AG/J/384

LA PLUPART DES DELEGATIONS PRECONISENT L’ADOPTION D’UN INSTRUMENT JURIDIQUE INTERNATIONAL REGISSANT L'IMMUNITE JURIDICTIONNELLE DES ETATS ET DE LEURS BIENS

24/10/2002
Communiqué de presse
AG/J/384


Sixième Commission

19ème séance – matin


LA PLUPART DES DELEGATIONS PRECONISENT L’ADOPTION D’UN INSTRUMENT JURIDIQUE INTERNATIONAL REGISSANT L'IMMUNITE JURIDICTIONNELLE DES ETATS ET DE LEURS BIENS


La Sixième Commission recommande à l’Assemblée générale

d’élargir la composition de la CNUDCI, en portant ses membres de 36 à 60


Principe de courtoisie internationale et illustration de la souveraineté étatique, l'immunité juridictionnelle, qui donne le droit à un Etat de ne pas être attrait devant les tribunaux internes d'un autre Etat, a de nouveau fait l'objet ce matin d’un débat devant la Sixième Commission (Commission juridique).  Les délégations se sont ainsi penchées sur les cinq grandes questions identifiées par le Comité spécial concernant les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, à savoir la notion d’Etat aux fins de l’immunité, les critères à appliquer pour déterminer si un contrat est ou non de nature commerciale, la notion d’entreprises d’Etat ou autres entités d’Etat en matière de transactions commerciales, les contrats de travail, et les mesures de contrainte contre les biens d’un Etat.  Elles ont salué à cet égard les progrès accomplis par le Comité spécial.


Cependant, des divergences subsistent encore, notamment quant à la définition de la transaction commerciale: de nombreuses délégations, à l’instar de celle des Etats-Unis, préconisent en effet que l'on tienne compte de la nature de la transaction, alors que de l'avis d’autres délégations, notamment celle de la Fédération de Russie, il est préférable de considérer à la fois la nature et le but de la transaction.  Cette distinction est artificielle, a estimé le représentant de la Slovaquie qui a suggéré que l’on s’en tienne à la pratique jurisprudentielle.  La notion d'entreprise d'Etat ou d'autre entité d'Etat en matière de transaction commerciale fait également l'objet d'un débat récurrent, certaines délégations, comme celle du Myanmar, jugeant préférable que les entreprises d'Etat ne bénéficient pas de l'immunité juridictionnelle alors que celle de la Fédération de Russie a fermement soutenu cette possibilité.


Par ailleurs, les avis sont partagés en ce qui concerne le droit pour un Etat d'invoquer l’immunité de juridiction devant un tribunal d’un autre Etat dans une procédure se rapportant à un contrat de travail entre l’Etat et une personne physique, certains souhaitant que cette disposition ne soit pas étendue de façon abusive et que cette protection ne vise que le personnel consulaire et diplomatique.  La question de l’immunité pour les procédures relatives à la propriété intellectuelle et industrielle a en outre été abordée.  Le représentant de Myanmar a souhaité que les dispositions du projet d’articles soient, au regard du développement de la mondialisation, complétées conformément aux conventions relatives aux droits d’auteur en vigueur, à savoir la Convention de Berne, la Convention de Paris, la Convention de Stockholm, et les Accords de l’OMPI sur les droits d’auteur.

Reste à définir la forme que prendra le projet d'articles.  Certains intervenants, comme le représentant de la Slovaquie, soutiennent l’idée d’adopter une convention internationale; d’autres, comme le représentant des Etats-Unis optent pour une loi type.  La Fédération de Russie se déclare favorable à une approche en deux temps, qui établirait une loi type provisoire sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, puis une convention.


La Sixième Commission a en outre recommandé à l'Assemblée générale de porter le nombre des membres de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) de trente-six à soixante.  Cette recommandation, dont l'objectif est d'assurer par une meilleure représentation de tous les Etats et notamment des pays en développement, une meilleure application du droit international, a été adoptée sans vote aux termes d'un projet de résolution intitulé «Elargissement de la composition de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international».


Outre les délégations déjà citées, les représentants de la Hongrie, de l’Indonésie et du Népal se sont exprimés.


La prochaine séance plénière de la Sixième Commission aura lieu, lundi 28 octobre à 10 heures.


