SG/SM/7808

LE SECRETAIRE GENERAL EXPLIQUE DEVANT L’ASSEMBLEE MONDIALE DE LA SANTE POURQUOI LA LUTTE CONTRE LE SIDA EST DEVENUE UNE PRIORITE PERSONNELLE

17/05/2001
Communiqué de presse
SG/SM/7808


LE SECRETAIRE GENERAL EXPLIQUE DEVANT L’ASSEMBLEE MONDIALE DE LA SANTE POURQUOI LA LUTTE CONTRE LE SIDA EST DEVENUE UNE PRIORITE PERSONNELLE


La déclaration suivante a été faite aujourd’hui par le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, devant l’Assemblée mondiale de la santé :


C’est pour moi un plaisir et un honneur de prendre la parole, en qualité de Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, devant votre Assemblée.


Si j’ai accepté l’invitation de Mme Brundtland avec empressement, c’est parce que, d’une part, j’apprécie énormément la façon dont elle dirige l’OMS et, d’autre part, je ne vois pas d’instance mieux placée que votre Assemblée pour soutenir ce qui est devenu pour moi une priorité personnelle : la lutte contre le fléau mondial qu’est le VIH/sida.


Je sais que votre action ne se borne pas à cette seule maladie : les attaques contre la santé humaine sont en effet aussi nombreuses que variées et c’est à juste titre que vous vous employez à combattre sur tous les fronts.


Dans le monde en développement, le premier ennemi de la santé, c’est la pauvreté. C’est pourquoi l’action en matière de santé fait partie intégrante de l’action en faveur du développement.


Nous ne pourrons venir à bout du sida, de la tuberculose, du paludisme et des autres maladies infectieuses qui affligent le monde en développement que lorsque nous aurons remporté la bataille de l’eau potable, de l’assainissement et des soins de santé primaires.


Nous ne pourrons en venir à bout que lorsque nous aurons vaincu la malnutrition et, plus encore peut-être, l’ignorance qui, trop souvent, empêche les gens de prendre les précautions les plus élémentaires  et les expose ainsi à l’infection.


Chacun sait que le meilleur remède contre toutes ces maladies  réside dans une croissance économique soutenue et un développement généralisé.


Mais les ravages du VIH/sida sont tels que la maladie est devenue en soi un des principaux obstacles au développement.


De toute évidence, c’est le cas en Afrique australe, où l’espérance de vie moyenne avait atteint 59 ans vers la fin des années ’80, mais où, sous l’effet du sida, elle risque de retomber bientôt au niveau qu’elle avait  au début des

années ’50, soit moins de 45 ans.


Le sida est actuellement la première cause de mortalité en Afrique. Mais il ne faut pas se leurrer : le continent africain n’a pas l’exclusivité. Certaines parties des Caraïbes et de l’Asie du sud-est ne sont guère en meilleure posture et une explosion de nouveaux cas est à craindre en Asie du sud et en Europe orientale.


Comme je l’ai dit au Sommet d’Abuja il y a trois semaines, nous ne pouvons pas nous permettre de considérer le sida comme un aspect parmi d’autres de l’action en faveur du développement, car il ne nous en laissera tout simplement pas le temps.


Le prix à payer, que ce soit en termes de vies humaines ou de perspectives perdues, est bien trop élevé. Nous n’avons donc d’autre choix que de faire face.


Lorsque j’étais à  Abuja, j’ai lancé un appel à l’action, axé sur les cinq objectifs suivants.


Premièrement, nous devons faire en sorte que tout un chacun, en particulier parmi les jeunes, sache comment se prémunir contre la contamination.  Deuxièmement, nous devons mettre un terme à ce qui est peut-être la forme de contamination la plus tragique, à savoir la transmission mère-enfant.  Troisièmement,  nous devons assurer à tous ceux qui sont infectés la possibilité de se faire soigner.  Quatrièmement, il nous faut intensifier la recherche en vue de la mise au point d’un vaccin et d’un traitement efficace.  Cinquièmement,  nous devons venir en aide à tous ceux qui subissent de plein fouet les ravages du sida, en particulier les orphelins, qui sont déjà plus de 11 millions de par le monde et dont le nombre ne cesse d’augmenter.


Pour atteindre ces cinq objectifs, nous avons surtout besoin de deux choses : le courage politique  et l’argent.


Du courage, il en faut à tous les niveaux : familles, collectivités locales, gouvernements nationaux et institutions internationales. Il faut que chacun parle ouvertement du sida et s’élève contre l’exclusion et la discrimination qui est trop souvent le lot des malades.


Au niveau local, l’exemple nous est donné par le combat héroïque que livrent sur le terrain les militants et les associations de la société civile, dont certaines regroupent des séropositifs et des malades, ainsi que leurs proches.


