CS/2647

LE CONSEIL DE SECURITE PRONE UNE APPROCHE REGIONALE AUX CRISES COMPLEXES DE L’AFRIQUE DE L’OUEST

25/03/04
Communiqué de presse
CS/2647


Conseil de sécurité

4933e séance – matin


LE CONSEIL DE SECURITE PRONE UNE APPROCHE REGIONALE AUX CRISES COMPLEXES DE L’AFRIQUE DE L’OUEST


La France maintiendra une présence substantielle au service de la paix en Côte d’Ivoire, aux côtés de la future opération des Nations Unies, a assuré ce matin le Ministre délégué à la coopération et à la francophonie, Pierre-André Wiltzer, qui présidait la séance du Conseil de sécurité consacrée aux problèmes transfrontaliers en Afrique de l’Ouest.  Cette réunion intervient à un moment où il existe un réel espoir, qui reste cependant fragile, de règlement des crises en Afrique de l’Ouest, a estimé le Ministre français, invitant par conséquent la communauté internationale à aller plus loin et à mieux coordonner les moyens engagés dans la sous-région d’Afrique de l’Ouest. 


La mise en œuvre des recommandations contenues dans mon rapport sur les moyens de combattre les problèmes sous-régionaux et transfrontaliers en Afrique de l’Ouest suppose une approche multidimensionnelle, avait déclaré le Secrétaire général, Kofi Annan, en début de séance. 


Une attention particulière devrait être accordée au trafic illicite d’armes légères, à l’exploitation illégale des ressources naturelles, à l’enrôlement forcé d’enfants dans les conflits armés ou encore au recrutement de mercenaires, a estimé le Secrétaire général, indiquant ensuite qu’il avait demandé à son Représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest, Ahmedou Ould-Abdallah, de convoquer très prochainement une réunion régionale avec la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) afin de définir les mesures à prendre. 


Il est découragent de constater que le Bureau des Nations Unies en Afrique occidentale semble avoir davantage consulté les ONG et la société civile que les Etats membres de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest pour la préparation de ce rapport, a déploré pour sa part le Ministre des affaires étrangères du Ghana, Nana Akufo Addo.  Intervenant en sa qualité de Président en exercice de la CEDEAO, le Ministre ghanéen a jugé qu’il fallait approfondir les recommandations du Secrétaire général relatives à la gestion commune des frontières car, a-t-il dit, ces dernières sont trop poreuses et constituent des vannes incontrôlables de personnes et d’armes. 


Exprimant leur intention d’examiner les recommandations formulées par Kofi Annan dans son rapport en vue de faciliter les opérations transfrontalières, les membres du Conseil ont, dans une déclaration lue en fin de séance par le Ministre français de la coopération, insisté sur la possibilité pour les missions des Nations Unies déployées dans la région d’Afrique de l’Ouest d’entreprendre des opérations en vertu du « droit de poursuite ».  La surveillance conjointe de l’espace aérien, la gestion commune des frontières et la planification conjointe du rapatriement des combattants étrangers sont d’autres propositions dont le Conseil a fait état dans sa déclaration.  Celle-ci souligne également l’importance d’une coordination régionale des programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, ainsi que la nécessité de rechercher de solutions régionales et durables aux problèmes des réfugiés et des personnes déplacées et au trafic illicite d’armes légères.


A cette fin, les États membres de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest ont été invités par le Conseil à créer un registre régional des armes légères et, pour ce qui est des pays de la région dotés de capacités d’exportation, à veiller au plein respect des embargos sur les armes dans la sous-région. 


L’objectif de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest est, à terme, de transformer le Moratoire en convention, a indiqué durant le débat son Secrétaire exécutif, Mohamed Ibn Chambas, avant d’exhorter le Conseil de sécurité à faire preuve de prudence dans la stratégie de retrait graduel de la MINUSIL en Sierra Leone.  Le recrutement de mercenaires, l’enrôlement d’enfants soldats, les déplacements forcés de populations et les flux illicites d’armes légères sont des dangers qui, tant qu’ils n’ont pas été traités sous leur dimension transfrontalière, menacent la paix et la stabilité en Sierra Leone comme ailleurs dans la région, a estimé M. Ibn Chambas.  A l’instar des représentants du Bénin et du Pakistan, le Secrétaire exécutif de la Communauté a privilégié une approche consistant à identifier les causes profondes qui sous-tendent ces menaces, notamment la pauvreté, le chômage ou la mauvaise gouvernance. 


Outre les 15 membres du Conseil de sécurité et les personnalités déjà mentionnées, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, Jan Egeland, l’Administrateur associé du Programme des Nations Unies pour le développement, Zéphirin Diabré, et les représentants de l’Irlande et du Japon se sont également exprimés au cours du débat. 


QUESTIONS TRANSFRONTIERES EN AFRIQUE DE L’OUEST


Rapport du Secrétaire général sur les moyens de combattre les problèmes sous-régionaux et transfrontaliers en Afrique de l’Ouest (S/2004/200)


L’utilisation accrue et la prolifération des mercenaires, des enfants soldats et des armes légères sont les principales causes de l’instabilité dans la sous-région de l’Afrique de l’Ouest, constate le Secrétaire général dans son rapport.  Cela ne constitue pas une liste exhaustive, a-t-il fait remarquer, citant la culture d’impunité, la propagation du VIH/sida, l’affaiblissement continu du secteur de la sécurité, la prolifération des barrages routiers, le chômage des jeunes, la dégradation de l’environnement, l’exclusion sociale, les séquelles de la guerre, les mouvements massifs de réfugiés et autres déplacements forcés, l’exploitation inéquitable et illicite des ressources naturelles, la faiblesse des institutions nationales et des structures de la société civile, et les violations des droits de l’homme, notamment dans le cas des femmes, qui comptent parmi les autres graves problèmes transfrontaliers qui touchent de nombreuses parties de la sous-région.


Ces problèmes transfrontaliers sont liés entre eux et sont aggravés, en particulier, par la mauvaise gestion des affaires publiques dans de nombreuses parties de l’Afrique de l’Ouest, constate le Secrétaire général.  Aucun de ces problèmes ne peut être résolu au niveau national et il faut plutôt adopter une approche régionale.  Comme il a été demandé dans la déclaration du Président du Conseil de sécurité, datée du 25 juillet 2003, des recommandations pratiques et concrètes ont été élaborées à la suite de consultations approfondies menées par son Représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest au sein du système des Nations Unies et avec les organisations sous-régionales, indique Kofi Annan, mentionnant en particulier la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), et les dirigeants des organisations de la société civile d’Afrique de l’Ouest.


