FEM/1570

MALGRÉ DES SOUCIS LIÉS À LA PERSISTENCE DE LA VIOLENCE ET DU PATRIARCAT, CUBA EST FÉLICITÉ POUR SES ACTIONS EN FAVEUR DE LA FEMME

08/08/2006
Assemblée généraleFEM/1570
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Comité pour l’élimination de la

discrimination à l’égard des femmes

Chambre A - 739e & 740e séances – matin & après-midi


MALGRÉ DES SOUCIS LIÉS À LA PERSISTENCE DE LA VIOLENCE ET DU PATRIARCAT, CUBA EST FÉLICITÉ POUR SES ACTIONS EN FAVEUR DE LA FEMME


Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes s’est penché aujourd’hui sur la situation des femmes à Cuba*, pays qui a été le premier à signer et le second à ratifier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes (CEDEF), véritable Charte des droits de la femme à travers le monde.  Les 23 experts indépendants du Comité ont dit leur admiration et se sont dit impressionnés par les efforts déployés par Cuba pour protéger les droits des femmes cubaines malgré la réalité économique difficile que connaît le pays.  La non-adhésion de Cuba au Protocole facultatif à la Convention; les mesures temporaires spéciales; la violence à l’égard des femmes et le maintien des attitudes patriarcales; la prostitution; l’avortement; la réforme agraire, et l’âge minimum du mariage ont toutefois suscité de nombreuses questions de la part des experts de la Chambre A de la trente-sixième session du Comité.  


Présentant ses dernières statistiques nationales, la délégation cubaine, menée par M. Abelardo Moreno, Vice-Ministre des affaires étrangères, a informé le Comité que les femmes représentaient 64,7% des diplômés des universités de Cuba et 66,4% des techniciens et cadres du pays.  À la fin de 2002, les femmes occupaient 34,8% des postes de direction.  Les tribunaux cubains comptent 66,3% de femmes parmi les juges, tandis que pour le ministère public, 71% des procureurs sont des femmes, a indiqué M. Moreno.  Le nombre de femmes députées élues aux dernières élections à l’Assemblée nationale s’élève à 219, soit 35,96% du total.  Actuellement, six femmes sont ministres et 29 sont vice-ministres.  Le pourcentage des enfants qui atteignent l’âge de cinq ans est de 99,2%, et le taux de mortalité maternelle a été de 3,2 pour 10 000 naissances vivantes en 2002, a précisé le Vice-Ministre cubain. 


La justice sociale, ainsi que l’égalité entre les sexes, constituent les fondations de la révolution cubaine, a encore expliqué le Vice-Ministre.  Le plan d’action national pour les femmes reprend les priorités du Programme d’action de Beijing, mais également les 16 articles de fond de la CEDEF, ce qui explique qu’une des activités prioritaires du Gouvernement cubain a porté sur la législation.  Prochainement aura lieu une nouvelle évaluation du plan d’action, a dit M. Moreno, en indiquant que la représentativité et la capacité mobilisatrice conduite par le biais de la Fédération des femmes cubaines, qui est une organisation non gouvernementale, constituent la force des femmes cubaines. 


De 2000 à 2005, a ajouté le Vice-Ministre des affaires étrangères de Cuba, les conditions économiques se sont améliorées dans le pays, qui a trouvé de nouveaux partenaires commerciaux.  Mais cette croissance n’a pas encore permis de mettre un terme aux graves répercussions qu’a eues la désintégration du bloc communiste des pays de l’est, et le blocus imposé par les États-Unis.  Ce blocus s’est transformé en une véritable guerre économique ayant des conséquences importantes sur le secteur social, a dit le représentant cubain.  Toutefois, a-t-il indiqué, la volonté de créer des mécanismes institutionnels et juridiques pour protéger les femmes s’est concrétisée.  La nouvelle réalité économique s’est traduite également par une nouvelle donne sociale malgré une utilisation minimale de ressources, a dit M. Moreno, en ajoutant que Cuba devait cependant persister dans ses efforts d’élimination des préjugés et des inégalités envers les femmes.  


