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'Pour l'instant, cela nous suffit pour vivre'

Texte et photos par Mikel Flamm

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L'article

En marchant parmi les décombres de la ville de Balakot, située à 219 km d'Islamabad, la capitale du nord du Pakistan, on ne peut que souvenir de ce qui s'est passé ici il y a presque un an. Un séisme de magnitude 7,6 a dévasté cette ville qui était alors prospère, ainsi que la région voisine, l'Azad Cachemire.

L'Habitat Resource Center à Balakot, au Pakistan, a fourni des abris provisoires aux rescapés du séisme survenu le 8 octobre 2005. Les abris consistent en quatre tubes en fer courbés, sept plaques de tôle ondulée et des attaches en tôle ordinaire, ainsi que de la mousse pour isoler l'intérieur et protéger contre les rigueurs de l'hiver.


Le 8 octobre 2005, l'inimaginable est arrivé sans aucun avertissement : les maisons situées sur les rues en pente au sein de la ville se sont écroulées et ont glissé les unes sur les autres, tandis que les villages éloignés des montagnes ont enregistré des dégâts très importants. Les maisons construites en pierre et en terre séchée avec des toits en bois se sont effondrées et des familles entières ont été ensevelies. Selon les estimations du gouvernement, plus de 70 000 personnes ont péri et plus de 3,5 millions habitants dans la région se sont retrouvés sans abri. Les décombres où sont amoncelés des morceaux de béton qui formaient jadis les structures de restaurants, de magasins et de maisons rappellent ce jour funeste. Les restes des habitations se dressent comme un testament de ce qui fut une ville prospère comptant plus de 300 000 habitants.

Dix mois après, la vie continue parmi les gravats. Les gens traversent les décombres pour se rendre au travail ou au marché. Les enfants vêtus d'uniformes propres et soigneusement repassés vont en groupes à l'école où les classes ont été installées sous des tentes par le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et d'autres organisations locales. Certes, la vie continue pour ces gens dans la détresse, mais les défis sont énormess, car le manque de travail et d'abris convenables, ainsi que l'avenir incertain, constituent un lourd fardeau pour les rescapés.
Habitat for Humanity (HFH) Pakistan a fourni aux personnes dans le besoin des abris provisoires pour remplacer les tentes inadéquates, qui ne sont pas conçues pour résister aux rigueurs du climat dans la région. Depuis le début du projet à la mi-février 2006, l'Habitat Resource Center (HRC) a assemblé plus de 400 abris consistant en quatre tubes en fer et sept plaques de tôle ondulée. Chaque abri est isolé avec de la mousse qui protège contre le froid et le vent.

Partout, des plaines de Balakot aux villages reculés perchés en haut des collines surplombant la ville, on attend la construction de maisons permanentes. Alors que je traversais la communauté avec trois coordonnateurs de terrain d'Humanity for Habitat, immédiatement après un gros orage, les gens ont commencé à sortir de leurs tentes, leurs vêtements trempés par la pluie qui avait traversé la toile détériorée par les conditions climatiques. Un petit garçon est sorti portant un seau en métal rempli d'une eau saumâtre, l'a vidé sur le côté et est rentré sous la tente. Le coordonnateur du personnel du HRC, Shoaib Malik, s'est adressé à un groupe d'hommes et leur a expliqué que HFH leur fournirait des abris s'ils en avaient besoin ou si leurs tentes étaient en mauvais état. En l'espace de 15 minutes, une quinzaine d'hommes étaient à ses côtés, déclarant que leurs tentes n'étaient plus sûres pour leur famille et lui ont donné leur carte d'identité.

Nous avons regardé dans les tentes et évalué les besoins. Presque toutes avaient besoin d'être remplacées. Alors que nous nous apprêtions à partir, un adolescent s'est approché de Shoaib et lui a dit doucement : " Monsieur, s'il vous plaît, pouvez-vous venir voir où habite ma famille ? Je m'appelle Zakir (photo ci-dessus) et j'ai cinq frères et trois sœurs. Notre famille a vraiment besoin d'un nouvel abri. Si vous pensez que nous y avons droit, alors je vous en prie aidez-nous. Sinon, ce n'est pas grave ". Shoaib a acquiescé et nous avons suivi le garçon.
Alors que nous approchions, nous avons rencontré une petite fille de deux ans, tenant un bol de haricots à la main. Quand elle nous a vus, elle a couru retrouver sa mère et a disparu, passant ensuite la tête par un pan de la tente, poussée par la curiosité. Un garçon vêtu d'une chemise verte à manches longues est venu vers moi pendant que je prenais des photos, s'approchant si près de l'objectif que j'ai dû reculer. Il m'a touché la main et m'a regardé sans rien dire, et je me suis aperçu qu'une manche pendait d'un côté - il avait perdu un bras. Il ne parlait pas, mais me regardait fixement jusqu'à ce qu'un de ses frères le prenne par l'épaule et l'éloigne. À la vue des deux tentes où sa famille vivait, je réalisais que ce n'était pas d'un abri dont ils avaient besoin, mais de plusieurs.

