FEM/1581

TOUT EN SALUANT L’ADOPTION DE LOIS PROGRESSISTES, LES EXPERTS DÉPLORENT LA LENTEUR DES PROGRÈS EN MATIÈRE DE PROMOTION DE LA FEMME MOLDOVE

16/8/2006
Assemblée généraleFEM/1581
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Comité pour l’élimination de la

discrimination à l’égard des femmes

Chambre B - 749e & 750e séances – matin & après-midi


TOUT EN SALUANT L’ADOPTION DE LOIS PROGRESSISTES, LES EXPERTS DÉPLORENT LA LENTEUR DES PROGRÈS EN MATIÈRE DE PROMOTION DE LA FEMME MOLDOVE


L’important effort législatif consenti par le Gouvernement de la République de Moldova doit être suivi de mesures concrètes de promotion de l’égalité entre les sexes.  C’est ce qu’ont convenu en substance les experts indépendants du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes qui examinaient aujourd’hui la situation de la femme moldave.  La République de Moldova a accédé à la Convention sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes (CEDEF) le 1er juillet 1994 et doit présenter tous les quatre ans les mesures qu’elle a prises sur les plans juridiques, administratifs et autres pour garantir l’égalité entre l’homme et la femme.


Les experts, qui ont regretté l’absence de mesures temporaires spéciales susceptibles de donner un coup d’accélérateur à la promotion sociale des femmes, ont recommandé d’accroître la participation de ces dernières à la vie publique et politique de leur pays.  Concilier vie privée et vie professionnelle, notamment, devrait permettre de surmonter les stéréotypes archaïques qui cantonnent encore largement les femmes dans des rôles traditionnels freinant leur épanouissement.


Lors de la présentation du rapport*, Mme TATIANA GRIBINCEA, Ministre de la santé et de le protection sociale, a expliqué que son Gouvernement s’était appuyé sur les recommandations du Comité pour adopter une nouvelle loi visant à garantir l’égalité de représentation des sexes dans les domaines de la vie politique, économique, sociale et culturelle.


Cette loi est entrée en vigueur le 9 février 2006 et s’appuie sur les capacités et attributions du Parlement, du Gouvernement, de la Commission gouvernementale pour l’égalité des genres, du Ministère de la santé et de la protection sociale et des autorités administratives locales.  Mme Gribincea a ajouté que, en ce qui concerne le rôle des femmes de Moldova, les données les plus récentes indiquaient que des progrès significatifs ont été accomplis.


Les femmes occupent davantage de postes de décision.  Au niveau local, le nombre de femmes maires et députés a augmenté de manière importante.  Par exemple, en 1994, quatre femmes seulement siégeaient au Parlement contre 21 en 2005.  Au sein du Gouvernement, 16 femmes occupent des postes importants, dont une Ministre de la justice et moi-même.  Cinq femmes sont diplomates sur les 25 que compte le personnel diplomatique de notre pays. 


La Ministre a ajouté que son Gouvernement avait adopté en juillet dernier un projet de loi sur la prévention et la lutte contre la violence familiale.  Sa visée est de protéger et de consolider les liens familiaux en garantissant l’égalité des droits des membres qui la constituent.  Nous reconnaissons qu’à ce jour, les données officielles sur la violence familiale sont incomplètes, les mécanismes de suivi en la matière étant inexistants.  Les statistiques disponibles émanent du Ministère de l’intérieur et portent sur d’autres cas, meurtres, atteintes corporelles graves et viols.


Pour ce qui est du trafic d’êtres humains, la représentante a indiqué que le cadre légal en la matière avait été établi conformément aux recommandations transmises par le Comité.  Ainsi, le plan national d’action dans le domaine des droits de l’homme inclut des dispositions sur la traite.


Sur le plan de l’emploi, la législation en place ne contient aucun élément discriminatoire susceptible de léser les femmes sur le marché de l’emploi.  Le Code en vigueur consacre l’égalité des chances des hommes et des femmes.  Parallèlement, le Gouvernement de la République de Moldova s’est engagé à moderniser le système de sécurité sociale des travailleurs et des travailleuses, en mettant notamment l’accent sur l’amélioration des conditions de vie dans les zones rurales.