Échange de vues et recommandations des experts


Les premières questions posées par les experts à la délégation de Cuba ont porté sur le Protocole facultatif à la Convention, qui permet à des individus ou à des groupes d’individus de saisir le Comité sur les questions ayant trait à de graves violations des droits de la femme, une fois que tous les recours nationaux ont été épuisés.  « La Commission cubaine de coordination des traités, dont le mandat est de passer en revue traités, protocoles et conventions, a créé un groupe de travail au sujet de ce Protocole pour voir s’il était possible de le ratifier », a expliqué la délégation cubaine.  Nous ne nous sommes pas encore engagés en faveur d’un instrument international de requête individuelle dans un contexte supranational.  Nous avons encore besoin de temps, a précisé le représentant de Cuba. 


L’absence de mesures temporaires spéciales pour accélérer de facto l’égalité entre les sexes a préoccupé les experts.  Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, a relevé que le Gouvernement cubain n’en avait pas saisi véritablement le sens.  Ce point de vue a été repris par Mme BEATE SCHOPP SCHILLING, experte de l’Allemagne et Présidente de cette séance, qui a précisé que par mesure temporaire spéciale il fallait comprendre une préférence accordée aux femmes sur les hommes pour une durée spécifique.  Les mesures auxquelles fait allusion le Gouvernement cubain sont donc du ressort d’une orientation sociale permanente visant à protéger les femmes.


Sur la question de la violence faite aux femmes, Mme DORCAS COCKER APIAH, experte du Ghana, a estimé que le Gouvernement n’avait pas analysé la cause profonde de ce phénomène qui, a-t-elle indiqué, est issue du système patriarcal de la société cubaine et des privilèges qui y sont accordés aux hommes.  La délégation cubaine s’est dite consciente des causes sous-jacentes de la violence domestique.  Elle a expliqué que les plaintes portées par les femmes ne mènent pas à grand-chose, dans la mesure où nombre d’entre elles sont par la suite retirées, d’où la nécessité de renforcer la formation et la sensibilisation de la police à cette problématique et au changement des mentalités.  Malgré les modifications substantielles apportées à la vie de la population de Cuba, il existe encore des préjugés importants qui font obstacle à la participation des femmes à tous les aspects de la société, a encore ajouté la délégation cubaine.  « Le premier forum sur la masculinité tenu à Cuba a permis de voir émerger une masculinité qui est en cours de transformation, malgré la persistance de la masculinité hégémonique.  Par exemple, la paternité devient de plus en plus responsable », a dit le représentant cubain.


La délégation a précisé que Cuba a été un des premiers pays au monde à se préoccuper de la violence domestique par le biais de mesures législatives et de mécanismes d’application et de respect de la loi.  Le Code pénal précise que le lien de parenté entre la victime et le coupable est un facteur aggravant, et il contient une définition de la notion d’abus sexuel et de harcèlement.


Concernant la prostitution, les experts se sont dits troublés par les déclarations de la délégation cubaine selon lesquelles à Cuba les prostituées sont des jeunes femmes ayant un niveau élevé d’éducation.  Quelle est donc la raison qui pousse ces femmes à la prostitution alors qu’elles pourraient être employées?, se sont demandées les expertes du Ghana et de la Jamaïque.  Le développement du secteur touristique peut fournir un début d’explication, mais cette problématique

va bien au-delà de la dimension économique pour toucher à l’image que les femmes ont d’elles-mêmes dans toute la région des Caraïbes.  Il ne faut pas permettre que l’apport de devises étrangères se fasse au détriment de l’intégrité du corps des femmes et des enfants.  Le tourisme sexuel est un problème grave.  Il ne faut pas non plus fermer les yeux devant le phénomène de la traite des femmes cubaines dans la région des Caraïbes.


La délégation de Cuba a parlé de l’existence de centres de réhabilitation qui ne sont pas réservés aux seules prostituées, mais aussi à toutes les femmes à risques, dont certaines sont des prostituées.  Le but de ces centres est de leur fournir une formation génératrice de revenus, la prostitution étant considérée comme une violence faite aux femmes.  Ces centres disposent d’un programme appelé « éduques ton enfant » qui les prépare à leur rôle de mère une fois qu’elles en sortent. 


En matière de participation des femmes à la vie politique, l’experte de la France a encouragé l’État partie à prendre des mesures spéciales temporaires pour accélérer la participation politique des femmes, en particulier au plan local, car c’est à ce niveau, a-t-elle expliqué, que se prennent les décisions qui façonnent la vie de tous les jours.  Mme Gaspard a également relevé que seuls 13% de femmes cubaines avaient accès à des postes diplomatiques à l’étranger.


