Chronique ONU

L'ordre du jour du Secrétaire général :indispensable pour le développement durable


Par Jeffrey D. Sachs

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L'article
Le développement durable et la sécurité mondiale sont profondément liés entre eux. C'est un fait qui est de plus en plus reconnu par les leaders mondiaux. Le développement durable est un mode de développement économique cherchant à concilier le progrès économique et la préservation de l'environnement. Lorsqu'il échoue et qu'une région est confrontée à la pauvreté extrême, aux maladies, à la faim et aux crises écologiques, le chaos qui s'ensuit peut conduire à la violence et même à la guerre. Nul ne peut douter que les conflits, tels qu'au Darfour et en Somalie, reflètent en grande partie la pauvreté extrême et la dégradation de l'environnement. Dans ces pays, l'instauration de la paix et de la sécurité doit aller de pair avec la réduction de la pauvreté, la lutte contre les maladies, la sécurité alimentaire et la viablité écologique.
La sécurité et le développement durable présentent un double défi qui s'intensifiera au cours des années à venir, en particulier à un moment où le changement climatique, l'augmentation de la population mondiale et la dégradation des écosystèmes importants menacent davantage la vie et les moyens d'existence des populations. Le Secrétaire général Ban Ki-moon et l'ensemble du système des Nations Unies sont bien placés pour jouer un rôle indispensable face aux défis interconnectés auxquels est confrontée l'humanité : la sécurité et le développement durable. Comme il l'a fait récemment remarquer au Conseil économique et social de l'ONU, " le développement pour tous est central à la mission de l'ONU. Associé à la sécurité et au respect des droits de l'homme, il représente nos aspirations profondes à un monde pacifique et meilleur. "

Depuis le Sommet de la Terre, qui s'est tenu en 1992 à Rio de Janeiro, les dirigeants mondiaux ont adopté des objectifs vitaux concernant la réduction de la pauvreté, la santé et la viablité écologique. Pourtant, malgré ces objectifs communs, peu d'engagements ont été traduits en action, même après la remarquable mobilisation politique internationale en 2005 pour soutenir les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Le plus grand défi auquel sera confronté le monde au cours du mandat du Secrétaire général Ban sera peut-être la réalisation de ces objectifs communs. Le succès ouvrira la voie à la paix et à une amélioration profonde de la condition humaine, en particulier pour les plus pauvres et les plus vulnérables.

Parmi ces objectifs communs, les OMD, fixés suite au Sommet du Millénaire de l'ONU (2000) et à l'engagement pris dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (1992) pour réduire les effets néfastes des changements climatiques, sont les plus centraux et les plus importants. Mais, d'autres objectifs importants ont également été fixés, notamment l'engagement pris dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique (1992) de stopper la perte de la biodiversité ainsi que celui de combattre le sida, le paludisme et d'autres maladies mortelles. Aujourd'hui, la tâche fondamentale à laquelle font face les Nations Unies et, en fait, le monde entier, n'est pas de fixer de nouveaux objectifs mais d'assurer la mise en œuvre des objectifs existants, établis sur une base solide et scientifique, dont la réalisation est vitale pour l'amélioration du bien-être de l'humanité et même pour sa survie. M. Ban a souligné à maintes reprises sa détermination à contribuer à la réalisation de ces objectifs communs en utilisant les bons offices du Secrétaire général.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles le système de l'ONU doit promouvoir un agenda solide du développement durable :
  • Le développement durable est un défi urgent et une question de vie ou de mort pour les plus pauvres, et le manque de progrès parmi les populations à croissance rapide des pays les plus pauvres ne fera qu'augmenter l'insécurité dans le reste du monde.

  • Les objectifs acceptés au niveau mondial, comme les OMD, sont réalisables s'ils sont poursuivis avec résolution, une bonne organisation et un leadership mondial.

  • Les objectifs de sécurité et du maintien de la paix ne seront pas atteints tant que des mesures de sécurité (les agents du maintien de la paix) ne seront pas associées à des mesures de réduction de la pauvreté (un meilleur accès à l'eau). La nouvelle Commission de consolidation de la paix a été établie pour cette raison.

  • La légitimité de la gouvernance mondiale dépend de la capacité d'associer à l'agenda sur la sécurité des grandes puissances celui sur le développement durable des pays moins développés.

Les Nations Unies ont la capacité de lier entre eux des professionnels éminents concernés par la sécurité et le développement durable.

Le terme " développement durable " a été souvent interprété comme s'appliquant principalement à l'environnement. Alors que la viabilité écologique est centrale au bien-être de l'humanité, une vue politique plus intégrée du terme devrait inclure également la réduction de la pauvreté et la santé. À cette fin, la communauté internationale a établi un agenda clair assorti d'objectifs audacieux mais réalisables en faveur du développement durable :

Réduction de la pauvreté.
Les OMD, tels qu'ils ont été approuvés par tous les États Membres de l'ONU, sont le cadre général fixé pour s'attaquer à la pauvreté extrême et sont devenus les principes régissant la plupart des programmes de développement. Il existe cependant plusieurs objectifs de développement essentiels approuvés au niveau mondial. Deux accords intergouvernementaux importants sont le Consensus de Monterrey de la Conférence internationale sur le financement du développement en 2002 et le Document final du Sommet mondial des Nations Unies en 2005. Le cycle de négociations de Doha, lancé par l'Organisation mondiale du commerce, comporte un élément important pour le développement, ce qui est largement perçu comme un signe de l'engagement des pays développés à tenir leurs promesses en matière de développement durable.

