CHARTE/72

LE COMITE DE LA CHARTE SE PRONONCERA SUR UN PROJET DE TEXTE RELATIF AUX CONSEQUENCES JURIDIQUES DU RECOURS A LA FORCE EN DEHORS DU CONTEXTE DE LA CHARTE

12 avril 1999


Communiqué de Presse
CHARTE/72


LE COMITE DE LA CHARTE SE PRONONCERA SUR UN PROJET DE TEXTE RELATIF AUX CONSEQUENCES JURIDIQUES DU RECOURS A LA FORCE EN DEHORS DU CONTEXTE DE LA CHARTE

19990412

"Préoccupée par les tentatives visant à déstabiliser l'ordre mondial actuel multipolaire et soulignant qu'aucune activité d'imposition de la paix ne peut être menée par des organisations régionales sans l'autorisation du Conseil de sécurité", la Fédération de Russie a présenté ce matin au Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l'Organisation un projet de texte qui sera soumis à l'Assemblée générale pour adoption finale. Par ce texte, l'Assemblée générale demanderait à la Cour internationale de Justice de rendre un avis consultatif sur les conséquences juridiques du recours, par un Etat ou un groupe d'Etats, à la force armée contre un Etat souverain, soit sans décision du Conseil de sécurité, soit en dehors de l'exercice du droit de légitime défense individuelle ou collective prévu à l'Article 51 de la Charte. Evoquant le conflit dans les Balkans, le représentant de l'Inde a estimé que les actions de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) menacent l'état de droit au sein de la communauté internationale.

Les représentants des pays suivants ont pris part au débat général: Allemagne, au nom de l'Union européenne et des pays associés, et Mexique au nom du Groupe de Rio.

Le Comité, qui entamait les travaux de sa session de 1999, avait en début de séance porté à sa présidence Mme Marja-Liisa Lehto (Finlande) et à sa Vice-Présidence MM. Josko Klisovic (Croatie) pour le Groupe des Etats d'Europe de l'Est ainsi que Augusto Cabrera (Pérou) pour le Groupe des Etats d'Amérique latine et des Caraïbes et Saeid Mirzaee Yengejeh (Iran) pour le Groupe des pays d'Asie. Il a élu M. Henry Hanson-Hall (Ghana) au poste de Rapporteur.

Le Comité reprendra ses travaux cet après-midi à partir de 15 heures.

Documentation

Document de travail soumis par la Fédération de Russie (A/AC.182/L.104)

Ce document porte, entre autre, sur un projet de résolution pour adoption par l'Assemblée générale. Par ce texte, l'Assemblée soulignerait qu'il ne saurait être dérogé aux dispositions du paragraphe 1 de l'Article 53 de la Charte qui prévoit, notamment, qu'aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l'autorisation du Conseil de sécurité. Elle demanderait à la Cour internationale de Justice de donner dans les meilleurs délais un avis consultatif sur les conséquences juridiques que peut avoir le recours, par un Etat ou un groupe d'Etats, à la force armée contre un Etat souverain, soit sans décision du Conseil de sécurité, conformément au chapitre VII de la Charte, soit en dehors de l'exercice du droit de légitime défense individuelle ou collective prévu à l'Article 51 de la Charte et quel est le rôle qu'il appartient à l'Organisation des Nations Unies de jouer dans le système de sécurité collective aux niveaux mondial et régional, conformément à la Charte.

Le Document de travail présenté par le Guatemala relatif à la version révisée des amendements au Statut de la Cour internationale de Justice présenté au Comité spécial en 1997 et, sous une version légèrement modifiée, en 1998 figure sous la cote A/AC.182/L.103.

Rapport du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l'Organisation (A/53/33)

Au cours de sa session, qui s'est tenue du 26 janvier au 6 février 1998, le Comité spécial a examiné notamment le document de travail présenté par la Fédération de Russie intitulé "Conditions et critères essentiels devant régir l'imposition et l'application des sanctions et d'autres mesures coercitives" qui figure au document A/AC/182/L.100. Ce document plaide en faveur de l'imposition de sanctions lorsque tous les moyens de règlement pacifique des différends ont été épuisés, lorsqu'il a été objectivement établi et constaté dans les faits une menace à la paix internationale ou une rupture de la paix. Les sanctions doivent avoir une limite dans le temps, être examinées régulièrement et être assorties de conditions très spécifiques quant à leur levée, celle-ci ne devant pas être liée à la situation existante dans les pays voisins. Il n'est pas admissible d'utiliser les sanctions pour renverser ou changer l'ordre juridique ou l'ordre politique du pays sous la coupe des sanctions. Il convient de procéder à une évaluation objective des conséquences économiques et sociales et humanitaires à court et à long termes des sanctions. Le document de travail préconise de suspendre les sanctions provisoirement en cas de circonstances extraordinaires et de force majeure afin de prévenir une catastrophe humanitaire et de tenir compte des vues des organisations humanitaires internationales lors de l'élaboration et de l'application des sanctions.