Ce rapport est donc centré sur des recommandations concrètes pour traiter des conséquences négatives des facteurs d’instabilité.  Ces quelque 30 recommandations sont regroupées dans les 12 grandes catégories suivantes: amélioration de l’harmonisation au sein du système des Nations Unies; ratification et application des conventions existantes; collaboration dans la zone de l’Union du fleuve Mano; renforcement du secrétariat de la CEDEAO; renforcement et application du Moratoire de la CEDEAO; appui aux commissions nationales; programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion; réforme du secteur de la sécurité; lutte contre l’extorsion aux barrages routiers à l’intérieur des pays et aux frontières; renforcement de la participation et de la prise de conscience de la société civile; dénonciation et humiliation; exportateurs d’armes légères et sociétés privées de sécurité.


Dans ses observations, le Secrétaire général constate que les questions régionales transfrontalières définies par le Conseil de sécurité dans la déclaration de son président, en date du 25 juillet 2003, –enfants soldats, mercenaires et armes légères– ont considérablement aggravé la pauvreté et l’insécurité en Afrique de l’Ouest.  Pour s’attaquer à ces problèmes de manière globale, il faudra modifier radicalement l’approche politique qui a été appliquée au cours des 20 dernières années dans une bonne partie de la sous-région, poursuit-il.  Cette approche, qui a favorisé l’autoritarisme et s’est traduite par un climat général d’impunité, de violence, d’exclusion et d’extorsion, devrait céder la place à une culture favorisant la démocratie, la responsabilité, la paix, la tolérance, l’égalité entre les sexes et la transparence.


Si la communauté régionale et internationale cherche sincèrement à s’attaquer aux fléaux qui frappent certaines parties de l’Afrique de l’Ouest, il faut plus qu’un simple engagement politique et financier de la part des gouvernements, estime Kofi Annan.  A cette fin, il faut procéder à une réforme approfondie de la gouvernance.  En effet, poursuit-il, toute stratégie visant à assurer la stabilité et le développement en Afrique de l’Ouest doit être fondée sur la prévention des abus par les éléments étatiques et non étatiques ainsi que sur le respect des droits et de la sécurité de toutes les populations de la région.  Aussi, conviendra-t-il d’accorder une attention particulière aux régions telles que la Guinée forestière en Guinée, que son emplacement géographique et d’autres facteurs ont rendue particulièrement fragile face à de nombreux problèmes transfrontaliers. 


Les questions liées à l’amélioration de la gouvernance en Afrique de l’Ouest, notamment les droits de l’homme et la transparence, incombent en premier lieu aux gouvernements nationaux, estime ensuite le Secrétaire général, tout en considérant que la communauté régionale et internationale devrait intervenir plus tôt en cas de crise de gouvernance et de crise humanitaire, au lieu de se croiser les bras jusqu’à ce qu’intervienne une prise de pouvoir prévisible par les militaires ou une explosion de violence intercommunautaire.  La communauté internationale devrait également maintenir une présence importante et vigoureuse dans les pays sortant d’un conflit afin d’empêcher la reprise des hostilités et d’encourager la consolidation d’une bonne gouvernance et l’appropriation nationale des processus de consolidation de la paix. 


Déclarations


M. KOFI ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies, saluant les efforts de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest pour relever les défis à la paix et à la sécurité dans la sous-région, a encouragé la communauté internationale et le Conseil de sécurité à intensifier la coopération régionale avec les États membres de la CEDEAO.  Les recommandations contenues dans mon rapport sont concrètes, et elles sont regroupées par thèmes, notamment la réforme du secteur de la sécurité, la dénonciation et l’humiliation, ou encore la lutte contre la prolifération des armes légères, a indiqué Kofi Annan.  Il s’agit désormais de passer à l’action, a-t-il poursuivi, invitant le Conseil de sécurité, les partenaires bilatéraux et multilatéraux du développement, le Secrétariat exécutif de la CEDEAO, les États de la sous-région, la société civile et les autres acteurs non étatiques tels que les fournisseurs d’armes légères, à mettre en œuvre ces recommandations.  Leur mise en œuvre suppose une approche multidimensionnelle, a-t-il précisé, estimant qu’une attention particulière devrait être accordée au trafic illicite d’armes légères, à l’exploitation illégale des ressources naturelles, à l’enrôlement forcé d’enfants dans les conflits armés, ou encore au recrutement de mercenaires.  J’ai demandé à mon Représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest, Ahmedou Ould Abdallah, de convoquer prochainement une réunion régionale avec la CEDEAO afin d’explorer la meilleure manière d’avancer, a rappelé le Secrétaire général.  Des réunions régulières sont déjà organisées entre les responsables des opérations des Nations Unies dans la sous-région sous la conduite de M. Ould Abdallah, mais le processus doit être approfondi, a-t-il assuré.  Les gouvernements de la région, a déclaré le Secrétaire général, devraient établir des institutions démocratiques solides et des organisations régionales efficaces, en tirant parti de l’expérience remarquable de la société civile, car, a-t-il dit, la bonne gouvernance est une des clefs incontournables pour le retour de la stabilité transfrontalière.* 


M. NANA AKUFO, Ministre des affaires étrangères du Ghana et Président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a salué les progrès louables accomplis dans la région de l’Afrique de l’Ouest en matière de paix et de sécurité.  Cependant, a-t-il nuancé, l’instabilité continue menace la paix de toute la région.  Les conflits et la misère qui frappent un pays débordent souvent sur les pays voisins.  Les troubles politiques actuels exigent l’adoption d’une approche générale qui pourrait régler les causes profondes et nombreuses de l’instabilité qui sont étroitement liées.  Le Ministre a rappelé que la déclaration commune des chefs d’Etats et de gouvernement des membres de la CEDEAO formulée le 8 mai 2003 à Abuja revêt une importance particulière pour l’élaboration d’une approche régionale concertée.  Elle est également importante pour relancer les efforts collectifs en faveur de la paix et, en particulier, le Moratoire sur les armes légères, le contrôle du recrutement de mercenaires, l’interdiction du recrutement de milices et l’enrôlement d’enfants soldats. 


Faisant référence au rapport du Secrétaire général, il est découragent de constater, a estimé M. Akufo, que le Bureau des Nations Unies en Afrique de l’Ouest semble avoir davantage consulté les ONG et la société civile que les Etats Membres de la CEDEAO pour le rédiger.  Les recommandations du Secrétaire général sur la gestion commune des frontières sont cependant essentielles car les frontières des pays de la région sont poreuses.  Elles sont des vannes incontrôlables pour les personnes et les armes.  M. Akufo a en outre estimé que la réduction des effectifs de la mission de maintien de la paix en Sierra Leone ne doit se faire que si l’on s’assure de la capacité du Gouvernement à assurer la sécurité et le contrôle sur les ressources naturelles.  La CEDEAO a identifié certains facteurs potentiellement déstabilisateurs tel que le retour possible d’anciens combattants du Libéria du pays.  En la matière, pour que le désarmement au Libéria soit un succès, il faut qu’il recueille l’aval des pays voisins.  Cette tâche doit être confiée au Bureau de l’ONU dans la région pour faire en sorte que les dirigeants s’engagent pleinement jusqu’au terme de ce processus. 