Santé publique.
Plusieurs objectifs de santé importants, notamment ceux qui visent à combattre le sida, la tuberculose et le paludisme, ont été adoptés par des conférences et des sessions extraordinaires de l'Assemblée générale ainsi que dans les OMD. Au cours des dernières années, l'Assemblée de la santé mondiale a adopté un nombre important d'objectifs de santé publique, tandis que les efforts internationaux coordonnent la lutte contre les maladies émergentes, la grippe aviaire et le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS).

Viabilité écologique.
En matière d'environnement, les accords importants comprennent les trois Conventions de Rio - la Convention-cadre sur les changements climatiques de l'ONU, la Convention sur la diversité biologique de l'ONU et la Convention sur la lutte contre la désertification de l'ONU - la Convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone ainsi que d'autres traités. D'autres objectifs et calendriers ont été également fixés dans le Plan de mise en œuvre de Johannesburg, adopté lors du Sommet mondial sur le développement durable en 2002. L'OMD 7 vise également à assurer un environnement durable.

Dans le cadre d'initiatives majeures, l'ONU a également fait appel à des experts externes pour étudier les objectifs adoptés et définir, dans certains cas, les moyens de les réaliser. Par exemple, le Projet du Millénaire de l'ONU a réuni sur une durée de trois ans près de 300 experts du monde entier, qui a donné lieu en 2005 à la présentation de 14 volumes et d'un rapport général décrivant les investissements concrets nécessaires pour réaliser les OMD. La plupart des recommandations essentielles ont été adoptées lors du Sommet mondial de 2005. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, qui a publié son quatrième rapport en 2007, est composé de scientifiques de différents pays qui ont défini des mesures précises pour réduire les effets du changement climatique. De même, l'Évaluation des écosystèmes pour le millénaire a réuni des experts internationaux dans un processus analytique révolutionnaire qui a révélé les conséquences des activités humaines sur les écosystèmes et les processus écologiques et a décrit les actions à entreprendre pour limiter les effets néfastes.

Une leçon majeure de la dernière décennie est que la mise en œuvre des objectifs approuvés à l'échelon mondial nécessite un plan d'action solide, un groupe central engagé et des responsables capables de faire progresser la mise en œuvre du plan lorsque les circonstances changent et que l'attention politique faiblit, ainsi qu'une coordination concertée parmi un nombre important d'institutions, de parties prenantes et de gouvernements concernés.

À ce point de jonction vital de l'histoire, le Secrétaire général Ban est dans une position unique pour aider les pays du monde entier à se joindre à cet effort mondial. Son engagement public précoce aux priorités du développement durable offre une occasion de réunir les parties prenantes, des experts éminents et des organisations afin de mettre en œuvre une action concrète autour des objectifs internationaux communs.

Les OMD ont déjà prouvé qu'ils étaient efficaces comme principe global d'organisation. Les institutions de l'ONU, les gouvernements, les organisations de la société civile, les fondations et même les entreprises privées se mobilisent de plus en plus autour d'actions visant à réaliser les OMD. Il reste, bien sûr, beaucoup à faire mais la leçon essentielle est que si nous voulons les réaliser, il faudra se mobiliser pareillement autour d'autres objectifs approuvés mondialement, c'est-à-dire en matière de climat, de lutte contre les maladies et de conservation de la biodiversité.

L'année 2007 peut et doit être une année de progrès importants en matière de développement durable. Les OMD sont à mi-chemin de la date butoir de 2015 et peuvent être atteints avec un soutien renforcé. Les parties à la Convention-cadre de l'ONU ont annoncé leur détermination à engager des négociations pour conclure un accord sur le climat afin de couvrir la période après 2012 quand le Protocole de Kyoto expirera. Les gouvernements membres se sont engagés à réaliser des progrès spécifiques en matière de lutte contre les maladies, tels que les objectifs concernant le sida et le paludisme d'ici à 2010, et semblent déterminés à traduire leurs paroles en actes. De nouvelles mesures doivent être prises pour atteindre l'objectif mondial de stopper la perte de la biodiversité d'ici 2010 et des succès peuvent être obtenus cette année en matière de protection à la fois des écosystèmes terrestres et marins. Ces défis sont clairs et le succès peut contribuer à la paix et au bien-être des générations futures.

Biographie
Jeffrey D. Sachs est directeur de l'Earth Institute, professeur de la chaire Quetelet en développement durable et professeur en politique et gestion de la santé à Columbia University. Il est actuellement le Conseiller spécial du Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, pour les OMD. De 2002 à 2006, il a été directeur du Projet du Millénaire de l'ONU et a également été le Conseiller spécial de l'ancien Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan.
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