AG/COL/142

LES MANIFESTATIONS D'OUVERTURE DU GOUVERNEMENT INDONESIEN SUR LE TIMOR ORIENTAL SUSCITENT DES REACTIONS DIVERGENTES DES PETITIONNAIRES

1 juillet 1998


Communiqué de Presse
AG/COL/142


LES MANIFESTATIONS D'OUVERTURE DU GOUVERNEMENT INDONESIEN SUR LE TIMOR ORIENTAL SUSCITENT DES REACTIONS DIVERGENTES DES PETITIONNAIRES

19980701 Le Comité spécial chargé d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux a poursuivi cet après-midi l'audition de pétitionnaires dans le cadre de l'examen de la question sur le Timor oriental. Les changements politiques en Indonésie et les déclarations du nouveau Président Indonésien ont été interprétés de façon radicalement différente par les pétitionnaires. Certains y ont vu une manifestation d'ouverture politique propice au dialogue, tandis que d'autres ont parlé d'hypocrisie et de manipulation. Cette dichotomie s'est également manifestée sur le statut politique futur du territoire. Diverses options tel qu'un statut d'autonomie intérimaire, l'indépendance totale ou l'intégration à l'Indonésie ont été avancées. De nombreux pétitionnaires ont déclaré que toute proposition du Gouvernement Indonésien devrait s'accompagner d'un retrait inconditionnel des troupes indonésiennes, de la libération des prisonniers politiques et en particulier du Chef de la résistance timoraise, M. Xanana Gusmao, et de la participation du Conseil national de la résistance timoraise au dialogue tripartite placé sous les auspices des Nations Unies. On a proposé d'envoyer une mission de maintien de la paix des Nations Unies au Timor oriental et de créer un tribunal international pour les crimes commis contre le peuple timorais.

Les pétitionnaires représentant les organes suivants se sont exprimés : Kyoto East Timor Association, British Coalition for East Timor, East Timor Alert Network, Indonesian Association of British Alumni of East Timor, Pax Christi International, Free East Timor Japan Coalition, East Timor Cultural, Ethnic and Research Center, Timorese Democratic Union, FRETILIN, Hobart East Timor Committee, International Platform of Jurists for East Timor et Solidaritas Pemuda Indonesia. Un pétitionnaire s'est exprimé au nom du Congrès américain et d'autres à titre personnel.

Au cours de l'audition des pétitionnaires, le représentant de l'Indonésie a présenté une motion d'ordre. En fin de séance, Le représentant du Portugal a exercé son droit de réponse, et le représentant de l'Indonésie a indiqué qu'il exercerait le sien ultérieurement.

La prochaine réunion du Comité aura lieu demain jeudi 2 juillet à 10 heures 30. Le Comité poursuivra l'audition des pétitionnaires sur la question du Timor oriental.

Question du Timor oriental

Documentation

Le document de travail établi par le Secrétariat sur l'évolution de la situation politique au Timor oriental (A/AC.109/2111/Add.1) indique qu'immédiatement après la démission du Président de l'Indonésie, M. Suharto, le 21 mai 1998, le Conseil national de la résistance timoraise (CNRT) a demandé la libération immédiate et sans condition de M. Xanana Gusmao et a exigé de participer aux pourparlers tenus sous l'égide de l'ONU entre l'Indonésie et le Portugal. Des étudiants ont manifesté dans les villes de Dili et de Jakarta. Le 10 juin, plus de 3 000 étudiants se sont rassemblés à l'Université du Timor oriental pour demander l'organisation d'un référendum libre et régulier. Le 12 juin, plus de 1 000 timorais ont manifesté devant le Ministère indonésien des affaires étrangères à Jakarta pour réclamer la tenue d'un référendum, la libération des prisonniers politiques timorais et la mise en oeuvre des recommandations de l'ONU sur les droits de l'homme au Timor oriental. La police serait intervenue et aurait contraint les manifestants à monter dans des cars sous son escorte. Trois jeunes gens auraient été blessés et trois étudiants ont reçu des soins dans un hôpital. Les autorités militaires ont confirmé que nombre de manifestants avaient été arrêtés pour être interrogés dans le camp militaire de Cibubur.