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La Fédération de Russie a également présenté au Groupe de travail un document de travail intitulé "Eléments fondamentaux des principes juridiques applicables aux opérations de maintien de la paix dans le cadre du chapitre VI de la Charte des Nations Unies. Cette présentation s'inscrit dans le cadre de l'élaboration d'un projet de déclaration sur les normes et principes fondamentaux régissant les activités des missions et mécanismes de rétablissement de la paix des Nations Unies (prévention et règlement des crises et conflits). Pour la Fédération de Russie, ces principes juridiques pourraient incorporer les éléments suivants: droit irrécusable à l'autodéfense, la responsabilité du Secrétaire général concernant l'Organisation, la planification, la coordination et la mise en oeuvre des opérations de maintien de la paix, le partage des responsabilités entre l'Organisation des Nations Unies et les Etats qui fournissent le personnel pour les dommages causés par le personnel des Nations Unies dans le cadre de l'opération du fait d'actions non interdites par le droit international ou encore la compétence de l'Etat en matière pénale vis-à-vis des membres du personnel de l'opération de maintien de la paix qui sont ses ressortissants.

Le Groupe de travail a également examiné le document de travail révisé présenté par Cuba à la session de 1997 et intitulé" Renforcer la fonction de l'Organisation des Nations Unies et la rendre plus efficace" ainsi que le document de travail supplémentaire portant le même nom et présenté à la session en cours. Dans ce dernier document, la délégation de Cuba démontre que l'élargissement des fonctions du Conseil de sécurité s'était faite au détriment de l'équilibre prévu par la Charte entre les pouvoirs du Conseil de sécurité et ceux de l'Assemblée générale. Il montre également la marginalisation progressive des attributions et compétences confiées à l'Assemblée générale par la Charte. Ont également fait l'objet d'un examen les modifications proposées par la Jamahiriya arabe Libyenne aux fins du renforcement du rôle joué par l'Organisation des Nations Unies dans le domaine de la paix et de la sécurité internationales. Ce texte propose entre autres de renforcer le rôle de l'Assemblée générale et de resserrer ses liens avec le Conseil de sécurité, d'examiner les conséquences négatives de l'application du droit de veto et les moyens permettant de restreindre son utilisation, établir des critères de représentativité équitable au Conseil de sécurité.

La proposition révisée de la Sierra Leone sur la création d'un mécanisme de prévention et de règlement précoce des différends a été présenté au Groupe de travail. Cet organe aurait pour fonction principale de coordonner les activités de l'ONU et des organisations régionales compétentes avant qu'une crise ne se déclare ou à ses tous premiers stades. Par ailleurs, le document de travail présenté par le Guatemala sur les "Amendements qui pourraient être apportés au Statut de la Cour internationale de Justice afin d'étendre sa compétence aux différends entre Etats et organisations internationales" et sa variante ont été jugés prématurés et inopportuns. Il a été observé que le Statut de la Cour internationale de justice faisait partie intégrante de la Charte des Nations Unies et que donc l'adoption des réformes proposées entraîneraient forcément une modification de celle-ci.

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Il n'existe à l'heure actuelle aucun consensus en ce qui concerne la modification de la Charte. Les propositions concernant le Conseil de tutelle continuaient de susciter des opinions divergentes et le Comité n'a pas formulé de recommandations à leur sujet.