CONVENTION SUR LES IMMUNITÉS JURIDICTIONNELLES DES ÉTATS ET DE LEURS BIENS


Déclarations


M. DAVID STEWART (Etats-Unis) a indiqué que son pays est favorable à ce que le Comité spécial se réunisse en février ou mars 2003 et a salué à cet égard les progrès qu’il a accomplis.  Même si des différences subsistent entre droits nationaux, il sera possible d’atteindre un consensus sur cette question.  Les Etats ne peuvent prétendre plus longtemps à bénéficier d’une immunité absolue devant les tribunaux des autres pays, notamment pour leurs activités commerciales, a estimé le représentant, exprimant le souhait que la question des immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens soit finalisée bientôt sur la base des travaux réalisés par le Comité spécial.


En ce qui concerne la question de savoir si une transaction commerciale entre un Etat et une personne physique ou morale bénéficie ou non de l’immunité juridictionnelle, M. Stewart a réaffirmé que c’est la nature de la transaction, et non pas le but, qui doit constituer le facteur déterminant.  Par ailleurs, le représentant fait remarquer qu’un Etat ne peut se retrancher derrière une structure comme l’entreprise d’Etat pour échapper à ses responsabilités.  L’immunité juridictionnelle s’impose en revanche pour les contrats de travail se rapportant à un contrat de travail conclu entre l’Etat et les membres d’une mission diplomatique ou consulaire.  En outre, l’immunité pour les mesures de contraintes postérieures aux jugements ne devrait pas se limiter aux biens qui ont fait l’objet de la procédure initiale.  C’est pourquoi, les Etats-Unis ne sont pas convaincus de l’utilité de la conclusion d’un instrument juridique international contraignant sur cette question.


M. KARIM MEDREK (Maroc) a souligné que sous l’ère de la mondialisation, où les relations internationales à caractère commercial se sont développées à un rythme sans précédent et à un moment où l’on assiste à une multiplication de procès contre les Etats et leurs biens, l’élaboration d’un instrument uniforme, permettant de définir des normes internationales précises en matière d’immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, s’avère plus que nécessaire.  Pour la première fois depuis son adoption par la Commission de droit international en 1991, le projet d’articles sur les immunités juridictionnelles et de leurs biens a été examiné dans son intégralité par le Comité spécial chargé de cette question à sa session de février 2002.  L’échange de vues sur la question a permis de jeter les bases d’un accord qui semble aujourd’hui proche.


Le Maroc souhaite que les délégations parviennent à un consensus sur l’élaboration d’un régime juridique universel des immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, a indiqué M. Medrek, tout en appuyant la proposition du Président du Comité spécial, M. Gerhard Hafner, de convoquer le Comité spécial pour une seconde session afin de poursuivre les travaux sur la question.  Le Maroc se prononce en faveur de l’adoption d’une convention qui, a estimé son représentant, constituera le seul instrument viable permettant le respect des normes qui seront établies.  Par conséquent, la délégation marocaine ne pourrait accepter une loi type qu’à titre provisoire et non pas pour se substituer à une convention


M. DRAHOSLAV STEFANEK (Slovaquie) a réaffirmé que son pays accorde une importance particulière à la question des immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens.  Le vide juridique en la matière crée une incertitude considérable, a-t-il fait remarquer, rappelant que la Slovaquie a déjà eu à subir les effets négatifs d’une telle incertitude juridique.  Il a ainsi déploré que le bâtiment dans lequel était abritée une mission diplomatique slovaque dans un Etat ait fait l’objet d’une procédure, en application des dispositions de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques, aux termes de laquelle un bien de la mission diplomatique a été restitué à des personnes privées.


De l’avis de M. Stefanek, le Comité spécial doit davantage insister sur les questions de fond que sur les questions de formes, même si la Slovaquie appuie l’adoption d’une convention internationale sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens.  Le représentant a estimé qu’à cette fin, le Comité spécial et son groupe de travail doivent poursuivre leurs travaux dans le cadre d’une autre session de deux semaines.  De l’avis de sa délégation, il serait préférable de supprimer le paragraphe 2 de l’article 2 du projet de texte, lequel préconise de prendre en compte en premier lieu la nature du contrat ou de la transaction et ensuite son but pour en déterminer le caractère commercial.  Cette discussion sur la nature ou le but est, selon M. Stefanek, artificielle et la pratique jurisprudentielle nous indiquera la marche à suivre, et ce, conformément à ce qu’avait indiqué la Commission de droit international en 1999.