Le 27 mai 1998, M. Christopher Smith, Président du Sous-Comité des droits de l'homme de la Chambre des représentants des Etats-Unis, a rencontré M. Xanan Gusmao dans sa prison de Jakarta. M. Smith a remis au Président Habibie une lettre signée par 15 membres du Congrès, demandant la libération des prisonniers politiques et l'instauration d'un dialogue sur le statut politique du Timor oriental. Le 20 juin 1998, un porte-parole du Ministère portugais des affaires étrangères a déclaré qu'il fallait que les représentants du territoire participent aux négociations tenues sous l'égide de l'ONU et que la population s'exprime lors d'un référendum démocratique qui serait organisé sous contrôle international.

Le 16 juin 1998, les forces de sécurité ont tiré sur deux jeunes Timorais, à une centaine de kilomètres à l'est de Dili, et l'un d'entre eux est mort sur le trajet à l'hôpital. Plusieurs manifestations s'en sont suivies. D'après l'Agence France-Presse, le chef adjoint du commandement militaire du Timor oriental aurait confié avoir ordonné une enquête approfondie et aurait présenté ses excuses à la famille et à la population en général. Il aurait ajouté que le soldat auteur du coup de feu serait sanctionné conformément à la loi.

Lors du sommet de l'Union européenne qui s'est tenu à Cardiff, les 15 et 16 juin derniers, le Conseil européen a abordé la question du Timor oriental et a réaffirmé son soutien aux efforts déployés sous les auspices du Secrétaire général de l'ONU en vue d'une solution juste, globale et internationalement

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acceptable. Il a demandé en outre à l'Indonésie de respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales et a demandé la libération de tous les prisonniers politiques et a décidé de continuer à demander la libération rapide de Xanana Gusmao.

Le 12 juin 1998, le Président Habibie a gracié 12 prisonniers politiques, portant à 15 le nombre total de prisonniers politiques du Timor oriental libérés depuis son arrivée au pouvoir.

Le 10 juin 1998, le porte-parole du Secrétaire général des Nations Unies a dit que le Secrétaire général jugeait encourageante l'amorce d'un dialogue plus déterminé en vue de la résolution de la question du Timor oriental. Le Secrétaire général a rencontré, à la demande du Président Habibie, le Ministre indonésien des affaires étrangères, M. Alatas, qui lui a fait part d'importantes propositions qui selon le Secrétaire général marquent "une évolution importante du processus".

L'agence de presse indonésienne Antara a rapporté que M. Alatas avait déclaré que l'Indonésie était prête à accorder au Timor oriental une "autonomie partielle restreinte". Seraient exclues de l'autonomie les affaires étrangères, les finances, la défense et la sécurité. Le Président Habibie aurait rejeté une demande de référendum faite par un mouvement indépendantiste.

La visite d'une troïka de l'Union européenne au Timor oriental a été assombrie par des violences le 29 juin, après qu'un homme a été tué pendant un échange de coups de feu. L'incident se serait produit lorsque des agents des services de renseignements indonésiens qui suivaient le convoi des visiteurs ont fait feu sur une foule de manifestants indépendantistes qui avaient bombardé leur voiture de cailloux. Au moins 5 autres personnes auraient été blessées. Un autre décès s'est produit le 28 juin. Les Ambassadeurs du Royaume-Uni, d'Autriche et des Pays-Bas ont décidé d'abréger leur visite et de rentrer à Jakarta. Ils ont demandé aux autorités de mener une enquête complète sur cet incident afin que ceux qui sont responsables rendent des comptes.

Audition de pétitionnaires

M. RICHARD TANTER (Kyoto East Timor Association) a estimé qu'aujourd'hui se présentent de réelles chances d'obtenir une solution à la question du Timor oriental. Le nouveau Gouvernement du Président Habibie a convenu de la nécessité de modifier l'état actuel des choses au Timor oriental. Il est également apparu comme évident, à la lumière de la crise financière asiatique, que les Indonésiens n'ont pas beaucoup de choses à perdre d'un retrait bien organisé du Timor oriental. La peur de l'Indonésie est qu'un Timor oriental indépendant ravive des mouvements indépendantistes dans les provinces de Aceh et de Irian Jaya. Mais plutôt que d'encourager tout nouveau mouvement séparatiste, l'indépendance du Timor oriental entraînera une intervention de l'Indonésie moins militarisée

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et permettant de s'attaquer aux problèmes sociaux et économiques des provinces pré-citées. Sur le plan économique, la question la plus importante sera la négociation entre l'Indonésie et l'Australie d'un accord sur l'exploitation des gisements de pétrole dans le mer du Timor. Mais cette question ne devrait pas présenter d'obstacle insurmontable à la diplomatie, a estimé le pétitionnaire.

