Chronique ONU

La revue des livres de la Chronique

Ethics in Action: The Ethical Challenge of International Human Rights
Nongovernmental Organizations


Édité par Daniel A. Bell et Jean-Marc Coicaud
Publié par Cambridge University Press, 2007
Compte rendu par Mark Gibney

 

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L'article
Ethics in Action apporte une contribution intelligente, provocatrice et importante aux domaines des droits de l'homme et de l'éthique. L'ouvrage a été conçu à partir d'une série de réunions - apparemment plutôt dynamiques - organisées sur plusieurs années, auxquelles ont participé des universitaires et des représentants de diverses organisations non gouvernementales internationales (ONGI). Le texte est souvent présenté sous la forme d'une conversation animée entre les auteurs, mais, surtout, le lecteur se sent pleinement informé des nombreuses discussions et des nombreux débats qui ont eu lieu auparavant, et qui mettent en scène des individus qui n'ont pas participé à la rédaction de ce livre. Les éditeurs (Daniel Bell et Jean-Marc Coicaud) présentent un texte engageant qui soulève autant de questions délicates qu'il apporte de réponses.

Ethics in Action est divisé en trois sections : La première intitulée " ONGI du Nord et bénéficiaires du Sud : le défi du pouvoir inégal " et le dernier chapitre " La pornographie de la pauvreté : un récit édifiant sur la collecte de fonds " donnent le ton. Les auteurs Betty Plewes et Ricky Stuart posent la question de savoir s'il est approprié pour les campagnes commerciales lancées par les organisations qui " font le bien " d'utiliser les souffrances humaines pour émouvoir le public. Ce type de campagnes " se vend " apparemment, car elles permettent d'accroître le soutien financier. Mais qu'en est-il sur le long terme ? Quelles autres conséquences importantes ce type de campagne utilisant la notion de " victime " a-t-il ? Un autre chapitre qui mérite d'être mentionné est celui où Bonny Ibhawoh examine les tensions entre les ONG autochtones dans le Sud et les ONGI qui se trouvent pratiquement toutes dans le Nord. Leur concurrence est rarement discutée ouvertement, et I. Ibhanowah non seulement présente le problème de manière convaincante, mais offre aussi différentes approches pour examiner la question qui pourraient être utiles à toutes les personnes concernées.

La deuxième section traite du défi posé par les États qui limitent les activités des ONGI. Deux études de cas sont proposées, l'une sur la guerre en Irak et l'autre sur la Chine. Dans la première, l'un des problèmes épineux concerne les ONGI qui se sont opposées à la guerre - comme l'ont été la plupart d'entre elles - et comment cette opposition influence leurs activités en Irak. Ce qui rend la situation encore plus complexe est le fait que ces ONGI sont presque totalement dépendantes des forces de la coalition pour leur sécurité. Même sans apporter de réponse définitive, le chapitre écrit par Lyla Sunga montre très bien comment ces organisations sont parfois forcées de travailler dans des conditions contraires à leur choix. Les trois chapitres suivants sont consacrés à la difficulté pour les ONGI de travailler avec l'autoritarisme du gouvernement chinois. Dans un chapitre, des chercheurs de l'Institut danois des droits de l'homme montrent comment l'Institut a tenté de faire ce qui était " possible ", principalement en évitant de faire ce qui était impossible, à savoir s'attaquer au programme des droits de l'homme en Chine.

L'une des questions soulevées à plusieurs reprises dans le livre est comment les ONGI décident où mener leurs activités et comment poursuivre leurs programmes et leurs politiques. Si cette question est évidente, la réponse ne l'est pas. Les activités des ONGI sont ainsi peut-être le mieux décrites dans le chapitre " Driving without a map " (conduire sans carte) écrit par Sophia Woodman. Les personnes qui travaillent pour les ONGI apprendront peut-être de cet ouvrage, la nécessité d'élaborer une telle carte - même dans de conditions où le terrain change constamment.

La dernière section aborde les droits économiques, et l'échange de points de vue entre les auteurs est en lui-même une raison suffisante pour lire l'ouvrage. Deux questions différentes sont essentiellement traitées : la première concerne les efforts déployés récemment par les ONGI, comme Human Rights Watch et Amnesty International, pour traiter les droits économiques. Ce qui est frappant, c'est la différence entre ce que les ONGI pensent pouvoir accomplir dans le domaine des droits économiques et les attentes beaucoup plus ambitieuses des groupes qui travaillent en dehors des ONGI vis-à-vis de ces dernières.

La deuxième question, qui est abordée de front par les politologues Thomas Pogge et Joseph Carnes, porte sur les activités des ONGI. T. Pogge considère que ces organisations devraient concentrer leurs activités sur l'éradication de l'extrême pauvreté. C'est évidemment un argument fort pour beaucoup, notamment pour les personnes qui travaillent pour les ONGI. Toutefois, J. Carnes répond en demandant ce qu'il faut faire quand les autres acteurs - en particulier ceux qui apportent des contributions aux ONGI et les organisations elles-mêmes - ont un sens différent des responsabilités morales. La réponse de Pogge est tout autant perspicace, disant qu'il est vital que les Occidentaux, les États et les ONGI reconnaissent qu'ils ne sont pas engagés dans une entreprise caritative en faveur des " moins chanceux ", mais devraient plutôt voir leur travail comme un moyen modeste (et insuffisant) de rendre leur dû à tous ceux qui ont été traités injustement - par " nous ".

Il semble que les participants aux sessions sur lesquelles l'ouvrage est fondé ont appris beaucoup de l'entreprise elle-même. Mais Ethics in Action devrait être aussi utile à d'autres. D'abord, la question la plus élémentaire à laquelle toutes les ONGI font face - comment et pourquoi nous faisons ce que nous faisons - est trop rarement posée. Ce qui entraîne une autre question rarement posée, celle de la prolifération des ONGI. Est-ce un atout ou cela indique-t-il que plus de temps, d'efforts et d'argent sont consacrés à soutenir sa propre organisation, au détriment des " autres " ?

L'ouvrage soulève aussi des questions difficiles quant au rôle des universitaires. Les universitaires se sont-ils marginalisés au point où ils n'ont d'autre objectif que celui de devenir titulaires ? La leçon finale, il faut espérer, est qu'il est important d'ouvrir un vrai dialogue. À ce titre, j'espère véritablement qu'Ethics in Action ne sera que la première partie d'une conversation continue entre universitaires et ONG, qui pourrait aussi être enrichie par la participation de législateurs.
Biographie

Mark Gibney est professeur émérite Belk à l'université de North Carolina-Asheville. Ses ouvrages comprennent Five Uneasy Pieces; American Ethics in a globalized World (Rowman and Littlefield, 2005) et une collection éditée, The Age of Apology : The West Faces its Past (University of Pennsylvania Press).
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