CS/2674

LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DÉCIDE D’ÉTABLIR UNE MISSION DES NATIONS UNIES POUR LA STABILISATION EN HAÏTI À COMPTER DU 1ER JUIN 2004

30/04/2004
Communiqué de presse
CS/2674


Conseil de sécurité

4961ème séance – matin


LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DÉCIDE D’ÉTABLIR UNE MISSION DES NATIONS UNIES POUR LA STABILISATION EN HAÏTI À COMPTER DU 1ER JUIN 2004


Le Conseil de sécurité a, ce matin, décidé d’établir la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) pour une durée initiale de six mois qu’il compte renouveler.  Dans la résolution 1542 (2004) adoptée ce matin à l’unanimité, le Conseil demande que la passation des pouvoirs de la Force multinationale intérimaire à la MINUSTAH se fasse le 1er juin 2004.


La Force multinationale intérimaire, autorisée par le Conseil de sécurité pour une période de 3 mois, a été organisée par le Canada, la France et les Etats-Unis et déployée le 29 février dernier pour faciliter l’instauration de conditions de sécurité et de stabilité dans la capitale haïtienne et pour faciliter la fourniture d’une aide humanitaire. 


Par sa nouvelle résolution, le Conseil a également décidé que la MINUSTAH comprendra une composante civile et une composante militaire qui comporteront respectivement au maximum 1 622 membres de la police civile et 6 700 militaires.  Il a prié le Secrétaire général de nommer un représentant spécial en Haïti et appuyé la création d’un groupe restreint, présidé par celui-ci/celle-là et comprenant le commandant de la Force, des représentants de l’Organisation des Etats américains (OEA) et de la CARICOM et autres, en vue d’aider la MINUSTAH à s’acquitter de son mandat.


Le mandat de la Mission s’articule autour de l’établissement d’un climat sûr et stable en Haïti, l’appui du processus constitutionnel et politique et la défense des droits de l’homme.  La Mission devra notamment aider le Gouvernement de transition à réformer la Police nationale haïtienne conformément aux normes d’une police démocratique et à mettre en œuvre des programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion à l’intention de tous les groupes armés, y compris les femmes et les enfants associés à ces groupes.  Elle devra protéger les civils contre toute menace imminente de violence physique dans les limites de ses capacités et dans les zones où elle est déployée.  


Le Conseil était saisi d’un rapport du Secrétaire général sur Haïti.


Texte du projet de résolution S/2004/334


Le Conseil de sécurité,


Rappelant sa résolution 1529 (2004) du 29 février 2004,


Se félicitant du rapport du Secrétaire général, en date du 16 avril 2004 (S/2004/300), et souscrivant à ses recommandations,


Se déclarant fermement attaché à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité d’Haïti,


Déplorant toutes les violations des droits de l’homme, en particulier à l’encontre des populations civiles, et priant instamment le Gouvernement de transition d’Haïti (« le Gouvernement de transition ») de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à l’impunité et pour ranger la promotion et la défense permanente des droits de l’homme, ainsi que l’instauration de l’état de droit et d’une justice indépendante, au nombre de ses premières priorités,


Réaffirmant aussi sa résolution 1325 (2000) sur les femmes, la paix et la sécurité, ses résolutions 1379 (2001), 1460 (2003) et 1539 (2004) sur les enfants dans les conflits armés, ainsi que ses résolutions 1265 (1999) et 1296 (2000) sur la protection des civils dans les conflits armés,


Accueillant avec satisfaction et encourageant les efforts que l’Organisation des Nations Unies déploie, dans le cadre de toutes ses opérations de maintien de la paix, pour sensibiliser le personnel du maintien de la paix à la question de l’action de prévention et de lutte contre le VIH/sida et d’autres maladies transmissibles,


Saluant la rapidité et le professionnalisme avec lesquels la Force multinationale intérimaire s’est déployée et les efforts de stabilisation qu’elle a entrepris,


Prenant acte de l’Accord politique conclu par certaines parties essentielles le 4 avril 2004 et engageant toutes les parties à rechercher sans attendre un large consensus politique sur la nature et la durée de la transition politique,


Demandant à nouveau à la  communauté internationale de continuer à apporter aide et appui au développement économique, social et institutionnel d’Haïti, à long terme, et se félicitant que l’Organisation des États américains (OEA), la Communauté des Caraïbes (CARICOM), la communauté internationale des donateurs et les institutions financières internationales entendent concourir à cette entreprise,


Prenant note de l’existence de problèmes qui compromettent la stabilité politique, sociale et économique d’Haïti et estimant que la situation en Haïti continue de constituer une menace pour la paix et la sécurité internationales dans la région,