Sur le plan politique se posera la question du statut des investissements indonésiens dans le Timor oriental. Le pétitionnaire a également évoqué le sort des dizaines de milliers de migrants Indonésiens qui ont été encouragés à venir s'installer sur le territoire. Le chef de la résistance timoraise a déjà donné des assurances que ces migrants ne seront pas immédiatement expulsés. Il faut également obtenir des assurances de la part des Timorais pour la protection de cette population. L'autre question qui se pose est le maintien des lien diplomatiques entre l'Indonésie et le Timor oriental. L'économie de ce dernier en effet sera toujours fortement liée à celle de l'Indonésie. En réalité, a assuré le pétitionnaire, l'Indonésie n'a pas d'intérêts vitaux au Timor oriental qui ne puissent pas être négociés. Les Nations Unies devraient superviser un arrêt immédiat des hostilités au Timor oriental, la suspension de l'application de la loi antisubversion, et s'assurer que toutes les organisations gouvernementales indonésiennes se conforment aux dispositions du Code pénal indonésien. Les Nations Unies devraient également parrainer la mise en place d'un forum pour le développement des institutions et des politiques intérimaires, surveiller le retrait des troupes indonésiennes et l'établissement d'une force de sécurité et de police intérimaire timoraise.

M. TITO DOS SANTOS BAPTISTA (Indonésie) a exercé une motion d'ordre pour indiquer que le pétitionnaire avait dépassé le temps qui lui était alloué.

M. ARSENIO PAIXO BANO (British Coalition for East Timor) a indiqué qu'il représente une association visant à faire pression sur le Gouvernement britannique en faveur du droit à l'autodétermination du peuple timorais. La coalition espère que la visite récente de la troïka européenne permettra d'atteindre les objectifs fixés par l'Union européenne en vue d'une solution pacifique. L'invasion et l'occupation militaire illégales par l'Indonésie a eu des conséquences déplorables sur le Timor oriental. Récemment les Timorais doivent en outre payer le prix de la crise économique et financière traversée par l'Indonésie. Les tentatives de réforme actuelles doivent faire en sorte que les Timorais connaissent enfin un sort meilleur. M. Bano s'est félicité de la démission du Président Suharto, toutefois il a indiqué qu'il attend toujours que le nouveau gouvernement donne des indications spécifiques en vue du règlement de la question. La proposition de statut spécial récemment faite par le Président Habibie n'est pas satisfaisante et le droit fondamental des timorais à décider de leur sort par référendum doit être respecté. Une véritable solution ne saurait être séparée d'un acte d'autodétermination librement effectué. Le pétitionnaire s'est également inquiété des actes de violence à l'égard des femmes timoraises, qui sont soumises au viol, au harcèlement sexuel et à la prostitution forcée, ajoutant qu'elles sont également utilisées comme esclaves sexuelles

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des militaires indonésiens. M. Bano a déclaré que les femmes devraient participer plus largement au processus de négociations. Il a ajouté que les 6 prochains mois seront cruciaux pour le Comité spécial et il a rappelé qu'il ne reste que peu de temps pour atteindre l'élimination totale du colonialisme d'ici à l'an 2000.

Le pétitionnaire s'est ensuite exprimé au nom de la communauté est- timoraise au Royaume-Uni et a indiqué qu'avec l'ère post-Suharto et le processus de réforme actuel, le droit des timorais à l'autodétermination et l'achèvement du colonialisme par l'Indonésie est possible. Il s'est en outre inquiété du fait que le Gouvernement indonésien comprenne des responsables du génocide au Timor oriental, ce qu'il a jugé inacceptable.

