GA/PAL/981

LA RÉUNION SUR LA PALESTINE SE PENCHE SUR LE RÔLE DES GOUVERNEMENTS ET ORGANISATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET NON GOUVERNEMENTALES

09/03/2005
Communiqué de presse
GA/PAL/981

LA RÉUNION SUR LA PALESTINE SE PENCHE SUR LE RÔLE DES GOUVERNEMENTS ET ORGANISATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET NON GOUVERNEMENTALES


(Publié tel que reçu)


GENÈVE, 9 mars (Service d’information des Nations Unies) -- La réunion internationale des Nations Unies sur la question de Palestine organisée par le Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien a entendu, ce matin, des experts qui ont porté leur attention sur le rôle des gouvernements, des organisations intergouvernementales et de la société civile dans le contexte des conséquences juridiques de la construction d'un mur dans le territoire palestinien occupé.


Au cours de cette discussion, les intervenants ont particulièrement souligné que la Cour internationale de justice, dans son avis consultatif sur la construction de la barrière de séparation, fait porter les conséquences de ses conclusions très au-delà des deux protagonistes principaux du conflit et ont mis en avant que tous les États ont un intérêt juridique à protéger les obligations qui incombent à Israël.  En outre, ces obligations transcendent l'avis non contraignant de la Cour, s'agissant notamment du droit du peuple palestinien à l'autodétermination et des principes fondamentaux du droit international humanitaire tels que l'interdiction d'expulser ou de transférer des populations civiles.


Il a également été souligné que tous les États sont tenus de s'abstenir de faire quoi que ce soit qui puisse aider à consolider et faire perdurer la situation illégale, notamment la fourniture de matériel ou d'argent susceptible d'entrer dans la construction du mur.  Il faut aussi que les sociétés civiles, dans tous les pays, rappellent aux États l'obligation d'abstention qui leur incombe.  Il a également été souligné que la responsabilité des États tiers doit aussi être celle de ne pas prêter aide ou assistance, sous quelque forme que ce soit, ni directement ni indirectement, au terrorisme.


Des exposés ont été présentés par M. Georges Abi-Saab, Professeur honoraire de droit international à l'Institut universitaire de hautes études internationales de Genève; M. Pieter H.F.Bekker, ancien juriste à la Cour internationale de justice et conseiller principal de la Palestine dans l'affaire consultative devant la Cour internationale de justice; Mme Monique Chemillier-Gendreau, Professeur de droit public à l'Université de Paris VII; M. Michael Lynk, Professeur de droit à l'Université de l'Ontario occidental; ainsi que M. Marcelo Kohen, Professeur de droit international à l'Institut universitaire de hautes études internationales de Genève.  Les représentants de la Jordanie et de la Ligue des États arabes sont également intervenus.


Ont en outre participé à un échange de vues sur ces questions les représentants du Congo, de Madagascar, de l'Indonésie et de l'Algérie.  Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont aussi pris la parole: Humanitarian Centre in Palestine; Groupe des droits de l'homme en Palestine; Centre des droits de l'homme de Jérusalem (Jérusalem-Est); Plate-forme française des ONG pour la Palestine.


Cet après-midi, à 15 heures, la réunion se penchera sur la question du rôle des parlements et de la société civile en matière de promotion du respect du droit international, avant de clore ses travaux.



Exposés


M. GEORGES ABI-SAAB, Professeur honoraire de droit international à l'Institut universitaire de hautes études internationales de Genève, a souligné que, dans son avis consultatif sur la construction du mur, la Cour internationale de justice a été très claire sur les implications de ses conclusions concernant l'illégalité de la construction du mur et les répercussions de cet avis pour Israël.  La Cour a rappelé qu'il y a à cet égard une obligation erga omnes, c'est à dire à l'égard de tous les membres de la communauté internationale.  Pour ce qui est du résultat de la violation d'une obligation erga omnes, M. Abi-Saab a souligné qu'il ne saurait être accepté qu'une telle violation perdure dans le temps et créé un nouveau statut juridique sous l'effet d'une quelconque prescription.  D'autre part, il ne saurait être question de reconnaître une quelconque situation illicite résultant de la violation d'une obligation erga omnes.  Cette obligation est permanente et ne saurait être abolie; aucune prescription ne saurait intervenir, a insisté M. Abi-Saab.  Mais il y a plus, a-t-il poursuivi.  Il existe également une obligation d'abstention en vertu de laquelle tous les États doivent s'abstenir de faire quoi que ce soit qui puisse aider à consolider et faire perdurer la situation illégale.  Cela signifie que toute fourniture de matériel ou d'argent susceptible d'entrer dans la construction du mur doit cesser, a expliqué le Professeur Abi-Saab.  Le mur va coûter plusieurs milliards de dollars; or, une grande partie du matériel qui entre dans la construction du mur est importée, a-t-il fait observer.  Il faut donc que les sociétés civiles, dans tous les pays, rappellent à ces derniers l'obligation d'abstention qui leur incombe, a souligné M. Abi-Saab.  Ainsi, l'opinion publique internationale peut jouer un rôle très important en la matière, a-t-il déclaré.


