CS/2462

LE CONSEIL DE SECURITE SE MOBILISE DEVANT L’AMPLEUR DU TRAFIC ILLICITE D’ARMES LEGERES EN AFRIQUE DE L’OUEST ET LE PHENOMENE DE MERCENARIAT

18/03/2003
Communiqué de presse
CS/2462


Conseil de sécurité

4720e séance – matin et après-midi


LE CONSEIL DE SECURITE SE MOBILISE DEVANT L’AMPLEUR DU TRAFIC ILLICITE D’ARMES LEGERES EN AFRIQUE DE L’OUEST ET LE PHENOMENE DE MERCENARIAT


Les Ministres de pays d’Afrique de l’Ouest dénoncent l’existence de

sociétés privées spécialisées dans la fourniture de services en matière de sécurité


Le Conseil de sécurité a, aujourd’hui, en présence de neuf Ministres de la sous-région de l’Afrique de l’Ouest, exprimé sa vive préoccupation face aux conséquences de la prolifération des armes légères et de petit calibre ainsi que de la pratique du mercenariat sur la paix et la sécurité en Afrique.  L’adoption à l’unanimité de la résolution 1467 (2003) contenant en annexe une déclaration présidentielle a été suivie d’un débat interactif entre Ministres, représentants des quinze membres du Conseil, d’institutions spécialisées du système des Nations Unies et d’organisations régionales.  La réunion était présidée par le Ministre des affaires étrangères de la Guinée, François Lonseny Fall, dont le pays exerce la présidence du Conseil pour le mois de mars. 


Selon les chiffres présentés ce matin, 8 millions d’armes légères sont actuellement en circulation en Afrique de l’Ouest dont la moitié sert les intérêts de groupes criminels.  L’Afrique de l’Ouest constitue la région la plus instable de la planète avec 72 coups d'Etat entre 1960 et 1990.  En dix ans, 2 millions d'enfants ont été tués, 5 millions ont été mutilés et 12 millions sont désormais sans-abri.  Sur cette toile de fond, le Secrétaire général, Kofi Annan, a, dès l’ouverture de cette réunion, appelé instamment les Etats d’Afrique à ratifier les instruments internationaux à leur disposition, notamment la Convention contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction des mercenaires, entrée en vigueur en 2001.


Le Conseil a invité, aux termes de la déclaration adoptée ce matin, les Etats d’Afrique de l’Ouest à envisager d’élargir le Moratoire de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur les armes légères; d’accroître la transparence  dans le domaine des armements, y compris par la création d’un Registre de la CEDEAO; de renforcer les commissions nationales mises en place pour superviser la mise en œuvre du Moratoire; de renforcer la capacité du secrétariat de la CEDEAO; d’informatiser les listes d’immatriculation des aéronefs pour assurer un meilleur contrôle de l’espace aérien et d’établir un certificat d’utilisateur final normalisé pour les armes importées.


Par ailleurs, le Conseil a exprimé sa vive préoccupation face aux graves violations des embargos sur les armes en Afrique de l’Ouest ainsi que les liens entre les activités de mercenaires, le trafic illicite d’armes et la violation des embargos en Afrique de l’Ouest.  Il a demandé à tous les Etats de la sous-région de cesser de fournir une assistance militaire aux groupes armés dans les pays voisins.  Il a également engagé les pays producteurs et exportateurs d’armes de promulguer des législations, réglementations et procédures administratives rigoureuses pour mieux assurer un contrôle sur les transferts d’armes légères en Afrique de l’Ouest.

Le nombre croissant de ces armes, en particulier dans la région des Grands Lacs et dans le Bassin du fleuve Mano, résulte d’une mauvaise gouvernance, de l’échec économique, de l’accès facile à ces armes et du recours aux services de mercenaires, a expliqué le Secrétaire exécutif de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Mohamed Ibn Chambas, lors du débat interactif.  Il a précisé qu’un registre sur les armes légères sera mis en place le mois prochain en Côte d’Ivoire.  En outre, le Moratoire de la CEDEAO qui a été renouvelé en 2001, pourrait devenir permanent.


Répondant aux préoccupations des Etats-Unis au sujet du mécanisme de surveillance de ce Moratoire, le Directeur régional du Programme de coordination et d'assistance pour la sécurité et le développement en Afrique (PCASED) du PNUD, Ibrahima Sall, a indiqué que depuis 2002, l’Afrique de l’Ouest dispose désormais de treize commissions nationales pour suivre le respect du Moratoire dans les quinze pays concernés, les deux exceptions étant la Côte d'Ivoire et le Libéria. 


L’existence de sociétés privées spécialisées dans la fourniture de prestations en matière de sécurité a été dénoncée par l’ensemble des orateurs, le Ministre des affaires étrangères du Sénégal, Cheikh Tidiane Gadio, demandant «la fin de l'omerta sous-régionale, cette complicité par le silence qui fait les beaux jours des régimes politiques qui, dans la région, se sont spécialisés au vu et au su de tous dans la propagation des armes légères et des mercenaires».


La France, qui est à l’origine avec la Suisse d’une proposition visant l’élaboration d’un instrument de marquage et de traçabilité des armes légères, a demandé le lancement de négociations à terme sur une convention internationale dans ce domaine.  De son côté, le représentant du Royaume-Uni a proposé la création au sein du Conseil de sécurité d’un mécanisme permanent pour le respect des sanctions et en particulier des embargos sur les armes.


Outre les orateurs cités, les Ministres des affaires étrangères de l’Angola, du Cameroun, de la Gambie, de la Guinée et les représentants des autres pays membres du Conseil, ainsi que les Ministres du Libéria, du Togo, du Bénin, du Burkina Faso, du Mali et le Ministre des affaires étrangères du Ghana et Président de la CEDEAO ont pris la parole.  Les représentants du Niger, de la Sierra Leone, du Nigéria, de la Côte d’Ivoire et celui de l’Union africaine sont également intervenus.


TRAFIC ILLICITE DES ARMES LEGERES ET DE PETIT CALIBRE ET ACTIVITES DE MERCENAIRES: MENACES A LA PAIX ET A LA SECURITE EN AFRIQUE DE L’OUEST


Déclarations


      M. 1- KOFI ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies, a rappelé que la prolifération non contrôlée des armes légères et de petit calibre ne fait qu’exacerber la violence, la criminalité et le terrorisme.  Elle contribue également à promouvoir une culture de la violence, à freiner le développement social, économique et politique.  La prolifération des armes légères et de petit calibre, dont l’accès est facile, est étroitement liée à l’augmentation de victimes parmi les femmes et les enfants et le phénomène d’enfants soldats, les armes automatiques pouvant aisément être portées par des enfants de 9 ou 10 ans.  Ce lien est particulièrement évident en Afrique de l’Ouest où les conflits qui affectent le Libéria, la Sierra Leone et maintenant la Côte d’Ivoire ont été alimentés en grande partie par le commerce non réglementé de ce type d’armes lui-même financé par les bénéfices tirés de l’exploitation illégale des ressources naturelles. 

La circulation d’armes dans la région a été accompagnée et a, en fait, facilité les activités de mercenaires qui sont disposés à travailler pour ceux qui sont prêts à les payer.  L’incapacité de financer et de mettre en œuvre les programmes de désarmement, démobilisation et réintégration ainsi que l’incapacité à fournir une aide suffisante au processus de restructuration des forces armées dans des pays en sortant d’un conflit comme le Libéria et la Guinée-Bissau sont également à l’origine de ce phénomène.  L’absence de restrictions aux activités de marchands d’armes peu scrupuleux dans les zones de tensions en Afrique de l’Ouest doit également être mentionnée.


Heureusement, la communauté internationale n’est pas démunie.  Les instruments juridiques internationaux et autres accords offrent une solution, notamment le Programme d’action sur le commerce illicite des armes légères adopté en 2001 et la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires également adoptée en 2001.  Je demande instamment à tous les autres pays d’Afrique de l’Ouest de suivre l’exemple du Mali, du Sénégal, de la Mauritanie et du Togo pour ratifier cet instrument important.  Le Conseil de sécurité a aussi demandé aux pays de l’Union du fleuve Mano de cesser de fournir une aide militaire aux groupes armés se trouvant dans des pays voisins.  Il a également pris une autre mesure importante en imposant des embargos.  Les chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont de leur côté convenu de déployer davantage d’efforts pour faire de la région une zone exempte d’enfants soldats et ont mis en place un moratoire sur l’importation, l’exportation et la production d’armes de petit calibre.


Voici quelques exemples des nombreuses mesures concrètes prises par le système des Nations Unies sur le terrain.  Bien entendu les efforts en matière de développement social et économique afin d’améliorer l’accès à l’éducation et la santé auront un impact certain sur les efforts de démilitarisation des sociétés, a conclu le Secrétaire général.


M. SAID DJINNIT, Commissaire intérimaire chargé de la paix, de la sécurité et des affaires politiques de la Commission de l'Union africaine (UA), a relevé que le phénomène pernicieux du mercenariat et la prolifération des armes légères étaient liés à toutes les actions de déstabilisation politique, de grand banditisme et de criminalité transfrontière qui ont compromis tous les efforts de développement durable sur le continent.  Il a également noté que la prolifération des armes légères et de petit calibre a coïncidé avec l'apparition des acteurs non étatiques, devenus parties prenantes à la plupart des conflits africains.  Les dirigeants de l’Afrique de l'Ouest ont été à l'avant-garde de la lutte contre cette prolifération, a-t-il rappelé en citant notamment le Moratoire sur l'importation, l'exploitation et la fabrication des armes légères et de petit calibre adopté en 1998. 


En outre, a poursuivi M. Djinnit, le trafic des armes légères alimente la criminalité transfrontière et le terrorisme qui constitue depuis le 11 septembre 2001 l'objet d'une action collective et concertée de la communauté internationale.  S'agissant plus particulièrement du mercenariat, le Commissaire a souligné que l'OUA avait adopté dès 1977 une Convention sur ce point, entrée en vigueur en 1985.  Ce phénomène fait aujourd'hui résurgence en Afrique de l'Ouest à la faveur de l'instabilité, des foyers de tension et de la disponibilité des armes légères.  Il est, selon lui, accentué ces derniers temps par l'existence de sociétés privées spécialisées dans la fourniture de prestations sécuritaires auxquelles font appel aussi bien les entreprises multinationales installées dans les zones minières que les Gouvernements en butte à une rébellion armée. 