M. MAX SURJADINATA (East Timor Alert Network) a fait état de la situation sociale, politique et militaire au Timor oriental et a dénoncé à cet égard la présence importante des forces de sécurité dans le territoire, la propagation de certaines maladies graves comme la tuberculose et la malaria, les mauvaises récoltes et la famine qui menace. De nombreux jeunes gens ne vont plus à l'école et ceux qui y restent sont tenus de devenir des informateurs. Certains villages sont au bord de la famine et il est clair que la population souffre de la combinaison de la répression politique et de la mauvaise gestion sociale. Depuis la démission de Suharto, il y a eu des signes de relâchement de la part des forces indonésiennes mais des arrestations ont néanmoins eu lieu. Les changements en Indonésie ont ouvert de nombreuses possibilités au Timor oriental mais le Gouvernement est resté inflexible et son offre de statut spécial ne signifie rien et reste bien loin du processus d'autodétermination. Nombre de personnes sont toujours en prison. Si le Gouvernement indonésien veut faire la preuve de son sérieux, il devra accorder un référendum aux populations du Timor oriental et procéder immédiatement à un retrait immédiat des troupes. Il devra également consentir un cessez-le-feu, sous l'égide de la communauté internationale, comme preuve de sa bonne foi.

M. BASILIO DIAS ARAUJO (Indonesian Association of British Alumni of East Timor) a rappelé que voilà 23 ans que le Portugal a lâchement abandonné ses responsabilités au Timor oriental, ajoutant qu'heureusement le pays a été sauvé par l'Indonésie qui n'est pas un envahisseur mais un ange gardien. Il a regretté que l'échec du Portugal et les actes arbitraires et criminels du FRETILIN n'aient jamais été pris en compte par la communauté internationale. Le FRETILIN n'a jamais envisagé la décolonisation et moins encore le référendum, a-t-il affirmé, poursuivant que, grâce à l'Indonésie, la population a été sauvée des actes fratricides du FRETILIN. C'est pourquoi il n'est pas juste de mener une campagne d'accusation contre l'Indonésie, le sauveur. Il n'est pas juste non plus d'attendre que l'ONU décerne son cachet de légitimité aux assassins. Le nouveau gouvernement indonésien tente aujourd'hui d'ouvrir une nouvelle page dans l'histoire du Timor oriental. C'est la seule et la meilleure solution pour le Timor, d'autant qu'un statut équivalent a même été proposé par Xanana Gusmao, l'Archevêque Belo et Abilio Soares, représentant du gouvernement local.

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Il faut que tous les Timorais se tiennent la main et ignorent les voix irresponsables qui se prononcent en faveur d'un référendum. L'expérience, et notamment celle du Cambodge, montre qu'un référendum n'amènera pas la paix. Il faut une solution qui garantisse qu'il n'y aura ni perdant, ni gagnant. M. Araujo a également indiqué que le Portugal n'a jamais organisé de référendum dans ses anciennes colonies et il serait ridicule qu'il en impose un au Timor oriental. Il a demandé aux membres du Comité spécial de ne pas se laisser leurrer par les rêveurs indépendantistes, ainsi que les a qualifiés l'archevêque Belo, et il les a invités à concentrer leur attention sur les propositions récentes de l'Indonésie. Il ne faut pas laisser passer une deuxième fois la chance que nous donne aujourd'hui le gouvernement indonésien, a-t-il conclu.

M. ROBERT MURKEN (Pax Christi International) a indiqué que les questions les plus conflictuelles demeurent le problème de l'injustice économique dont souffrent les est-timorais, notamment quant à l'accès aux ressources naturelles et sociales, aux possibilités d'emploi et au partage des bénéfices; la présence militaire excessive, estimée entre 40 000 et 70 000 personnes; les violations des droits de l'homme (détention arbitraire, mauvais traitements, torture, exécutions sommaires); et la faiblesse des politiques sociales, tout particulièrement dans le domaine de la santé. C'est pourquoi Pax Christi demande instamment au Comité spécial de prendre des mesures pour mettre fin à l'annexion du Timor oriental par l'Indonésie. Pour y parvenir, on pourrait par exemple prendre les mesures transitoires suivantes : donner l'accès au territoire aux institutions spécialisées du système, tels la FAO, le PNUD, l'UNICEF et l'OMS, pour qu'elles mettent en place un programme complet de protection de l'environnement, de réinstallation volontaire des personnes déplacées, de mise en oeuvre de projets de développement communautaires, et de protection de la santé publique, notamment celle des femmes et des enfants. Un Résident permanent des Nations Unies pourrait être nommé au Timor oriental pour prendre en charge la mise en oeuvre de toutes les activités des Nations Unies et fournir des informations sur le respect des accords. Dans l'attente de l'annulation de l'annexion, le Gouvernement indonésien devrait être obligé de s'attacher aux questions de bonne gouvernance, de respect des droits de l'homme et de la culture, de la langue et de l'ethnicité du peuple du Timor oriental. La menace et la crainte que font peser les forces d'occupation doivent être levées par la réduction drastique de leur nombre, voire leur retrait total et la cessation immédiate de toutes les activités armées.