M. CORNELIS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, a voulu savoir s’il existait des possibilités de recours pour les femmes qui prétendent que leurs droits ont été bafoués.  Il a noté que, selon les informations fournies, les procédures judiciaires sont lentes et onéreuses.  C’est pourquoi, l’expert a recommandé au Gouvernement de Moldova de faciliter ces procédures qui représentent un moyen d’assistance indispensable.  Pourquoi, a-t-il par ailleurs demandé, opérer un distinguo entre les termes « équité » et « égalité », sachant que la CEDEF ne se réfère qu’au second?  Cette préoccupation a été reprise par Mme MARIA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, qui s’est dite étonnée devant l’utilisation alternative dans le rapport des termes « équité » et « égalité »


Mme VICTORIA POPESCU, experte de la Roumanie, a salué les mesures et actions prises suite à la présentation du premier rapport, et ce sur la base des recommandations du Comité.  De même, l’experte a félicité la délégation de Moldova pour l’adoption de lois importantes, en particulier celles sur l’égalité et sur la traite.  Cependant, un flou existe quant à la portée de la loi sur l’égalité des chances entre hommes et femmes, a-t-elle jugé.  Des organisations non gouvernementales (ONG) ont fait part de leurs préoccupations car ce texte ne prévoit pas de mécanisme clair de mise en œuvre, et il n’est pas fait mention du type de financement sur lequel la loi devra s’appuyer.  S’agissant des stéréotypes sexuels, l’experte a relevé que peu d’informations étaient données sur les campagnes de sensibilisation visant à les combattre.  Quelle stratégie comptez-vous mettre en place? a-t-elle demandé.  Enfin, l’experte a déploré le manque de perspective sexospécifique dans le domaine scolaire, les enseignants paraissant insuffisamment formés à la problématique de la parité entre les genres.


Mme Da Silva a elle aussi salué l’effort législatif de taille entrepris par le Gouvernement de Moldova.  Mais à part les lois, quelles sont les modalités d’évaluation des changements obtenus de facto? a-t-elle demandé.  S’agissant des violences faites aux femmes, l’experte a noté que la législation de Moldova considérait depuis peu ce phénomène comme un phénomène social.  Elle a contesté un tel choix conceptuel, insistant sur le fait que de tels crimes relevaient d’abord et avant tout de la violation des droits de l’homme.  Le Gouvernement devrait revoir le contenu de sa loi en en modifiant la portée.


Mme NAELA MOHAMED GABR, experte de l’Égypte, a recommandé à la délégation d’unifier plus avant son mécanisme national de promotion de la femme.  S’il est très positif de s’engager fermement à mettre en œuvre la CEDEF, il convient tout autant de s’en donner les moyens.  C’est pourquoi, a-t-elle dit, le rôle du mécanisme national doit être défini plus clairement.  Nous aurions aussi aimé savoir ce qu’il en est de son financement.  Sur la question des stéréotypes, Mme Gabr a demandé si les autorités concernées comptaient modifier le contenu des manuels scolaires et des programmes éducatifs qui continuent à diffuser une image rétrograde de la femme moldove.


Répondant à cette série de questions, la délégation a expliqué que la nouvelle loi sur l’égalité entre les sexes avait pour but de palier au manque de définition claire de la discrimination dans la Constitution.  Des recours pour tous existent, a-t-elle répondu.  Chacun, quelque que soit son sexe ou son origine ethnique, ne peut se voir refuser l’accès à une protection juridique.  La représentante a indiqué que des cours spéciaux sur la question du genre étaient dispensés aux fonctionnaires de tous les ministères et organes centraux.  Les recommandations du Comité sont reflétées dans une brochure à destination de publics ciblés et des services rattachés aux différentes instances gouvernementales.


Le Programme d’action 2006-2009 pour la promotion de la parité homme/femme s’appuiera sur une stratégie spécifique.  La délégation a salué à ce titre l’appui apporté par la communauté des donateurs privés et le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM).  Cet appui en ressources et capacités nous aide à concevoir les mesures à prendre dans le cadre de la loi.  En aval, un partenariat avec les médias nous permet de donner une plus grande visibilité aux questions liées à la problématique de la parité. 


Pour accroître la place et le rôle de la femme dans la vie publique, la législation moldove a effectivement posé que l’égalité homme/ femme doit être envisagée sous l’angle de la protection sociale.  Sur le marché du travail, cette notion vise ainsi à encourager la participation, sur un pied d’égalité, des femmes aux activités entrepreneuriales et à attirer les investissements, notamment dans les communautés locales.  C’est encore dans ce cadre que l’inspection du travail a renforcé ses moyens d’enquête sur les cas de harcèlement sexuel.


Pour ce qui est de la sensibilisation du public aux violences faites aux femmes, la délégation a souligné l’importance des débats qui ont eu lieu pendant l’élaboration de la loi pertinente.  Cette période a été riche d’enseignements, elle nous a permis de faire la promotion d’une vie saine dans les familles ou encore de réfléchir aux dispositifs de prévention et aux sanctions des agresseurs à mettre en place.  Les effets concrets de la loi devraient se faire sentir d’ici à l’horizon 2009.