Puis le Commissaire a demandé pourquoi, en dépit de l'existence d'une armature législative conséquente, ces fléaux perdurent encore sur le continent: pour lui, conventions et programmes seront nuls s'il n'existe pas de la part des Etats signataires une volonté politique suffisante pour mettre en œuvre les dispositions qui y sont contenues.  Mais au-delà la volonté politique, a-t-il ajouté, les Etats doivent se doter des mécanismes et moyens nécessaires à la mise en œuvre de leurs décisions collectives.  M. Djinnih a donc souhaité un mécanisme de suivi et de contrôle du Moratoire sur les armes légères, doté de moyens suffisants et d'une indépendance réelle pour lui permettre d'identifier les violateurs et de les nommer; il a également plaidé pour un régime de sanctions visant les parties défaillantes.  Les efforts en cours pour instaurer un Mécanisme africain d'examen par les pairs doivent aider à la mise en œuvre des décisions et engagements des Etats membres de l'Union africaine, a-t-il estimé.  Enfin, le Commissaire a fait valoir que si la disponibilité des armes légères et le recours aux mercenaires exacerbent les tensions et augmentent les risques de déflagration, les causes profondes de ces tensions sont à chercher dans la plupart des cas dans le déficit de culture démocratique, dans l'exclusion des minorités, dans le non-respect des droits et des libertés et dans la marginalisation de franges entières de la population.


M. NANA EFFAH-APENTENG, au nom de la Présidence en exercice de la CEDEAO, a indiqué que sur les 500 millions d’armes légères qui circulent dans le monde, 30 millions se trouvent en Afrique et 8 millions en Afrique de l’Ouest.  Au cours de la dernière décennie, l’utilisation de ces armes a causé la mort de 20 millions de personnes en Afrique, en particulier des femmes et des enfants.  L’Afrique compte aussi 300 000 d’enfants soldats et 10 000 mercenaires.  Dans ce cadre, M. Effah-Apenteng a rappelé la signature, en 1998, du Moratoire sur l’importation, l’exportation et la fabrication des armes légères par les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO.  Ce texte, a-t-il indiqué, a été prorogé jusqu’en 2004. 


Il a, en outre, attiré l’attention sur le Plan d’action adopté en 1999 par les Ministres des affaires étrangères et sur le Code de conduite approuvé la même année par les chefs d’Etat et de gouvernement.  Un Programme de coordination et d’assistance à la sécurité et au développement a été mis en place pour servir de cadre d’application des mesures liées au Moratoire, a-t-il aussi indiqué. 


Le représentant de la CEDEAO a poursuivi en jugeant utile, pour faire avancer le débat, que les protagonistes reconnaissent le rôle des marchands d’armes et la nécessité de leur imposer des sanctions en cas de violation du Moratoire et des autres instruments juridiques internationaux en vigueur.  Il faut aussi examiner, a-t-il dit, la question de la participation de la société civile et des ONG à cet effort collectif.  De l’avis de M. Effah-Apenteng, il serait peut-être utile de réviser le Moratoire et d’en faire un instrument permanent.  Concernant le rôle des mercenaires et des armées privées dans les conflits en Afrique de l’Ouest, M. Effah-Apenteng a appelé tous les Etats de la région à mettre fin à la militarisation des frontières et des camps de réfugiés et à la criminalité transnationale organisée qui ont des conséquences graves sur la stabilité politique et le développement social et économique de la région. 


M. MOHAMED IBN CHAMBAS, Secrétaire exécutif de la CEDEAO, a affirmé que la prolifération des petites armes et le phénomène des mercenaires ont eu un grave impact sur la stabilité de l’Afrique, notamment de l’Afrique de l’Ouest.  Rappelant le lien entre développement, intégration économique et la paix et la stabilité, le représentant a indiqué que la CEDEAO a de ce fait dû assumer un rôle croissant en matière de prévention et de gestion des conflits.  Dans de nombreuses régions d’Afrique, la prolifération incontrôlée de ce type d’armes, soit 100 millions sur tout le continent, est une menace au développement économique et politique, aux libertés civiles et à la protection de la vie humaine.  La multiplication, l’intensité et la longueur des conflits, en particulier dans la région des Grands Lacs et dans le Bassin du fleuve Mano, découlent des conséquences d’une mauvaise gouvernance, de l’échec économique et de l’accès facile à ces armes et aux services de mercenaires.  On estime que 8 millions d’armes légères sont actuellement en circulation en Afrique de l’Ouest tandis que les activités de mercenaires continuent d’être menées.


Notre sous-région a assisté à l’émergence d’un type unique de mercenariat.  Au cours de la dernière décennie, les Etats de l’Union du fleuve Mano ont été assiégés par des activités de mercenaires.  Les conflits au Libéria, en Sierra Leone et en Guinée-Bissau ont impliqué les gouvernements et factions rebelles, ces dernières ayant pris part dans quasiment tous les conflits des Etats membres de l’Union du fleuve Mano.


Nous devons apporter une réponse globale à ce phénomène.  Il est apparu à la fin de la guerre froide que la région de l’Afrique de l’Ouest qui compte 250 millions d’habitants est saturée par tous les types d’armes légères et de petit calibre.  D’un accès facile et aisées à déplacer, ces armes méritent qu’une plus grande attention leur soit accordée.  Egalement décrite par les experts comme des armes de destruction massive, ces armes sont responsables de la mort de millions de personnes.  Au Soudan, plus de deux millions de personnes ont été tuées depuis 1982 et en République démocratique du Congo, deux millions de personnes ont trouvé la mort depuis 1996.  Dans la région de l’Afrique de l’Ouest, près d’un demi million de personnes ont perdu la vie au cours de la dernière décennie en raison de la prolifération de ces armes.


Rappelant les activités de lutte contre ce phénomène que mène la CEDEAO et notamment le moratoire décrété en 1998 par la Communauté économique sur l’importation, l’exportation et la fabrication d’armes légères, la mise en place d’un Code de conduite en 1999, le représentant a indiqué que le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) travaille actuellement à la mise en place d’un registre le mois prochain en Côte d’Ivoire.  Ce registre consignera la nature et la quantité d’armes légères utilisées par la CEDEAO dans le cadre de sa mission en Côte d’Ivoire.  D’autre part, le Moratoire de la CEDEAO qui a été renouvelé en 2001, pourrait bien devenir permanent.


M. IBRAHIMA SALL, Directeur régional du Programme de coordination et d'assistance pour la sécurité et le développement en Afrique (PCASED), a présenté sur écran le rôle du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dans la lutte contre la prolifération des armes en Afrique de l'Ouest.  Il a expliqué que cette région était l'une des plus instables de la planète avec 72 coups d'Etat entre 1960 et 1990, des activités de mercenariat, plus de huit millions d'armes en circulation donc 50% qui servent à des activités de criminalité organisée.  Sur dix ans, le tableau est sombre: 2 millions d'enfants tués, 5 millions d'handicapés et 12 millions de sans-abri, a-t-il indiqué.  M. Sall a insisté sur la situation particulière du Nigéria qui, même sans rébellion, connaît une grande instabilité.  Le programme mis en place par le PNUD vise l'extension de la sécurité des personnes, mais aussi la protection des droits économiques et sociaux et fait le lien entre sécurité et développement.  Le PCASED, a-t-il indiqué, constitue une réponse globale et un programme global, impliquant une gamme complète d'acteurs: institutions internationales, Etats, ONG, médias et organisations de la société civile.  Pour la première fois dans cette lutte, le programme peut intervenir pays par pays, avec des liens directs avec les Ministres concernés. 


Le Directeur régional du PCASED a ensuite énuméré les missions organisées par le Programme, notamment en matière de promotion d'une culture de la paix, de renforcement du contrôle des frontières, d’harmonisation des législations, mais aussi pour une meilleure diffusion du Moratoire de l'Afrique de l'Ouest au reste du continent et, surtout, mise en place de commissions nationales dans chaque Etat: jusqu'en 2001, nous avions seulement cinq commissions nationales mais en une année, sur l'exercice 2002, grâce à une équipe sur le terrain, treize commissions nationales se sont créées dans les quinze pays concernés, les deux exceptions étant la Côte d'Ivoire en raison de son instabilité et le Libéria, qui est en guerre civile mais qui a fait preuve d’un engagement ferme en faveur de la mise en place d’une commission nationale.  Ces commissions vont s’organiser en réseaux pour échanger leurs informations, a indiqué le responsable du PCASED.  Sur le renforcement du contrôle des frontières, nous l'avons déjà fait au Mali et le ferons bientôt au Bénin, puis au Ghana et au Niger, a-t-il indiqué, précisant que plus de 300 officiers supérieurs ont été formés à cette fin dans les quinze pays de la région. 


Parallèlement, 38 000 armes ont été détruites en Afrique de l'Ouest, dont le nombre le plus important l'ont été au Libéria; en outre une attention particulière a été portée aux mines antipersonnel avec l'initiative soutenue par le Canada de destruction de stocks de mines.  Tous les programmes d'enseignement à tous les niveaux, du primaire à l'université, vont être réformés pour intégrer les programmes de cultures de la paix et, outre l'harmonisation des législations, un registre régional des armes légères va être ouvert: la CEDEAO va travailler sur ce registre dans les pays qui s'engagent à livrer toutes les informations.


S'agissant des perspectives de ce programme, M. Sall a souligné la contribution du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), dont le volet paix et sécurité a été confié à la France.  Il convient aussi d'élargir le partenariat avec les institutions des Nations Unies et avec les donateurs: dans ce but, une structure a été mise en place qui permet aux ambassadeurs des pays donateurs de s'adresser directement aux ambassadeurs des pays récipiendaires, dans la transparence.  Mais le point le plus important pour le Directeur régional du PCASED, c'est non seulement la volonté politique mais aussi la mobilisation des ressources: notre Programme est parti dès sa création avec un déficit de 60% des ressources, soit 5 millions de dollars collectés sur les treize nécessaires, a-t-il précisé. 


Evoquant les perspectives opérationnelles, M. Sall a estimé que réduire la demande (moratoire) et l'offre d'armes, éviter d'exporter des armes vers les régions en conflit, sont des points importants mais qu'il faut pour cela définir un régime de déclaration pour les signataires et exportateurs d'armes.  Nous comptons donc sur la présentation de rapports volontaire par les Etats, a-t-il souligné, regrettant qu’à ce jour, seuls 29 Etats exportateurs aujourd'hui s'y prêtent.  Il faut sensibiliser le public avec de campagnes contre l'intolérance.