La mère du garçon, Arshun-nisa, a pris sa plus jeune fille sur ses genoux et a dit à Shoaib : " Nous vivions dans un petit village dans les montagnes, appelé Knaia, à 60 kilomètres de Balakot. Lorsque le tremblement de terre a frappé, j'étais à l'intérieur de la maison avec mon fils Ilyas et ma fille. Le sol a commencé à trembler, puis les murs de la maison se sont effondrés et le toit s'est écroulé sur nous. C'est arrivé si vite que nous n'avons pas eu le temps de sortir de la maison. Quand on nous a dégagés des décombres, j'ai vu qu'Ilyas était gravement blessé. Son bras était en mauvais état et une grande partie de sa langue était arrachée ". Les routes étant bloquées, il a fallu cinq jours pour atteindre un hôpital. Le bras d'Ilyas était alors infecté et il a fallu l'amputer. Il a été soigné pendant près de trois mois. " Ilyas a beaucoup souffert après ", a-t-elle poursuivi. " Il ne peut pas parler et souffre de troubles de la personnalité. Nous n'avons pas les moyens de payer des soins médicaux. Je prie donc pour qu'un jour, il aille mieux. Cela va prendre du temps. "

Pour joindre les deux bouts, son mari Aliasghar, qui n'était pas là quand nous avons rencontré la famille, travaille là il peut, gagnant jusqu'à 4 000 roupies (66 dollars) par mois. " Pour l'instant, cela suffit pour survivre ", a-t-elle ajouté. " Nous avons eu de la chance de ne pas souffrir plus. Nous avons perdu tout ce que nous avions et ne pouvons pas revenir dans notre village parce que la zone n'est pas sûre. Nous espérons pouvoir un jour reconstruire ici, mais notre avenir est incertain. " Shoai a répondu qu'au cours des deux prochains jours, il construirait deux abris pour cette famille élargie. Zakir, qui se tenait un peu l'écart, a souri. " Nous vous remercions de votre aide ", a-t-il dit. " Ma famille a beaucoup souffert, nous vous sommes reconnaissants. "

Alors que les mois passent, les rescapés continuent d'attendre. Aucune décision n'a été prise pour commencer les travaux de reconstruction. Balakot est situé le long d'une ligne de faille instable, où les glissements de terrain sont courants et les risques de tremblements de terre réels. Pour le moment, les rescapés ne peuvent rien faire d'autre que d'attendre. Les emplois sont rares, et la construction d'habitations permanentes est interdite dans les limites de la ville. Avec l'approche de l'hiver, la population est inquiète. " Pour le moment, nous attendons ", dit Hamceduwah, 55 ans, qui a récemment reçu un abri d'Habitat. " Si nous avions un moyen de gagner notre vie, ce ne serait pas si difficile de survivre. Nous en avons la volonté et la force. Nous sommes chez nous ici. Nous ne voulons pas quitter cette région ", a-t-il commenté. " Nous croyons en Dieu et il nous aidera à trouver une solution. "

RECONSTRUIRE LES VIES

Le tracteur d'Habitat for Humanity (HFH) remorquant une scie à bois fixée sur une plate-forme en fer à deux roues, était un spectacle rare pour les villageois. Les hommes qui travaillaient dans les champs se sont arrêtés pour regarder, et les enfants ont couru à côté du tracteur. Il se dirigeait vers la montagne escarpée qui surplombe la ville de Balakot au nord du Pakistan, soulevant un gros nuage de poussière alors qu'il roulait sur une route de terre cahoteuse pendant ce voyage de deux heures vers le village de Serian. Quand nous avons atteint la périphérie du village, le conducteur a garé le tracteur dans un terrain vague. Il a été accueilli par un groupe d'hommes et une foule d'enfants qui sont accourus, touchant le tracteur et la scie métallique verte bizarre.