Sur le plan de la santé, l’experte de la Croatie, a relevé la possibilité qu’ont les pères à Cuba de prendre un congé paternel rémunéré à hauteur de 60% de leur salaire.  Mais compte tenu du fait que l’homme gagne plus que la femme, c’est en général elle qui utilise son congé de maternité, a-t-elle noté.  L’experte a également relevé que l’avortement était utilisé à Cuba comme une méthode de planification familiale, ce qui va à l’encontre des directives du programme d’action de Beijing.


La délégation cubaine a répondu en précisant que l’avortement à Cuba est institutionnel.  Il est donc effectué dans des institutions utilisant du personnel spécialisé.  Au cours des cinq dernières années, le taux d’avortement est passé de 23 femmes pour 1 000 à 19 pour 1 000.  Nous travaillons sur deux fronts, à savoir la responsabilisation accrue et l’éducation sur les risques que comprend l’avortement, a indiqué la délégation cubaine.  Elle a également expliqué que la politique gouvernementale en matière de planification familiale a porté en particulier sur la contraception et non pas sur l’avortement.


S’agissant de la situation des femmes rurales, l’experte de Singapour a félicité Cuba pour sa réforme agraire qui a accordé des droits égaux aux femmes et aux hommes, tout en se demandant si les préjugés patriarcaux ne faisaient pas obstacle à l’accès des femmes à la terre et au crédit, 9,3% d’entre elles seulement étant propriétaires de terres agricoles.  Mme GLENDA SIMMS, experte de la Jamaïque s’est demandé  quelle était la situation des femmes cubaines d’origine africaine, compte tenu de la prépondérance des plantations sucrières datant de l’époque coloniale.


Le Vice-Ministre des affaires étrangères de Cuba a expliqué qu’il restait  beaucoup à faire pour éliminer la discrimination raciale datant des colons espagnols, mais que dans la réalité il n’existe pas de discrimination raciale à Cuba, pays qui a connu un processus de métissage au fil des ans.  La loi de réforme agraire a permis à une femme noire d’être l’une des premières femmes propriétaires terriennes, a-t-il dit en précisant que la grande majorité des terres reste toutefois propriété de l’État.  


Abordant les questions découlant du mariage, Mme HUGETTE BOKPE, l’experte du Bénin, a fait part de son admiration face aux efforts déployés par Cuba pour appliquer la Convention, compte tenu de la situation socioéconomique difficile, derrière laquelle certains pays se seraient retranchés pour expliquer leurs manquements à la Convention.  Elle a reconnu l’importance des textes de l’arsenal juridique cubain, tout en se préoccupant de leur application concrète.  Elle a ainsi relevé que l’âge minimum requis du mariage est fixé à 18 ans, mais que cette disposition contient un aménagement qui peut ouvrir la voie à des mariages d’enfants, soit 14 ans pour la femme et 16 ans pour l’homme.  Est-ce une manifestation de la croyance en la nubilité précoce de la fille ?  s’est-elle interrogée.  Je ne crois pas à la volonté librement consentie d’une enfant de 14 ans de quitter l’école pour porter un fardeau trop lourd pour ses frêles épaules, a dit l’experte.  Elle s’est aussi dite préoccupée par l’absence de tribunaux familiaux et s’est demandée si la femme cubaine administrait vraiment librement et sur un pied d’égalité les biens du mariage en vertu du seul régime matrimonial admis, qui est la communauté de biens.


Le projet de code de la famille contient une proposition, qui est de relever l’âge d’autorisation du mariage pour des raisons exceptionnelles à 16 ans, aussi bien pour les garçons que pour les filles, a répondu la délégation cubaine.  Une loi de procédure civile traite de tout ce qui touche aux questions familiales, qu’il s’agisse de divorce ou d’héritage.  Le régime économique qui régit le mariage est la communauté de biens, et au moment du divorce, l’une des questions qui se pose est la liquidation des biens communs.  Une femme mère d’enfants mineurs ne peut pas être chassée du logement familial, a indiqué la délégation.


* Rapport présenté sous la cote CEDAW/C/COD/4-5.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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