M. BABOUCARR-BLAISE ISMAILA JAGNE, Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères de la Gambie, a souligné que les pays de l’Afrique de l’Ouest ont commencé à assumer leur responsabilité en matière de contrôle des armes légères en reconnaissant néanmoins que les progrès enregistrés jusqu’ici ne sont qu’un début.  Beaucoup reste à faire, a-t-il dit en soulignant, en la matière, le rôle qui incombe à la communauté internationale.  Dans ce contexte, le représentant a d’abord proposé l’élaboration d’un instrument juridique international pour responsabiliser tant les fabricants et les marchands d’armes légères que leurs utilisateurs.  Un mécanisme devrait être mis en place pour limiter les transferts aux acquéreurs étatiques.  Il a aussi jugé utile de mettre au point un système de surveillance et de régulation de la circulation des diamants du sang, pour enrayer les fonds provenant de leur vente et par-là, mieux contrôler la prolifération des armes légères.  Ceci, a-t-il souligné, devrait être appuyé par un régime approprié de sanctions. 


En deuxième lieu, le représentant a jugé utile de s’inspirer des mécanismes de contrôle des trafiquants de drogue pour renforcer la surveillance des activités illicites des marchands d’armes.  Il a appelé à des efforts renforcés pour démobiliser les mercenaires et les réintégrer dans des activités économiques productives.  Il a cité, à cet égard, l’exemple du programme de démobilisation mis en œuvre en Sierra Leone.  Le représentant a jugé important que les Etats s’abstiennent d’offrir un abri, du matériel et de la logistique aux mercenaires et autres groupes utilisateurs d’armes légères.  Un système à cet effet, a-t-il souligné, devrait être renforcé par un régime de sanctions.


Ce qu’il faut maintenant, a conclu le représentant, c’est une coopération élargie qui mènerait à des actions concertées sur la question des mercenaires ainsi qu’à un arrangement plus formel dans le cadre duquel le Conseil de sécurité, en collaboration étroite avec la CEDEAO et le PCASED, créerait un mécanisme de contrôle et d’examen de rapports.  Dans ce contexte, le représentant a estimé que le Bureau de l’ONU pour la prévention des conflits et la consolidation de la paix en Afrique de l’Ouest pourrait assumer le rôle de coordonnateur de cet arrangement et de liaison entre le Conseil et la CEDEAO.


M. JOAO BERNARDO DE MIRANDA, Ministre des relations extérieures de l'Angola, a estimé que la prolifération des armes légères et le mercenariat sont directement à l'origine du prolongement des conflits et du climat de tension qui règne dans certains pays de la région.  Dans les pays qui ont conclu des accords de paix, ce facteur crée des entraves et mine la confiance entre les protagonistes du processus de paix, tout en constituant un motif de blocage des opérations de maintien de la paix, des efforts de reconstruction et de développement des pays en phase de post-conflit.  Pour le Ministre, le problème qui frappe l'Afrique occidentale est d'une telle ampleur que la solution ne peut exclusivement incomber aux pays ou groupes de pays directement affectés.  La concentration accrue d'armes légères dans diverses régions de la planète a pour principale origine l'inefficacité des systèmes de contrôle d'importation et d'exportation d'armes, le contrôle défaillant des arsenaux militaires et du trafic illicite d'armement, parfois effectués en connivence avec des gouvernements producteurs.


Les embargos sur les armes imposés par ce Conseil n'ont pas été intégralement respectés et ont entraîné de nouveaux conflits, a-t-il estimé.  Le succès limité de ces embargos est dû aux faibles résultats obtenus par de nombreux Etats dans le contrôle de leurs frontières, au manque de volonté politique et à l'ingérence dans les affaires internes d'autres Etats.  Il convient donc d'accélérer d'urgence la mise au point d'un processus international permettant aux Etats d'identifier et de remonter les filières des armes légères et de créer des moyens permettant d'identifier facilement toute entreprise ou tout individu impliqué.  Le trafic d'armes en Afrique occidentale n'est pas une fatalité et peut être éliminé.  L'Afrique australe dont l'Angola fait partie a déjà pris des mesures en ce sens au sein de la SADC, a exposé le Ministre.  Il faut tenir compte des dénonciations publiques des Etats et individus qui se sont avérés délibérément impliqués dans ces trafics: cette mesure s'est avérée efficace dans mon pays, a-t-il assuré.


Pour lui, les Nations Unies doivent jouer un rôle essentiel sur ce point notamment dans l'exécution des programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR).  Elles doivent aussi favoriser toute mesure de saisie et de destruction d'arsenaux d'armes dans le cadre des accords de paix.  Ceci permettra, selon le Ministre, d'empêcher ceux qui entendent persister dans le choix de la guerre de continuer d'accéder aux armes.  Il a également considéré comme fondamental le soutien de l'ONU au Moratoire décrété en 1998 par la CEDEAO.  En outre, il est nécessaire que certains pays de cette région cessent d'apporter une aide militaire, diplomatique et matérielle à certains groupes armés qui agissent dans d'autres Etats; les gouvernements des pays en conflit doivent à leur tour faire preuve de volonté politique en prenant des mesures concrètes en faveur d'un assouplissement, condition préalable à la création d'un climat de confiance favorable à la négociation pacifique des conflits. 


M. FRANCOIS XAVIER NGOUBEYOU, Ministre des relations extérieures du Cameroun, a rappelé les initiatives de la communauté internationale et de l’ONU pour maîtriser et éliminer le commerce illicite des armes légères.  Ce débat, a-t-il dit, n’est donc pas un acte sui generis mais bien l’étape d’un processus dynamique et prospectif engagé depuis longtemps.  Pour le Ministre, la séance du Conseil est une occasion de réaffirmer le rôle de l’ONU dans la collecte, le classement, la mise en commun et la diffusion d’informations sur la question des armes légères.  Dans ce contexte, a-t-il souhaité, le Conseil doit apporter une assistance aux Etats et aux institutions sous-régionales afin que tous les pays africains se hissent au niveau de la conscience politique des autres nations dans le domaine de la prolifération des armes légères.  Les appels à l’élaboration d’un texte international, est pour le Cameroun, une recommandation forte dont la mise en application immédiate et effective constituera une étape décisive.  Au mois d’octobre dernier, a rappelé le Ministre, le Conseil avait organisé un débat sur les armes légères et entendu plusieurs délégations l’appeler à assurer un meilleure contrôle des armes légères en mettant sur pied un mécanisme permanent de surveillance et de sanctions. 


L’organisation des collectes d’armes légères assorties de mesures économiques incitatives peut être d’une grande efficacité si la communauté internationale accorde son appui, a estimé le Ministre.  Il faut aussi, a-t-il poursuivi, renforcer les législations en matière de port d’armes, en particulier en ce qui concerne les sociétés de gardiennage qui prolifèrent en Afrique.  Il a aussi insisté sur la lutte contre la fabrication artisanale d’armes à feu et sur la nécessité d’examiner le lien entre le commerce illicite d’armes légères, d’une part, et le terrorisme, le trafic des drogues et le grand banditisme, d’autre part.  Le Ministre a enfin appelé à des mesures nationales et sous-régionales pour prévenir les conflits.  Il a, dans ce contexte, dénoncé les activités des mercenaires qui continuent d’attiser les conflits en Afrique, à piller les ressources naturelles et à déstabiliser les gouvernements.  Selon lui, il faut redéfinir le phénomène «mercenariat», en réfléchissant au rôle de l’ONU et du Conseil et à la question de la participation des mercenaires dans le terrorisme.


M. MONIE CAPTAN, Ministre des affaires étrangères du Libéria, a souligné que l’application du Moratoire soutenu par de nombreux partenaires étrangers dépend de la bonne volonté des acteurs régionaux.  La prolifération des mercenaires a été encouragée par l'échec des programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) qui a créé une forte population d'anciens combattants oisifs dans des pays où la situation économique stagnait et où les anciens combattants n'ont pour survivre que la vente de leurs talents de combattants.  Mais, a poursuivi le Ministre, les mercenaires n'existent que si la fourniture d'armements existe: les mercenaires quant à eux sont souvent issus des conflits régionaux et sont ainsi recyclés dans d'autres conflits, a-t-il dit en citant les exemples du Libéria, de la Sierra Leone et aujourd'hui de la Côte d'Ivoire.  Evoquant les rebelles libériens du LURD, le Ministre a souligné que ce groupe était engagé de tous côtés du conflit ivoirien: il faut donc, a-t-il insisté, s'intéresser à la source des fournitures de matériels à ces groupes. 


L'arrestation récente par les autorités militaires françaises de plus de cent mercenaires libériens qui combattaient en Côte d'Ivoire pour le compte du Gouvernement ivoirien illustre ce type de situations, a poursuivi le Ministre libérien.  Pour maintenir son intégrité territoriale, le Gouvernement du Libéria est engagé depuis trois ans dans une guerre contre les LURD, qui bénéficie du soutien de pays voisins.  La communauté internationale a déployé peu d’efforts pour montrer qu'elle désapprouvait ce type d'incursion, a-t-il déploré.  Aujourd'hui, les rebelles du LURD continuent de mener la guerre contre la population libérienne et le mois dernier le Libéria a déposé une plainte auprès du Conseil de sécurité dans laquelle il démontre l'implication de la Guinée dans cette guerre.  Pour le Ministre, la paix durable en Afrique de l’Ouest exigera que le soutien aux groupes armés s'arrête; il a également souligné que le succès des programmes de DDR, la bonne gouvernance et la démocratie sont essentiels pour garantir la paix sur le continent.  Un changement de l'attitude internationale contribuera beaucoup à mettre fin à ces violences.  Par ailleurs, a-t-il fait valoir, la meilleure façon de lutter contre la prolifération des armes et des mercenaires est de créer de bonnes écoles, sinon le combat devient le modus vivendi d’une bonne partie de la population. 


M. INOCENCIO F. ARIAS (Espagne) a mis l’accent sur l’importance des initiatives nationales et sous-régionales en matière de lutte contre la prolifération des armes légères.  Il a donc lancé un appel aux pays de l’Afrique de l’Ouest pour qu’ils appliquent les dispositions du Plan d’action adopté par l’ONU en juillet 2002.  Dans ce cadre, le représentant a jugé utile d’inclure des mesures concrètes de lutte contre les armes légères dans les processus de démobilisation, de désarmement et de réinsertion.  Il a voulu connaître l’avis des pays concernés et les enseignements qu’ils ont pu tirer à cet égard.  Le représentant s’est, en outre, dit inquiet de la situation dramatique des enfants soldats.  Il a demandé aux délégations présentes de préciser la nature des activités que leur pays mène pour la réintégration de ces enfants.  Les moyens d’approvisionnement en armes est un aspect important de la mise en œuvre du Moratoire, a-t-il poursuivi en s’inquiétant des difficultés techniques rencontrées dans sa mise en œuvre.  Quelle évaluation les Etats d’Afrique de l’Ouest font-ils du rôle des commissions nationales établies grâce au PNUD, a demandé le représentant?