Le Conseil de sécurité doit pour sa part établir le lien entre la paix au Libéria, en Sierra Leone et dans toute la région.  Un retrait soudain et total de la MINUSIL contribuerait à déstabiliser la région.  Le retrait doit être progressif.  Le Moratoire sur les armes légères imposé par la CEDEAO, a noté M. Akufo, a enregistré des progrès considérables.  Une unité chargée de la question des armes légères a notamment été constituée auprès du Secrétariat exécutif pour renforcer la maîtrise politique sur l’application du Moratoire ainsi que les capacités institutionnelles de la CEDEAO.  L’idée de constituer une unité pour les armes légères ne vise pas à remplacer les tâches accomplies ailleurs mais à mieux appliquer le Moratoire et à œuvrer en étroite coopération avec les différents partenaires.  La CEDEAO a également reconnu le rôle important de la société civile, qui est essentiel pour recueillir des informations et accroître l’efficacité de son action.  Cependant, a indiqué M. Akufo en conclusion, les faibles ressources financières dont dispose la société civile continuent de limiter sa participation au système d’alerte rapide de la CEDEAO. 


M. MOHAMED IBN CHAMBAS, Secrétaire exécutif de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest, s’est félicité de l’attention apportée par le Conseil de sécurité au retour de la paix et de la stabilité en Afrique de l’Ouest, ainsi que des ressources engagées par la communauté internationale à cette fin.  Une réunion vient de s’achever entre la Banque mondiale et les États membres de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest à Accra sur la mise en œuvre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, a-t-il dit, et au cours de cette rencontre il a de nouveau été insisté sur la dimension transfrontalières des questions d’intégration économique et de développement.  Il en va de même pour traiter de manière efficace et adéquate les problèmes transfrontaliers tels que le commerce illicite des armes légères, l’enrôlement d’enfants soldats, le recrutement de mercenaires, les déplacements forcés de population ou l’exploitation illégale des ressources naturelles.  Le phénomène effroyable de l’utilisation des enfants soldats continue en dépit des engagements pris par les parties aux conflits, a déploré M. Ibn Chambas.


Abordant ensuite le déploiement de la MINUL qui a permis de stabiliser progressivement la situation au Libéria et le prochain déploiement de la Force des Nations Unies en Côte d’Ivoire, le Secrétaire exécutif a salué la volonté claire du Conseil de sécurité de contribuer à la stabilisation de l’Afrique de l’Ouest.  Toutefois, a-t-il dit, au sujet du retrait progressif de la MINUSIL en Sierra Leone, il faut s’efforcer de préserver la paix et la stabilité dans ce pays, car le phénomène du commerce illicite des armes légères reste une véritable menace transfrontière dans la région.  Faisant ensuite part des initiatives prises par la CEDEAO pour appliquer le Moratoire sur l’importation, l’exportation et la fabrication des d’armes légères en Afrique de l’Ouest et pour renforcer les capacités régionales, le Secrétaire exécutif a estimé que ce Moratoire devait être transformé en instrument juridique.  M. Ibn Chambas, a rappelé que l’échec du processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion au Libéria en 1997 avait été à l’origine de la reprise des hostilités.  Nous souhaitons que les processus de DDR entre la Côte d’Ivoire, le Libéria et la Sierra Leone soient coordonnés et que l’on se pose la question de savoir pourquoi ces jeunes ont pu être recrutés.  Il faut dès lors agir pour lutter contre le chômage en soutenant la création de capacités génératrices de richesses, en ayant recours par exemple au microcrédit. 


La société civile d’Afrique occidentale se mobilise très largement, a-t-il expliqué ensuite, en particulier pour ce qui est de la sécurité humaine au niveau régional et de la lutte contre le VIH/sida.  La Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest entend travailler en étroite collaboration avec le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest à la définition d’un plan de travail sur la lutte contre les armes légères, sur la promotion de la bonne gouvernance, et sur la mise au point de stratégies concrètes et durables permettant de lutter contre les défis transfrontières. 


M. JAN EGELAND, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a estimé que la situation humanitaire en Afrique de l’Ouest n’est pas désespérée.  Cependant, trop de communautés de la sous-région demeurent menacées.  En Côte d’Ivoire par exemple, la guerre civile se poursuit et la situation humanitaire ne cesse de s’aggraver à cause des déplacements massifs des populations et de l’écroulement des services sociaux.  Même au Libéria où la mission a réalisé un  immense travail en matière de sécurité, la situation humanitaire reste inquiétante.  La Guinée, qui a une longue tradition d’accueil des réfugiés de la région, doit aussi relever de grands défis sur le plan humanitaire.  De même, le Mali et le Burkina Faso sont directement touchés par les conflits régionaux. 


Des progrès considérables ont été accomplis pour mettre en œuvre le Plan d’action et la Stratégie régionale en matière de secours humanitaires élaborés par OCHA en coopération avec les acteurs politiques principaux de la région.  Cependant, les efforts humanitaires à eux seuls seront insuffisants pour fournir la protection nécessaire aux groupes vulnérables dans les conflits armés.  Il est donc bon que le Conseil de sécurité, a estimé M. Egeland, prenne les mesures pour mettre fin aux abus et pour coordonner les programmes de désarmement.  La prolifération des armes légères chez les jeunes sans emploi est en effet un facteur d’instabilité dans toute la région.  Pour répondre aux problèmes humanitaires de l’Afrique de l’Ouest, il faut mettre en place des plans d’action en partenariat avec tous les acteurs de la région.  La mise en oeuvre des recommandations du Secrétaire général formulées dans son rapport, a estimé M. Egeland, contribuerait grandement à améliorer la situation humanitaire dans la région. 


M. ZEPHIRIN DIABRE, Administrateur associé du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a rappelé que le PNUD intervient activement dans les 12 domaines prioritaires identifiés dans le rapport du Secrétaire général.  Avec ses partenaires gouvernementaux, la société civile et le secteur privé, le PNUD met en œuvre des programmes d’activités visant à promouvoir le dialogue de politiques ainsi que le renforcement des capacités et des institutions.  Pour le PNUD, a poursuivi M. Diabré, la paix, la sécurité et le développement sont étroitement liés.  Pour relever les nombreux conflits qui se posent dans la sous-région en matière de paix et de sécurité, le PNUD a élaboré une Stratégie régionale pour l’Afrique de l’Ouest fondée sur la mise en œuvre d’une approche intégrée du développement régional.  Cette Stratégie vise essentiellement à harmoniser les objectifs généraux du système des Nations Unies avec les activités de prévention des conflits et de consolidation de la paix du PNUD.  Elle vise également à la prise en compte systématique de la prévention et de la consolidation de la paix dans toutes les activités de développement du PNUD. 