M. PIETER H.F.BEKKER, ancien juriste à la Cour internationale de justice et conseiller principal de la Palestine dans l'affaire consultative devant la Cour, a souligné qu'il n'est ni du côté d'Israël, ni du côté de la Palestine, mais du côté du droit international.  Il n'y a pas de contradiction à condamner à la fois les attentats-suicides à l'explosif et les colonies de peuplement dans le territoire occupé, a-t-il déclaré.  Il a par ailleurs rappelé que l'affaire dont il est ici question porte en réalité sur le tracé du mur; il n'y aurait pas eu de procédure devant la Cour si Israël avait construit une barrière de sécurité entièrement sur son territoire, le long de la Ligne verte, au lieu de construire 99% du mur autour de colonies illégales dans un territoire que la communauté internationale considère comme étant le territoire palestinien occupé.  M. Bekker a rappelé que la Cour a conclu que les obligations qu'Israël a enfreintes en construisant le mur revêtent par essence un caractère ergaomnes; en d'autres termes, ce sont des obligations que tous les États ont un intérêt juridique à protéger et qui constituent des principes intangibles.  Cela signifie que, par leur nature, ces obligations transcendent, pour ainsi dire, l'avis non contraignant s'y rapportant.  Il s'agit notamment du droit du peuple palestinien à l'autodétermination et des principes fondamentaux du droit international humanitaire tels que l'interdiction d'expulser ou de transférer des populations civiles, a précisé M. Bekker.  Cette interdiction vise aussi l'installation d'une partie de la population de la puissance occupante dans tout territoire occupé par la force, a-t-il ajouté.  Ces principes, de par leur nature intrinsèque, ont prééminence sur le droit interne.  Ils font partie de la catégorie des obligations qu'ont les États à l'égard de l'ensemble de la communauté internationale.  Ce sont des règles impératives du droit international auxquelles aucune dérogation n'est permise et dont aucun État ne peut nier l'existence, a souligné M. Bekker.


M. Bekker a rappelé que dans sa résolution du 20 juillet 2004, l'Assemblée générale considère que le respect de la Cour internationale de justice et des fonctions qu'elle remplit est indispensable pour faire valoir le droit et la raison dans les relations internationales.  Il a également rappelé que dans son avis de l'an dernier, la Cour a conclu que l'ensemble des actes législatifs et réglementaires adoptés en vue de l'édification du mur et de la mise en place du régime qui lui est associé doivent immédiatement être abrogés ou privés d'effet.  Sur ce point, aucune marge de manœuvre n'est laissée au Gouvernement israélien; celui-ci n'a d'autre choix que de se conformer pleinement à cette décision, a souligné M. Bekker.  Comme suite à l'arrêt de la CIJ, la Cour suprême d'Israël ne peut plus conclure de bonne foi que le mur satisfait le critère de nécessité que le droit international attache aux actes des États qui dérogent aux règles fondamentales du droit humanitaire et des instruments relatifs aux droits de l'homme.  Méconnaître les arrêts de la Cour, ou la Cour elle-même, placerait les États concernés dans la catégorie des pays qui ont fait fi des arrêts de la Cour qui leur étaient défavorables, a souligné M. Bekker.


MME MONIQUE CHEMILLIER-GENDREAU, Professeur de droit public à l'Université de Paris VII, a souligné que, comme tous les spécialistes du droit international, elle est convaincue de l'importance de l'avis rendu par la Cour internationale de justice le 9 juillet 2004.  Mme Chemillier-Gendreau a rappelé que la Cour a certes donné une «opinion» mais, en déclinant le détail des conséquences de cette opinion, elle a, comme jamais auparavant, ciselé dans sa réponse les droits et obligations de chacun relativement à la question examinée, de sorte que nul ne peut plus ignorer ce qu'il a à faire pour se conformer au droit international.  À travers le texte de l'avis rendu, le droit a été dit par l'autorité judiciaire la plus haute ; il ne peut plus être contredit, a fait valoir Mme Chemillier-Gendreau.  Elle a rappelé que la Cour fait porter les conséquences de ses conclusions très au-delà des deux protagonistes principaux du conflit.  Certaines de ses constatations ont une portée erga omnes et la conclusion à laquelle parvient la Cour - l'illégalité du mur - induit des conséquences pour de très nombreux acteurs: Israël, mais aussi la Palestine, ainsi que tous les États et les organisations internationales.  Tous sont interpellés clairement par la Cour relativement à leurs devoirs quant à la situation examinée, a souligné Mme Chemillier-Gendreau.