Débat général

M. GEORG WITSCHEL (Allemagne), au nom de l'Union européenne et des pays associés, a insisté sur l'importance d'une réflexion sur les méthodes de travail du Comité spécial de la Charte. A cet égard, il a demandé qu'un souci d'efficacité et d'économie préside aux travaux de ce Comité. Ainsi, les sujets abordés doivent être sélectionnés attentivement afin d'éviter les répétitions et les doubles emplois avec les travaux d'autres organes des Nations Unies. Le représentant a demandé que toutes les propositions présentées au Comité soient faites le plus tôt possible, afin que les délégations disposent, suffisamment, de temps pour les étudier en profondeur bien avant la session elle-même. En ce qui concerne la prochaine session du Comité, il a estimé qu'il était approprié d'en réduire la longueur de 5 à 8 jours au plus. Au regard des propositions de travail de l'actuelle session, il a demandé que des priorités claires soient établies quant à l'ordre et au temps imparti à la discussion de chaque question.

Abordant la question de l'application des dispositions de la Charte en ce qui concerne les Etats tiers touchés par les sanctions, le représentant a attiré l'attention du Comité sur le rapport du Secrétaire général (A/53/312) contenant les recommandations du Groupe spécial d'experts réuni en juin 1998 pour traiter de la question. Dans ce contexte, il a demandé que le Secrétaire général soit invité à partager ses vues sur les suggestions détaillées des experts, en indiquant leur faisabilité des points de vue administratif, politique et financier.

En ce qui concerne les autres questions à l'ordre du jour, le représentant a insisté sur la nécessité de tenir des discussions aussi pragmatiques et réalistes que possible, afin de parvenir à des conclusions véritablement efficaces. Il a en particulier souligné qu'il n'existe pas de consensus quant à la nécessité réelle de s'engager dans un processus long et complexe d'amendement de la Charte concernant le Statut de la Cour internationale de Justice. Il a conclu en souhaitant que le Secrétaire général prenne les mesures nécessaires pour accélérer la procédure de publication des deux Répertoires, qui constituent deux documents essentiels et qui ne sont actuellement publiés que longtemps après les événements concernés.

M. GUSTAVO ALBIN (Mexique), au nom du Groupe de Rio, a estimé que la question relative à l'application des dispositions de la Charte concernant l'assistance aux Etats tiers touchés par les sanctions a un caractère prioritaire pour les travaux du Comité. Même s'il est vrai que l'examen de cette question a progressé et que les procédures des comités des sanctions du Conseil de sécurité ont été améliorées, il faudrait adopter des mesures supplémentaires visant à donner à la Charte toute sa substance.

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L'élaboration de directives générales pour mesurer les conséquences de ces sanctions doit se poursuivre, et, dans ce contexte, la participation des organisations financières internationales est importante. Il a indiqué que le Groupe de Rio appuyait certains éléments du document de travail présenté par la Fédération de Russie sur les "normes et principes fondamentaux régissant l'adoption et l'application de sanctions et d'autres mesures coercitives". Le recours aux sanctions doit se faire avec circonspection et reposer sur des objectifs et des délais concrets. Dans le cadre du processus de réforme des Nations Unies, nous relevons que des points de l'ordre du jour du Comité sont examinés dans d'autres instances. Il faudrait revoir l'ordre du jour du Comité pour éviter les doubles emplois et renforcer ainsi le processus de rationalisation de ses travaux. M. Albin a souhaité que l'analyse de la question relative à l'élaboration d'un mécanisme de règlement pacifique des différends s'achève rapidement. Il a rappelé que les propositions des membres du Groupe de Rio sur cette question touchent au renforcement du rôle de la Cour internationale de Justice. La Cour fait des efforts pour assouplir le traitement de ces procédures. Il faudrait lui allouer les ressources nécessaires à l'accomplissement de son mandat.

M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a estimé que la session actuelle du Comité spécial de la Charte se déroule dans un contexte où la nécessité de garantir la paix et la sécurité internationales sur la base du respect strict des dispositions de la Charte des Nations Unies est plus que jamais d'actualité. La Fédération de Russie, comme d'autres Etats, est profondément préoccupée par les tentatives visant à miner le développement d'un système multipolaire de l'ordre mondial actuel qui repose sur la Charte. Personne ne peut s'arroger le droit d'avoir recours à la force armée en contournant les dispositions de la Charte. Aucune excuse, même sous le prétexte d'éviter une catastrophe humanitaire, ni aucune raison politique, économique ou politique, ne peuvent être invoquées. La Fédération de Russie ne défend certainement pas les violations du droit international et des droits de l'homme, mais elle estime que la lutte contre de telles violations doit reposer sur le droit international. Tous les membres des Nations Unies ont l'obligation de défendre les dispositions de la Charte et de renforcer le rôle de l'Organisation dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