En coopération avec l’Union européenne et le Bureau des Nations Unies en Afrique de l’Ouest, a indiqué M. Diabré, le PNUD a effectué une mission d’évaluation de la capacité de la CEDEAO en matière de prévention des conflits et de maintien de la paix.  Les constats préliminaires indiquent qu’il est nécessaire de réorienter l’approche adoptée par la CEDEAO.  Celle-ci devrait à l’avenir se concentrer davantage sur les questions de développement, l’intensification du dialogue de politiques entre les Etats Membres et le renforcement de la coordination de l’action des donateurs.  M. Diabré a en outre fait savoir que le PNUD exécute un certain nombre d’initiatives visant à traiter des problèmes spécifiques en rapport avec les questions transfrontalières.  Le PNUD apporte également un appui spécifique au niveau des pays à la Guinée-Bissau avec l’établissement du Fonds de gestion économique d’urgence, au Libéria avec l’établissement du Fonds libérien de gouvernance d’urgence et en Sierra Leone avec le processus dit des quatre « R » (rapatriement, réinsertion, réhabilitation et reconstruction).  Des approches régionales nouvelles et novatrices pourraient contribuer à la réalisation de nos objectifs communs, a estimé M. Diabré.


M. RONALDO MOTA SARDENBERG (Brésil) a fait part de l’appui de son pays aux recommandations contenues dans le rapport du Secrétaire général.  Il a également insisté sur le rôle fondamental que le Groupe de contrôle de la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest peut jouer, notamment en renforçant le Moratoire sur les armes légères établi par la CEDEAO en 1998.  Nous sommes également en faveur d’une réunion des Ministres des affaires étrangères en fin d’année.  Pour le représentant, les questions de développement doivent avoir un rang de priorité si l’on veut régler d’autres questions comme celles liées aux enfants soldats et aux mercenaires.  Les programmes de désarmement, démobilisation et réintégration des anciens combattants doivent être accompagnés de programmes de développement des communautés après un conflit.  Nous avons toujours estimé que le Conseil économique et social pouvait jouer un rôle plus important dans ce domaine.  Il ne s’agit pas seulement de créer un environnement stable et de tenir des élections, il faut aussi que la communauté internationale épaule les gouvernements concernés dans leurs efforts de consolidation de la paix et de relèvement de la nation.


Mme ANA MARIA MENENDEZ (Espagne) a apporté son appui aux recommandations présentées par le Secrétaire général dans son rapport, en particulier à celle relative au renforcement de la coordination entre opérations de maintien de la paix dans la sous-région et le Bureau régional de Dakar.  Par ailleurs, le rôle de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest est extrêmement important, a-t-elle dit, tout comme l’est la relance du mécanisme de coopération du Fleuve Mano.  Pour ce qui est des armes légères, les États de la CEDEAO devaient adopter un instrument juridique contraignant avant l’expiration du Moratoire, créer un registre régional, envisager un mécanisme d’interdiction du recrutement des mercenaires, ainsi qu’un processus de lutte contre l’enrôlement des enfants soldats.  Les processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) doivent mettre un accent particulier à la réinsertion sociale et économique des personnes démobilisées, en particulier des femmes et des enfants, a dit la représentante.  En outre, elle a souligné la nécessité d’impliquer davantage la société civile dans le processus de consolidation de la paix en Afrique de l’Ouest. 


M. JOEL W. ADECHI (Bénin) a estimé que l’instabilité transfrontalière hypothéquait les efforts déployés pour la paix et la sécurité en Afrique de l’ouest.  Il a souligné que les recommandations pertinentes du Secrétaire général portaient essentiellement sur trois problèmes : la prolifération des armes légères, le recrutement d’enfants soldats et de mercenaires, la question du désarmement et de la réinsertion des anciens combattants.  Cependant, ces problèmes sont plus des symptômes que la cause du cycle de l’instabilité, a-t-il estimé.  C’est pourquoi, il faut en particulier centrer l’action sur le développement.  Cette dynamique passe par le renforcement de la concertation entre la CEDEAO et les représentants de l’ONU dans la région pour, notamment, la mise en oeuvre effective du moratoire sur les armes.  Il faut en outre renforcer la capacité logistique de la CEDEAO à rétablir la paix et la stabilité dans la région afin que cette organisation puisse ce centrer sur sa tâche initiale, à savoir le développement économique.  Le représentant a aussi lancé un appel pour une harmonisation des politiques de désarmement, pour le financement adéquat de ces programmes et pour une intégration plus importante de la composante enfants.  Enfin, il a souhaité que les gouvernements de la sous-région soient davantage consultés dans la mise en œuvre de toutes ces politiques. 


M. LAURO BAJA (Philippines) s’est félicité de la synergie qui s’est mise en place au cours des derniers mois en Afrique de l’Ouest entre les Nations Unies et les organisations régionales.  La présence des Nations Unies à travers trois opérations de maintien de la paix offre l’occasion d’examiner de manière approfondie les facteurs d’instabilité régionale.  Le représentant a estimé que la réforme du secteur de la sécurité est au cœur des problèmes régionaux transfrontaliers.  Il a également encouragé le maintien du Moratoire sur les armes légères de la CEDEAO et l’adoption d’un instrument légalement contraignant.  Il a suggéré en outre d’imposer une interdiction au recrutement des mercenaires.  Tout en insistant sur la nécessité de fournir des moyens de subsistance aux anciens combattants, le représentant a engagé les institutions financières internationales comme la Banque mondiale à s’impliquer dans la réforme du secteur de la sécurité.