1.    Décide d’établir, sous le nom de Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), la force de stabilisation visée dans sa résolution 1529 (2004), pour une durée initiale de six mois qu’il compte renouveler, et demande que la passation des pouvoirs de la Force multinationale intérimaire à la MINUSTAH se fasse le 1er juin 2004;


2.    Autorise les éléments restants de la Force multinationale intérimaire à continuer d’exécuter le mandat confié à celle-ci par la résolution 1529 (2004), dans la limite des moyens disponibles, pendant une période de transition qui durera 30 jours maximum à compter du 1er juin 2004, selon que la MINUSTAH l’exigerait ou le demanderait;


3.    Prie le Secrétaire général de nommer un représentant spécial en Haïti, sous l’autorité générale duquel seront placées la coordination et la conduite de toutes les activités du système des Nations Unies en Haïti;


4.    Décide que la MINUSTAH aura une composante civile et une composante militaire, conformément au rapport du Secrétaire général sur Haïti (S/2004/300), la composante civile devant comporter au maximum 1 622 membres de la police civile, y compris des conseillers et des unités constituées, et la composante militaire jusqu’à 6 700 hommes, tous grades confondus, et demande en outre que la composante militaire rende compte directement au représentant spécial par l’intermédiaire du commandant de la Force;


5.    Appuie la création d’un groupe restreint présidé par le/la représentant(e) spécial(e) du Secrétaire général et comprenant également ses adjoints, le commandant de la Force, des représentants de l’OEA et de la CARICOM, d’autres organisations régionales et sous-régionales, des institutions financières internationales et d’autres parties prenantes importantes, qui aurait pour vocation d’aider la MINUSTAH à s’acquitter de son mandat, de promouvoir le dialogue avec les autorités haïtiennes, en tant que partenaires, et de donner plus d’efficacité à l’intervention de la communauté internationale en Haïti, comme il est indiqué dans le rapport du Secrétaire général (S/2004/300);


6.    Demande en outre qu’à l’occasion de l’exécution de son mandat, la MINUSTAH se concerte avec l’OEA et la CARICOM et coopère avec elles;


7.    Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies en ce qui concerne la section I ci-dessous,décide de confier à la MINUSTAH le mandat ci-après:


                  I.    Climat sûr et stable


a)    Pourvoir, à titre d’appui au Gouvernement de transition, à la sécurité et à la stabilité propices au bon déroulement du processus constitutionnel et politique à Haïti;


b)    Aider le Gouvernement de transition à surveiller, restructurer et réformer la Police nationale haïtienne, conformément aux normes d’une police démocratique, notamment en vérifiant les antécédents de ses membres et en agréant son personnel, en donnant des conseils sur les questions de réorganisation et de formation, y compris la sensibilisation à la situation des femmes, et en pourvoyant à la surveillance et à l’encadrement des policiers;


c)    Aider le Gouvernement de transition, en particulier la Police nationale haïtienne, à mettre en oeuvre des programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion complets et durables à l’intention de tous les groupes armés, y compris les femmes et les enfants associés à ces groupes, ainsi que des mesures de maîtrise des armes et de sécurité publique;


d)    Aider au rétablissement et au maintien de l’état de droit, de la sécurité publique et de l’ordre public en Haïti, notamment en apportant un appui opérationnel à la Police nationale haïtienne et aux gardes-côtes haïtiens, et en les renforçant sur le plan institutionnel, notamment en remettant sur pied le système pénitentiaire;


e)    Protéger le personnel, les locaux, les installations et le matériel des Nations Unies et assurer la sécurité et la liberté de circulation du personnel des Nations Unies, étant entendu que c’est au Gouvernement de transition qu’incombe la responsabilité première à cet égard;


f)    Protéger les civils contre toute menace imminente de violence physique, dans les limites de ses capacités et dans les zones où elle est déployée, sans préjudice des responsabilités confiées au Gouvernement de transition et aux autorités de police;


                  II.   Processus politique


a)    Appuyer le processus constitutionnel et politique en cours en Haïti, notamment par ses bons offices, et promouvoir les principes de la gouvernance démocratique et du développement des institutions;


b)    Soutenir le Gouvernement de transition dans les efforts qu’il déploie pour engager le dialogue et la réconciliation dans le pays;


c)    Aider le Gouvernement de transition à organiser, surveiller et tenir au plus vite des élections municipales, parlementaires et présidentielles libres et régulières, en particulier en fournissant une assistance technique, logistique et administrative, en assurant le maintien de la sécurité et en appuyant comme il convient des opérations électorales qui permettent la participation d’électeurs représentatifs de l’ensemble de la population du pays, y compris les femmes;


d)    Aider le Gouvernement de transition à rétablir l’autorité de l’État sur toute l’étendue du territoire haïtien et favoriser la bonne gouvernance au niveau local;


