi de sombres résultats.  Il y a cinq ans, j’ai fait de ce fléau une priorité personnelle et j’ai appelé à la constitution d’un « trésor de guerre » de 7 à 10 milliards de dollars supplémentaires par an.  Le Fonds mondial, que j’ai la fierté de parrainer, a fait parvenir plus de 2,8 milliards de dollars à des programmes réalisés dans le monde entier, le plus souvent pour combattre cette maladie.  Récemment, les donateurs bilatéraux, les budgets des États et les associations, entre autres sources, ont encore apporté au Fonds un apport financier considérable.


Le financement dont on dispose tous les ans pour faire face au Sida dans les pays à revenu faible ou moyen s’élève actuellement à plus de 8,3 milliards de dollars.  Il faudrait beaucoup plus: l’action mondiale contre ce fléau nécessitera en 2010 plus de 20 milliards de dollars par an mais, grâce au soutien d’ONUSIDA et d’autres partenaires, nous avons au moins commencé à mettre en place les ressources et les stratégies pour combattre le plus grand défi de notre génération.  Plusieurs pays africains qui ont contenu et même fait reculer l’épidémie, attestent de nos succès.


Il y a donc beaucoup de choses dont nous pouvons être fiers, mais elles ne nous autorisent pas à la moindre complaisance.  Nous avons jeté les bases du développement, rien de plus.  Ce n’est que dans 10 ans que nous pourrons savoir, avec le recul, si nos succès ont servi à quelque chose, si les OMD sont atteints, si la prospérité gagne également tous les pays et toutes les régions, si tous les garçons et toutes les filles de la terre vont à l’école, ont à manger suffisamment et peuvent espérer un avenir où leurs besoins fondamentaux seront satisfaits, qu’il s’agisse de travail, de santé ou de logement.


La franchise m’oblige à dire que, même dans le meilleur des cas, cet avenir ne sera pas sans ombre.  Considérés ensemble, les pays peuvent atteindre l’objectif relatif à la pauvreté, grâce aux progrès remarquables que fait l’Asie.  Mais, ce continent même prend du retard sur la voie des autres objectifs, notamment le septième, celui de la stabilité et de l’environnement.  D’ailleurs, comme cela a été dit à la Conférence de Nairobi où je me trouvais hier, le changement climatique risque fort de rendre dérisoires nos pronostics d’aujourd’hui si nous ne faisons rien de sérieux, à l’échelle de la planète, dans les années qui viennent.


Le Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat nous a appris que l’Afrique était déjà, et qu’elle serait de plus en plus, le continent où le changement climatique a les plus graves conséquences.  Beaucoup de pays africains ont fait des progrès spectaculaires dans certains domaines, mais l’ensemble du continent prend du retard sur la voie des OMD, qui doivent être atteints avant 2015.


Il n’est pas trop tard pour que la situation change.  Mais il faudra une attention soutenue, de l’assiduité et la volonté d’aboutir.  Comme je le disais à Montevideo, il y a deux semaines, il faudra intervenir dans tous les domaines, des échanges commerciaux à la politique de l’immigration.  Le succès des négociations de Doha sur le développement constitue la condition sine qua non du succès.


Il ne faudrait pas oublier que c’est dans les pays en développement que le développement doit avoir lieu.  Le développement n’est jamais un cadeau qu’un pays reçoit d’autrui, il est le résultat de l’acharnement et de l’esprit d’entreprise de ses habitants.


Pour que les OMD soient réalisés, il faut donc que les pays en développement eux-mêmes honorent l’engagement qu’ils ont pris, comme les autres, au Sommet mondial de l’an dernier, chacun d’entre eux doit adopter une grande stratégie nationale et la réaliser dans la transparence pour le bien de tous ses citoyens.


Le Document final a engagé tous les pays en développement à se doter d’une telle stratégie avant la fin de l’année.  La chose peut paraître simple, mais elle est en fait d’une monstrueuse complexité.  Une stratégie nationale de développement n’est pas une lettre de motivation qui s’écrit en une page.  C’est le schéma d’une évolution qui s’étend à toute chose et qui doit être créé sur place, rester aux mains de ses auteurs et être réalisé par les citoyens, c’est-à-dire non pas seulement par l’État mais par la société civile tout entière ainsi que le secteur privé.


Ce schéma stratégique doit comporter des indicateurs de progrès clairs pour chaque question.  Il doit servir de véritable cadre d’orientation pour la politique nationale et le budget de l’État, tout en attirant le soutien des donateurs et les investissements du secteur privé, tant nationaux qu’étrangers.