Depuis la publication de l'avis du CIJ, l'édification du mur se poursuit dans la plus insolente ignorance des principes de droit affirmés et avec un sentiment d'impunité rarement égalé, a poursuivi Mme Chemillier-Gendreau.  C'est pourquoi les obligations découlant pour les autres États des déclarations de la Cour revêtent une grande importance.  L'avis étant dénué de force exécutoire, c'est par le truchement des autres États que les conclusions de la Cour peuvent donc trouver l'effectivité que la catégorie «avis» ne permet pas, a indiqué Mme Chemillier-Gendreau.  De ce point de vue, tous les États sont amenés à mettre leurs comportements en conformité avec le droit international, a-t-elle précisé.  Elle a rappelé que dans son avis, la Cour réaffirme que le droit à l'autodétermination des Palestiniens a une valeur erga omnes; mais surtout, elle fonde l'illégalité du mur sur l'entrave qu'il représente à l'exercice de ce droit.  En outre, dans cet avis, la Cour ramène dans le champ du droit humanitaire en cas de conflit armé la situation existant dans les territoires occupés, a souligné Mme Chemillier-Gendreau.  Elle a rappelé que les États se trouvent devant une obligation déclarée clairement par la Cour de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par la construction du mur.  En outre, la Cour mentionne le rôle de l'ONU pour mettre fin à cette situation illicite.  Mme Chemillier-Gendreau a par ailleurs estimé que l'Union européenne, associée à Israël par un accord qui comporte divers aspects, notamment commerciaux, ne peut pas ignorer plus longtemps que l'article 2 de cet accord en conditionne l'exécution au respect des droits de l'homme et de la démocratie.  L'accord d'association doit être dénoncé pour manquement par Israël au respect de l'article 2, a-t-elle insisté.


M. MICHAEL LYNK, Professeur de droit à l'Université de l'Ontario occidental, a relevé que des résolutions sont adoptées s'agissant du conflit israélo-palestinien qui, comme les positions prises par le Conseil de sécurité à ce sujet, restent sans lendemain, alors que nombre de traités ne sont pas respectés.  M. Lynk a attiré l'attention sur l'instrument révolutionnaire et grandement utile que constitue le Statut de Rome de la Cour pénale internationale qu'Israël n'a pas ratifié parce que ce pays est conscient des implications que certaines dispositions de cet instrument, en particulier l'article 8 (2) (b) (viii), auraient sur la question des colonies de peuplement israéliennes.


M. Lynk a par ailleurs rappelé les prises de position de la Haute Cour israélienne s'agissant de certaines questions ayant trait, entre autres, aux colonies de peuplement.  La Haute Cour a notamment estimé qu'en tant que citoyens vivant dans les territoires occupés et considérés comme faisant partie de la population locale, les colons doivent être protégés.  Ainsi, des infrastructures sont-elles construites à leur intention en invoquant notamment, mais de manière restrictive, la nécessité de protection des populations locales.


M. MARCELO KOHEN, professeur de droit international à l'Institut universitaire de hautes études internationales de Genève, a fait observer que l'avis consultatif rendu le 9 juillet 2004 par la Cour internationale de justice influence déjà la situation sur le terrain.  Il a par ailleurs souligné que la feuille de route doit être lue à la lumière de cet avis consultatif.  D'autre part, a poursuivi M. Kohen, les deux parties ont tout intérêt à régler la question territoriale de manière permanente.  Enfin, les Nations Unies et les États tiers doivent adopter une attitude cohérente.


La décision de poursuivre la construction du mur en territoire palestinien occupé défie les constatations faites par la Cour internationale de justice et par l'Assemblée générale et risque de saper les espoirs engendrés par la nouvelle situation créée par l'élection de Mahmoud Abbas comme Président de l'Autorité palestinienne, a poursuivi M. Kohen.  Le tracé de la clôture de séparation décidé unilatéralement par le Gouvernement israélien ne peut constituer la «frontière provisoire» à laquelle se réfère la feuille de route, sauf si la Palestine y donne son consentement, a par ailleurs déclaré le professeur.