M. GUNTER PLEUGER (Allemagne) a salué le rôle clé de la CEDEAO dans la stabilisation de la région, avant de soutenir une démarche régionale pour régler les conflits.  Des leçons pourraient être tirées de cette dynamique pour d’autres régions telles que la Corne de l’Afrique ou les Grands Lacs, a poursuivi le représentant allemand, avant de souligner les synergies à consolider dans la lutte contre le phénomène des armes légères, des enfants soldats ou de l’exploitation illégale des ressources naturelles.  Faisant part de la disponibilité de l’Allemagne à contribuer au renforcement de la coordination des mesures prises entre les Nations Unies et la CEDEAO, M. Pleuger a évoqué ensuite certaines recommandations du rapport du Secrétaire général et souhaité que les opérations transfrontalières soient envisagées sous tous leurs aspects.  Pour ce qui est du trafic d’armes légères, les pays exportateurs doivent également agir pour rendre leurs entreprises plus responsables, a-t-il estimé, recommandant un respect strict des embargos et une meilleure traçabilité des armes légères produites par de petits pays.  Le Moratoire de la CEDEAO doit être prorogé et transformé en instrument juridique ayant force contraignante, a-t-il dit ensuite, prônant à son tour la création de registres nationaux coordonnés au niveau régional.  Désigner et humilier ou stigmatiser les parties qui recrutent des enfants soldats est l’une des recommandations du Secrétaire général qu’il faudrait creuser davantage, a jugé le représentant allemand, souhaitant à ce titre que les différents groupes d’experts existants soient mobilisés pour collecter les informations. 


M. EMYR JONES PARRY (Royaume-Uni) a suggéré la mise en place d’une approche stratégique pour relever les défis auxquels est confrontée la région de l’Afrique de l’Ouest.  Il faut en particulier analyser les échecs structurels enregistrés en matière de gouvernance afin de mettre un terme, notamment, à la prolifération des armes légères, au chômage et à la destruction de l’environnement.  Cependant, ces problèmes ne sont que des symptômes.  C’est pourquoi, il faut mettre en place une stratégie pour traiter des causes sous-jacentes, en collaboration avec le NEPAD, l’Union africaine et la CEDEAO.  Le rôle des organisations sub-régionales est aussi essentiel, a estimé le représentant, car l’ONU ne peut seule mettre en place une stratégie d’ensemble de règlement des conflits.  Il faut aussi utiliser plus efficacement les ressources de l’ONU dans la région et ne pas brouiller les mandats de ses différentes missions. 


Le trafic des armes légères sape la stabilité, a poursuivi le représentant, d’où la nécessité, pour la CEDEAO, de renforcer son Moratoire.  Dans ce cadre, le représentant a lancé un appel pour une ratification la plus large possible de la Convention des Nations Unies sur le crime transnational organisé.  Il a également appuyé l’ambition consistant à faire participer le plus largement possible la société civile.  Si l’ONU doit travailler de concert avec les gouvernements, elle doit aussi le faire, de manière constante, avec la société civile et garantir en particulier la participation égale des femmes.  Il faut également traiter de l’utilisation des riches ressources naturelles qui peuvent financer le progrès mais sont à l’occasion utilisées pour alimenter les conflits.  En conclusion, il a souhaité que le Conseil examine avec régularité les progrès en la matière et envisage l’envoi d’une autre mission du Conseil dans la région.


M. ZHANG YISHAN (Chine), soulignant les liens communautaires et historiques entre États de la région d’Afrique de l’Ouest, a déploré l’aggravation des phénomènes tels que la prolifération des armes légères, les flux transfrontaliers de mercenaires et d’enfants soldats, phénomènes qui ont exacerbé les conflits et compromis le développement de ces pays.  Nous devons répondre par une stratégie régionale d’ensemble et prendre également des mesures pour réformer le secteur de la sécurité dans ces pays.  Saluant à son tour le rôle joué par la CDEAO et celui de l’Union du Fleuve Mano, le représentant a estimé que la communauté internationale devait leur apporter un soutien financier afin que ces organisations puissent remplir leur mandat.  Il faut promouvoir le développement économique dans toute la région d’Afrique occidentale, a jugé ensuite le représentant de la Chine, pour qui les racines de ces phénomènes déstabilisateurs sont avant tout à chercher dans le chômage et la pauvreté. 


M. ISMAEL ABRAAO GASPAR MARTINS (Angola) a déclaré que l’approche régionale développée par le Secrétaire général dans son rapport pour traiter des questions transfrontalières était une bonne base.  Ce rapport exprime bien la valeur qu’il faut attacher au rôle de coordination que peuvent jouer les Nations Unies pour traiter de l’intégralité des problèmes.  L’expérience enregistrée dans d’autres régions doit en outre être utilisée.  Le représentant a aussi estimé qu’il est important de collaborer avec tous les gouvernements de la région, avec la CEDEAO et les autres organisations régionales.  Le règlement des problèmes liés au recrutement d’enfants soldats, de mercenaires et de l’utilisation illégale des ressources naturelles entre autres, exige la pleine participation des pays de la région pour mettre en œuvre les solutions proposées par le rapport.  Etant donné la nature temporaire des missions de l’ONU en Afrique, il faut aussi assurer un transfert des compétences et travailler en étroite coopération avec la CEDEAO.  En outre, il faut une définition claire des responsabilités des Nations Unies et assurer la participation de tous les gouvernements, de tous les acteurs de la région, de la société civile et des ONG au processus de stabilisation de la région.  Enfin, le représentant a estimé qu’il était important de créer un réseau de désarmement, de démobilisation et de réinsertion et de créer des unités pour s’occuper de ces questions critiques. 


M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a approuvé la démarche consistant à s’attaquer aux problèmes des armes légères, des enfants soldats et des mercenaires.  S’il n y’avait pas de conflits armés, la demande d’armes légères, de mercenaires et d’enfants soldats n’existerait pas, a-t-il dit, insistant sur l’importance de la bonne gouvernance.  Les Nations Unies, la CEDEAO doivent intensifier leurs efforts pour traiter des problèmes transfrontaliers, a-t-il dit, avant d’inviter le Conseil de sécurité à contribuer au renforcement des mesures prises en examinant ces critères lors de la mise en place des opérations de maintien de la paix.  Les troupes pakistanaises en Sierra Leone ont participé à une opération de lutte contre les flux transfrontaliers d’armes et d’hommes, a-t-il expliqué, avant de juger que la prise de décisions doit être pleinement transparente et participative pour être relayée sur le terrain.  Il est très important d’identifier et de s’attaquer aux origines du mal, a-t-il dit ensuite, abordant les questions de pauvreté, de malnutrition, de chômage, de faiblesse de l’État et de mauvaise gouvernance.  Des solutions durables aux problèmes de l’Afrique ne peuvent être trouvées que par une approche multidimensionnelle qui implique nécessairement d’envisager des mesures en faveur du développement.  Dénoncer, stigmatiser, imposer des sanctions sont des mesures qui doivent s’appliquer à tous, ceux qui achètent les ressources illicites et vendent des armes, qui ne sont pas moins criminels que ceux qui soutiennent le terrorisme, a dit Munir Akram. 


