Pour Ibrahim Alahmad, responsable du programme humanitaire au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) à Gaziantep et déplacé depuis 2015, travailler pour le Fonds humanitaire transfrontalier syrien (SCHF) est plus qu'un travail.

Parlez-nous de vous

Je suis originaire de Manbij, près d'Alep. En 2013, j'ai commencé à travailler sur des projets éducatifs avec le Conseil norvégien pour les réfugiés.

Malheureusement, lorsque Daech a pris le pouvoir en 2014, ils ont emprisonné des travailleurs humanitaires, nous accusant d'être des espions. J'ai passé cinq mois en prison avant d'être finalement libéré.

Pour protéger ma famille, nous avons décidé de fuir ensemble vers la Turquie, où j'ai travaillé avec diverses ONG. En 2021, j'ai rejoint l'unité de financement humanitaire d'OCHA à Gaziantep.

J'aime profondément ma ville. Quand je repense à tout ce que j'ai dû laisser derrière moi, j'ai le cœur serré.

Être loin de ses proches n'est jamais facile, et parfois, je ne peux m'empêcher de me sentir seule dans un pays qui n'est pas le mien.

Avez-vous pu y retourner depuis le début de la guerre ?

Après que la ville a passée sous le contrôle des Forces de défense Syriennes en 2021, j'ai pu y retourner à plusieurs reprises. En Turquie, les autorités locales ont facilité les visites des réfugiés syriens en leur fournissant des cartes de protection temporaires qui nous permettaient de les visiter pendant une ou deux semaines.

Ce fut un immense soulagement après quatre ans de séparation, sans pouvoir voir mes parents ni mes autres frères et sœurs, d'autant plus qu'entre 2016 et 2021, ma femme et moi avons eu deux autres enfants en Turquie.

Jusqu'alors, mes parents ne pouvaient les voir qu'en photo ou lors d'appels vidéo.

Votre travail avec le SCHF vous a rapproché de chez vous.

C'est le cas, notamment parce que, dans le cadre de mes fonctions, j'examine les propositions de projets afin d'améliorer la qualité de chaque soumission. Constater concrètement l'impact de ces projets sur les populations et les communautés est une expérience enrichissante.

À Manbij, où la situation s'est considérablement détériorée depuis le 8 décembre de l'année dernière, une allocation de 3,8 millions de dollars a permis d'apporter des fournitures essentielles à de nombreuses personnes aux prises avec des besoins essentiels, allant de l'eau aux fournitures médicales et aux infrastructures.

C'est de là que vient ma motivation : savoir que je contribue à soutenir l'aide humanitaire en Syrie, même modestement.

Visiter les camps de réfugiés du nord-ouest de la Syrie, où vivent actuellement 2,5 millions de personnes, m'aide à réfléchir à ma situation et à celle de ceux que nous servons, qui sont aussi mon peuple.

Mais « reconstruire en mieux » a toujours été mon leitmotiv, et je continuerai à tout mettre en œuvre pour atteindre cet objectif.