Presque tous les villages reculés éparpillés dans les chaînes montagneuses ont été détruits par le tremblement de terre survenu en 2005, qui a fait plus de 70 000 morts et laissé 3,5 millions de personnes sans abri. Ce lourd bilan est entre autres dû au fait que les maisons n'avaient pas de charpente et que leurs toits étaient construits de grosses poutres mesurant souvent plus de 4 mètres de long. Lorsque le séisme de magnitude 7,6 a frappé, le toit et les murs en pierre se sont effondrés.

L'Habitat Saw Mill Project a offert de couper gratuitement les poutres en planches plus petites pour reconstruire des maisons mieux conçues pour résister aux séismes. Un projet commun financé par HFH Japon et HFH Pakistan a permis d'acheter deux tracteurs, et Japan Platform, une organisation à but non lucratif qui reçoit des fonds privés et gouvernementaux au Japon, a fourni deux scies à bois. Du 1er juin au 30 août 2006, la première phase du projet a bénéficié à plus de 1 000 familles. " Jusqu'ici, plus de 1 900 personnes ont bénéficié de ces deux scieries mobiles, et lors de la seconde phase qui débutera en septembre, nous toucherons encore plus de gens et de villages ", a affirmé Shoaib Malik, membre du personnel d'Habitat Resource Center.

Au loin un homme qui portait sur son épaule une planche de bois de 3,50 m se dirigeait vers la scierie à l'aide d'une cane en bois pour assurer son équilibre. Arrivé à destination, il s'est délesté de son fardeau et est reparti chercher d'autres poutres chez lui. Je l'ai suivi à travers des buissons épais et de gros rochers jusqu'à sa maison située non loin de là. Dans un tas de bois soigneusement empilé, il a pris une poutre qu'il a placée sur son épaule après l'avoir mise en équilibre contre un mur. S'apprêtant à repartir pour rejoindre la scierie à 200 mètres, il s'est retourné et a souri.

Mahboob U-Rehman, âgé de 65 ans, a vécu dans ces montagnes toute sa vie. " Je n'ai jamais vu une scie comme celle-ci. On ne nous a jamais donné de quoi couper notre bois. Avant, nous utilisions ces énormes poutres pour soutenir le toit, mais quand le séisme a détruit toutes nos maisons, nous avons réalisé qu'elles n'étaient pas un matériau adéquat ", a-t-il indiqué. " J'ai l'intention de reconstruire ma maison, mais selon un système plus sûr, en construisant d'abord un muret en pierre de moins d'un mètre de haut, avec des murs en tôle ondulée au dessus. Ce bois servira à soutenir les murs et la toiture qui sera faite d'une plaque de métal. " Onze membres de sa famille bénéficieront de ce projet. " Le mois dernier, Habitat a fourni un abri à ma famille, nous sommes très reconnaissants de l'aide que vous nous avez apportée. "

Chaque famille reçoit 25 planches de bois. La maison de Mahboob abritera deux familles, il lui sera donc fourni 50 planches. " Si nous devions payer ce type de service, cela nous coûterait au moins 3 000 roupies (50 dollars) pour couper 25 planches ", a expliqué Shoaib. Au fur et à mesure que la journée avançait, les villageois venaient de plus en plus nombreux apporter du bois à couper et en quelques heures plus de 20 poutres étaient coupées en tronçons.

Mohammad Yousat, âgé de 60 ans, a une famille de huit membres. Ils ont perdu leur maison pendant le séisme, mais personne n'a été blessé. " Nous sommes tous très heureux que notre village ait pu bénéficier de ce projet. Après que le séisme a détruit nos maisons et emporté de nombreuses vies, nous savons qu'il est dangereux d'utiliser du bois de construction trop lourd ", a-t-il dit. " Nous utiliserons des plaques de tôle ondulée pour les murs au lieu de la pierre, et le bois servira pour soutenir les murs et le toit. C'est une construction plus sûre au cas où un autre séisme surviendrait. Nous sommes très reconnaissants à Habitat. Aucune autre organisation n'est venue dans notre village pour nous porter assistance. Nous pensions que personne ne se souciait de nous parce que nous sommes trop loin de la ville. "

Durant plus de quatre mois, le HFH Saw Mill Project a fourni un service de coupe de bois dans les villages de montagne reculés. Le Projet renforcera son soutien en achetant une scie et un générateur mobile supplémentaires qui pourront rester sur place pendant un maximum de deux semaines, en fonction des besoins de la communauté.

 

Biographie
Mikel Flamm est un photojournaliste établi à Bangkok, en Thaïlande. Fréquemment sollicité par Habitat for Humanity International, il a également travaillé pour Getty Images.
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