M. ALEXANDER KONUZIN (Fédération de Russie) a déploré que l’Afrique se heurte à une nouvelle série de défis qui contribuent à créer de nombreux problèmes transfrontaliers et sub-régionaux.  Dans ce contexte, les recommandations du rapport du Secrétaire général, qui s’adressent à tous les acteurs régionaux, sont précieuses, en particulier celles visant à la modernisation des institutions nationales conformément aux exigences des instruments internationaux en vigueur.  La mise en œuvre de ces recommandations pourrait aussi contribuer à la consolidation du droit.  Le représentant s’est également félicité de la proposition visant à mettre un terme au mouvement des mercenaires et au recrutement des enfants soldats.  Il a aussi noté avec satisfaction l’étroite coopération des missions de l’ONU dans la région et a estimé, à cet égard, que le Bureau des Nations Unies en Afrique de l’Ouest doit jouer un rôle important.  Cependant, les missions de l’ONU doivent veiller à ne pas nuire à la souveraineté des Etats.  Enfin, le représentant a insisté sur le fait que l’Afrique de l’Ouest concentre un potentiel de coopération internationale important qu’il faut encourager.


M. STEWART HOLLIDAY (États-Unis) a admis que seule une approche régionale pouvait permettre de régler certains des problèmes transfrontaliers graves auxquels est confrontée l’Afrique de l’Ouest.  Les trois opérations de maintien de la paix en Côte d’Ivoire, au Libéria et en Sierra Leone nous donnent l’occasion de traiter de manière intégrée les problèmes tels que les flux d’armes, le phénomène des enfants soldats ou encore le recrutement de mercenaires.  Il serait utile de mandater le Département des opérations de maintien de la paix afin qu’il examine avec les États de la région la possibilité d’organiser des contrôles transfrontaliers aériens afin d’identifier les flux d’armes et d’hommes.  D’autres questions doivent être examinées, a-t-il dit, notamment les programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR), et les États Membres, les institutions financières internationales et les Nations Unies doivent harmoniser les différents programmes de DDR afin d’éviter les flux transfrontaliers d’anciens combattants.  Le représentant a demandé à toutes les parties ivoiriennes de tout mettre en œuvre pour faire en sorte que dans quelques semaines, lors du déploiement de la Force des Nations Unies, un engagement soit conclu sur les éléments essentiels du processus de paix.  Déplorant les émeutes qui ont coûté la vie à des civils la nuit dernière à Abidjan, le représentant a exigé du Gouvernement et des autres parties prenantes à l’Accord de Linas-Marcoussis la plus grande retenue. 


M. ABDALLAH BAALI (Algérie) a regretté que le combat contre les problèmes de l’Afrique de l’Ouest paraisse quelque peu confiné à la dimension sécuritaire sans aborder l’ensemble des facteurs qui peuvent exercer une influence, à savoir le chômage des jeunes et l’exclusion sociale, les problèmes de gouvernance, les violations des droits de l’homme.  Il a précisé que son pays souscrivait entièrement à la formule du partenariat pour mettre en œuvre le Plan d’action du Secrétaire général tout en précisant qu’il aurait préféré une démarche qui permette un partage clair des responsabilités.  Dans l’immédiat, la lutte contre le terrorisme et le crime organisé doit être assumée par les Nations Unies, a-t-il ajouté.  L’Organisation peut et doit tirer profit d’un déploiement sans précédent dans la sous-région.  La coordination opérationnelle entre les missions des Nations Unies au Libéria, en Côte d’Ivoire et en Sierra Leone est vitale.  Il importe par ailleurs que les Nations Unies se dotent de moyens d’analyse et d’observation adéquats.  La mise en place d’une unité de veille composée d’experts travaillant de concert avec le secrétariat de la CEDEAO et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine est nécessaire.  Une coordination avec le futur observatoire du terrorisme de l’Union africaine qui sera basé à Alger est souhaitable.


M. MIHNEA MOTOC (Roumanie) a déclaré qu’il fallait faire preuve de réalisme face aux recommandations du Secrétaire général dont certaines exigeront l’adoption de mesures législatives et institutionnelles.  Le représentant a renouvelé sa confiance dans l’ECOMOG qui semble être appelé à jouer un rôle important dans la mise en œuvre des recommandations du Secrétaire général.  Nous accueillons favorablement la proposition de l’Union européenne de fournir l’aide dont a besoin l’ECOMOG pour renforcer ses capacités d’intervention régionale.  Il est également nécessaire de soutenir le Moratoire de la CEDEAO sur les armes légères et de petit calibre en fournissant une expertise technique et une aide en matière de désarmement, démobilisation et réintégration.  Au titre des autres priorités, devrait figurer l’édification des capacités, la réforme du secteur de la sécurité et des forces de police.  Le représentant a estimé que la redynamisation de l’Union du Fleuve Mano pourrait également être efficace contre les facteurs déstabilisateurs frontaliers.


M. HERALDO MUNOZ (Chili) a déclaré que les problèmes transfrontaliers génèrent l’instabilité et tendent à amplifier les tensions et les effets des conflits en Afrique de l’Ouest.  Aux problèmes liés à la prolifération des armes légères, à l’utilisation d’enfants soldats et de mercenaires s’ajoutent d’autres défis tout aussi importants tels que la prolifération du VIH/sida, les flux de réfugiés et les violations des droits de l’homme.  Les recommandations formulées par le Secrétaire général dans son rapport revêtent un aspect commun : elles requièrent des efforts concertés.  Dans ce contexte, la communauté internationale doit jouer un rôle de facilitation et d’appui, tout en ne se substituant pas aux Etats directement impliqués qui ont une responsabilité majeure à assumer en matière de règlement des conflits. 


Le processus de stabilisation, a poursuivi le représentant, doit associer les Etats concernés mais également les organisations régionales et sous-régionales, les Nations Unies et la société civile.  Un élément important du règlement des conflits est la coordination qui doit être mise en place entre toutes les missions des Nations Unies dans la région ainsi qu’avec le Bureau des Nations Unies en Afrique de l’Ouest.  Insistant sur les recommandations formulées par le Secrétaire général dans son rapport, le représentant a souligné l’importance des programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion.  Enfin, il a souhaité une implication plus importante des organisations régionales et sous-régionales dans le cadre du chapitre 8 de la Charte.  L’Union africaine, la CEDEAO et l’Union du Fleuve Mano sont appelées à cet égard à jouer un rôle prépondérant.