Le fait est que trop peu de pays –en Afrique et ailleurs– ont fait ce qu’il fallait.  Pourtant, l’effort doit être entrepris et tout de suite.  Il n’y aura tout simplement pas de développement si nous autres Africains, nous autres citoyens du monde en développement, ne balayons pas d’abord devant notre porte.  Loin de moi l’idée de minimiser ce qui se fait déjà.  L’Afrique a bien compris que le développement était, avant tout, une priorité de l’Afrique.  L’Afrique a bien compris que le succès s’obtient par une marche en avant, selon un itinéraire visible et sans zone d’ombre et grâce à des initiatives innovantes comme le Mécanisme d’évaluation intra-africaine.  Je crains pourtant que les pays qui ont réellement fait ce qu’ils disaient au lieu de se contenter de dire ce qu’ils feraient, restent l’exception plutôt que la règle.


Nos dirigeants doivent inverser cette proportion, ils le doivent à leurs concitoyens.  La difficulté sera pour eux de veiller à mettre tous les pays africains à la tâche et de rendre leurs politiques et leurs décisions avantageuses pour toute leur population.  Et la jeunesse africaine –qui est le thème de ce forum et l’espoir de ce continent– doit les en tenir comptables.


Il est tout aussi indispensable que les pays développés –et les pays à revenu moyen– honorent leurpromesse de fournir les ressources qui permettront aux stratégies adoptées par les pays en développement de réaliser les OMD.  Nul n’ignore que beaucoup de pays en développement ne seront pas capables d’attirer les investisseurs commerciaux s’ils n’investissent pas d’abord dans les ressources publiques et dans les moyens physiques et humains pour lesquels ils n’ont pas assez de ressources.  Il y a trop de ces pays en Afrique.  C’est pourquoi le reste du monde a le devoir moral et l’obligation stratégique de partager l’inquiétude qu’inspirent la misère, la maladie et le désespoir du continent africain, comme ils l’ont si souvent reconnu et proclamé, ces dernières années, accord après accord, de Monterrey au G-8, en passant par le Sommet mondial.


Vu sous cet angle, le développement est en fait une sorte de pacte: si les pays en développement élaborent des stratégies détaillées et concrètes et les mettent en œuvre, les donateurs sont disposés à répondre aux besoins que leurs propres ressources ne leur permettent pas de satisfaire.


Mais encore une fois, s’il y a eu des progrès encourageants, trop de choses continuent de stagner.  Beaucoup de bailleurs de fonds se sont engagés à donner plus mais n’ont pas été au-delà des promesses.  Or, plus la pénurie durera, plus il sera difficile d’y remédier.  Il faut leur demander des comptes.


Les deux parties au pacte doivent être tenues responsables de ce qu’elles font ou ne font pas.  Mais les pays en développement sont plus particulièrement en droit de s’attendre à ce que le système des Nations Unies leur vienne en aide.  Celui-ci doit être présent à leurs côtés, les aider à concrétiser leurs idées et leurs projets et favoriser le développement des capacités (compétences, institutions et mécanismes) dont ils ont besoin pour créer des emplois, construire des logements, et faire fonctionner les écoles et les hôpitaux.


C’est particulièrement vrai pour l’Afrique qui, comme nous le savons tous, a des besoins et des problèmes particuliers.  Elle est la terre de pratiquement tous les pays les moins avancés.  Elle est, comme je viens de le dire, le continent le plus menacé par le réchauffement planétaire.  La bonne gouvernance y est rare, les institutions y sont faibles et les conflits, dont beaucoup ont été hérités de la guerre froide, y sont plus nombreux que partout ailleurs.  Dans certaines régions, l’incidence du VIH/sida est parmi les plus élevées du monde, et le taux d’infection des femmes augmente à un rythme absolument terrifiant.  Tous ces fléaux tendent à perpétuer la pauvreté et à entraver le développement.


Pour toutes ces raisons, le système des Nations Unies a des rapports particuliers avec l’Afrique, et des responsabilités particulières à son égard.  Je constate avec satisfaction que la nouvelle responsable de l’Organisation mondiale de la santé, Margaret Chan, en est consciente, puisqu’elle a annoncé qu’elle ferait de la santé des Africains et des femmes des indicateurs clefs pour l’OMS.


Ces dix dernières années, en tant que Secrétaire général africain, j’ai fait de mon mieux pour nourrir et développer les rapports que l’ONU entretient avec l’Afrique.  C’est aussi au cours de ces dix dernières années que l’Union africaine a vu le jour, donnant naissance à d’immenses espoirs, et je suis heureux de pouvoir dire que les deux organisations sont de plus en plus proches.


En Afrique, l’ONU participe au maintien de la paix, apporte une aide au développement et conseille les gouvernements et la société civile; elle plaide aussi la cause du continent auprès du reste du monde.


