SG/SM/8398

LA SITUATION CES DERNIERS JOURS AU MOYEN-ORIENT CONSTITUE UN PAS TRAGIQUE EN SENS INVERSE DE LA CONCRETISATION DU PLAN DU QUATUOR, DECLARE M. KOFI ANNAN

24/09/2002
Communiqué de presse
SG/SM/8398


                                                            SC/7510


LA SITUATION CES DERNIERS JOURS AU MOYEN-ORIENT CONSTITUE UN PAS TRAGIQUE EN SENS INVERSE DE LA CONCRETISATION DU PLAN DU QUATUOR, DECLARE M. KOFI ANNAN


On trouvera ci-après le texte de la déclaration du Secrétaire général, M. Kofi Annan, à la réunion d'urgence du Conseil de sécurité sur la situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne, tenue le 23 septembre:


Il y a à peine une semaine, le Quatuor s’est réuni ici même et est convenu de la nécessité d’établir un plan de campagne pour parvenir à un règlement permanent du conflit israélo-palestinien.


Nous avons également estimé qu’il était essentiel et urgent que les Palestiniens prennent toutes les mesures possibles pour améliorer la sécurité en mettant fin immédiatement à la violence et à la terreur. Mais nous avons aussi considéré que ces mesures devaient s’inscrire dans le cadre d’un plan général tenant compte des aspects politiques, économiques, humanitaires et institutionnels du problème.


Nous avons considéré que le plan devait définir les mesures réciproques à adopter par les parties lors de l’exécution de chacune des trois phases, un mécanisme mis en place par le Quatuor étant chargé de suivre et d’évaluer les progrès accomplis par chaque partie en fonction de critères précis et devant aboutir à la négociation d’un règlement global et définitif au cours du premier semestre de 2005.


Nous avons, en un mot, convenu que le processus devait être guidé à la fois par l’action et par l’espoir.


Cette condition est essentielle, je ne saurais trop le souligner. Certes, il importe d’agir, mais il importe tout autant de garder l’espoir. Car il ne saurait y avoir d’action sans espoir.


Loin d’aller dans le sens d’une concrétisation du processus envisagé par le Quatuor, l’évolution de la situation au cours des derniers jours constitue un pas tragique en sens inverse.


Jusqu’à la semaine dernière, Israël connaissait un calme relatif depuis six semaines, mais au cours de la même période, dans le territoire occupé, 54 Palestiniens au moins ont été tués lors d’opérations militaires israéliennes.


Puis, en l’espace de trois jours – du 17 au 19 septembre – une bombe a explosé dans une école palestinienne et deux nouveaux attentats-suicide ont été commis contre des civils israéliens en Israël.


Je n’ai cessé de répéter que de tels actes étaient « moralement odieux » et je le répète à nouveau. Plus ces mots doivent être répétés plus ils deviennent tristement appropriés.


Ces actes doivent être condamnés, non seulement pour les pertes en vies humaines totalement injustifiables qu’ils entraînent et les souffrances qu’ils causent à des innocents, mais aussi parce qu’ils font reculer encore davantage la perspective de parvenir à un règlement juste et durable. Ils portent directement atteinte à l’espoir même que le Quatuor considère comme le principal moteur des progrès politiques.


J’exhorte à nouveau tous les Palestiniens, en particulier les chefs de toutes les factions politiques, à renoncer à leur sinistre instrument de terreur – clairement, irrévocablement et à jamais.


La semaine dernière, le Quatuor a reconnu les préoccupations d’Israël en matière de sécurité et a instamment demandé à nouveau que les attaques terroristes cessent une fois pour toutes. Il a également une nouvelle fois invité l’Autorité palestinienne à procéder à la réforme de ses services de sécurité et à combattre le terrorisme avec le concours des États-Unis et des partenaires régionaux.


Mais comment les Palestiniens pourraient-ils prendre les mesures voulues alors que ce qui reste des infrastructures civiles et des installations et services de sécurité de l’Autorité palestinienne – déjà très affaiblis – est en train d’être détruit? Ces destructions ne feront que réduire encore les chances que l’Autorité procède aux réformes nécessaires et fasse de réels progrès en matière de sécurité.


De même, la destruction des infrastructures dont les ministères et les municipalités ont besoin pour assurer les services essentiels tels que l’approvisionnement en eau et en électricité et l’enseignement entravera et même réduira à néant les efforts déployés par les Palestiniens et par les organisations internationales pour répondre aux besoins humanitaires. L’aggravation des conditions d’existence n’est certainement pas de nature à favoriser le progrès, que ce soit sur le plan politique ou économique ou sur le plan de la sécurité.