M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a encouragé la CEDEAO à mettre en œuvre des mesures concrètes permettant d’appliquer son Moratoire sur les armes légères.  Nous encourageons également les donateurs à aider la CEDEAO à mettre en place un registre sur ce type d’armes, à renforcer les commissions régionales et à introduire des certificats d’utilisateurs finaux pour les armes importées.  Nous encourageons également les pays producteurs et exportateurs d’armes à exercer le plus haut degré de responsabilité lors de telles transactions.  Ces Etats ont la responsabilité de contrôler leurs exportations.  Le renforcement du contrôle des exportations serait un pas dans la bonne direction, ce qui impliquerait également que l’on reste attentif à l’environnement dans lequel ces armes sont déployées.  Le Royaume-Uni a organisé une conférence à Londres en janvier au cours de laquelle le rôle central des Nations Unies dans la lutte contre ce fléau a été affirmé. 


Pour renforcer les efforts de mise en œuvre du Programme d’action sur le commerce illicite des armes légères, il est nécessaire pour les Etats de promulguer des lois et d’établir des procédures permettant d’exercer un contrôle efficace sur leurs transferts d’armes.  Il est également nécessaire que ces Etats revoient les procédures d’autorisation des exportations.  Dans ce contexte, nous accueillons avec satisfaction la création d’un Groupe d’experts chargés d’étudier la possibilité d’élaborer un instrument international permettant aux Etats d’identifier et de tracer le commerce illicite des armes légères.  Enfin, il est indispensable que les régimes de sanctions des Nations Unies soient mis en œuvre de façon plus efficace. 


Répondant à ces premières questions, le Secrétaire exécutif de la CEDEAO, a indiqué qu’un élément important du problème tient à l’absence d’informations.  Les commissions nationales, a-t-il expliqué, ont pour rôle, entre autres, de sensibiliser les populations au danger des petites armes et du mercenariat.  Ces commissions ont pour tâche de s’assurer que les Etats membres incorporent le Moratoire dans leur législation nationale.  Aussi, ces Etats doivent-ils renforcer la surveillance aux niveaux provincial et local.  Intervenant également, le Directeur du PCASED a estimé que le premier problème est la nécessité de maintenir l’engagement politique.  Aujourd’hui, a-t-il affirmé, le plus dur est fait puisque les rivalités ministérielles ont été vaincues pour ce qui est de la présidence des commissions nationales.  En conséquence, la difficulté est maintenant de mobiliser les ressources humaines et financières.  En prévision d’une table ronde entre les pays concernés et les donateurs, le Programme organise des contacts avec les participants pour qu’à la table ronde, des mesures concrètes soient proposées en tenant compte de la spécificité de chaque pays de l’Afrique de l’Ouest.


M. CHEIKH TIDIANE GADIO, Ministre des affaires étrangères du Sénégal, a noté qu'accessibles, peu chères et facilement maniables, les armes légères et de petit calibre avaient été de tous les conflits en Afrique de l'Ouest.  Elles ont en outre favorisé l'apparition de bandes criminelles, autochtones ou allogènes.  Ce tableau est encore assombri par l'entrée en scène depuis quelques années de mercenaires, souvent affublés du titre «d'agents de compagnies militaires».  Quel que soit le titre dont ils se parent, a-t-il poursuivi, ils ont la terrible capacité de saper le maintien de l'ordre et l'exercice souverain de l'autorité de l'Etat et l'intégrité du territoire national.  S'y ajoutent la déstructuration des économies et les divisions fratricides que ce phénomène génère. 


La détermination des dirigeants de l'Afrique de l'Ouest à lutter contre le trafic des armes légères s'est traduite par l'adoption en 1998 du Moratoire de la CEDEAO, a-t-il rappelé.  Cette avancée a été confirmée par l'adoption d'un Programme de coordination et d'assistance pour la sécurité et le développement (PCASED) visant à instaurer avec le PNUD une culture de paix.  Pour le Sénégal, a-t-il ajouté, il faut surtout mettre fin à l'omerta sous-régionale, cette complicité par le silence qui fait les beaux jours des régimes politiques qui, dans la région, se sont spécialisés au vu et au su de tous dans la propagation des armes légères et des mercenaires.  Nous connaissons ces régimes, a-t-il assuré, la communauté internationale les désigne souvent et, paradoxe, c'est nous qui montons au créneau pour les défendre.  Pour le Ministre, l'Afrique de l'Ouest réclame, elle aussi, ses inspecteurs onusiens et des commissions d'enquête internationales qui pourront prouver les forfaits de certains régimes de la sous-région, afin qu'ils soient clairement mis au ban de la communauté des nations et soient désarmés ou neutralisés d'une façon ou d'une autre. 


Le Ministre a ensuite préconisé plusieurs mesures parmi lesquelles: le renforcement et l’application rigoureuse des instruments relatifs à la prolifération des armes légères et au mercenariat; l’établissement d'un instrument d'identification des filières d'approvisionnement illicites et de traçage des armes légères; la transparence des activités commerciales et de courtage liées aux armes et l’ interdiction des centres d'instruction des mercenaires spécialisés dans les actions subversives; la promotion des programmes de DDR des anciens combattants; le renforcement du contrôle du transfert des armes légères entre Etats producteurs et consommateurs par l'usage d'un double système de dépistage et de marquage.


M. JOHN NEGROPONTE (Etats-Unis) a indiqué que le trafic illicite des armes légères exacerbe la violence et les activités de mercenaires en Afrique de l’Ouest.  Après l’adoption en 1998 du Moratoire de la CEDEAO qui prévoyait la création de commissions nationales, peu de progrès ont été réalisés.  Certains pays ne disposent toujours pas de tels organes et les pays de la région sont étouffés par la prolifération de telles armes.  La solution à ce problème réside dans la mise en œuvre de contrôles stricts à l’importation et à l’exportation, l’adoption de lois sur le courtage et la mise en œuvre de mesures de sécurité pour protéger les entrepôts nationaux.  Il faut également encourager la destruction de stocks excédentaires d’armes.  En Sierra Leone, 48 000 armes ont été rendues et les anciens rebelles ont bénéficié de mesures de réinsertion.  Le représentant a évoqué les mesures prises par son Gouvernement dans le domaine de la destruction d’armes, de la surveillance aérienne et frontalière des pays de la sous-région.  Nous demandons à la CEDEAO de veiller à la mise en place de commissions nationales et du respect du Code de conduite pour la mise en œuvre de son Moratoire. 


M. GUNTER PLEUGER (Allemagne) a indiqué qu'il fallait se concentrer sur les racines de ces conflits armés qui stimulent la demande en armes légères et invitent à leur trafic.  Il faut sensibiliser davantage le public afin que ce dernier comprenne mieux comment les conflits d'intérêt évoluent vers des conflits armés.  Le commerce d'armes doit  être plus transparent et les premiers acquéreurs de ces armes doivent être tenus pour responsables de leur itinéraire.  Nous avons besoin d'action et de conviction de la part des parties concernées.  Les gouvernements ont la responsabilité d'adhérer à des normes de bonne gouvernance et de discipline.  Les populations sont elles aussi encouragées à contribuer à la promotion de la paix et de la sécurité.


Par ailleurs les pays donateurs sont appelés à soutenir ces efforts et ceux visant à lutter contre le mercenariat.  L'attention internationale devrait aussi porter sur le renforcement des capacités nationales en la matière: les mercenaires, a-t-il estimé, doivent se voir offrir un autre moyen de subsistance réaliste que leurs armes.  Les pays producteurs d'armes doivent pour leur part respecter les règles concernant les transferts d'armes, a-t-il poursuivi en préconisant une adhésion scrupuleuse aux critères d'exportation des armes.  Il faut veiller à ce que les armes arrivent aux commanditaires légitimes.  Enfin, le représentant a insisté sur l'éducation en matière de désarmement, notamment en ce qui concerne le recrutement des enfants soldats: ils doivent apprendre que la force acquise par une arme ne contribue pas au développement.


M. ROLAND Y. KPOTSRA, Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Togo, a imputé les soulèvements armés et les guerres en Afrique de l’Ouest à la prolifération et à la circulation illicite des armes légères ainsi qu’à la facilité, pour ceux qui les provoquent, de trouver des ressources humaines locales ou étrangères disponibles et aptes à mener des actes de déstabilisation, d’agression et de guerre.  Cet état de choses trouve aussi sa justification dans les résultats peu probants des deux phases essentielles du processus de consolidation de la paix.  Le Ministre a cité les insuffisances des processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des combattants et de la mise en œuvre de mesures économiques et sociales aux fins de reconstruction et d’atténuation des injustices sociales.  Il faut reconnaître, a insisté le Ministre, que les politiques de consolidation de la paix ont connu une réussite très relative qui a favorisé la prolifération et la circulation des armes légères ainsi que la résurgence du mercenariat, entretenu par la disponibilité d’anciens combattants, voire d’enfants soldats.  C’est pourquoi, il a attiré l’attention du Conseil sur les initiatives des pays d’Afrique de l’Ouest qui ont donné lieu à la signature du Moratoire de 1998 et à la mise en place du PCASED en 1999. 


Le Ministre a souligné que les objectifs vitaux visés par ces instruments requièrent de la communauté internationale un engagement renforcé et plus effectif par le biais d’une assistance financière appropriée.  De la même façon, la communauté internationale doit apporter une assistance substantielle et conséquente aux Etats de la région.  Concernant le mercenariat, il a plaidé pour que la Convention des Nations Unies soit rendue opérationnelle et soit adaptée aux nouvelles formes du mercenariat.  Le Ministre a aussi insisté sur une mise en œuvre rigoureuse du Protocole de non agression, signé à Lagos en 1978, entre tous les pays de la région. 