Au niveau national, l’impulsion provient d’un petit groupe -- mais leur nombre ne cesse de croître -- de dirigeants courageux et clairvoyants qui, sur chaque continent, ont fait de la lutte contre le sida une affaire personnelle et n’ont pas craint d’aborder la question avec franchise, faisant fi des tabous et des inhibitions les plus profondément ancrées.


Au niveau international,  les organismes des Nations Unies s’efforcent d’orienter l’action au niveau mondial dans le cadre de leur programme commun, ONUSIDA. Depuis cinq ans, sous la direction éclairée de Peter Piot, ONUSIDA joue un rôle clé dans la coordination des efforts déployés non seulement par les membres de la famille onusienne mais aussi par des entités extérieures.


Il reste qu’à eux seuls, les organismes des Nations Unies ne peuvent pas accomplir grand-chose. Notre action n’est utile que si d’autres répondent à notre appel.


Il y a un peu plus d’un an,  j’ai engagé cinq groupes d’appui distincts – les gouvernements africains, les organismes des Nations Unies, les donateurs, les organisations non gouvernementales et le secteur privé – à instaurer une Alliance internationale contre le sida en Afrique.  Cette Alliance a vu le jour et, grâce au champ d’action considérable qu’elle s’est ménagé, elle commence déjà à porter ses fruits.   


Nous avons besoin de partenariats de ce type dans chaque région du monde.  La CARICOM a montré l’exemple, en instaurant au début de cette année le Partenariat pan-caraïbe de lutte contre le sida.  Mais il nous faut instaurer des alliances à tous les niveaux : nous avons besoin d’une multitude de partenariats locaux qui, unis par des liens lâches mais non moins efficaces, forment une véritable coalition mondiale de lutte contre le sida.


Une telle alliance doit évidemment pouvoir compter sur ceux qui ont des moyens financiers à consacrer à la lutte : les gouvernements des pays développés, certes, mais aussi les entreprises privées, les fondations philanthropiques et tout un chacun.


ONUSIDA a calculé que les ressources consacrées à la prévention et au traitement du sida dans les pays à revenu faible ou intermédiaire devraient atteindre de 7 à 10 milliards de dollars par an. Cela représente le quintuple de ce que les contribuables, les gouvernements et les donateurs internationaux dépensent actuellement à cette fin.


Afin de mobiliser une partie de l’argent nécessaire, j’ai préconisé la création d’un fonds mondial de lutte contre le sida et d’autres maladies infectieuses.


Ce fonds serait gouverné par un conseil d’administration indépendant, dans lequel seraient représentées toutes les parties prenantes, y compris, bien entendu, les gouvernements des pays en développement. Il serait aussi doté d’un secrétariat restreint, qui s’occuperait de la gestion administrative courante, et d’un organe consultatif, au sein duquel siégeraient les plus grands experts internationaux.


Le conseil d’administration fixerait les grandes orientations et allouerait les ressources à l’appui des stratégies et programmes arrêtés au niveau national. Il veillerait à ce que le fonds fonctionne dans la plus grande transparence, de sorte que l’on puisse avoir l’assurance que l’argent est bien dépensé et qu’il bénéficie à ceux qui en ont le plus besoin.


Le fonds que je viens d’évoquer viendrait s’ajouter aux mécanismes de financement existants. Il ne faudrait pas  effet qu’il soit utilisé pour capter des ressources qui ont déjà été allouées à l’action en faveur du développement.


L’objectif premier du fonds serait de soutenir la stratégie mondiale de lutte contre le sida, notamment la réalisation des cinq objectifs que j’ai mentionnés il y a un instant. Mais il est évident qu’une telle stratégie repose sur le renforcement de tout le secteur de la santé. C’est pourquoi le fonds appuierait également la lutte contre d’autres maladies, à commencer par la tuberculose et le paludisme, qui assombrissent les perspectives d’avenir de bon nombre de pays en développement.


Je suis heureux de pouvoir vous annoncer, Monsieur le Président, que d’une manière générale, ma proposition a été bien accueillie. J’ai été particulièrement encouragé du soutien témoigné par le Président Bush lorsqu’il nous a reçus, le Président Obasanjo et moi-même, à la Maison blanche vendredi dernier.


Je voudrais à présent inviter tous ceux qui sont dans cette salle à se joindre à l’alliance mondiale qui est en train de se constituer. Oublions donc les rivalités et les querelles d’école, car le combat contre le sida est bien trop important pour que nous risquions de le compromettre en privilégiant tel ou tel organisme ou tel ou tel projet au détriment des autres.


Seuls les résultats comptent. Et le seul résultat dont nous pourrons nous estimer satisfaits, c’est de remplacer la souffrance par l’espoir.


Nous devons rendre espoir aux séropositifs, pour qu’ils puissent faire des projets d’avenir au lieu de se préparer à la mort. Nous devons aussi rendre espoir à l’Humanité – l’espoir que nous parviendrons à enrayer la pandémie et à préserver ainsi les générations futures du spectre du sida.


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