Chronique ONU

L’Université des Nations Unies rend son Rapport sur le Clonage et met la Communauté Internationale face à ses Responsabilités Éthiques et Scientifique

Par Ghislain Ondias Okouma

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L'article

A la mi-novembre 2007, alors que l'Institut d'études avancées de l'Université des Nations unies rendait son rapport sur le clonage, l’on apprenait que l'équipe du Centre national américain de recherches sur les primates de l'Etat d’Oregon avait réussi à créer des embryons de singe par clonage.  Ces deux événements ont remis au cœur de l’actualité la question controversée et tant discutée du clonage humain, rappelant à la communauté internationale l’impérieuse nécessité d’agir sur ce sujet.
Les débuts du clonage remontent à 1952 avec les travaux menés à Philadelphie par les biologistes Robert Briggs et Thomas King.  S’il fallait donner une définition simple du clonage, permettant de faciliter la compréhension générale de cette question, on pourrait dire que le clonage est une technique visant la production asexuée, à partir d’une cellule ou d’un organisme, d’entités biologiques génétiquement identiques à la cellule ou à l’organisme originel de départ.  Il s’agit donc ici d’une technique de « reproduction » et non pas de « procréation » qui « se ramène, au niveau cellulaire, à l’alliance au sein de l’élément féminin de deux moitiés aléatoires de l’ADN, chacune spécifique d’un des membres du couple ».  Très simplement, ce procédé scientifique tend à produire et désigner un être humain ou un animal viable, engendrés à partir d'un seul parent.  Le clonage désignerait aussi toute « copie » artificielle génétiquement identique d'une forme de vie existante.

Les enjeux éthiques du clonage, et singulièrement du clonage reproductif, semblent défier toutes les limites.  Et une des principales questions éthiques que posent la conduite du clonage à des fins de recherche et les recherches sur la cellule souche embryonnaire tient au statut moral accordé à l'embryon.  Son utilisation a soulevé des objections de la part de ceux qui sont opposés à l'avortement pour des motifs d'ordre moral, éthique, religieux ou autre, et de ceux qui s'opposent à toute recherche impliquant la destruction d'un embryon humain. L'argument moral est ici que les embryons devraient être protégés dès l'instant de la conception, car c'est le moment où naît une nouvelle entité humaine qui, potentiellement et dans des circonstances appropriées, devient un être humain unique.  Etant donné qu'on ne saurait sacrifier des êtres humains à quelque fin que ce soit, la destruction d'embryons pour la recherche ne peut donc avoir de justification.  Les notions de vie, les valeurs, et les règles qui concernent la reproduction se sont développées dans chaque société humaine et sont profondément ancrées dans la culture, la tradition et les principes religieux des groupes et de l’espèce humaine.
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Il y a déjà quelques années que la communauté internationale, à travers, les Nations Unies, a commencé à débattre de la problématique suscitée par le clonage.  Et, c’est à travers l’UNESCO, investie d'un mandat éthique dans le système des Nations Unies, que cette communauté internationale a établi, assez tôt, certaines règles éthiques grâce à la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme, adoptée en 1997.  En 1998 l'Assemblée générale des Nations Unies a fait sienne ce texte. Mais concrètement, comme le rappelle la juriste Flore Sergent, dans son étude d’avril 2005, c’est dès 2001, que la France et l’Allemagne ont pris l’initiative de demander à l’Assemblée Générale de l’ONU d’élaborer une convention internationale sur la prohibition du clonage d’êtres humains à des fins de reproduction.  Le résultat de cette initiative franco-allemande interviendra seulement en 2005, avec l’adoption d’un texte faisant office actuellement d’instrument de référence en droit international.  Ce texte ne suffit cependant plus.  La tâche qui consiste à établir et à mettre en œuvre un cadre international éthique et juridique pour le clonage humain a été rendue encore plus urgente ces dernières années.

Le récent rapport publié par les scientifiques-experts de l’ONU, incite à plus d’action et d’intervention onusienne sur la question.  Avant d’évoquer la mesure de son contenu, il est utile de donner un aperçu de l’actuel instrument et des raisons justificatives de son adoption.  Ce n’est qu’à la suite que nous explorerons les propositions et perspectives exprimées par les rédacteurs du récent rapport.

L’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur le clonage des êtres humains de 2005

C‘est en application de la résolution 56/93 de l’Assemblée générale du 12 décembre 2001, qu’a été créé un Comité spécial chargé des travaux préliminaires en vue de l’élaboration d’une convention internationale contre le clonage d’êtres humains à des fins de reproduction.  Dans leur rapport du 25 février-1er mars 2002, les membres dudit comité arrivent à la proposition qu’il importe d’adopter une convention contre le clonage d’êtres humains à des fins de reproduction pour éviter de compromettre l’intégrité de l’espèce humaine, de voir s’installer des pratiques contraires à l’égalité et la dignité reconnues à l’être humain et aux droits de tous les individus, et d’assister à une diffusion inéquitable des résultats scientifiques et préjudiciable aux pays en développement.  Cependant, bien que la très grande majorité des pays y fût favorable, la communauté internationale ne parviendra pas à instaurer de convention internationale condamnant le clonage humain reproductif.  Les Nations Unies abandonneront cette idée de convention au profit d’une déclaration politique.  En effet, le 8 mars 2005, l’Assemblée générale adoptera la Déclaration des Nations Unies sur le clonage d’êtres humains, mettant ainsi fin à quatre années d’âpres négociations.