Mme MASAKO KIMURA (Free East Timor Japan Coalition) a expliqué qu'elle a pris connaissance de la situation au Timor oriental lors d'une conférence Asie- Pacifique sur la question du Timor oriental organisée en Malaisie en 1996. Elle a également précisé que les autorités malaisiennes étaient intervenues pour interrompre la manifestation. Ce fut le début de la lutte que je mène pour le Timor oriental. La pétitionnaire a expliqué également qu'à la suite d'une autre conférence organisée par un groupe de soutien au Timor oriental dénommé "Let's hear the Voice of East Timor", elle a commencé à militer en faveur du

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Timor oriental. Notre action vise à diffuser des informations sur la situation dans le territoire. Nous invitons les Timorais à prendre la parole dans nos communautés et nous organisons des conférences et des expositions de photo pour dénoncer les violations des droits de l'homme.

Mme MARIA LURDES SOARES (East Timor Cultural, Ethnic and Research Centre) a estimé qu'il n'y a toujours aucun signe visible de paix et de justice dans la société du Timor oriental, certains des événements récents ayant même contribué à agrandir le fossé entre les Timorais. La pétitionnaire a évoqué la Troisième réunion inter-timoraise qui s'est tenue en avril dernier en Autriche. Elle a précisé que dans leur déclaration finale les participants réitèrent leur confiance totale dans le processus de négociations tripartites tenu sous l'égide des Nations Unies. Elle a déploré, en revanche, l'absence de résultats concrets de cette dernière réunion. Ce fait est dû au manque de volonté politique de certains protagonistes, a-t-elle affirmé, poursuivant que ce n'est que par la réconciliation et le dialogue que la société timoraise pourra parvenir à une solution. Les récents changements intervenus en Indonésie sont encourageants et le nouveau Président Habibie a déjà fait preuve d'une certaine souplesse et d'une meilleure compréhension du problème. Les engagements importants du Président méritent d'être considérés. Ce sont là des défis considérables pour le Gouvernement indonésien, a fait observer Mme Lurdes Soares, qui s'est déclarée en faveur d'une troisième voie. Elle a mis en garde contre la persistance d'attitudes extrémistes qui, selon elle, ne peuvent aller qu'à l'encontre des intérêts du peuple timorais. C'est pourquoi la tenue, maintenant, d'un référendum n'est pas la solution, ni le maintien du statu-quo actuel. Le Timor oriental a déjà raté deux fois le train de la paix et de l'indépendance et Mme Lurdes Soares a espéré que les Nations Unies, le Comité spécial, le Portugal et toutes les parties concernées sauront tenir juste compte des propositions du Président Habibie.

M. VALENTE DE ARAUJO, citoyen portugais né au Timor oriental, a proposé une autonomie réelle et complète du Timor oriental qui bénéficierait de la légalisation et de la constitution de partis politiques et d'une période raisonnable pour préparer des élections libres. Selon les résultats des élections, le parti politique ayant recueilli le plus de voix dirigera le Timor oriental à travers un Président de Gouvernement régional qui choisirait des Secrétaires de Région. Ce Gouvernement régional dépendrait d'un Parlement régional. Il contrôlerait le budget alloué à la région autonome par le Gouvernement central et aurait la maîtrise des forces de police. Le Gouvernement central quant à lui aurait compétence sur l'administration de la justice, les impôts et les forces militaires. Il représenterait les intérêts de la région autonome dans le cadre de forum internationaux. Une telle autonomie signifie la défense et le maintien de la langue portugaise qui serait enseignée à l'école au même titre que la langue indonésienne. Il est également indispensable de garantir le respect complet de la foi catholique.