Le Quatuor et nos partenaires arabes de la région déploient une activité intensive avec l’Autorité palestinienne, pour que les réformes nécessaires soient opérées sur le plan de la sécurité et des institutions. Mais ces réformes n’aboutiront que si le Gouvernement israélien les appuie activement, au lieu de les entraver.


La destruction systématique du siège de l’Autorité palestinienne à Ramallah, qui a causé la mort de 10 autres civils palestiniens, risque également d’aggraver l’instabilité politique en Cisjordanie et à Gaza.


Malgré la réimposition de couvre-feux dans la plupart des villes de Cisjordanie, cette action a déjà eu pour effet de provoquer des manifestations massives dans un certain nombre de villes palestiniennes, y compris à Ramallah, et de ce fait, les efforts visant à procéder à des réformes essentielles ont dû être ajournés.


Cette situation ne peut que compromettre la relance du processus de paix. Je demande à nouveau à Israël de s’efforcer davantage d’assurer la sécurité des civils palestiniens et de s’abstenir d’adopter des politiques ou des mesures qui contreviennent aux dispositions de la Quatrième Convention de Genève.


Mon Envoyé spécial est en rapport constant avec les deux parties et il s’est entretenu à maintes reprises avec le Président Arafat et avec d’autres responsables palestiniens à Ramallah. Il a eu ce matin un entretien avec le Ministre des affaires étrangères, M. Pérès, et il se trouve actuellement à Ramallah avec le Secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine, M. Abou Mazen. Il poursuit ses activités en étroite coordination avec d’autres membres du Quatuor et les principaux acteurs dans la région.

Monsieur le Président,


Le conflit israélo-palestinien ne sera pas réglé par la seule force militaire, ni par le recours à des moyens violents quels qu’ils soient. Une politique consistant à contraindre l’autre partie à capituler est une politique vouée à l’échec. Elle ne donne et ne donnera jamais aucun résultat. Elle ne fait qu’inciter au désespoir. Elle affaiblit les modérés et conforte les extrémistes.


Il faudra en venir à un règlement politique, négocié entre les deux peuples sur un pied d’égalité; un règlement impliquant – comme le Conseil l’a rappelé – que deux États, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues.


Pourquoi ne pas chercher à atteindre cet objectif aujourd’hui plutôt que demain? Combien de centaines ou de milliers de personnes devront mourir, combien de souffrances et d’épreuves faudra-t-il endurer, avant que les dirigeants des deux côtés aient la clairvoyance et le courage nécessaires pour accepter l’inévitable?


Seul un règlement obtenu sur cette base pourra apporter une paix et une sécurité véritables aux deux peuples et seule une approche globale pourra faciliter un tel règlement.


Il est évident que l’approche dite « échelonnée », qui exige une sécurité totale comme préalable à une avancée sur les fronts politique, humanitaire et institutionnel, a échoué.


Israël doit comprendre qu’il n’y aura aucune sécurité durable sans un règlement politique – et que, par conséquent, même la légitime défense contre les attentats terroristes ne devrait pas l’empêcher de collaborer activement aux efforts déployés par le Quatuor pour aboutir à un règlement de la question dans les trois ans.


Les Palestiniens, de leur côté, doivent comprendre qu’il ne peut y avoir de règlement de la question sans une sécurité durable pour Israël.


Les deux parties doivent être exhortées – par tous ceux qui ont une influence sur elles – d’accepter cette vision des choses et d’agir en conséquence, pour que les deux peuples connaissent enfin la paix et la sécurité, dans le cadre d’un règlement juste, durable et global de la question du Moyen-Orient.


Mais je crains que cette vision reste un lointain mirage, tant que nos écrans de télévision – et les esprits de tous ceux qui sont en cause – seront remplis de scènes horribles de mort et de destruction, que ce soit dans les rues de Tel-Aviv ou à la mukataa, à Ramallah.


Il y a plus de 80 ans, le grand poète irlandais William Butler Yeats déplorait une période de l’histoire de son pays où


      « Les choses s’effondrent; le centre ne peut pas tenir;
L’anarchie pure et simple se déchaîne sur le monde...
Les meilleurs n’ont aucune conviction, tandis que les pires
débordent d’une intensité passionnée. »

Hélas, ces mots ont été vrais de bien des endroits, à bien des époques, et ils ne s’appliquent que trop bien à la situation des Israéliens et des Palestiniens aujourd’hui.


Néanmoins, ne nous résignons pas à cet état de choses. Aidons les meilleurs des deux côtés, palestinien et israélien, à retrouver leur passion pour la paix, ainsi que la conviction qui les a menés si près d’un accord il y a deux ans.


Résistons à nous précipiter dans l’anarchie. Rebâtissons un centre qui tienne.


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