                  III.  Droits de l’homme


a)    Soutenir le Gouvernement de transition et les institutions et groupes haïtiens de défense des droits de l’homme dans leurs efforts de promotion et de défense des droits de l’homme, en particulier ceux des femmes et des enfants, afin que les auteurs de violations des droits de l’homme soient tenus personnellement d’en répondre et que les victimes obtiennent réparation;


b)    Surveiller, en coopération avec le Haut Commissariat aux droits de l’homme, la situation des droits de l’homme, notamment celle des réfugiés et des déplacés rentrés chez eux, et en rendre compte;


8.    Décide qu’en collaboration avec d’autres partenaires, la MINUSTAH offrira, dans les limites de ses capacités, conseils et assistance au Gouvernement de transition pour l’aider à:


a)    Enquêter sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, en collaboration avec le Haut Commissariat aux droits de l’homme en vue de mettre fin à l’impunité;


b)    Élaborer une stratégie de réforme et de renforcement des institutions judiciaires;


9.    Décide en outre que la MINUSTAH se concertera avec le Gouvernement de transition, ainsi qu’avec leurs partenaires internationaux, et coopérera avec eux en vue de faciliter la fourniture et la coordination de l’aide humanitaire et de permettre aux agents des organisations humanitaires d’atteindre les Haïtiens qui sont dans le besoin, surtout les plus vulnérables d’entre eux, en particulier les femmes et les enfants;


10.   Autorise le Secrétaire général à prendre toutes les mesures voulues pour faciliter et soutenir le déploiement rapide de la MINUSTAH avant que l’Organisation ne prenne la relève de la Force multinationale intérimaire;


11.   Prie les autorités haïtiennes de conclure avec le Secrétaire général un accord sur le statut des forces dans les 30 jours suivant l’adoption de la présente résolution, et note que le modèle d’accord sur le statut des forces pour les opérations de maintien de la paix en date du 9 octobre 1990 (A/45/594) sera appliqué en attendant la conclusion de cet accord;


12.   Exige que le personnel (y compris le personnel associé) et les locaux des Nations Unies, ainsi que de l’OEA, de la CARICOM, des autres organisations internationales et humanitaires et des missions diplomatiques présentes en Haïti, soient strictement respectés et qu’aucun acte d’intimidation ou de violence ne soit dirigé contre le personnel participant à l’action humanitaire, à des activités de développement ou de maintien de la paix; exige aussi que toutes les parties haïtiennes permettent aux organisations humanitaires de se rendre en toute sécurité et liberté partout où elles doivent aller pour pouvoir mener leurs activités;


13.   Souligne que les États Membres, l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations internationales, en particulier l’OEA et la CARICOM les autres organisations régionales et sous-régionales, les institutions financières internationales et les organisations non gouvernementales doivent continuer à contribuer à la promotion du développement économique et social d’Haïti, en particulier à long terme, pour que le pays puisse retrouver et conserver une stabilité et faire reculer la pauvreté;


14.   Demande instamment à toutes les parties prenantes susmentionnées, en particulier aux organismes, aux organes et aux institutions des Nations Unies, d’aider le Gouvernement de transition d’Haïti à arrêter une stratégie de développement à long terme à cette fin;


15.   Engage les États Membres à fournir une aide internationale importante pour répondre aux besoins humanitaires en Haïti et permettre la reconstruction du pays, en ayant recours à des mécanismes de coordination appropriés, et demande en outre aux États, en particulier ceux de la région, de soutenir comme il convient les mesures prises par l’Organisation des Nations Unies;


16.   Prie le Secrétaire général de lui présenter un rapport d’étape sur l’exécution du mandat défini dans la présente résolution et de lui présenter aussi, avant l’expiration du mandat de la MINUSTAH, un autre rapport contenant des recommandations sur l’opportunité de prolonger, restructurer ou réaménager la Mission, pour que la Mission et son mandat restent en phase avec l’évolution de la situation en Haïti dans les domaines politique, de la sécurité et du développement économique;


17.   Décide de demeurer saisi de la question.


Rapport du Secrétaire général (S/2004/300)


Ce rapport est établi en application de la résolution du 29 février 2004 qui a autorisé le déploiement immédiat d’une Force multinationale intérimaire pour une période de trois mois au maximum et par laquelle le Conseil s’est en outre déclaré prêt à créer ensuite une force de stabilisation pour faciliter la poursuite d’un processus politique pacifique et constitutionnel et le maintien de conditions de sécurité et de stabilité en Haïti. 