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M. MATTHEW TRAUB, s'exprimant au nom de Mme Nita Lowey, membre du Congrès américain, a déclaré que depuis plus de 22 ans le peuple du Timor oriental vit dans une situation d'oppression qui fait fi des principes du droit international. Cela est inacceptable, a estimé M. Traub, ajoutant que les déclarations de bonnes intentions faites récemment par le nouveau Président Habibie n'ont pas toutes été suivies de résultats concrets. Le Président refuse ainsi toujours de libérer Xanana Gusmao et ces derniers jours la tolérance de courte durée du gouvernement indonésien semble toucher à sa fin. La communauté internationale ne peut pas se laisser duper par de tels discours. C'est pourquoi, par une loi récente sur l'aide aux pays étrangers, les Etats-Unis demandent des garanties pour qu'aucune arme vendue à l'Indonésie ne soit utilisée au Timor oriental. Par ailleurs, Mme Lowey a récemment soumis un projet de résolution en vue de l'organisation d'un référendum sur le statut politique du Timor oriental qui serait effectué sous le contrôle de la communauté internationale. Les membres du Congrès américain ont consacré beaucoup de temps et d'énergie à la cause du Timor oriental. Ils sont persuadés que les Etats-Unis et la communauté internationale peuvent légitimement exiger de l'Indonésie qu'elle mette un terme à l'occupation du Timor oriental et respecte le droit inaliénable du peuple timorais à l'autodétermination.

M. JOAO VIEGAS CARRASCALAO (Président de Timorese democratic Union et membre du National Political Committee of the National Council of Timorese Resistence) a fait état des nombreux morts parmi notamment des étudiants à Dili. Il a également critiqué l'exécution hier d'un jeune dans la ville de Bacau alors qu'il accueillait la mission de visite de la Troïka de l'Union européenne. Ces actes ne peuvent être vus que comme des meurtres de sang froid intervenant alors qu'Habibie fait des promesses d'autonomie. C'est ce que nous appelons l'hypocrisie sous sa forme la plus sophistiquée. Plus de 250 000 de nos frères et soeurs ont péri sous les balles indonésiennes tandis que d'autres ont disparu. Il s'agit d'un des génocides les plus atroces que le monde ait connu. La communauté internationale est responsable de chaque vie que nous perdons. Nous lançons de nouveaux appels pour une libération sans condition de Xanao Gusmao et une condamnation de l'Indonésie.

La question du Timor oriental est en fait un cas curieux. Le Portugal qui est la Puissance administrante a indiqué qu'il est prêt à décoloniser le territoire mais une tiers partie a décidé d'entrer en lice, en violation patente du droit international. Cette question relève en fait du Conseil de sécurité et il incombe aux Nations Unies de faire respecter ses propres résolutions. Alors que l'Indonésie connaît la crise économique et politique la plus grave de son existence, nous espérons que le nouveau Président Habibie saisira cette occasion pour retirer les troupes indonésiennes du territoire. Je doute que la date de l'an 2000 soit respectée pour l'élimination de toute forme de colonialisme. Car non seulement se pose la question du Timor oriental et des autres petits territoires, mais il existe d'autres formes de colonisation déguisées.

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C'est pourquoi le rôle du Comité ne s'achève pas avec l'accès à l'indépendance des territoires non autonomes mais va au-delà. Les petits Etats insulaires nouvellement constitués auront besoin d'être aidés pour ne pas devenir des proies faciles du colonialisme culturel, économique et social.

M. JOSE LUIS GUTERRES (FRETILIN) a indiqué que le FRETILIN a participé à la résistance à l'invasion indonésienne du Timor oriental au prix d'un lourd tribu en vies humaines. Il a félicité les dirigeants de l'opposition démocratique indonésienne pour leur rôle dans la lutte récente pour la démocratie et la liberté et il a rendu hommage aux jeunes indonésiens pour leur courage et leur détermination. Cependant la situation demeure essentiellement inchangée au Timor oriental. Les Etats Membres des Nations Unies et notamment ceux du Conseil de sécurité auraient dû faire davantage en faveur du Timor oriental, a estimé M. Guterres, ajoutant que les pays de la région asiatique devraient tout particulièrement lutter pour le Timor oriental. La récente visite d'une troïka européenne a permis à la population de manifester pacifiquement et d'exprimer son opinion. Malheureusement elle a été victime, une fois de plus, d'actes de répression. Rappelant que la majorité des Timorais vivent en dessous du seuil de pauvreté, le pétitionnaire s'est félicité de la récente initiative portugaise d'augmenter les ressources octroyées aux organisations non gouvernementales au Timor oriental. Le FRETILIN appuie les conditions minimales présentées par le prix Nobel, Mgr Belo, au nouveau Président Habibie. Le FRETILIN rejette clairement l'idée de toute solution définitive, quelle qu'elle soit, qui écarterait la participation du peuple timorais et il n'acceptera jamais aucun statut de transition qui impliquerait la reconnaissance de la souveraineté indonésienne au Timor oriental. Le FRETILIN continuera de dénoncer toutes les violations des droits de l'homme. M. Guterres a ajouté que jamais son mouvement n'a préconisé la destruction de l'Etat indonésien, contrairement à ce que semblent croire les militaires indonésiens. Une Indonésie stable et démocratique est dans l'intérêt des pays de la région et de l'ensemble du monde, a-t-il précisé. Le temps est venu pour les est-timorais, l'Indonésie, le Portugal et les Nations Unies d'engager des discussions sérieuses et le FRETILIN va continuer d'encourager ses membres à participer au dialogue inter-timorais. Le dialogue pourrait ainsi porter sur la possible gestion commune des affaires étrangères, de la défense, des politiques économique et monétaire.

