23 april 2025

Une cinquantaine d’élèves-diplomates du Collège Bilingue ont transformé la salle de conférence « Capitaine Mbaye Diagne » du Centre d’Information des Nations Unies (CINU) à Dakar en une mini-Assemblée générale le 19 avril 2025, pour aborder l’un des défis majeurs de leur génération : l’abus de substances chez les adolescents.

L’événement a réuni des élèves, des enseignants, des responsables onusiens et des parents, soulignant le pouvoir du dialogue mené par les jeunes pour faire face aux défis mondiaux.

Ces adolescents – âgés de 13 à 17 ans et représentant l’Albanie, l’Allemagne, le Brésil, le Cameroun, l’Inde, le Japon, le Mexique, le Royaume-Uni et les États-Unis – ont ouvert la session en confrontant des données préoccupantes. Ils participaient à cette simulation dans le cadre du Programme du Baccalauréat International, qu’ils suivent en français au Collège Bilingue.

S’appuyant sur une étude menée en 2019 par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le président de l’Assemblée, Gorish Kamboj, a rappelé que 10,4 % des élèves de 15 à 16 ans au Sénégal ont déjà consommé de l’alcool, et que 9 % ont déjà fumé. « C’est pourquoi le débat d’aujourd’hui ne peut pas être abstrait », a-t-il affirmé, posant le cadre d’une session à la fois formelle et ancrée dans des enjeux urgents et concrets.

La Simulation des Nations Unies est un exercice académique au cours duquel les élèves incarnent des délégués de l’ONU, suivent les règles diplomatiques officielles et négocient des solutions à des enjeux mondiaux concrets.

Dans son discours d’ouverture, Hiroyuki Saito, directeur du CINU Dakar, a déclaré aux participants : « En vous mettant dans la peau de délégués, vous explorez les dynamiques du dialogue, du compromis et de la recherche de solutions collectives. »

Un membre de la délégation du Cameroun s'adressant à l'Assemblée Générale. ©CINU Dakar

Un problème mondial, des réalités multiples

Les déclarations des délégations ont dressé un tableau percutant de la crise à travers le monde.

  • Inde — Le délégué Malick Diop a souligné le lien entre santé mentale et usage de drogues, citant les campagnes Drug Free India et le plan national de prévention.
  • Cameroun — « Dans un lycée de Douala, un professeur a demandé : qui connaît un jeune ayant déjà consommé de la drogue ? Neuf mains se sont levées. », a rapporté Assiya Jaron.
  • Brésil — La représentante Fatimatou Wane a cité des enquêtes nationales révélant qu’environ 2,4 à 2,5 millions de jeunes Brésiliens âgés de 13 à 17 ans ont déjà essayé des drogues illicites, un phénomène favorisé par la pauvreté et l’influence des pairs.
  • Allemagne — Alpha Deme a défendu la réforme allemande de 2024 sur la légalisation du cannabis : « Nous avons récemment légalisé le cannabis afin de stopper tous les marchés noirs… mais nous parlons avec nos écoles et nos parents pour renforcer la prévention. »
  • Mexique — Nene Aissatou Bah a souligné le rôle clé des parents : « Grâce aux familles, nous pouvons ouvrir des contacts de sensibilisation et aider à prévenir les écoles et les adolescents des dangers de la drogue. »
  • Royaume-Uni — Affirmant que « la guerre contre la drogue a échoué », Seynabou Salimato Zahra Diagne a noté que les cas de traitement pour problèmes liés à la kétamine chez les adultes en Angleterre sont passés de 1 551 à 2 211 entre 2021 et 2023.

Les membres de la délégation des Etats Unies prenant la parole devant l'Assemblée Générale. ©CINU Dakar

Deux visions opposées

Après plusieurs heures de discussions informelles, deux projets de résolution concurrents ont été présentés.

Le projet proposé par le Japon, introduit par Adja Astou Oualy, recommandait :

  • Des campagnes nationales de sensibilisation
  • Des services psychosociaux dans les établissements scolaires
  • Des formations au repérage précoce à destination des enseignants et professionnels de santé
  • Des restrictions plus strictes sur la publicité en ligne liée aux drogues
  • L’obligation pour les plateformes technologiques de supprimer les contenus nuisibles
  • Un accompagnement à la réinsertion pour les élèves en phase de rétablissement

« Nous ne voulons pas simplement punir — nous voulons comprendre. Nous ne voulons pas seulement contrôler — nous voulons accompagner », a déclaré Monsieur Oualy.

La contre-proposition des États-Unis, présentée par Abdoulaye Diallo, comprenait les éléments suivants :

  • Création d’un programme mondial de prévention pour la jeunesse, sous l’égide des Nations Unies
  • Financement accru des conseillers scolaires
  • Mise en place de lignes de signalement anonymes
  • Organisation d’un forum annuel de partage des bonnes pratiques
  • Encadrement renforcé des produits de vapotage
  • Encadrement renforcé des médicaments délivrés sur ordonnance

« Trop souvent, les enfants grandissent dans un monde où l’addiction les atteint en premier. », a alerté Monsieur Diallo.

Lorsque le débat s’est tourné vers la mise en œuvre, la délégation américaine a plaidé pour des budgets et des échéances plus clairs. Lors du vote final, le projet japonais a été adopté à une large majorité, tandis que la résolution américaine a été renvoyée en commission pour révision.

Au-delà des propositions

 

La discussion a également exploré des causes plus profondes. Aissatou Traoré, de l’Inde, a cité Jean-Jacques Rousseau — « L’homme est né libre, et partout il est dans les fers » — pour décrire l’addiction comme une forme moderne et invisible d’asservissement, alimentée par les réseaux sociaux et la pression des pairs.

 

Amir Kane, de l’Allemagne, a mis en garde contre les méthodes policières trop répressives, qui risquent d’éloigner les jeunes vulnérables des institutions.

Dans un échange animé sur les pressions sociales en milieu urbain, le Cameroun a interrogé le Japon sur l’augmentation de la consommation de stimulants chez les adolescents issus de milieux favorisés ; Aissata Deme a répondu en évoquant les mesures gouvernementales visant à alléger le stress scolaire, et a mentionné le DARC, un réseau national d’aide à la réinsertion des jeunes.

Le Brésil et le Mexique ont, de leur côté, dénoncé la banalisation du vapotage et des pilules par certains influenceurs sur les réseaux sociaux, aggravant encore le défi.

Les élèves représentant les États-Unis ont remporté le prix de la Meilleure Délégation. ©CINU Dakar

Reconnaissance et célébration

Un jury composé d’enseignants a évalué les délégations selon la qualité de leurs recherches, leur esprit d’équipe et leur diplomatie.

Les États-Unis ont remporté le prix de la Meilleure Délégation grâce à des interventions riches en données, des questions incisives et une résolution saluée pour sa clarté en matière de financement et de coopération Nord-Sud.

Le Japon a obtenu la deuxième place pour avoir su construire un consensus autour de son approche préventive, tandis que le Cameroun s’est classé troisième pour l’utilisation efficace de données locales et la force de son argumentation.