L'essence du document de travail transmettant un projet de résolution qui figure sous la cote A/AC.182/L.104 est de confirmer la nature irrévocable des dispositions de la Charte des Nations Unies qui réglemente le recours à la force, conformément à son Chapitre VII. Ce texte souligne le caractère immuable des dispositions de la Charte qui stipule également qu'aucune activité d'imposition de sanctions ne peut être menée par des organisations régionales sans l'autorisation du Conseil de sécurité. Ce projet de résolution propose ainsi à la Cour internationale de Justice de rendre un avis consultatif sur les conséquences légales du recours à la force en dehors du cadre de la Charte des Nations Unies.

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Le représentant a estimé prioritaires les efforts déployés par le Comité spécial dans le domaine des sanctions. Il s'est dit satisfait du débat qui s'est ouvert au sujet du document de travail présenté par son pays et intitulé "Réflexion sur les normes et principes fondamentaux régissant l'adoption et l'application de sanctions et d'autres mesures de coercition". Le débat a permis de tenir compte des aspects humanitaires de la question et d'envisager un approche plus équilibrée. Abordant le projet de déclaration sur les normes et principes fondamentaux régissant les activités des missions de maintien de la paix, le représentant a expliqué que ce texte propose de donner une définition claire des mandats des opérations de maintien de la paix ainsi que de l'aide humanitaire fournie par les soldats de la paix, d'établir une limite à l'exercice du droit des Casques Bleus à la légitime défense tout en renforçant la protection des contingents des Nations Unies, d'analyser le mécanisme du partage des responsabilités entre les Nations Unies et les pays fournisseurs de contingents en cas de dommages causés lors d'une opération de maintien de la paix et de définir de façon plus précise les principes du maintien de la paix.

M. NARINDER SINGH (Inde) a estimé que, dans le contexte de la tragédie se déroulant actuellement dans les Balkans, le Comité spécial de la Charte a la responsabilité de signaler les dangers que l'attaque de l'OTAN en République fédérale de Yougoslavie fait peser sur la Charte et les Nations Unies elles-mêmes. Tout d'abord, l'Article 53, stipulant qu'aucun organisme régional ne peut prendre de mesures coercitives sans l'autorisation du Conseil de sécurité, est violé par les attaques de l'OTAN. De plus, la République fédérale de Yougoslavie n'ayant pas attaqué l'OTAN, l'Article 51 concernant la légitime défense ne peut être invoqué, et la volonté de forcer la République fédérale de Yougoslavie à accepter des mesures concernant des régions entièrement sous sa juridiction viole l'Article 27 de la Charte. Enfin, les actions de l'OTAN mettent en danger l'état de droit au sein de la communauté internationale, a-t-il estimé.

Le représentant a abordé la question du régime des sanctions autorisées par la Charte, dont le caractère illimité, et l'utilisation politique qui en est faite, nécessite une discussion. Dans ce cadre, il a noté l'importance de l'assistance aux Etats tiers touchés par l'application des sanctions conformément au Chapitre VII de la Charte. Il a exprimé son soutien aux conclusions du Groupe spécial d'experts qui ont été communiquées dans le rapport du Secrétaire général (A/53/312), en particulier en ce qui concerne la nécessité pour le Conseil de sécurité d'examiner attentivement les conséquences pour les Etats tiers, avant d'appliquer des sanctions. De plus, le coût de l'application de mesures préventives ou coercitives, telles que les sanctions économiques, et en particulier les conséquences pour les pays en développement concernés, devrait être partagé par la communauté internationale sur une base plus équitable. Le représentant a estimé que les recommandations du Groupe spécial d'experts doivent donc être examinées attentivement par le Comité spécial de la Charte, afin de trouver une solution aux difficultés des Etats tiers.

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Concernant le document de travail présenté par le Guatemala sur les amendements qui pourraient être apportés au Statut de la Cour internationale de Justice afin d'étendre sa compétence aux différends entre Etats et organisations internationales, le représentant s'est interrogé sur la nécessité d'engager des organisations internationales dans des procédures juridiques avec un tiers qui règle le problème. En cas de différend de ce genre, il a estimé qu'il faudra utiliser les procédures déjà énoncées dans les statuts de l'organisation internationale concernée ou en demandant conseil à la Cour internationale de Justice.

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