Les Nations Unies gagneraient en crédibilité si elles adoptent la même fermeté à l'égard de toutes les situations d'occupation, a poursuivi M. Kohen.  Les États aussi gagneraient en crédibilité s'ils condamnent avec la même force toutes les situations d'occupation ou si, au cas où ils sont les responsables directs de la situation, ils y mettent fin sans conditions et le plus rapidement possible.  Au Moyen-Orient, cela vaut pour la Palestine aussi bien que pour l'Iraq et le Liban.  En dehors de la région, les Nations Unies ne doivent pas oublier leur responsabilité fondamentale pour que l'occupation du Sahara occidental prenne fin et le peuple sahraoui puisse exercer son droit à l'autodétermination, a ajouté M. Kohen.  Il a également souligné que la responsabilité des États tiers doit aussi être celle de ne pas prêter aide ou assistance, sous quelque forme que ce soit, ni directement ni indirectement, au terrorisme.  Si rien ne justifie l'occupation, rien ne justifie le terrorisme non plus, a-t-il souligné.


Le représentant de la Jordanie a rappelé que la Cour internationale de justice a conclu que la barrière et son régime correspondent à une annexion de territoire contrevenant à toutes les règles du droit international.  La Jordanie salue les signes positifs des mesures prises au lendemain du récent Sommet de Charm el-Cheik.  Il faut espérer qu'Israël respectera les engagements pris lors de ce sommet et que les deux parties rempliront leurs engagements dans le cadre de la feuille de route.  Il faut également espérer que la construction du mur sera stoppée et que les segments existants seront démantelées, en tant que mesure d'instauration de la confiance, a ajouté le représentant jordanien.


Le représentant de la Ligue des États arabes a souligné que le mur de séparation est en train d'encercler et de morceler le peuple palestinien sur son propre territoire.  Il a par ailleurs rappelé que dans son avis, la Cour internationale de justice a affirmé qu'il était du devoir d'Israël de cesser la construction du mur, de procéder à son démantèlement, de rendre à leurs propriétaires les terres confisquées et de dédommager les personnes ayant souffert de préjudices dus à ces actions illégales.  La Cour a également constaté que les implantations israéliennes dans les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est, ont été créées en violation du droit international, a rappelé M. El Hajjé.  L'avis de la CIJ ne peut être négligé ou ignoré ni par un membre ni par l'ensemble des membres des Nations Unies sans endommager tout le système de sécurité collective à la base de toute le système onusien, a souligné le représentant de la Ligue des États arabes.  La Cour et l'Assemblée générale ont joué le rôle que leur a confié la Charte des Nations Unies en insistant sur le fait que les États tiers et les organisations internationales ont l'obligation de ne pas reconnaître la situation résultant de la construction du mur et de ne rien entreprendre qui puisse pérenniser la situation induite par cette construction.  Or, malgré l'avis de la CIJ et la résolution de l'Assemblée générale, Israël a poursuivi au cours des derniers mois l'édification d'immenses pans de mur autour de Jérusalem-Est et d'autres régions du territoire palestinien.  Cette pratique montre qu'Israël n'a pas changé de politique et poursuit un plan plus large qui vise à annexer encore plus de terres palestiniennes.


Échange de vues


Au cours de l'échange de vues qui a suivi ces déclarations, un intervenant a relevé que la Haute Cour israélienne avalise une fiction juridique en invoquant l'argument sécuritaire; aussi a-t-il lancé un appel aux juristes israéliens pour qu'ils fassent preuve de davantage d'imagination dans l'approche des dossiers qu'ils ont à traiter.  La communauté internationale doit faire pression sur Israël pour l'amener à respecter ses obligations internationales, a ajouté l'orateur.  Un autre intervenant a insisté sur les obligations spécifiques qui incombent aux États de l'Union européenne compte tenu de l'avis de la Cour internationale de justice.  Un intervenant a souligné que la route 443, qui va de Ramallah jusqu'à l'intérieur d'Israël, coupe 25 villages palestiniens et qu'aucun Palestinien de Cisjordanie ne peut franchir cette zone, que ce soit en voiture ou à pied.


Certains se sont enquis des modalités d'une action collective visant à invoquer l'avis de la Cour internationale de justice.  Un intervenant s'est demandé s'il ne serait pas possible de poursuivre ceux qui se rendent complices de la construction du mur.  Il pourrait être envisagé, sur la base d'un recours en carence devant la Cour de justice de l'Union européenne, que soit régulé le droit des ressortissants communautaires de commercer avec Israël et, plus précisément, d'exporter des biens susceptibles de servir à la construction du mur, a suggéré un orateur.


Faisant observer qu'une pétition contre le mur a recueilli en France des centaines de milliers de signatures, le représentant de la Plate-forme française des ONG pour la Palestine a souligné que, sans pression politique, diplomatique ou économique contre Israël, il ne sera jamais possible de faire reculer le pouvoir en Israël.  Il a indiqué que son organisation a commencé à intervenir auprès de la société Caterpillar afin qu'elle cesse ses livraisons à Israël de pelleteuses qui servent non seulement à construire le mur, mais aussi à détruire des maisons palestiniennes.


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