M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER, Ministre délégué à la coopération et à la francophonie de la France, a déclaré que cette réunion, initiée par la France, intervenait à un moment où il existe un espoir -qui reste cependant fragile- de règlement des crises en Afrique de l’Ouest.  Après la Sierra Leone, ce sont en effet la Côte d’Ivoire et le Libéria qui se sont engagés dans des processus de paix avec les Accords de Linas-Marcoussis et d’Accra, a observé le Ministre, tout en rappelant la responsabilité première des signataires de ces Accords.  Il a invité la communauté internationale à continuer de soutenir leurs efforts et de saluer l’implication de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest à cet égard.  La France maintiendra une présence substantielle au service de la paix en Côte d’Ivoire, aux côtés de la future opération des Nations Unies, a assuré M. Wiltzer, avant d’exprimer son inquiétude face aux violences qui ont lieu en ce moment en Côte d’Ivoire et de lancer un appel pressant à la retenue et à la responsabilité à tous les acteurs de la situation.  Il a exhorté ensuite la communauté internationale à aller plus loin et à faire en sorte que cette mobilisation profite dans la durée à la région dans son ensemble.  Le rapport du Secrétaire général contient des recommandations concrètes pour traiter certains problèmes spécifiques à une échelle régionale, a dit le Ministre, avant de recommander une plus grande coordination des moyens engagés par la communauté internationale dans la sous-région d’Afrique de l’Ouest.  C’est notamment le cas pour ce qui est des processus de désarmement, démobilisation et réinsertion conduits en Sierra Leone, au Libéria et en Côte d’Ivoire, a-t-il ajouté, avant de juger urgent qu’il soit mis un terme aux trafics d’armes légères et au recrutement de mercenaires et d’enfants soldats.


Le Ministre français a proposé ensuite que soit envisagée la mise en place dans un cadre régional d’un embargo sur les armes destinées aux groupes non étatiques, et également d’aider les pays de la région à renforcer leur contrôle sur leurs ressources naturelles grâce, entre autres, à l’appui des opérations de paix des Nations Unies.  Les États de la région et la communauté internationale doivent également mettre l’accent sur la prévention des conflits, a-t-il dit, avant d’appuyer la proposition du Secrétaire général qui invite le Conseil de sécurité à porter une attention particulière à la situation en Guinée.  Cette approche préventive doit être articulée dans les différentes instances internationales concernées, a expliqué M. Wiltzer, avant d’exhorter la communauté internationale à soutenir efficacement les initiatives prises tant par la CEDEAO, par la CEMAC que par l’Union africaine pour répondre aux défis du continent africain. 


M. RICHARD RYAN (Irlande), s’exprimant au nom de l’Union européenne, des pays candidats et des pays associés, a relevé que le rapport du Secrétaire général cherche à développer davantage de coordination entre les missions des Nations Unies sur le terrain.  Le rapport estime également nécessaire d’améliorer l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest qui constitue un facteur clef pour surmonter les problèmes que connaissent les pays de la région.  Cette recommandation vise à intégrer des activités de gestion des crises à court terme aux activités de prévention des conflits à long terme.  Ceci restera le fondement de notre présence en Afrique de l’Ouest.  Parmi les questions qui profiteraient de cette intégration figurent celles relatives aux enfants soldats; à la nécessité d’une meilleure coopération régionale; à la mise en œuvre de manière coordonnée des processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) avec les membres de la société civile; et aux mécanismes sous-régionaux et régionaux.  L’intégration régionale sera d’autant plus efficace qu’elle bénéficiera de l’action concertée de partenaires que sont les Nations Unies et leurs institutions, l’Union africaine, le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD); l’Union européenne et la communauté des donateurs. 


M. KOICHI HARAGUCHI (Japon), se félicitant de la teneur du rapport du Secrétaire général, a souligné l’importance, pour les gouvernements de la région, de renforcer leur gouvernance et d’assumer leur autorité en matière de renforcement de la paix.  Les conclusions de la Conférence internationale de Tokyo pour le développement de l’Afrique de 1993, a-t-il rappelé, étaient la base de la politique du Japon en faveur de l’Afrique.  Le Japon estime en outre que le processus de renforcement de la paix en Afrique requiert une approche fondée sur la protection et l’émancipation des individus.  Le besoin d’opérations de maintien de la paix se fait de plus en plus pressant dans de nombreuses parties du monde, a poursuivi le représentant avant de faire remarquer qu’en la matière, les ressources étaient limitées.  C’est pourquoi, il est nécessaire que les ressources économisées sur certaines missions soient transférées au financement d’autres.  Le représentant a tenu à rappeler que son pays avait consacré 6,5 millions de dollars pour les activités de démobilisation, désarmement et réintégration (DDR) en Sierra Leone ainsi qu’une subvention de 3,6 millions pour les activités de DDR des enfants soldats au Libéria et une subvention d’assistance de 2,3 millions en Côte d’Ivoire pour la mise en oeuvre des projets DDR.  Enfin, il a lancé un appel pour l’adoption d’une politique visant à interdire le recrutement des femmes et des enfants dans les conflits. 


Déclaration présidentielle


Le Conseil de sécurité, rappelant ses résolutions pertinentes et les déclarations de son président sur la question, souligne qu’il est essentiel d’examiner dans un cadre régional les facteurs d’instabilité persistant en Afrique de l’Ouest. Il estime qu’il est indispensable d’adopter une approche globale pour la recherche de solutions durables aux crises et conflits complexes prévalant en Afrique de l’Ouest. En adoptant une telle démarche, il faudrait s’attaquer aux causes profondes des conflits et examiner les moyens de promouvoir une paix et une sécurité durables, englobant le développement et le redressement économique, la bonne gouvernance et la réforme politique.


Le Conseil prend acte à ce sujet du rapport du Secrétaire général (S/2004/200), en date du 12 mars 2004, et des recommandations qui y sont formulées en vue de traiter les problèmes transfrontaliers, en particulier la situation des enfants soldats et l’emploi et la prolifération des mercenaires et des armes légères, dans le contexte d’une approche régionale. Il considère qu’il faudrait donner suite au rapport dans le cadre d’une stratégie plus large de prévention des conflits, de gestion des crises et de stabilisation après les conflits dans la sous-région.


Le Conseil accueille avec satisfaction les principes énoncés par l’Union africaine et le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique, lesquels constituent un cadre d’action important. Il encourage les États membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest à veiller à leur application intégrale. Il demande donc instamment à la Communauté de coopérer étroitement avec le système des Nations Unies, les institutions financières internationales et les autres organisations internationales et régionales concernées, notamment le Conseil de la paix et de la sécurité de l’Union africaine récemment créé, ainsi qu’avec les États intéressés, en vue de l’élaboration d’une politique régionale de prévention des conflits tenant pleinement compte des recommandations de la mission conjointe des Nations Unies et de l’Union européenne effectuée récemment dans la région.


Le Conseil souligne le rôle important joué par le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest dans l’amélioration de la coordination d’une approche cohérente des Nations Unies concernant les problèmes transfrontaliers et transnationaux dans la sous-région.