Le Secrétaire général constatant que la situation semble plus catastrophique aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a 10 ans, recommande la création d’une opération multidimensionnelle de stabilisation en Haïti, qui serait dénommée Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), qui, entre autres, serait chargée d’appuyer le processus constitutionnel et politique en cours et de promouvoir les principes de gouvernance démocratique et de développement institutionnel; de contribuer à l’instauration de conditions de sécurité et de stabilité et selon que de besoin, de maintenir la sécurité et l’ordre public; de veiller à la tenue d’élections crédibles et démocratiques, notamment en les supervisant; d’aider à rétablir l’état de droit et la sécurité en fournissant un appui à la Police nationale haïtienne et en contribuant à son renforcement institutionnel; de contribuer, avec les autres partenaires, à la réforme et au renforcement institutionnel de l’appareil judiciaire et au rétablissement du système correctionnel; d’aider le Gouvernement de transition à mettre en œuvre des programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, complets et durables pour tous les groupes armés, ainsi que des mesures de contrôle des armes et de sécurité publique; d’aider le Gouvernement de transition à rétablir l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire; de soutenir les efforts pour engager un processus de réconciliation nationale; de faciliter la fourniture d’une aide humanitaire au peuple haïtien dans le besoin; d’aider le Gouvernement de transition à rétablir les services publics de base; de favoriser les activités génératrices d’emplois; de surveiller la situation en matière des droits de l’homme.  La mission assurerait la sécurité et la liberté de circulation du personnel et du personnel associé et protégerait les locaux, les installations et le matériel. 


Il est recommandé que la mission soit créée pour une période initiale de 24 mois, jusqu’après l’application des résultats des élections de 2005.  Le rapport présente en détail la structure et les modalités de fonctionnement de la mission proposée.  Sa composante militaire fonctionnerait sur la base de règles d’engagement fermes avec des moyens suffisants pour pouvoir faire face aux menaces qui risquent de compromettre l’exécution de son mandat.  Entre autres, elle garantirait la sécurité dans toutes les villes clefs et dans leurs environs, assurerait la protection des sites et des installations névralgiques et veillerait à la sécurité sur les grands axes routiers.  Elle prêterait main forte à la Police nationale haïtienne et à la police internationale pour faire face à d’éventuelles émeutes.  La composante militaire pourrait compter jusqu’à 6 700 hommes, et elle serait déployée dans l’ensemble du pays. 


Le Secrétaire général observe que la tâche ne sera pas aisée.  Toutefois, il se félicite de la signature, par de nombreux dirigeants haïtiens représentant différentes composantes de la société, du récent Pacte politique qui définit la voie à suivre pendant la période de transition.  Il regrette que ce Pacte n’ait pas été l’occasion de rapprocher tous les grands mouvements politiques, comme cela aurait pu être le cas.


Selon lui, aucun progrès ne sera possible sans qu’un consensus de réconciliation nationale englobant toutes les composantes de la société ne soit engagé.  Il exhorte tous les Haïtiens et leurs dirigeants à mettre un terme à la violence et à l’impunité.  Tous les auteurs de graves violations des droits de l’homme, qu’elles soient anciennes ou récentes, doivent être traduits en justice.  Le Secrétaire général estime qu’Haïti semble avoir surmonté la phase la plus aiguë de la crise qu’elle vient de traverser. 


Constatant qu’Haïti connaît toujours une situation humanitaire catastrophique, qui nécessite une action d’urgence, il exhorte tous les donateurs à apporter des contributions plus généreuses afin que les 35 millions de dollars qui sont requis pour satisfaire les besoins immédiats et jeter les bases de l’effort de relèvement à mener au cours des six prochains mois, soient réunis.  Il espère aussi qu’Haïti bénéficiera de l’aide que les institutions financières internationales accordent aux pays sortant d’un conflit.  Il engage par ailleurs les donateurs à fournir à l’Organisation des Etats américains (OEA) et à la Communauté des Caraïbes (CARICOM) les moyens dont elles ont besoin pour planifier et financer des projets et activités pertinents.  Soulignant que le développement durable d’Haïti nécessite un engagement à long terme, tant sur le plan politique que sur le plan financier, il accueille avec satisfaction l’appel que le Conseil de sécurité a lancé à la communauté internationale, demandant à celle-ci de coopérer avec le peuple haïtien dans le cadre d’un effort soutenu en vue de promouvoir la réforme et le développement.


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