CS/8400

LE CONSEIL MET ÉTATS MEMBRES ET SECRÉTARIAT FACE À LEURS RESPONSABILITÉS DANS LA LUTTE CONTRE LES ABUS SEXUELS COMMIS PAR LE PERSONNEL DE MAINTIEN DE LA PAIX DE L’ONU

31/05/2005
Communiqué de presse
CS/8400


Conseil de sécurité

5191e séance – après-midi


LE CONSEIL MET ÉTATS MEMBRES ET SECRÉTARIAT FACE À LEURS RESPONSABILITÉS DANS LA LUTTE CONTRE LES ABUS SEXUELS COMMIS PAR LE PERSONNEL DE MAINTIEN DE LA PAIX DE L’ONU


Le Conseil a condamné, cet après-midi, « avec la plus grande vigueur », tous les actes d’abus et d’exploitation sexuels commis par des membres du personnel de maintien de la paix des Nations Unies.  Cette condamnation figure dans une déclaration présidentielle qui a été rendue publique après que le Conseil eut entendu les interventions du Conseiller du Secrétaire général sur la question, et du Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix. 


Venu présenter sa « Stratégie globale visant à éliminer l’exploitation et les abus sexuels dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies »*, le Conseiller du Secrétaire général, Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein, a prévenu que l’élimination totale de ce phénomène exige que toutes les recommandations soient mises en œuvre dans un délai de deux ans.  Il a mis l’accent sur les conséquences catastrophiques que la poursuite de tels abus aurait sur l’avenir des opérations de maintien de la paix, et a réitéré, dans sa longue intervention, son intention d’insister sur la recommandation visant à instaurer des « cours martiales » au sein même des opérations.


Si, à la suite du Conseiller du Secrétaire général, les membres du Conseil ont confirmé que le comportement et la discipline des soldats relèvent principalement de la responsabilité des pays qui fournissent des contingents, ils ont toutefois reconnu, dans la déclaration présidentielle, qu’il est de la responsabilité conjointe du Secrétaire général et de tous les États Membres de prendre toute disposition, dans leur domaine de compétence, pour prévenir les actes d’exploitation et d’abus sexuels et assurer le respect des normes de conduite des Nations Unies.


Au nom du Secrétariat de l’ONU, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix a fait part des efforts de son Département dont la publication de modules de sensibilisation à la question, de directives ou encore de guides pratiques.  Jean-Marie Guéhenno a aussi énuméré les interdictions qui frappent désormais les Casques bleus.  Il serait regrettable, a-t-il estimé, qu’au moment où l’Organisation s’efforce d’améliorer ses modes d’intervention sur le terrain, l’exploitation et les abus sexuels portent un coup dur à son image, à sa crédibilité et à l’efficacité dont elle a besoin pour assurer la réussite de ses opérations.  Mais le Département ne peut rien sans l’implication des États Membres, a-t-il prévenu.


*  A/59/710


OPÉRATION DE MAINTIEN DE LA PAIX DES NATIONS UNIES


Déclarations


Prince ZEID RA’AD ZEID AL-HUSSEIN, Conseiller du Secrétaire général pour les actes d’exploitation et d’abus sexuels commis par des membres du personnel de maintien de la paix des Nations Unies, s’est félicité que le Conseil organise, pour la première fois de son histoire, une séance consacrée exclusivement à la question.  Depuis plusieurs mois déjà, a-t-il dévoilé, certains membres du Conseil considéraient qu’un débat ouvert sur la question était nécessaire.  Mais après un certain temps de réflexion, le Conseil a renvoyé la question à l’Assemblée générale pour garantir une stratégie large fondée sur des consultations entre les pays fournisseurs de contingents, le Département des opérations de maintien de la paix et le Bureau des affaires juridiques.  Ce sont ces contributions, a-t-il dit, qui m’ont permis de répondre à la requête du Secrétaire général concernant l’établissement d’un rapport sur une Stratégie globale visant à éliminer l’exploitation et les abus sexuels dans les opérations de maintien de la paix. 


Il est très vite apparu, en effet, a poursuivi le Conseiller, que les abus étaient largement répandus et leur niveau était certainement plus important que ce que certains croyaient.  En passant en revue les informations, la complexité des questions juridiques connexes est apparue évidente.  Pour le Conseiller, la création d’un bon cadre administratif et juridique permettrait de résoudre de nombreux problèmes connexes mais aussi d’autres formes de fautes professionnelles graves.  Pourquoi avoir perdu tant de temps? s’est interrogé le Conseiller alors que depuis le début des années 60, les cas disciplinaires n’ont fait que se multiplier.  Les opérations de maintien de la paix sont dangereuses quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont déployées.  Il faut du courage aux États Membres pour envoyer leur personnel dans de tels contextes, a reconnu le Conseiller, en jugeant aussi que quels que soient les abus des Casques bleus, on ne saurait les comparer à l’ignominie de ce que font les parties au conflit.  Mais là n’est pas le problème, a-t-il néanmoins tranché en arguant que l’ONU ne saurait s’écarter des normes de conduite les plus élevées.