Le Conseil engage le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest à continuer à organiser régulièrement des réunions sur la coordination entre les missions des Nations Unies dans la région afin que les activités des Nations Unies en Afrique de l’Ouest soient plus cohérentes et aussi efficaces que possible. Il engage aussi les organismes des Nations Unies à harmoniser le plus possible leurs activités dans les pays de la sous-région.


Le Conseil demande au Secrétaire général d’engager les missions des Nations Unies en Afrique de l’Ouest à partager le plus possible les informations dont elles disposent ainsi que leurs ressources logistiques et administratives, sans pour autant que cela nuise à la bonne exécution de leurs mandats respectifs, afin d’accroître leur efficacité et de réduire les dépenses.


Le Conseil exprime son intention d’examiner les recommandations que le Secrétaire général a formulées en vue de faciliter les opérations transfrontières et de renforcer la coopération entre les missions des Nations Unies dans la région, notamment en ce qui concerne la possibilité d’entreprendre des opérations en vertu du « droit de poursuite », la surveillance conjointe de l’espace aérien, la gestion commune des frontières, le renforcement éventuel de la surveillance de l’espace aérien et la planification conjointe du rapatriement des combattants étrangers. Il espère recevoir dès que possible les recommandations que le Secrétaire général formulera après avoir consulté les gouvernements intéressés. Il encourage en outre les États de la sous-région à organiser des patrouilles communes le long de leurs frontières respectives, en association, s’il y a lieu, avec les diverses opérations de maintien de la paix de l’ONU.


Le Conseil invite le Secrétaire général et la CEDEAO à prendre les décisions pratiques qui s’imposent pour améliorer la coordination des activités de l’ONU et de la CEDEAO en Afrique de l’Ouest.


Le Conseil souligne qu’il importe que les programmes de démobilisation, de désarmement et de réinsertion soient élaborés et exécutés dans une optique régionale. À cette fin, il invite les missions des Nations Unies en Afrique de l’Ouest, les gouvernements concernés, les institutions financières compétentes, les organismes de développement international et les pays donateurs à collaborer pour intégrer les programmes de chaque pays dans une stratégie régionale globale et à concevoir des programmes de développement communautaires qui seront appliqués parallèlement aux programmes de démobilisation, de désarmement et de réinsertion, et à accorder une attention particulière aux besoins spécifiques aux enfants dans les conflits armés.


Le Conseil réaffirme qu’il importe de trouver des solutions durables au problème des réfugiés et des personnes déplacées dans la sous-région et invite instamment les États de la région à favoriser l’instauration des conditions nécessaires à leur retour librement consenti, en toute sécurité, avec l’appui des organisations internationales compétentes et des pays donateurs.


Le Conseil estime que le trafic illicite d’armes constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales dans la région. En conséquence, il invite instamment les États membres de la CEDEAO à respecter intégralement le moratoire sur l’importation, l’exportation et la fabrication des armes légères en Afrique de l’Ouest, signé à Abuja le 31 octobre 1998. Il les invite également à étudier la possibilité de renforcer les dispositions de ce moratoire.


Le Conseil invite les États membres de la CEDEAO à prendre les mesures nécessaires pour mieux lutter contre le trafic d’armes légères dans la région, par exemple en créant un registre régional des armes légères et il demande aux pays donateurs d’aider les États membres de la CEDEAO à appliquer ces mesures.


Le Conseil invite instamment tous les États, en particulier les États de la région dotés d’une capacité d’exportation d’armes, de veiller au plein respect des embargos sur les armes dans la sous-région. Il exprime son intention d’accorder une attention particulière aux mesures susceptibles de mettre fin aux mouvements illicites d’armes vers les zones de conflit dans la région et de maintenir les consultations avec les États membres de la CEDEAO à ce sujet.


Le Conseil constate qu’il convient d’agir tant sur l’offre que sur la demande s’agissant des sociétés privées qui vendent illégalement des armes légères ou des services de sécurité et il invite les gouvernements concernés à prendre les mesures voulues pour prévenir ces ventes illégales.


Le Conseil rappelle les mesures qu’il a appliquées pour lutter contre l’exploitation et le commerce illicites de diamants et de bois d’oeuvre dans la sous-région et encourage la CEDEAO et ses États membres à favoriser une exploitation transparente et durable de ces ressources.


Le Conseil encourage la CEDEAO à désigner publiquement les parties et les acteurs qui se livrent au trafic illicite d’armes légères dans la sous-région et utilisent des mercenaires, et exprime son intention d’examiner la possibilité d’adopter une telle pratique en ce qui concerne les conflits en Afrique de l’Ouest.


Le Conseil rappelle que l’existence dans la région de nombreux points de contrôle illégaux, tout comme l’extorsion qui y est pratiquée, nuit à la sécurité des civils et constitue un obstacle majeur au développement économique de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest. Il invite donc les gouvernements intéressés à prendre les mesures qui s’imposent pour éliminer efficacement cette entrave à l’intégration économique régionale avec l’appui de la communauté internationale.


Le Conseil appelle les États membres de la CEDEAO à se concerter pour trouver une solution cohérente au problème des combattants étrangers.


Le Conseil appelle les États de l’Union du fleuve Mano à reprendre le dialogue et à envisager la possibilité d’organiser un sommet des chefs d’État et des réunions ministérielles en vue de mettre au point une approche commune concernant leurs problèmes de sécurité et les mesures de confiance.


Le Conseil considère que les acteurs de la société civile, dont les médias, ont un rôle important à jouer dans la gestion des crises et la prévention des conflits dans la région et que leurs efforts en la matière méritent d’être activement appuyés par les États de la région, la CEDEAO, la communauté internationale et le système des Nations Unies. Un soutien accru devrait être apporté aux médias afin d’appeler l’attention du public sur le sort des enfants soldats, l’utilisation et la prolifération des armes légères et le recrutement des mercenaires.


Le Conseil se réjouit de ce que le Groupe international sur le Libéria envisage d’étendre son mandat aux questions transfrontalières concernant le Libéria et les États voisins.


Le Conseil considère la réforme du secteur de la sécurité comme un élément essentiel de la paix et de la stabilité en Afrique de l’Ouest et appelle instamment les pays donateurs et la communauté financière internationale à coordonner leurs activités pour appuyer la CEDEAO, en particulier son secrétariat exécutif, et aider les États de la sous-région dans leurs efforts visant à réformer le secteur de la sécurité.


Le Conseils compte tenu de l’importance qu’il accorde à la dimension régionale des problèmes touchant l’Afrique de l’Ouest, déclare son intention de garder à l’examen l’application des recommandations susvisées et prie le Secrétaire général de lui en rendre compte dans les rapports qu’il lui soumet périodiquement sur les missions des Nations Unies dans la sous-région.


*     Pour l’intégralité du discours du Secrétaire général, voir notre communiqué de presse SG/SM/9218.


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