Il a souhaité qu’une attention particulière soit accordée au trafic opéré par des intermédiaires non agréés qui facilitent le commerce illicite d’armes légères entre producteurs et groupes armés en renforçant, d’une part, les législations nationales et d’autre part, la coopération entre Etats en matière de contrôle aux frontières.  Il est tout aussi impératif, a-t-il ajouté, que des mesures pertinentes et rigoureuses soient prises pour empêcher le recrutement de mercenaires à partir des pays d’origine habituels et que les pays exportateurs, en particulier certains membres de l’ancien Pacte de Varsovie, se résolvent à interdire réellement les exportations illicites d’armes vers l’Afrique, en général et les Etats de la CEDEAO, en particulier.


M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a condamné les activités de mercenaires et a fait part de l’appui de son pays aux efforts de la communauté internationale visant à éliminer de telles activités qui sont immorales et illégales.  L’entrée en vigueur en 2001 de la Convention sur la répression du mercenariat a permis à la communauté internationale de disposer d’un outil supplémentaire.  Il nous faut maintenant renforcer les normes juridiques internationales.  La Conférence de suivi à mi-parcours en 2003 de la Conférence des Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères devrait contribuer à régler des questions importantes comme celles du courtage et de l’utilisateur final.


Il est justifié que le Conseil impose des embargos sur les armes dans les zones de conflit, a poursuivi le représentant.  Nous avons été en mesure de renforcer ces mécanismes de contrôle dont nous voyons les effets grâce aux rapports que nous présentent les présidents des comités des sanctions.  Par ailleurs, les opérations de maintien de la paix doivent disposer de mandats adéquats et des ressources nécessaires à la collecte et la destruction d’armes légères.  Les mesures proposées dans le cadre de la CEDEAO, notamment la mise en place d’un mécanisme d’échange d’informations, méritent d’être appuyées.  Avant tout, il faut renforcer les législations nationales et harmoniser les systèmes nationaux de contrôle des exportations.


M. CARLOS PUJALTE (Mexique) a observé qu'en dépit des embargos imposés par le Conseil de sécurité, les flux illicites d'armes légères en Afrique de l'Ouest n'ont pas diminué et a de nouveau lancé un appel à tous les pays, principalement ceux qui exportent des armes, à se conformer pleinement aux résolutions du Conseil.  De même, a-t-il insisté, pour que tous les transferts d'armes légaux doivent être accompagnés de certificats portant mention du destinataire final, ce qui contribuerait à la lutte contre le trafic illicite des armes légères.  Il a par ailleurs appelé les Etats de l'Afrique de l'Ouest à prendre toutes les mesures pratiques nécessaires pour mettre pleinement en œuvre le Moratoire de 1998: ces efforts, ainsi que le respect du Programme d'action des Nations Unies adopté en 2001, doivent permettre de diminuer le nombre des armes légères accessibles pour les mercenaires.


Le Mexique, a poursuivi son représentant, se préoccupe des liens entre le trafic des armes légères et le crime transnational organisé, le trafic des stupéfiants et le terrorisme international et de leurs effets sur la démocratie et le développement.  Aussi le Mexique a-t-il promu l'adoption de la Convention interaméricaine pertinente, a expliqué le représentant.  S'agissant de la situation en Afrique occidentale, il a appuyé les efforts de la CEDEAO, de l'Union africaine et des Nations Unies pour en finir avec le recours aux mercenaires et

aux enfants soldats et avec les conflits.  Il a suggéré que soient tirés les enseignements du processus de désarmement en Sierra Leone pour mener à terme de tels processus au Libéria et en Côte d'Ivoire; que la communauté internationale continue d'appuyer les programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) en Sierra Leone car le manque de ressources financières a mené de nombreux jeunes vers les zones de conflit où ils intègrent des mouvements armés. 


Le représentant a également exhorté les Etats de l’Afrique de l'Ouest et les forums que représentent la CEDEAO, l'Union africaine et l'Union du fleuve Mano à renforcer les mécanismes de consultation politique pour répondre à la prolifération des armes légères et des mercenaires.  Enfin le représentant a appelé le Conseil de sécurité à prendre en compte la dimension régionale des conflits au Libéria et en Côte d'Ivoire et à établir des mécanismes de coordination et de coopération avec les organisations régionales et sous-régionales pour y rechercher des solutions pacifiques.


M. PIERRE OSHO, Ministre d’Etat chargé de la défense du Bénin, a souscrit aux propos tenus par le Ministre d’Etat du Sénégal et le représentant du Royaume-Uni.  Il faut cesser, a-t-il dit, de disserter sur la prolifération des armes légères pour rechercher des actions concrètes et efficaces.  Il a estimé qu’il faut agir sur la source et les causes fondamentales des deux fléaux que sont cette prolifération et le mercenariat.  Dans ce sens, il a d’abord proposé la mise en place d’une convention internationale qui limite strictement l’achat des armes de guerre légères aux seuls Etats et aux seules armées nationales, en veillant tout particulièrement à la traçabilité des armes ayant fait l’objet de ces fournitures officielles.  Il a aussi proposé la mise en place, sur le plan international, de dispositions relatives à un démantèlement des organismes, des firmes et des réseaux internationaux de vente d’armes qui n’ont pas le statut de représentant agréé ou officiel des Etats exportateurs.  Il a appelé l’attention du Conseil sur le fait que les pays pauvres n’ont ni la technologie, ni la logistique pour vendre, fabriquer et organiser l’acheminement et la livraison de stocks d’armes.  En conséquence, a conclu le Ministre, la responsabilité entière des pays exportateurs est de toute évidence engagée. 


En troisième lieu, le Ministre a demandé une convention onusienne pour le démantèlement des sociétés et organismes qui se spécialisent dans les activités dites de prestation de services militaires qui ne sont rien d’autre que des sociétés officielles de mercenariat, de milices ou d’armées privées.  Ces sociétés, a-t-il souligné, fleurissent dans les pays du Nord et dans quelques pays du Sud.  Ces sociétés ont même quelquefois pignon sur rue et procèdent à des recrutements officiels par des annonces légales.  La cause en est que l’on assiste aujourd’hui à des actions tendant à faire reconnaître ces sociétés comme des sociétés de protection des gouvernements et des institutions officielles.  Il faut admettre, a poursuivi le Ministre, que désormais l’appréciation de la question de la prolifération des armes légères et du mercenariat doit intégrer, de manière très nette, la responsabilisation des Etats dont des groupes de ressortissants ont été identifiés comme des mercenaires.  Il ne suffira plus d’invoquer la liberté individuelle des personnes concernées pour se dérober à sa responsabilité au plan étatique. 


Il faut pouvoir admettre, a insisté le Ministre, que des individus reconnus comme des mercenaires originaires de tel pays engagent du même coup la responsabilité de leur pays qui n’a pu exercer le contrôle requis des activités illicites auxquelles se livrent ses ressortissants à l’extérieur.  En quatrième lieu, le Ministre a demandé la mise en place d’un groupe de travail chargé d’une campagne médiatique pour contrer la campagne qui s’observe depuis quelques temps et qui tend à prôner la dépénalisation du mercenariat.  En cinquième lieu, le Ministre a appelé à une action sur la source de ces deux fléaux.  Cela veut dire, a-t-il insisté, que l’on comprenne que la prolifération des armes légères et du mercenariat ont pour terreau la misère, la pauvreté, et l’absence d’un système politique et institutionnel démocratique, en bref le sous-développement endémique qui sévit dans la plupart des pays du Sud. 


Il s’agit de la problématique globale de l’aide au développement, en particulier l’assistance aux armées et aux polices nationales.  Aujourd’hui, les accords de coopération bilatéraux ou multilatéraux excluent de leur cible l’armée et la police au motif que ce sont des questions de souveraineté des Etats.  Il faut, a voulu le Ministre, envisager la question de l’équipement, de l’armement et de l’encadrement technique des armées et des polices nationales pour leur permettre d’être des institutions au service de l’Etat de droit.  Ce faisant, il faut privilégier les pays dans lesquels les processus démocratiques se développement harmonieusement et dans lesquels des efforts réels sont déployés en matière de bonne gouvernance.  En conclusion, le Ministre a appelé la communauté internationale à appuyer la CEDEAO pour le suivi du Moratoire de 1998 et de toutes les autres activités associées.


M.   JEAN-DE-DIEU SOMDA (Burkina Faso) a attiré l’attention sur un phénomène nouveau qui vient de faire son apparition en Afrique de l’Ouest, à savoir le mercenariat.  Les mercenaires, a insisté le Ministre, constituent une source d’insécurité et ne sont pas étrangers à la prolifération des armes légères.  Bien au contraire, ils la facilitent et s’activent naturellement à la création d’un environnement qui y soit favorable.  Pour le Ministre, le Conseil de sécurité doit envoyer un signal fort à ceux qui les recrutent, les entretiennent en les invitant à y mettre fin sans délai et à s’abstenir d’y recourir dans le futur. 


Les rebellions qui ont éclaté dans certains pays voisins du Burkina Faso ont favorisé la circulation et le trafic des armes légères de ces zones vers le pays, donnant ainsi naissance à une certaine forme de criminalité transfrontalière et renforçant l’insécurité du pays et de l’ensemble de la sous-région.  Pour endiguer cette situation, a expliqué le Ministre, le pays a activement pris part au processus qui a abouti au Moratoire de la CEDEAO de 1998.  Diverses actions nationales, sous-régionales, régionales et internationales allant dans le sens de ce Moratoire et des autres accords multilatéraux ont été menées par le Gouvernement.  Toutefois, le Ministre s’est dit convaincu que la lutte contre la prolifération des armes légères ne peut être menée ni à l’échelle régionale, ni à l’échelle sous-régionale et encore moins à l’échelle nationale.  Les chances de succès résident dans la coopération et une synergie d’action de l’ensemble de la communauté internationale.  Le Moratoire de la CEDEAO ne peut aboutir sans l’appui matériel et financier des partenaires au développement.  C’est pourquoi le Ministre a souligné le rôle essentiel du Conseil, en la matière, en l’appelant à éradiquer ce phénomène qui mine les fondements du développement que sont la paix et la sécurité.


M. JEAN-MARC DE LA SABLIERE (France) a déclaré que le mercenariat en Afrique constitue un fléau.  Des milliers de combattants souvent hors de tout contrôle, sillonnent désormais les zones de conflit de la sous-région, du Libéria à la Sierra Leone, en passant par la Côte d’Ivoire.  Il s’agit de «  mercenaires sans frontières  » qui bénéficient des difficultés que connaît la communauté internationale à élaborer une approche régionale.  Pourquoi en Afrique de l’Ouest plus qu’ailleurs, s’est demandé le représentant?  La première guerre civile au Libéria où les combattants n’ont jamais été réinsérés dans la société, ni même désarmés, constitue un exemple de l’incapacité de la communauté internationale à être à la hauteur de ses responsabilités.  Nombre de ces combattants se sont alors reconvertis dans le conflit en Sierra Leone.  Aujourd’hui, des mercenaires, libériens pour la plupart, mais aussi sierra-léonais, s’affrontent dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. 