Qu’un Casque bleu exploite les vulnérabilités d’une population ne diffère pas beaucoup de la situation où un médecin violerait sa patiente.  Cela, a insisté le Conseiller, remet violemment en question l’espoir incarné par les Casques bleus qui sont là pour aider.   Tous les pays qui ont participé aux opérations de maintien ont raison d’avoir honte des actes de certains de leur personnel.  Si nous partageons la même faute, ne serait-il pas plus facile d’examiner les transgressions ouvertement, avec franchise et humilité, s’est encore interrogé le Conseiller.  Rappelant qu’il a lui-même été un Casque bleu, il a souligné le courage, la gentillesse et le dévouement de ses anciens collègues.  Il a néanmoins dit ne pas avoir oublié les cas où son gouvernement s’est retrouvé confronté à des actes perpétrés notamment ses ressortissants, comme le viol brutal d’une femme au Timor oriental. 


Les États Membres doivent se résoudre à reconnaître la vérité ouvertement, a-t-il dit, en rappelant qu’il y a quelques jours, la Cinquième Commission a adopté des recommandations très importantes sur les postes demandés par le Secrétaire général.  Tout cela est prometteur et il faut espérer que le Secrétaire général annoncera prochainement la nomination du groupe d’experts chargé de donner des avis sur les meilleurs moyens de garantir les principes de la Charte relatifs à la non-exonération d’actes criminels commis par le personnel de l’ONU pendant l’exercice de ses fonctions.  En attendant, le Conseiller a annoncé que le Chef du Département des opérations de maintien a travaillé sans relâche pour parer au plus pressé.  Il a toutefois réitéré que malgré les progrès accomplis, il faut s’attendre à de nouvelles allégations maintenant que le Secrétariat a renforcé le système de présentation des plaintes. 


Il faut aussi s’attendre, a-t-il poursuivi, à ce que le Département des opérations de maintien de la paix et le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) continuent à développer leur capacité d’enquête et la relation entre le BSCI et les pays fournisseurs de contingents.  Le Conseiller a espéré que le Comité spécial des opérations de maintien de la paix reprendra ses négociations sur les recommandations de son rapport.  Il a dit son intention d’insister sur la recommandation visant à mettre sur pied des cours martiales au sein des missions pour connaître des pires délits.  L’élimination du phénomène d’exploitation et d’abus sexuels exige la mise en œuvre de toutes les recommandations dans un délai de deux ans, a-t-il affirmé.  Fustigeant ceux qui continuent de croire que toute cette affaire n’est que pure exagération relayée par les médias, le Conseiller a salué le fait que, par leur Déclaration, les membres du  Conseil leur opposent aujourd’hui un cinglant démenti, conscients que de tels abus peuvent avoir des conséquences catastrophiques sur l’avenir des opérations de maintien de la paix. 


M. JEAN-MARIE GUÉHENNO, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a déclaré que l’exploitation et les abus sexuels commis par des membres du personnel des opérations de maintien de la paix menées par l’ONU sont un défi que l’Organisation doit immédiatement relever.  Ces abus risquent de miner la crédibilité dont l’ONU a besoin pour porter assistance à des populations vivant déjà dans des situations désespérées et brisent le lien de confiance qui devrait exister entre ces populations et les troupes sous drapeau de l’ONU.  Nous sommes heureux que le Comité spécial des opérations de maintien de la paix ait rapidement remis son rapport sur la question, qui met en lumière les manquements de certains membres des opérations de maintien de la paix.  De ce rapport, nous tirerons les éléments d’une stratégie claire permettant d’améliorer les opérations de maintien de la paix, a assuré M. Guéhenno.  Nous avons fait des progrès depuis la dénonciation des premiers abus sexuels constatés en République démocratique du Congo.  Nous devons maintenant mettre en place des garde-fous qui permettront que ce genre d’actes ne se reproduise plus.  Certaines des personnes accusées d’avoir commis des abus sexuels sur des civils ont été condamnées à des peines de prison et à des sanctions disciplinaires, ou ont été rapatriées, a indiqué M. Guéhenno.  Le Département des opérations de maintien de la paix a publié des modules de formation à l’intention des Casques bleus et des pays contributeurs de troupes afin de les sensibiliser à la question.  Désormais, certains comportements sont interdits aux personnels de maintien de la paix.  Ils ne pourront pas fraterniser avec les populations locales ou fréquenter les lieux de prostitution existant dans les zones où l’ONU est engagée pour le maintien ou la consolidation de la paix et d’autres mesures sont à l’étude, a dit M. Guéhenno.