La consolidation de la paix, qui recouvre les différents aspects de l’aide apportée aux pays relevant d’un conflit, est la synthèse de ces différents rôles.  Une grande partie de nos activités de consolidation de la paix consistent en fait à renforcer les capacités.  Il s’agit d’aider les pays à se réengager sur la voie du développement.  Il faudrait d’ailleurs le faire avant même qu’un conflit n’éclate et n’amène avec lui tout un cortège de souffrances et de dégâts.  Nous devrions aider tous les pays d’Afrique à renforcer leurs capacités, qu’ils aient ou non connu la guerre.


Or, les gouvernements africains ne savent que trop bien que, si des progrès énormes ont été accomplis ces dernières années, le système des Nations Unies n’est encore ni structuré, ni équipé comme il le faudrait.  Pour beaucoup d’Africains, c’est un système avec lequel il est déroutant et frustrant de travailler, car il est composé de toutes sortes d’entités dont les mandats se recoupent ou, au contraire, laissent des trous béants.  Dans certains cas, les pays d’Afrique doivent traiter avec une dizaine, voire une vingtaine d’organismes offrant une aide qui n’est ni coordonnée, ni articulée autour d’un plan stratégique, ni même adaptée à la situation locale.


L’Afrique devrait pouvoir entretenir des rapports plus directs et plus simples avec les donateurs.  Or, souvent, nous rendons les choses encore plus compliquées qu’elles ne le sont.  Au lieu d’être plus utile ensemble, nous le sommes moins.


C’est pourquoi l’Afrique est parmi ceux qui devraient bénéficier le plus de la création de la Commission et du Fonds pour la consolidation de la paix, qui fonctionnent depuis peu, ainsi que des travaux du Groupe de haut niveau qui cherche des moyens de rendre plus cohérente l’action que mène le système des Nations Unies.


Le Groupe de haut niveau a été créé après le Sommet mondial de l’an dernier, au cours duquel il a été demandé qu’une étude soit réalisée pour déterminer si notre action dans le domaine de l’aide humanitaire, de l’environnement et du développement pourrait être rendue plus efficace moyennant une gestion plus rigoureuse des entités qui s’en chargent.  Le fait que le Premier Ministre du Mozambique, Luisa Dias Diogo, ait accepté de le coprésider –avec Shaukat Aziz (Pakistan) et Jens Stoltenberg (Norvège)– montre que l’Afrique prend très au sérieux les travaux de ce Groupe et à juste titre, dans la mesure où c’est ce continent qui a beaucoup à y gagner.


Le Groupe a présenté son rapport la semaine dernière.  À mon immense satisfaction, j’ai trouvé dans ce rapport la description très convaincante du futur système des Nations Unies qui peut et devrait soutenir le développement, appuyé par des moyens de financement consolidés.


Les détails sont complexes mais l’idée maîtresse est limpide: dans chaque pays, les organismes des Nations Unies seraient dirigés par un seul coordonnateur résident; il n’y aurait qu’un comité du développement durable qui définirait les orientations et un groupe du développement, du financement et de l’examen des résultats qui assurerait un contrôle rigoureux. Cela semble compliqué, mais devrait fonctionner.


Naturellement, la question de savoir comment procéder et à quel rythme avancer fera couler beaucoup d’encre.  Nous commencerons par mettre en œuvre des projets pilotes dans environ cinq pays.  Si les principales recommandations du Groupe sont mises en œuvre, je crois que les Nations Unies pourront enfin jouer leur rôle et se placer, en partenariat avec la Banque mondiale et d’autres donateurs multilatéraux et bilatéraux, au centre de toutes les activités de développement, tant au niveau national qu’au niveau mondial.


C’est à mon successeur, et non à moi, qu’il reviendra de concrétiser ce projet exaltant avec les États Membres de l’ONU.  J’espère de tout cœur que, sous la direction de son nouveau Secrétaire général, l’ONU mettra au service de l’Afrique cette inventivité, ce dynamisme et cet esprit d’équipe pour lesquels l’Asie est connue.  Le meilleur moyen, pour que cela arrive, est que les États africains participent activement, au niveau le plus élevé, aux examens ministériels annuels et aux travaux du forum pour la coopération en matière de développement que le Conseil économique et social est en train d’instituer.


Maintenant, mes chers amis, le temps est venu pour moi de vous faire mes adieux en tant que Secrétaire général de l’ONU.  Je laisse derrière moi mes responsabilités mondiales, mais je vous promets de continuer à me consacrer davantage au bien-être de ce continent que nous aimons tant.


Chers frères et sœurs, ceci n’est donc qu’un au revoir.


Merci beaucoup à tous.  Vivent les Nations Unies! Vive l’Afrique!


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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