La communauté internationale doit agir face à ce phénomène et la France est déterminée à prendre sa part.  La première obligation face au mercenariat est de la contenir par une présence militaires qui soit «robuste».  La MINUSIL l’a fait en Sierra Leone vis-à–vis du RUF.  Les troupes françaises le font aujourd’hui en Côte d’Ivoire vis-à-vis des mouvements rebelles de l’ouest.  Mais ce n’est qu’une étape, la seule solution à long terme passant par de véritables programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion.  En Sierra Leone, les Nations Unies ont démobilisé 46 000 anciens combattants et le Libéria devrait constituer le prochain chantier.


L’action internationale implique également un effort soutenu de lutte contre le trafic illicite des armes légères aussi bien de la part des importateurs que des pays exportateurs pour assécher les marchés illicites.  Cet effort doit se faire aux niveaux national, régional et international.  La France a lancé en septembre 1999 une initiative en vue de la conclusion d’un instrument international de marquage et de traçabilité des armes légères.  L’identification des filières de trafic illicite est indispensable.  Nous nous félicitons des travaux conduits par le Groupe d’experts des Nations Unies sur la faisabilité d’un tel instrument international sur la base des propositions conjointes de la France et de la Suisse.  Nous souhaitons le lancement de négociations à terme d’une convention internationale dans ce domaine.  Les Etats, de leur côté, doivent adopter une législation rigoureuse de contrôle des exportations.


Le représentant a, par ailleurs, fait part du plein appui de la France aux initiatives régionales et à celles menées par le PNUD par le biais du Programme de coordination et d’assistance à la sécurité et au développement (PCASED).  Nous souhaitons cependant que le Secrétariat exécutif de la CEDEAO exerce un contrôle sur les demandes d’exemption d’importations présentées par les Etats pour leur besoin de sécurité.  Je souhaiterais par ailleurs connaître les progrès enregistrés dans la mise en œuvre du Moratoire et les propositions avancées pour améliorer son efficacité.  Se félicitant des réformes structurelles mises en œuvre au sein du PCASED, le représentant a souhaité que le Directeur régional du Programme présente en juillet prochain à New York, lors de la réunion de suivi du Programme d’action sur les armes légères, les efforts déployés dans les programmes d’assistance, qu’il décrive les résultats obtenus dans la mise en œuvre du Moratoire de la CEDEAO et qu’il attire l’attention de la communauté internationale sur les besoins cruciaux de cette région.  S’adressant aux représentants du Secrétaire général, M. La Sablière a également demandé s’il ne serait pas opportun que le Secrétariat prépare un rapport sur les risques spécifiques dans cette sous-région, en mettant en valeur les dimensions transfrontalières des conflits et en se concentrant sur la problématique des petites armes et du mercenariat.


Répondant aux questions posées par la délégation de la France, le Directeur régional du PCASED a expliqué qu'une fois que les initiatives sont prises au plan exécutif, il faut tout de suite passer au financement de leur mise en œuvre.  Ce rôle incombe aux commissions nationales qui, à ce jour, sont au nombre de treize.  Faisant référence à la question des certificats d'utilisateur final, il a confirmé l'existence de fraudes par le passé et la possibilité de les falsifier.  Pour répondre à ce type de problèmes, il a souhaité que le PNUD et le PCASED réexaminent les conditions d’établissement du certificat d'utilisateur final. 


M. JAIME ACUNA (Chili) a invité les Etats de la sous-région à mettre sérieusement en œuvre les instruments internationaux en vigueur qui prohibent le recours aux mercenaires et particulièrement aux enfants-soldats.  Il est également, selon lui, indispensable que la communauté internationale dans son ensemble établisse des normes strictes pour réglementer la fabrication et le commerce des armes légères, obligeant les fabricants à être enregistrés et les commerçants à être dûment autorisés à procéder à leurs transactions.  Le Chili, a-t-il poursuivi, appuie l'initiative visant à renforcer la coopération et les échanges d'informations entre les Etats de la région afin d'identifier et de contrôler les individus et entités apparemment impliqués dans le trafic illicite d'armes légères, ou ceux qui y soutiennent les activités de mercenariat.  Il a aussi invité ces pays à s'impliquer davantage dans la mise en œuvre du Moratoire adopté en 1998 par la CEDEAO et des recommandations de la Conférence africaine sur l'application du Programme d'action des Nations Unies adopté en 2001.


Le représentant a donc appuyé les recommandations pour renforcer l'efficacité du Moratoire décrété en Afrique de l'Ouest, à savoir: établir des mécanismes d'échanges d'information sur l'acquisition d'armes légères; accroître la transparence des échanges grâce à la création d'un registre incluant les stocks nationaux des armes dans la sous-région; renforcer les attributions des Commissions nationales chargées de veiller au respect du moratoire; renforcer la capacité du Secrétariat de la CEDEAO; créer un certificat sur l'utilisateur final des armes importées.


M. MIKHAIL WEHBE (République arabe syrienne) a estimé que l'adoption du Programme d'action des Nations Unies permet d'aborder l'un des problèmes les plus urgents dans le domaine de la paix et de la sécurité, à savoir la prolifération des armes légères et leur trafic illicite.  Pour aborder cette question en particulier en Afrique de l’Ouest, a-t-il considéré, il faut adopter une approche qui encourage des mesures favorisant le rétablissement de la paix pour que le recours aux armes devienne moins nécessaire.  Cette approche doit également encourager le règlement pacifique des conflits, et la mise au point de mécanismes permettant de mettre fin à l'importation de ces armes par des acteurs non-étatiques.  Il faut en outre apporter un soutien technique et financier aux Etats pour les aider à mettre en œuvre leurs programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR).


S'agissant des mercenaires, le représentant syrien a estimé que les conflits armés, le trafic illicite et les interventions de pays tiers encouragent les mercenaires sur les marchés internationaux.  L'Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont adopté de nombreuses résolutions condamnant le recours aux mercenaires: ces résolutions soulignent qu'il est nécessaire d'empêcher la formation, le financement et le recrutement de mercenaires d'un pays à l'autre. 

Mais, a-t-il ajouté, les différends entre pays d’Afrique de l'Ouest ont entraîné des conflits armés et la présence de mercenaires y est un fait avéré, qui a donné lieu à des actes barbares et à la poursuite des conflits.  De nombreux conflits en Afrique naissent de l'instabilité politique et de l’existence de ressources naturelles que d'autres Etats étrangers essaient de contrôler.  Ces pays font alors appel à des petites armées de mercenaires privées et très bien organisées en vue d'asseoir leur main-mise et ceci n'est pas acceptable.  Le représentant a donc estimé qu'il fallait continuer de suivre de près cette question et en tirer des leçons claires.  Enfin, la coopération avec les organisations régionales et sous-régionales est essentielle pour parvenir à la paix et à la sécurité en Afrique de l'Ouest, a-t-il conclu.


Mme DIALLO M’BODJI SENE, Ministre déléguée auprès du Ministre du travail et de la fonction publique chargée de l’emploi et de la formation professionnelle du Mali, rappelant que son pays est à l’origine du Moratoire de la CEDEAO, a expliqué que les gouvernements peuvent compléter cet instrument par diverses mesures.  Le dispositif, appelé Programme de coordination et d’assistance pour la sécurité et le développement (PCASED), assure le suivi régulier de la mise en œuvre du Moratoire.  Celui-ci a permis de réduire la prolifération des armes légères dans la sous-région et, cela, avec la contribution de fabricants d’armes appartenant au Groupe de Wassenar.  Mais si la circulation de ces armes a été ralentie, il reste que les huit millions qui sont en Afrique de l’Ouest sont entre des mains de détenteurs illégaux.  Il est impérieux de récupérer ces armes qui contribuent au grand banditisme, à la création de gangs armés et au mercenariat.  A la longue, les gangs armés se retrouvent, s’unissent et forment des armées de mercenaires.  La situation en Côte d’Ivoire en est la parfaite illustration.


En dépit de l’existence d’instruments internationaux portant sur l’interdiction du mercenariat, force est de constater que ce phénomène est toujours d’actualité.  Pour mieux cerner la problématique des armes légères en relation avec le mercenariat, il faudrait envisager des mesures d’embargo dans tous les pays en conflit; des mesures contraignantes en aval à l’encontre des pays responsables du trafic illicite des armes; l’adoption d’une résolution contraignante sur le mercenariat sous toutes ses formes; apporter un soutien accrû aux commissions nationales chargées de la lutte contre la prolifération illicite de ces armes en initiant davantage de projets de développement.


      M.      . STEFAN TAFROV(Bulgarie) a exprimé sa plus vive préoccupation devant l’accumulation excessive, la prolifération illicite et incontrôlée, la circulation et le trafic des armes légères qui continuent à constituer un défi majeur pour la stabilité et le développement en Afrique de l’Ouest.  Nous nous félicitons de l’approche intégrée de l’ONU et du Conseil de sécurité visant à réduire et prévenir le commerce illicite des armes légères vis-à-vis de l’Afrique de l’Ouest.  La Bulgarie salue la coopération plus active entre les pays de la région qui représente un élément important dans la stratégie globale visant à lutter contre la prolifération illicite et incontrôlée des petites armes.  Ils disposent déjà d’un instrument de lutte contre le commerce illicite d’armes légères –le Moratoire de la CEDEAO sur l’importation, l’exportation et la fabrication d’armes légères- adopté en 1998.  Il conviendrait d’améliorer l’efficacité et la performance de ce mécanisme de contrôle.

La communauté internationale devrait apporter un soutien conséquent en appui des efforts de la région.  L’application des embargos en vigueur est également un ingrédient important dans la stratégie de lutte contre le trafic illicite d’armes légères et de petit calibre en Afrique de l’Ouest.  Les rapports du Groupe d’experts sur la Sierra Leone et le Libéria, a souligné le représentant, ont mis en évidence des schémas de violations souvent orchestrés par les mêmes trafiquants d’armes.  Nous estimons par conséquent qu’un changement structurel allant dans le sens de l’idée franco-britannique de créer un mécanisme semi-permanent est souhaitable, car il contribuerait à mieux contrôler l’application des sanctions imposées par l’ONU.  En ce qui concerne les mercenaires, la communauté internationale doit examiner et évaluer les récentes concentrations de mercenaires en Afrique, en particulier dans la sous-région ouest-africaine. 