Cette déclaration exhorte les États Membres à interdire toutes les formes de clonage d’êtres humains, y compris celui d’embryons humains à des fins thérapeutiques.  Elle invite les États à adopter toutes les mesures voulues pour protéger la vie humaine dans l’application des sciences de la vie.  De plus, elle appelle les Etats, à interdire, également, toutes les formes de clonage humain dans la mesure où elles seraient incompatibles avec la dignité humaine et la protection de la vie humaine.  Sur le plan de sa valeur juridique, la Déclaration de 2005 n’est que l'affirmation d'un principe ou d'une norme à atteindre.  Elle ne génère pas d'obligations juridiques pour les États, et est non-contraignante dans le cadre du droit international.  Elle possède cependant une valeur morale et politique très chargée.

La difficulté à s’accorder sur une convention juridiquement contraignante

Depuis que la question a été inscrite à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée Générale, les débats ont sans cesse, mis en évidence les oppositions sur le clonage humain.  Ces clivages sont ceux qui perdurent à ce jour.  Il y a d’une part, des pays qui souhaitent une interdiction totale de toutes les formes de clonage.  Ils estiment que l’absence d’interdiction du clonage humain à des fins thérapeutiques créerait une insécurité juridique puisqu’un marché clandestin pourrait se développer.  Comme l’écrivait la Chronique, en 2005, les Gouvernements du Costa Rica, de l’Espagne, des États-Unis et de différents pays d’Amérique latine, soutenaient une interdiction complète, en faisant valoir qu’une interdiction partielle encouragerait la création d’un marché noir d’embryons humains.  Des pays comme la Belgique, la France et l’Allemagne proposent quant à eux une démarche progressive, c'est-à-dire l’établissement d’une série de conventions.  Pour ceux-ci, dans un premier temps, il faudrait établir une convention dont l’objectif serait l’interdiction du clonage reproductif, puis une seconde convention serait établie réglementant les autres formes de clonage.  Enfin, il y a le groupe des pays islamiques, dont le Soudan, qui souhaite un consensus sur la question.  Ces diverses approches ont donc conduit l'Assemblée générale de l’ONU à opter pour une déclaration en 2005.  Aujourd’hui, pour l'Institut d'études avancées de l'Université des Nations unies, il faut, dépasser cet instrument moraliste né des divergences de stratégies entre les Etats sur le procédé.

La perspective évoquée par les chercheurs des Nations Unies

A la lecture du rapport publié le 10 novembre dernier, on note que les scientifiques de l’ONU demeurent forts perplexes sur l’efficacité de l’actuelle Déclaration.  Selon eux, si elle reste le seul instrument international en vigueur, elle ne serait qu’une énonciation formelle que des pays sans scrupules n’observeraient point.  Ils sont convaincus qu’aujourd'hui, les progrès rapides de la génétique et de la biotechnologie dépassent facilement les frontières  nationales et défient parfois toutes les valeurs et notion d’éthiques.  En fait, en l’état actuel, l'absence d'accord international contraignant laisse la porte ouverte aux chercheurs qui voudraient profiter de l'absence de législation dans certains pays pour procéder au clonage humain.  Face à ce risque, et compte tenu de son inertie, la communauté internationale devra alors accepter sa responsabilité et assurer à tout individu cloné les mêmes droits qu'aux autres humains.  Elle devra aussi veiller à ce que les clones soient traités avec respect et protégés contre les préjugés, les abus et la discrimination.  Le risque est donc bien réel.

Si jusqu’à ce jour, les États ont raté l’occasion de prendre des mesures claires, non équivoques allant dans le sens de l’interdiction du clonage humain, l’urgence s’impose, selon les experts.  Il faut parvenir à une harmonisation et une réglementation internationales dans le domaine du clonage humain.  Et pour y arriver l’Institut onusien préconise aux Etats, ‘’législateurs’’ en la matière, une série de cinq scenarii possibles.  Comme choix, il y a ainsi : l’interdiction totale de toute recherche sur le clonage ; ou l’interdiction du clonage reproductif ; ou bien l’interdiction du clonage reproductif tout en autorisant les recherches sur le clonage; ou encore, l’interdiction du clonage, mais en autorisant les recherches pour une durée de 10 ans. Ceci afin de mieux appréhender et vérifier comment ce procédé scientifique pourrait aider à faire face aux pandémies dont souffre notre humanité.  Ce qui est d’ailleurs l’une des priorités contenus dans les Objectifs du Millénaire; enfin, les experts proposent l’établissement d’un moratoire sur toutes les recherches relatives au clonage.  Même si une telle suggestion semble tardive, elle aurait pour avantage de lancer un avertissement fort à tous les acteurs internationaux, et de permettre l‘entame de nouvelles discussions dans un contexte plus serein.


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Les experts ont ainsi offerts aux Nations Unies un ensemble de propositions éclectiques avec le souhait de voir l’Organisation démontrer, une fois de plus, sa capacité à répondre aux questions de société, de plus en plus complexes, de notre temps.

 
 
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