M. GYORGY SZENASI (Hongrie) s’est félicité de l’accord unanime des délégations sur la nécessité de régler rapidement toutes les divergences concernant la question des immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens.  Sa délégation se réjouit en particulier du fait que le Comité spécial a réussi à définir la notion d’Etat.  Pour ce qui est de la forme de l’instrument à adopter, la Hongrie n’a pas de préférence.  Cependant, elle pourrait se rallier à la position du Japon, optant pour une solution en deux étapes.


Par ailleurs, en tant que membre du Conseil de l’Europe, la délégation a noté que le Comité des conseillers juridiques de droit international public a décidé de garder cette question à son ordre du jour.  La délégation estime que le travail de ce Comité, une fois terminé, aiderait les travaux du Comité spécial, qui devrait tenir une autre session pour progresser sur la question des immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens.  M. Szenasi a précisé que la Hongrie considère qu’une convention serait le seul instrument viable pour garantir le respect des normes sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens.


M. IGOR K. PANEVKIN (Fédération de Russie) a salué les progrès accomplis sur le projet d’articles relatif aux immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens par le Comité spécial et s’est félicité de la recherche d’un consensus sur la question.  Selon le représentant, les travaux de la Commission de droit international sont positifs et constituent une base de travail pour élaborer une conception contemporaine de l’immunité.  Il a souhaité à cet égard que les délégations puissent parvenir à un consensus sur cette question.


La définition du terme «Etat» ne suscite pas d’objection et le fait que les entités d’Etat bénéficient aussi de l’immunité juridictionnelle lui semble également utile.  La variante a) du paragraphe 2 de l’article 2 selon laquelle il convient de tenir compte en premier lieu de la nature du contrat ou de la transaction puis de son but pour déterminer le caractère commercial de la transaction semble appropriée, a estimé le représentant, car cela permet de mieux préciser la façon dont on détermine la nature commerciale de la transaction.


Par ailleurs, il convient de maintenir le paragraphe 3 de l’article 10 afin d’accorder l’immunité juridictionnelle aux entreprises d’Etat ou aux entités d’Etat.  Cela évitera notamment que l’on saisisse les biens de celles-ci.  En ce qui concerne l’immunité relative aux contrats de travail, M. Panevkin opte pour la variante b) du paragraphe 2 e) l’article 11 qui accorde l’immunité au personnel diplomatique et consulaire car la variante a) entraînerait un élargissement injustifié.  De plus, la variante b) est pleinement conforme au paragraphe 2 a), qui prévoit qu’un employé participant à l’exercice de la puissance publique bénéficie de l’immunité.


Le représentant a souhaité cependant la suppression de l’alinéa e) du paragraphe 2 de l’article car la suppression de cette disposition réduira la possibilité pour un Etat d’exploiter la dépendance du salarié.  L’immunité des mesures de contrainte antérieures au jugement semble justifiée.  Faisant référence à l’article 18 relatif à l’immunité des Etats à l’égard des mesures de contrainte postérieures au jugement, M. Panevkin a estimé qu’il convient de maintenir la disposition de l’article 18, c) qui pose l’immunité juridictionnelle des biens spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l’Etat autrement qu’à des fins de service public non commerciales.  Enfin, M. Panevkin a appelé de ses voeux l’adoption d’un consensus et la poursuite des travaux du Comité spécial sur le projet d’articles.  La Fédération de Russie, a-t-il précisé, se dit favorable à l’adoption d’une convention, sans toutefois exclure la possibilité d’adopter une loi type si cela permet de faire avancer les travaux.


M. DONNILO ANWAR (Indonésie) a expliqué que, l’Organisation des Nations Unies, par le biais du Comité spécial, réussira à élaborer un code international qui gérerait les relations futures entre Etats.  Ainsi, le travail du Comité spécial est pertinent en deux points.  Tout d’abord, il permet éventuellement d’éliminer les divergences de vues en créant une compréhension globale des questions à traiter.  Ensuite, il permet d’arriver, dans un futur proche, à l’adoption des projets d’articles sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens.


Sa délégation note que pour la première fois depuis leur adoption par la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international en 1991, les projets d’articles ont été examinés dans leur ensemble.  Elle se félicite des travaux accomplis par le Comité spécial.  A ce sujet, elle soutient la recommandation faite par le Président du Comité spécial lors de la présentation de son rapport, de permettre au Comité de se réunir l’année prochaine en vue de finaliser les projets d’articles et de recommander l’élaboration d’un instrument.  Concernant la forme de cet instrument, l’Indonésie souhaite l’adoption d’un traité international.