M. SEM OUSMANE MOUTARI (Niger) a invoqué l’expérience de son pays qui a montré que quoi qu’on dise de la prolifération illicite des armes légères et du mercenariat, l’aspect crucial des solutions demeure la volonté réelle des protagonistes de faire pacifiquement face ensemble aux causes profondes des conflits qui les opposent.  A cet égard, l’assistance étrangère est certes très utile, voire indispensable mais elle n’en est pas moins qu’un appoint.  Le représentant a ensuite passé en revue la mise en oeuvre des Accords de paix signés dans son pays en 1995 et en 1998 qui ont permis le lancement d’un processus de collecte des armes légères et de réinsertion socioéconomique des anciens combattants.  Concernant ce processus, il a attiré l’attention sur la faiblesse des structures nationales, dont la commission nationale de collecte des armes et le Haut Commissariat au maintien de la paix qui ne disposent pas des ressources humaines, matérielles et financières nécessaires.  Il en est de même sur le plan régional, a souligné le représentant. 


La CEDEAO, a-t-il dit, a un besoin urgent de mettre en place une unité de petites armes pour lui permettre d’assurer la mise en oeuvre efficace du Moratoire.  Ce Moratoire ne peut fonctionner que s’il existe un mécanisme de suivi et de contrôle doté de moyens suffisants et d’une indépendance réelle.  Le fonctionnement du Moratoire exige aussi la mise en place d’un régime de sanctions contre les parties défaillantes.  Le représentant a donc espéré que de cette réunion du Conseil émergeront des recommandations propres à assurer le renforcement des capacités des institutions nationales, régionales et continentales.


M. WANG YINGFAN (Chine) a estimé que la présence prolongée de mercenaires en Afrique de l'Ouest favorise la poursuite des conflits dans cette région, mais aussi le pillage des ressources naturelles.  Faute de résoudre cette question, la paix sera difficile à établir en Afrique de l'Ouest et la communauté internationale doit appuyer les organisations régionales et sous-régionales dans leur lutte contre ce phénomène et contre la prolifération des armes légères.  Seule une démarche intégrée peut permettre, selon lui, de résoudre ces deux questions.  Une meilleure coopération entre les acteurs en Afrique de l'Ouest est d'importance prioritaire.  Les Etats de la région doivent mieux appliquer le Moratoire de la CEDEAO et le Programme d'action des Nations Unies, actualiser leurs législations et prendre des mesures efficaces pour garantir leur mise en œuvre.  Le Conseil de sécurité doit pour sa part veiller à la réalisation des programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) et au respect des embargos sur les armes. 


Mais, a ajouté le représentant, il faut aussi aider les pays à développer leurs économies et à œuvrer en faveur d'un développement durable, afin de déraciner les armes légères en Afrique de l'Ouest.  La Chine éprouve beaucoup de sympathie pour les peuples de cette région qui n'ont que trop souffert de la prolifération de ces armes.  Elle est en faveur d’un renforcement de la coopération entre les Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales. 


      M. JOE R. PEMAGBI (Sierra Leone) a réaffirmé qu’il est de la responsabilité des Etats de la sous-région de l’Afrique de l’Ouest de prendre toutes les mesures nécessaires aux niveaux national et sous-régional pour prévenir, combattre et éradiquer les petites armes.  Cependant, nous ne devons pas sous-estimer la dimension internationale du problème et ses implications sur la paix et la sécurité internationales.  Nous souhaiterions discuter de la façon dont le Conseil de sécurité peut contribuer à l’application de mesures internationales déjà identifiées dans le Programme d’action de la Conférence des Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères.  Nous reconnaissons le rôle important que jouent dans ce contexte les programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration.  En Sierra Leone, le succès du désarmement et de la démobilisation des anciens combattants résulte essentiellement de la coopération et à de l’assistance internationales.  Cependant, si le volet réintégration n’est pas intensifié, de nombreux anciens combattants pourraient être facilement recrutés pour combattre dans de nouveaux conflits de la sous-région. 

Nous estimons en outre que l’idée selon laquelle il serait utile d’étendre indéfiniment le Moratoire de la CEDEAO sur l’importation, l’exportation et la fabrication d’armes légères ou d’en faire un instrument régional contraignant est intéressante.  Cependant, il faut souligner que les huit millions d’armes illicites qui circulent en Afrique de l’Ouest, y compris celles qui sont entre les mains des rebelles, des bandits et d’autres entités non étatiques ont été fabriquées en dehors de la région ouest-africaine.  C’est pourquoi, l’application de ce Moratoire doit être faite en collaboration avec les Etats dans lesquels ces armes sont produites.  Par la résolution 1171 du Conseil de sécurité, il a été demandé que le Gouvernement de la Sierra Leone enregistre toutes les armes importées et qu’il transmette ces informations au Comité des sanctions du Conseil de sécurité.  Dans le même temps, le Conseil a interdit la vente d’armes aux forces non gouvernementales de la Sierra Leone.  Cependant, le mouvement rebelle du Front révolutionnaire uni (RUF) a été en mesure d’acquérir un nombre considérable d’armes et de violer délibérément l’embargo.  Enfin, nous appelons le Conseil de sécurité à examiner la situation actuelle et les menaces à la paix et à la sécurité internationales dans la sous-région ouest africaine comme un tout.


M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a fait part de sa préoccupation concernant les huit millions d’armes illicites qui circulent en Afrique de l’Ouest, qui contribuent au développement de milices et de bandes armées dans la sous-région.  Le Pakistan a connu ce problème dans le contexte de la guerre en Afghanistan et il y a deux ans, nous avons mis en place des mesures de lutte contre la prolifération d’armes illicites.  Nous sommes prêts à partager cette expérience avec des pays amis.  Le Pakistan appuie les efforts de la CEDEAO et demande aux Nations Unies de jouer un rôle plus actif en Afrique de l’Ouest.  Les efforts de la communauté internationale doivent également porter sur la mise en œuvre du Programme d’action sur le commerce illicite des armes légères. 


Le Moratoire de la CEDEAO, a estimé le représentant, peut être renforcé par les diverses recommandations contenues dans la déclaration présidentielle que nous allons adopter.  Mais seule une démarche d’ensemble tenant compte des aspects sociaux, économiques, politiques et en matière de sécurité doit être retenue.  Nous suggérons d’aborder cette question dans le cadre du Groupe de travail sur la prévention des conflits en Afrique.


M. ARTHUR C.I. MBANEFO (Nigéria) a estimé que la plus grande difficulté dans le contrôle des armes légères tient au fait que des acteurs non étatiques peuvent s’en procurer facilement.  Il a donc appelé à des efforts renouvelés pour la mise en place d’un contrôle juridique de la vente de ces armes à ces acteurs.  Le représentant s’est ensuite félicité de la mise sur pied par le Conseil d’un Groupe d’experts indépendants sur la question et de mécanismes chargés de surveiller le respect des embargos sur les armes.  Il a néanmoins estimé que si de telles initiatives sont utiles pour arrêter les mouvements transfrontières des armes elles ne sauraient l’être pour le contrôle des armes qui se trouvent déjà dans un territoire donné.  Il a donc souligné la nécessité d’élaborer des mandats efficaces pour les processus de DDR qui incluraient la collecte des armes, leur dépôt et leur destruction.


Le représentant a, par ailleurs, accueilli avec satisfaction la recommandation du Secrétaire général d’élaborer un instrument international pour permettre aux Etats d’identifier et de tracer les armes illicites qui entrent dans leur territoire.  Il a espéré que le travail du Groupe d’experts sur le traçage des armes légères conduira à un accord international et contraignant.  Comme mesure supplémentaire, le représentant a jugé important que les fabricants d’armes agréés procèdent au marquage de chaque arme comme partie intégrante de la chaîne de production.  


Il a aussi estimé que la création d’un régime international de contrôle du négoce des armes est de plus en nécessaire.  Avant la mise en place d’un tel régime, il a appelé tous les Etats Membres à renforcer la coopération internationale et l’échange d’informations.  Le représentant a lié la question à celle de la certification et du contrôle des utilisateurs finaux.  Il a donc appelé le Conseil de sécurité à encourager les Etats qui ne l’ont pas encore fait à souscrire à la pratique de la certification de l’utilisateur final pour surveiller les exportations et le transit des armes légères.  Il est également important pour le Conseil, a-t-il dit, de procéder à un examen des liens entre le trafic illicite des armes légères et l’exploitation illicite des ressources naturelles d’un pays.  Concluant sur un appel à la communauté internationale pour qu’elle appuie le Moratoire de la CEDEAO, le représentant s’est, par ailleurs, félicité de la création d’Action coordonnée sur les armes légères (CASA) et du Conseil consultatif sur les armes légères (SAAS).


Répondant au Ministre du Libéria qui avait affirmé, au cours du dé

Ebat que des mercenaires libériens se battaient aux côtés des Forces armées ivoiriennes dans l’ouest du pays, le représentant de la Côte d’Ivoire, M. DJANGONE-BI D. PHILIPPE, a souhaité faire une mise au point.  La vérité, selon lui, est que des mercenaires libériens font partie des agresseurs de la Côte d'Ivoire depuis la nuit du 18 au 19 septembre 2002 et que certains d'entre eux ont été faits prisonniers par les Forces armées ivoiriennes.  Le Président Charles Taylor a assuré le Président Gbagbo que ces mercenaires n'ont rien à voir avec l'armée libérienne et la Côte d'Ivoire en a pris acte.  Ma délégation, a-t-il poursuivi, proteste énergiquement contre les affabulations qui tentent de présenter la victime, la Côte d'Ivoire agressée, comme le coupable dans cette affaire. 


Nombre de mercenaires libériens qui écument l'Afrique de l'Ouest et agressent aujourd'hui la Côte d'Ivoire sont totalement sous l'emprise de la drogue; ils sont sans pitié, pillent systématiquement les plantations et les maisons, tuent sans raison ce qui explique les nombreux charniers en zone rebelle et n'ont aucun égard pour les femmes et les filles qu'ils violent au quotidien.  Le représentant a également rappelé que son pays a accueilli depuis au moins une décennie près d'un demi-million de réfugiés libériens.  Il a également reproché au Ministre libérien d'avoir omis de signaler au Conseil de sécurité que les combattants des différentes factions qui arrivent en territoire libérien avec leur armement ont largement contribué à l'insécurité en Côte d'Ivoire. 