Mme PRAMILA PATTEN, experte de Maurice, a mis en avant la faible participation des femmes à la vie politique. Le rapport se félicite d’un taux de 14,8% de représentation des femmes dans cette sphère.  Or ce chiffre est plutôt décevant compte tenu du caractère volontaire des lois adoptées.  Le poids de la culture patriarcale bloque l’accès à la vie publique, les femmes restant cantonnées aux activités domestiques.  Notre expérience démontre que l’accès des femmes aux postes de décision est essentiel pour accompagner le passage d’un régime politique et économique à un autre.  Mme Patten a regretté que le Parlement ait refusé d’instaurer des mesures temporaires spéciales, qui, selon elle, auraient pour effet de promouvoir l’avancement social des femmes.


Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, a pointé les nombreuses carences susceptibles de limiter la portée de la loi sur la lutte contre la traite des êtres humains.  Il faudrait supprimer le volet portant sur le consentement des victimes qui a tendance à laisser supposer que celles-ci peuvent mentir sur la nature des actes subis.  La confidentialité de la victime, son anonymat, doivent être protégés pour éviter les représailles potentielles des criminels qui dirigent les réseaux de traite.  S’agissant de la prostitution, que la législation nationale déclare illégale, pourquoi les clients et intermédiaires ne sont-ils pas passibles de sanctions pénales?


Le Ministère de la protection sociale et le Comité pour l’égalité entre les sexes travaillent de concert pour lutter contre la traite, a répondu la délégation.  Les modalités d’assistance aux victimes découlent des principes énoncés dans le cadre de l’Organisation internationale pour les migrations.  Notre ambition est de réintégrer les femmes victimes de la traite.  À cette fin, une assistance psychomédicale et financière d’une durée initiale de trois mois permet à ces victimes de retrouver un ancrage dans la société.  En amont, nous nous efforçons de communiquer auprès des jeunes femmes démunies des zones rurales qui, sans ressource, risquent de tomber dans le piège de la traite et de la prostitution.  Sur ce dernier point, les sanctions frappant les proxénètes ont été durcies.


Enfin, la délégation a demandé aux experts de se rappeler que toutes ces mesures étaient très difficiles à appliquer dans un petit pays, dépourvu de ressources importantes et engagé dans une période de transition de l’économie planifiée à l’économie de marché.  La délégation a ainsi salué l’appui apporté par la communauté des donateurs, les ONG et la communauté internationale dans son ensemble.


Mme MAGALYS AROCHA DOMINGUEZ, experte de Cuba, a noté que les données fournies indiquaient une participation des femmes aux postes à responsabilités faible au niveau central et local.  Existe-t-il des dispositifs pour garantir leur présence accrue à l’intérieur des partis politiques, comme au niveau de l’administration centrale elle-même?


Mme Da Silva a à son tour déploré le fait que le Parlement ait rejeté l’adoption de mesures temporaires spéciales.  Cela a pour effet de ralentir, dans le contexte moldove, l’instauration d’une égalité de facto entre les sexes que prétend justement rechercher votre Gouvernement.


Les femmes s’occupent d’abord de leur foyer, assumant en premier lieu leurs responsabilités de mères, a expliqué la délégation.  Ces conceptions toujours vivaces bloquent l’ascenseur social.  Toutefois, le nombre de 21 femmes députées, dans un pays de 4 millions d’habitants représente bien une avancée significative.  Nous souhaitons que les élections locales de 2007 renforcent cette tendance.  Il faut souligner le fait qu’il est encore difficile d’encourager la femme moldove à renoncer, même partiellement, à sa vie de famille et aux tâches qui incombent à une mère et une épouse..


Mme Dominguez a déploré la faible présence des femmes aux postes de décision.  Seule une volonté politique forte ouvrira les portes de l’avancement social et de l’épanouissement aux femmes dont le rapport nous dit, de plus, que leur niveau de compétences est au moins égal à celui des hommes.  En effet, la sous représentation des femmes dans la vie politique et publique est d’autant plus frustrante que celles-ci forment l’essentiel de la force de travail dans les domaines culturel et scientifique.  Il est de la responsabilité des autorités moldoves de rompre avec les stéréotypes.  Un changement profond de société ne peut pas venir seulement d’un cadre législatif rénové.


C’est en ce sens que Mme Da Silva a estimé que concilier vie privée et professionnelle résulterait de transformations culturelles fondées sur l’instauration d’un partage équitable des tâches au sein de la famille.  Le rôle des hommes aussi doit changer, a-t-elle lancé.


Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, et qui présidait la séance, a proposé comme mesures d’encouragement de subventionner les partis politiques qui nomment des femmes dans leurs partis et de sanctionner les autres.


*     Le rapport unique (valant deuxième et troisième rapports périodiques) de la République de Moldova est publié sous la cote CEDAW/C/MDA/2-3.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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