M. RAM B. DHAKAL (Népal) a noté les progrès accomplis au sujet des cinq questions suivantes qui demeurent en suspens: notion d’Etat aux fins de l’immunité; critères à appliquer pour déterminer si un contrat ou une transaction est de nature commerciale; notion d’entreprises d’Etat ou autres entités d’Etat en matière de transactions commerciales; contrats de travail; et mesures de contrainte contre les biens d’un Etat.  Cependant, il n’y a pas encore de consensus au sujet de toutes ces questions et des divergences subsistent sur les critères déterminants de la transaction commerciale, la notion d’entreprise ou entité d’Etat et les contrats de travail.  La délégation souhaite que les efforts continuent à ce sujet afin d’arriver au plus vite à un consensus.  L’existence de ces désaccords montre bien la nécessité de continuer l’examen de ces questions de fond.  Par conséquent, il est nécessaire que le Comité spécial se réunisse de nouveau l’année prochaine.


M. KHIN MAUNG OO (Myanmar) a salué les progrès accomplis par la Commission de droit international depuis 1978 et ceux du Comité spécial sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens.  Il a rappelé que celui-ci s’est penché de façon approfondie sur les cinq questions suivantes: notion d’Etat aux fins de l’immunité, critères à appliquer pour déterminer si un contrat est ou non de nature commerciale, notion d’entreprises d’Etat ou autres entités d’Etat en matière de transactions commerciales, contrats de travail, et mesures de contrainte contre les biens d’un Etat.


La question des immunités juridictionnelles est originale et il y a ici un chevauchement de plusieurs droits, à savoir le droit international public, le droit international privé, et le droit commercial.  Il est nécessaire d’en délimiter l’application, a estimé le représentant, afin d’élaborer un régime juridique réglementant cette question.  M. Oo a préconisé à cet égard l’adoption d’un principe puis d’une série d’exceptions.  Les Etats doivent être habilités à faire des transactions commerciales et c’est pourquoi, les entreprises d’Etat ont été créées.  Le droit du Myanmar permet à ces entreprises d’ester en justice et de faire l’objet de poursuites: le fait d’appartenir à l’Etat n’y change rien.  Le représentant a souligné l’importance de l’article 14 du projet d’articles (qui prévoit qu’il n’y a pas d’immunité pour les procédures relatives à la propriété intellectuelle et industrielle) au regard de la mondialisation et, notamment, du développement du commerce électronique.  Il a ainsi suggéré que ces dispositions soient complétées conformément aux grandes conventions relatives aux droits d’auteur – à savoir, Convention de Berne, Convention de Paris, Convention de Stockholm, et Accords de l’OMPI sur les droits d’auteur - et qu’elles tiennent compte également des nouvelles préoccupations dans ce domaine.  M. Oo a appelé de ses voeux l’adoption d’une convention internationale sur la question.



RAPPORT DE LA COMMISSION DES NATIONS UNIES POUR LE DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA TRENTE-CINQUIÈME SESSION


Adoption du projet de résolution A/C.6/57/L.15


Aux termes du projet de résolution relatif à l’élargissement de la composition de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) (A/C.6/57/L.15), présenté par l’Autriche au nom de ses coauteurs, l’Assemblée générale, convaincue qu’une participation plus large des Etats aux travaux de la Commission en favoriserait l’avancement, déciderait de porter le nombre des membres de la CNUDCI de trente-six à soixante.  La représentation régionale résultant de cet élargissement ne saurait constituer un précédent pour l’élargissement de la composition d’autres organes du système des Nations Unies.  L’Assemblée déciderait également d’élire les vingt-quatre membres supplémentaires de la Commission, pour un mandat de six ans, en respectant la répartition suivante des sièges: cinq pour les Etats d’Afrique, sept pour les Etats d’Asie, trois pour les Etats d’Europe orientale, quatre pour les Etats d’Amérique latine et des Caraïbes et cinq pour les Etats d’Europe occidentale et autres Etats.


Enfin, l’Assemblée générale inviterait instamment les gouvernements, les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies, les organisations et les institutions concernées et les particuliers à verser des contributions volontaires au Fonds d’affectation spéciale pour l’octroi d’une aide au titre des frais de voyage aux pays en développement qui sont membres de la Commission, sur leur demande et en consultation avec le Secrétaire général, en vue d’assurer la pleine participation de tous les États Membres aux sessions de la Commission et de ses groupes de travail.


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