SG/SM/10200-SAG/401

LE SIMPLE FAIT DE STOCKER DES ANTIVIRAUX NE CONSTITUE PAS UNE STRATÉGIE DE LUTTE CONTRE LA GRIPPE AVIAIRE, DÉCLARE LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL

03/11/2005
Secrétaire généralSG/SM/10200
SAG/401
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

LE SIMPLE FAIT DE STOCKER DES ANTIVIRAUX NE CONSTITUE PAS UNE STRATÉGIE DE LUTTE CONTRE LA GRIPPE AVIAIRE, DÉCLARE LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL


Vous trouverez ci-après l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, au Sommet mondial sur la santé organisé par Time Magazine à New York, le 3 novembre:


Je suis heureux d’avoir l’occasion de prendre aujourd’hui la parole devant vous.  Je voudrais tout d’abord saluer les organisateurs de cette réunion qui rassemble pendant trois jours des dirigeants et des experts éminents au sujet de certains problèmes essentiels de santé qui sont d’actualité.  Je les félicite aussi de leur travail de sensibilisation et de responsabilisation de tous les secteurs de la société –les gouvernements et la société civile, le secteur privé et les milieux de la recherche.


C’est grâce à des réunions telles que celle-ci qu’il est possible de comprendre les liens qui existent entre la santé et toutes les difficultés auxquelles doit faire face la famille humaine.  C’est là un sujet dont j’ai toujours été profondément conscient depuis que j’ai entamé ma carrière aux Nations Unies.  Certains l’ignorent sans doute, mais mon premier emploi a été à l’Organisation mondiale de la santé, il y a bien longtemps, alors que le vaccin oral de Salk contre la polio venait d’être introduit, 18 ans avant que la variole soit éliminée dans le monde, et une bonne vingtaine d’années avant que le sida ne soit entré dans le vocabulaire courant.


Au cours des décennies qui se sont écoulées depuis, les liens entre la santé, le développement et la sécurité des êtres humains sont devenus de plus en plus évidents.  Lors du Sommet mondial de septembre, les leaders sont repartis forts du message qu’il ne peut y avoir de sécurité sans développement, de développement sans sécurité et qu’il ne peut y avoir ni sécurité, ni développement sans respect des droits de l’homme et sans état de droit.  


En même temps, la mondialisation nous a appris que les problèmes de santé actuels ne respectent aucune frontière.  Tous les gouvernements, où qu’ils soient, ont dû reconnaître que chaque pays était exposé au risque.


Au cours des mois et des semaines passés, ce fait est devenu encore plus évident en raison de la propagation de la grippe aviaire.  Jour après jour, la sonnette d’alarme retentit plus fortement alors que de nouveaux cas apparaissent un peu partout sur le globe.  Cette inquiétude croissante s’accompagne d’une incertitude profonde, face à l’impossibilité de prévoir avec précision l’évolution de la maladie, qui n’autorise pas non plus à minimiser le risque. 


Nous ignorons encore si l’épidémie actuelle de grippe aviaire entraînera une pandémie chez l’homme.


Mais nous savons pertinemment ce qu’est une pandémie.


Nous connaissons les ravages qui ont marqué celles qui ont précédé, telles que la grippe de 1918 et le sida à l’heure actuelle.


Nous savons ce qui se passe lorsque des millions de personnes meurent et d’autres millions sont infectées; lorsque les systèmes de santé sont débordés; lorsque des familles, des collectivités et des sociétés tout entières sont dévastées; lorsque le transport et le commerce, l’éducation et les autres services sont interrompus ou cessent de fonctionner; lorsque le progrès économique et social est en danger de régression. 


Quelle que soit notre ignorance actuelle de l’évolution future du virus H5N1, nous savons ceci: une fois que la transmission se produit d’un être humain à l’autre, nous n’aurons que quelques semaines pour arrêter l’épidémie avant qu’elle n’échappe à notre contrôle.


C’est pourquoi la communauté internationale doit agir maintenant.  Il faut se rallier autour d’un ensemble de priorités pour faire face à cette crise potentielle et convenir des mesures à prendre pour les mettre en œuvre.  Il faut faire preuve d’honnêteté et admettre que le simple fait de stocker des antiviraux ne constitue pas une stratégie de lutte contre la grippe aviaire.


En premier lieu, il convient de s’attaquer au problème de la propagation de la grippe aviaire elle-même.  Il faut investir davantage pour surveiller et faire cesser cette propagation qui paraît s’étendre presque chaque jour à un nouveau pays.  Il faut renforcer les infrastructures vétérinaires, qui manquent actuellement de fonds, afin que la maladie puisse être détectée à la source.  Il faut aussi indemniser de manière équitable les agriculteurs et les familles obligés d’abattre des volailles qui constituent, pour un grand nombre de collectivités dans le monde, une source importante de sécurité économique.


En deuxième lieu, il faut réussir à faire comprendre que l’épidémie actuelle de grippe aviaire remet en question un mode de vie séculaire, à savoir l’étroite proximité des gens et des animaux domestiques.  Je viens moi-même du Ghana, où les familles et les animaux de basse-cour, les enfants et les poulets vivent souvent en harmonie côte à côte.  Pour difficile que ce soit, il faudra donc trouver le moyen de réaménager cette coexistence, faute de quoi il sera impossible d’empêcher les virus de se transmettre de l’animal à l’homme –et à ses enfants.