Le Département des opérations de maintien de la paix a publié une série de recommandations et de directives sur le soutien à apporter aux victimes des abus et de l’exploitation sexuels commis par des membres du personnel de l’ONU, a précisé M. Guéhenno.  Il serait regrettable qu’au moment où l’Organisation s’efforce d’améliorer ses modes d’intervention sur le terrain, l’exploitation  et les abus sexuels portent un coup dur à son image, à sa crédibilité et à l’efficacité dont elle besoin pour assurer la réussite de ses opérations et mieux venir en aide aux populations.  Il sera désormais exigé des personnels de l’ONU qu’ils respectent intégralement les directives et le code de conduite mis en place par l’Organisation.  Une action conjointe doit à cet égard être menée à la fois par le Département des opérations de maintien et les États Membres, notamment  ceux contributeurs de troupes, a dit M. Guéhenno.


Déclaration présidentielle


1.    Le Conseil de sécurité reconnaît le rôle vital que jouent depuis des décennies les opérations de maintien de la paix des Nations Unies s’agissant d’apporter la paix et la stabilité aux pays qui sortent de la guerre.  Il reconnaît en outre qu’à quelques exceptions près, les femmes et les hommes qui participent aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies le font avec une conscience professionnelle et un dévouement élevés allant, dans certains cas, jusqu’au sacrifice suprême.


2.    Le Conseil est profondément préoccupé par les allégations de comportement sexuel répréhensible de la part du personnel de maintien de la paix des Nations Unies.  Le bilan remarquable et honorable des opérations de maintien de la paix est terni par les agissements de quelques personnes.


3.    Le Conseil condamne, avec la plus grande vigueur, tous les actes d’abus et d’exploitation sexuels commis par des membres du personnel de maintien de la paix des Nations Unies.  Il réaffirme que l’exploitation et les abus sexuels sont inacceptables et compromettent l’accomplissement du mandat des missions.


4.    Le Conseil, tout en confirmant que le comportement et la discipline des soldats relèvent principalement de la responsabilité des pays qui fournissent des contingents, reconnaît qu’il est de la responsabilité conjointe du Secrétaire général et de tous les États Membres de prendre toute disposition, dans leur domaine de compétence, pour prévenir les actes d’exploitation et d’abus sexuels de la part de toutes les catégories de personnel participant aux missions de maintien de la paix des Nations Unies, et assurer le respect des normes de conduite des Nations Unies à cet égard.  Le Conseil réaffirme qu’il est important de veiller à ce que de tels actes fassent l’objet d’enquêtes ayant toute la rigueur voulue et soient dûment sanctionnés.


5.    Le Conseil souligne qu’il incombe au premier chef aux hiérarchies civiles et militaires de créer des conditions dans lesquelles l’exploitation et les abus sexuels ne sont pas tolérés.


6.    Le Conseil accueille avec satisfaction le rapport complet sur l’exploitation et les abus sexuels imputables à des membres du personnel de maintien de la paix des Nations Unies (A/59/710), établi par le Conseiller du Secrétaire général sur cette question, S. A. R. le Prince Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein, Représentant permanent du Royaume hachémite de Jordanie auprès de l’Organisation des Nations Unies.  Le Conseil accueille également favorablement le rapport du Comité spécial des opérations de maintien de la paix à la reprise de la session de 2005 (A/59/19/Add.1).


7.    Le Conseil invite instamment le Secrétaire général et les pays qui fournissent des contingents à faire en sorte que les recommandations du Comité spécial qui relèvent de leurs responsabilités respectives soient mises en œuvre sans délai.


8.    Le Conseil envisagera de consacrer, dans ses résolutions établissant de nouveaux mandats ou renouvelant des mandats existants, des dispositions à la prévention, au contrôle, à l’instruction et au signalement de cas de comportement répréhensible.  À cet égard, le Conseil prie le Secrétaire général de faire, dans ses rapports réguliers sur les missions de maintien de la paix, le résumé des mesures de prévention prises pour appliquer une politique de tolérance zéro et de l’issue des actions engagées contre le personnel coupable d’exploitation et d’abus sexuels.


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