En conclusion, le représentant a souligné que les mercenaires libériens qui écument l'ouest de la Côte d'Ivoire n'ont aucun lien avec l'armée régulière et ne sauraient être considérés comme des «supplétifs» des Forces armées ivoiriennes; dans l'ouest du pays, comme à Bouaké, des mercenaires libériens recrutés et payés par les agresseurs de la Côte d'Ivoire combattent aux côtés et pour le compte de ces derniers; profitant de la situation, des pillards libériens agissent pour leur propre compte; et enfin, les mercenaires libériens arrêtés par les forces françaises dans la région de Duekoue-Bangolo n'ont aucun lien avec les forces de la Côte d'Ivoire. 


M. FRANCOIS LONSENY FALL, Ministre des affaires étrangères et de la coopération de la Guinée, a fait valoir que la prolifération des armes légères et le recours de plus en plus fréquent au mercenariat ne sont pas de nature à conforter la restauration de la paix et de la sécurité en Afrique de l'Ouest, comme la crise ivoirienne en est l'illustration.  Il s'agit, a estimé le Ministre, de procéder à un examen approfondi des mécanismes qui sous-tendent ces fléaux et d'adopter les mesures appropriées dans une double perspective de prévention et d'élimination.  Il a rappelé que 500 millions d'armes légères circuleraient librement dans le monde dont 30 millions en Afrique et 8 millions en Afrique de l'Ouest; que 60% de ces armes sont détenues par des civils dont un demi-million meurent chaque année, parmi eux 80% de femmes et d'enfants.  Le Ministre s'est dit particulièrement préoccupé par l'usage incontrôlé et abusif de ce type d'armes qui affecte les ressources publiques d'Etats qui sont pourtant déjà très limitées et la mise en oeuvre des programmes de développement.  Cette forme de gouvernance, a-t-il ajouté, a pour corollaire la fuite de capitaux étrangers et de désinvestissement. 


Pour la Guinée, ces conditions compromettent dangereusement la mise en œuvre des accords de paix dans la sous-région, dont l'échec est souvent attribué à la seule absence de volonté politique.  Il est en outre admis que les faibles capacités des forces de sécurité, le chômage et la pauvreté favorisent la prolifération des armes légères et de petit calibre.  Rappelant l'adoption du Moratoire de la CEDEAO en 1998, il a estimé que les difficultés rencontrées pour assurer un fonctionnement efficace étaient l'absence de coopération effective et efficace entre les Etats pour harmoniser leurs politiques en la matière; l'insuffisance de personnel et d'équipement au niveau du Secrétariat de la CEDEAO pour surveiller le moratoire et la non-existence de dispositions juridiques contraignantes.  Le Ministre a donc appelé au nécessaire renforcement des capacités institutionnelles de la sous-région qui prendrait en compte l'introduction, dans la sous-région, d'un certificat d'utilisateur final normalisé; l'élargissement du moratoire afin de créer un mécanisme d'échanges d'informations sur les types d'armes acquis; l'informatisation des listes d'immatriculation des aéronefs, l'implication accrue des commissions nationales et des structures locales dans l'application des mesures prises aux plans sous-régional, régional et international. 


Enfin, il a préconisé le renforcement de l'unité d'action pour briser les mécanismes mafieux qui alimentent les trafics d'armes.  Constatant que les mêmes hommes vendaient parfois leurs services aux parties d'un même conflit, le Ministre a enfin rappelé que les mercenaires se retournent souvent contre leurs propres employeurs : c'est dire que l'ennemi commun des Etats de la sous-région est, à l'heure actuelle, le mercenariat et il faut donc dénoncer ceux qui en sont les commanditaires ou l'entretiennent.  Il a également souligné que les mercenaires étaient parfois d'anciens combattants qui n'ont pas été pris en charge par les programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR).


Reprenant la parole à la fin du débat, le Directeur régional du PCASED a estimé que la communauté internationale avait pris conscience des menaces qui se profilent en Afrique de l'Ouest sur la paix et la sécurité.  Il est nécessaire, selon lui, qu'elle soutienne le Moratoire sur l'importation, la fabrication et le commerce des armes légères, notamment en aidant le secrétariat exécutif de la CEDEAO à renforcer ses capacités.  Il a préconisé que les Etats prennent les mesures nécessaires pour criminaliser les activités de mercenariat et interdire la prolifération des armes par des instruments juridiques appropriés.  Il a également fait mention du développement de mécanismes indépendants de surveillance et d'application des sanctions, soulignant que ce rôle incombe naturellement au Conseil de sécurité.


M. Sall a relevé par ailleurs la nécessité d'améliorer les procédures de certificat d'utilisateur final et annoncé la décision de la CEDEAO d'inscrire dès le semestre prochain à son plan de travail un réexamen des procédures sur ce point.  Enfin, il a soulevé la nécessité d'évaluer les risques d'instabilité de la sous-région et d'examiner les rapports sur la circulation des armes et les activités de mercenariat dans cette même sous-région.


Projet de résolution S/2003/328


Le Conseil de sécurité,


Décide d’adopter la déclaration ci-jointe sur la question intitulée « Prolifération des armes légères et de petit calibre et mercenariat : menaces à la paix et à la sécurité en Afrique de l’Ouest ».

Annexe


Le Conseil de sécurité exprime sa vive préoccupation face aux conséquences de la prolifération des armes légères et de petit calibre, ainsi que de la pratique du mercenariat sur la paix et la sécurité en Afrique de l’Ouest, qui contribuent à de graves atteintes aux droits de l’homme et au droit humanitaire international, que le Conseil condamne. Il demande aux États de la sous-région d’assurer la mise en oeuvre des mesures pertinentes prises sur les plans national, régional et international pour lutter contre ces problèmes.


Le Conseil de sécurité invite les États de la sous-région à renforcer les mesures prises et à envisager d’autres dispositions appropriées, en tenant compte des recommandations issues de cet atelier. Il souligne également la nécessité pour ces États de renforcer leur coopération afin d’identifier les individus et entités qui oeuvrent illégalement au trafic des armes légères et de petit calibre et entretiennent la pratique du mercenariat en Afrique de l’Ouest.


Le Conseil de sécurité reconnaît la nécessité d’impliquer davantage les commissions nationales/comités nationaux et d’autres structures locales appropriées (y compris des organisations de la société civile) dans l’application effective du moratoire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur les armes légères adopté le 31 octobre 1998 et du Programme d’action adopté le 20 juillet 2001 par la première Conférence des Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects, tenue à New York.


Le Conseil de sécurité invite les États d’Afrique de l’Ouest à prendre en considération les recommandations ci-après, qui pourraient contribuer à renforcer l’efficacité dans l’application du moratoire de la CEDEAO sur les armes légères :


a)Élargir le moratoire de manière qu’il englobe un mécanisme d’échange d’informations sur tous les types d’armes légères acquises par les États membres de la CEDEAO, ainsi que sur les livraisons d’armes effectuées par les pays fournisseurs;


b)Accroître la transparence dans le domaine des armements, y compris par la création d’un registre de la CEDEAO incluant les stocks nationaux d’armes légères et de petit calibre;


c)Renforcer les commissions nationales mises en place pour superviser la mise en oeuvre du moratoire, sur le plan des effectifs et du matériel, et l’élaboration de plans d’action nationaux;


d)Prendre les dispositions voulues pour renforcer la capacité du secrétariat de la CEDEAO;


e)Informatiser les listes d’immatriculation des aéronefs pour assurer un meilleur contrôle de l’espace aérien, conformément aux dispositions de la Convention relative à l’aviation civile internationale, signée à Chicago le 7 décembre 1944;


f)Établir un certificat d’utilisateur final normalisé pour les armes importées.


Le Conseil de sécurité exprime sa préoccupation face aux graves violations des embargos sur les armes en Afrique de l’Ouest et demande aux États membres de respecter pleinement ses résolutions pertinentes.


Le Conseil de sécurité exprime son inquiétude face aux liens entre les activités mercenaires, le trafic illicite des armes et la violation des embargos sur les armes, qui contribuent à alimenter et à prolonger les conflits en Afrique de l’Ouest.


Le Conseil de sécurité souligne la nécessité de sensibiliser les populations et les entités de la sous-région au danger et aux conséquences du commerce illicite des armes légères et de petit calibre et du mercenariat.


Le Conseil de sécurité encourage tous les États membres de la CEDEAO, en particulier ceux qui sont le plus touchés par le commerce illicite des armes légères, à soumettre au Secrétaire général, à l’instar des autres États, des rapports nationaux sur les mesures qu’ils ont prises pour appliquer le Programme d’action des Nations Unies sur les armes légères et de petit calibre, avant la réunion d’examen biennal de 2003.


Le Conseil de sécurité lance un appel à la communauté des donateurs afin qu’elle aide les États de la sous-région à mettre en oeuvre et à renforcer les mesures relatives à la prolifération des armes légères et de petit calibre et au mercenariat.


Le Conseil de sécurité engage les parties intéressées impliquées dans des conflits en Afrique de l’Ouest à prendre acte de l’importance des activités relatives au désarmement, à la démobilisation et à la réinsertion à la suite d’un conflit et de la nécessité d’incorporer des dispositions à cette fin dans le texte d’accords négociés, ainsi que des mesures concrètes en vue de la collecte et de l’élimination des armes légères illicites et/ou excédentaires.


Le Conseil de sécurité demande à tous les États de la sous-région de cesser de fournir une assistance militaire aux groupes armés dans les pays voisins et de prendre des mesures pour empêcher des individus et groupes armés d’utiliser leur territoire en vue de préparer et de lancer des attaques contre des pays voisins.


Le Conseil de sécurité engage les pays producteurs et exportateurs d’armes qui ne l’ont pas encore fait à promulguer des législations, réglementations et procédures administratives rigoureuses pour mieux assurer dans leur mise en oeuvre un contrôle effectif sur les transferts en Afrique de l’Ouest d’armes légères effectués par les fabricants, fournisseurs, courtiers, agents maritimes et transitaires, y compris un mécanisme qui faciliterait le repérage des transferts d’armes illicites, et l’examen attentif des certificats d’utilisateur final.


Le Conseil de sécurité invite de nouveau les organisations régionales et sous-régionales à définir des politiques et activités et à organiser des campagnes de sensibilisation au profit des enfants touchés par les conflits armés dans leurs régions respectives. À cet égard, le Conseil se félicite de l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action d’Accra sur les enfants touchés par les conflits et de la mise en place ultérieure de l’Unité de protection de l’enfance au secrétariat de la CEDEAO.


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