M. MARI ALKATIRI (Professeur à l'Université Eduardo Mondlane) a expliqué que quand l'Indonésie a envahi le Timor oriental en 1975, la communauté internationale a qualifié cet acte de violation du droit international. Les Nations Unies, en l'occurrence le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale ont adopté de nombreuses résolutions dont la dernière et la 3650 de 1980 qui reconnaissait le Portugal comme la Puissance administrante du territoire et reconnaissait le droit du peuple du Timor oriental à l'autodétermination. Une autre résolution a crée le dialogue tripartite sous les auspices des Nations Unies, mais les représentants du Timor oriental n'ont jamais pu participer à ce dialogue. A présent la situation est différente.

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Nous demandons la libération sans condition des prisonniers politiques timorais, en particulier de Xanana Gusamo, la reconnaissance par l'Indonésie du droit à l'autodétermination et à l'indépendance du Timor, le retrait des troupes indonésiennes du Timor, l'organisation d'une consultation universelle et directe, que ce soit par voie de référendum ou autre. Pour ce qui est de l'offre indonésienne, la seule nouveauté est qu'elle ait été officiellement annoncée. Les dirigeants de la résistance timoraise ont déjà rencontré, par le passé, une telle proposition. Il s'agit ni plus ni moins d'un coup de marketing. La stratégie visant à diviser pour mieux régner est également mise en oeuvre.

Le pétitionnaire a plaidé pour des négociations sans conditions préalables, la participation de Xanana Gusamo au dialogue tripartite des débats illimités dans le cadre du dialogue inter-timorais et le refus de tout offre de statut politique s'il ne provient pas du consensus établi après un processus de négociation. Il a proposé d' envoyer une force de maintien de la paix au Timor et de créer un tribunal international pour les crimes commis au Timor oriental depuis plus de 20 ans.

Mme MIRANDA SISSONS (Hobart East Timor Committee) a déploré que l'Assemblée générale n'ait jamais utilisé ses vastes pouvoirs discrétionnaires pour venir en aide au peuple du Timor oriental. En 1976, plutôt que d'imposer des sanctions au pays qui venait de violer les principes du droit international, les Nations Unies ont au contraire permis à l'Indonésie d'imposer un blocus complet au Timor oriental. Le Conseil de sécurité a les pouvoirs de régler la question du Timor mais jusqu'à maintenant il ne l'a jamais fait, a également dénoncé la pétitionnaire, ajoutant que les Etats Membres des Nations Unies ont constamment échoué dans leur devoir de faire en sorte que l'Indonésie respecte pleinement les normes minimales de comportement civilisé. Il faut que le Comité épargne toute nouvelle souffrance au peuple timorais et pour cela qu'il soutienne le rapatriement de tous les prisonniers est-timorais; qu'il facilite la coopération de la communauté timoraise en exil; qu'il envoie une équipe d'observation au Timor oriental afin d'envisager la possibilité d'un éventuel déploiement d'une force de maintien de la paix; qu'il développe un plan de retrait des troupes indonésiennes; et qu'il mène des consultations avec tous les représentants de la communauté timoraise pour régler la question des familles indonésiennes venues s'installer sans permission au Timor oriental et du retour des familles est- timoraises déplacées. La pétitionnaire a estimé que le Comité spécial a le choix de continuer de se contenter de publier régulièrement des rapports sur le Timor oriental ou d'utiliser enfin ses pouvoirs discrétionnaires pour jouer un rôle actif et superviser le transfert de souveraineté.