En troisième lieu, il faut se prémunir contre l’impact d’une pandémie humaine en faisant le nécessaire pour que les collectivités et les pays continuent de fonctionner si le pire arrivait.  Cela veut dire qu’il faut devancer l’événement, mettre au point des plans d’urgence et prendre dès maintenant des engagements – aux niveaux gouvernemental et intergouvernemental – quant à la manière d’assurer la continuité des services essentiels, tels que les transports, le commerce, la sécurité et les systèmes de santé eux-mêmes.


En quatrième lieu, il faut faire en sorte que tous ceux qui en auront besoin aient accès à des antiviraux.  Des efforts exceptionnels devront être entrepris pour augmenter la production de médicaments, assurer l’approvisionnement de la population du monde en développement, qui risque actuellement d’en manquer, et partager les connaissances scientifiques et techniques nécessaires avec ceux qui ont la capacité de production requise.


En cinquième lieu, il faut assurer la transparence et la coopération dans le domaine de la science et de la recherche, en particulier en ce qui concerne la mise au point d’un vaccin.  Les gouvernements doivent donc faire preuve de la plus grande ouverture possible afin de partager les spécimens et les informations, de surmonter les intérêts nationaux afin d’œuvrer collectivement à la cause commune, de renforcer la coopération scientifique et de valoriser à une échelle sans précédent les capacités d’invention et les compétences dans le monde entier.  J’ai été heureux d’entendre mardi le Président Bush décrire comment les États-Unis utiliseront la technologie des cellules souches pour mettre au point de nouveaux vaccins antigrippaux.


En sixième lieu, il faut mettre pleinement à contribution la technologie et la culture modernes afin de communiquer les faits essentiels sur le virus et sur la manière dont on peut le traiter.  Les pandémies passées nous ont essentiellement appris que le silence signifie la mort.  Il faut donc utiliser pour diffuser l’information tous les moyens de communication à notre disposition: radio, télévision, courrier électronique et téléphonie mobile.  Je voudrais citer ici le Ministre américain de la santé, Mike Leavitt, qui a dit: « Le virus de la grippe est un ennemi qui fonctionne en réseau.  Il faut donc le combattre avec une armée fonctionnant en réseau. »  Tel est le défi auquel nous devons faire face.


Enfin, il faut que les échelons les plus élevés fassent preuve d’une volonté et d’une énergie politiques.  Dans chaque pays, les dirigeants doivent s’engager clairement à coordonner les mesures prises, à faire intervenir toutes les composantes du gouvernement, de la société civile et du secteur privé.


Nous sommes déjà témoins de l’action courageuse entreprise dans de nombreux pays et des initiatives prometteuses menées aux niveaux national et régional, par exemple dans le cadre de l’Union européenne et de l’Union africaine, de l’ASEAN + 3 et du Partenariat international des États-Unis que le Président Bush a lancé à l’ONU en septembre et au sujet duquel il a donné davantage de précisions mardi.


Les organismes des Nations Unies sont prêts à collaborer avec tous ces partenaires, non pas en surimposant des structures existantes, mais en appuyant les efforts en cours et en facilitant les synergies. 


À l’ONU même, nous avons mis au point un mécanisme de coordination rassemblant des acteurs essentiels tels que l’Organisation mondiale de la santé et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, aux côtés de la Banque mondiale et d’autres institutions de développement.  Notre première mission consiste à définir les questions et les tendances essentielles, à dégager les priorités et à encourager les entités de l’ONU et de l’extérieur à agir de concert.  Nous apporterons notre collaboration profonde aux autres parties prenantes, y compris la société civile et le secteur privé.


Le Coordonnateur principal du système des Nations Unies pour la grippe aviaire et humaine, le docteur David Nabarro, qui est ici à mes côtés, assurera un point de contact pour les gouvernements et les parties intéressées.  Pour ma part, je suivrai de près le problème et interviendrai au moment voulu.  J’attends par ailleurs avec impatience l’issue de la réunion de planification sur la pandémie de grippe aviaire et humaine, qui sera organisée la semaine prochaine à Genève conjointement par l’OMS, la FAO, la Banque mondiale et l’Organisation mondiale de la santé animale.


Nous sommes avant tout conscients d’une chose: un danger tel qu’une pandémie de grippe ne saurait être combattu par une seule organisation, un seul groupe de pays, un seul secteur ou une seule profession.  Il s’agit d’un défi collectif exceptionnel qui nous est posé et auquel doit répondre un effort collectif exceptionnel.


Lorsque viendra la grippe, c’est notre capacité de collaboration qui sera mise à l’épreuve, afin que nous puissions maintenir en vie et en bonne santé la majorité des personnes exposées au risque, notamment les plus vulnérables.  Lorsque viendra la grippe, c’est cette épreuve que nous devrons traverser avec succès.


Veillons par conséquent à nous préparer soigneusement –et dès maintenant.  J’espère pouvoir compter sur l’appui de vous tous dans cette mission.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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