M. CIPRIANO MAGNO a expliqué qu'il avait 14 ans quand l'intégration a eu lieu. Ma vie de citoyen indonésien me plaît beaucoup. Pour nous l'intégration nous a permis de nous libérer du cauchemar du colonialisme portugais. Elle est l'expression de notre souhait véritable après avoir été abandonnés lâchement par les Portugais. Cette intégration signifie également la fin de la guerre civile allumée par les Portugais. L'ironie de la situation est qu'après avoir subi tant

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de souffrances, nous avons été confrontés a encore plus de souffrances sans que le Portugal n'intervienne. Mais depuis que nous sommes devenus la 17ème province de l'Indonésie, le Gouvernement nous a accordé une attention particulière. Le Timor oriental a été transformé en une terre moderne. Des progrès considérables sont intervenus dans les domaines économique et social. La culture timoraise est plus vivante que jamais et l'église catholique participe activement au développement des provinces. La question du Timor oriental ne peut pas échapper aux difficultés économiques qui ont frappé toute l'Asie du Sud Est mais nous resterons unis en tant que nation pendant les bons moments comme dans les mauvais. Le Comité doit reconnaître que l'intégration est véritable et irréversible.

Mme VANESSA RAMOS (International Platform of Jurists for East Timor) a déclaré que le peuple héroïque du Timor oriental demande simplement à ce qu'on le laisse exercer son droit fondamental à l'autodétermination. Il ne faut pas prendre en compte les propositions trompeuses du gouvernement d'occupation qui a inventé le terme de "statut spécial" dans la seule intention de continuer d'empêcher les Timorais à exercer leur juste droit et d'ignorer les résolutions de l'Assemblée générale et les appels de la communauté internationale. Le nouveau dirigeant indonésien méritera la crédibilité internationale lorsqu'il se prononcera clairement en faveur du droit à l'autodétermination des est-timorais et du retrait des troupes indonésiennes. Après 23 ans de souffrances, nous sommes dans un contexte d'abus systématique des droits de la personne, de déplacement des personnes et de montée du mécontentement même au sein de la population indonésienne, a fait observer Mme Ramos, ajoutant que la solution du Timor oriental n'est pas difficile à trouver si l'on tient compte de la volonté de toutes les parties. Le plan de règlement modéré du conseil national pour la résistance semble le plus juste et raisonnable. La pétitionnaire a lancé un appel au Gouvernement indonésien pour qu'il libère tous les prisonniers politiques, estimant que cela contribuerait à instaurer un climat de confiance entre toutes les parties concernées. Elle a demandé au Secrétaire général d'user de son influence et de ses bons offices afin que tous les détenus timorais soient libérés immédiatement.

M. STEVANUS WAISAPY (Solidaritas Pemuda Indonesia) a rejeté les allégations de violations des droits de l'homme prononcées à l'encontre de l'Indonésie. Le pétitionnaire a indiqué que l'Indonésie est un pays multi-ethnique comportant 210 millions de personnes vivant sur 13 000 îles. Notre diversité ethnique, culturelle et économique est sans précédent dans le monde et l'Indonésie s'attache à garantir l'application de la loi dans l'ensemble du territoire. Le colonialisme constitue en réalité la pire des violations des droits de l'homme. Le colonialisme portugais a laissé de profondes cicatrices encore ressenties de nos jours. Quand les portugais sont partis, il n'y avait pas d'hôpitaux, pas d'écoles, pas de routes et pas d'infrastructures. Tous les efforts on tété faits pour que les Timorais bénéficient des droits de tous les citoyens indonésiens. Depuis, des mesures ont été prises pour le relèvement du territoire et pour subvenir aux besoins essentiels du peuple du Timor oriental.

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Droits de réponse

M. NEVES (Portugal) a déclaré en réponse au dernier orateur, que certaines personnes semblent considérer que certains colonialismes sont meilleurs que d'autres. Il a rappelé que le Portugal ne se bat plus en faveur du colonialisme mais en faveur de l'indépendance du Timor oriental. Face aux allégations d'atrocités commises par le Portugal proférées par le dernier orateur, il a souhaité rappeler que c'est sous occupation régionale qu'un des plus importants génocides de l'Histoire a été commis.

M. YOHANES KRISTIARTO SOERYO LEGOWO (Indonésie) a indiqué que sa délégation se réserve le droit de répondre à la déclaration du représentant du Portugal à une date ultérieure.

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