Chronique ONU

LES DROITS DES ENFANTS DE MIGRANTS
UNE LACUNE À COMBLER

Par Francesca Musiani

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L'article

Le mouvement de personnes au-delà des frontières nationales est un phénomène qui relève de plus en plus de la politique publique mondiale. Pourtant, bien que la migration internationale touche des millions de personnes dans le monde et ait des répercussions importantes sur l'équilibre national et international, les analyses de fond et les débats sur les questions de migration sont souvent relégués au second plan dans les débats politiques.

Dans de nombreux cas, les États ont été incapables de faire face aux changements soudains qui sont survenus. Alors qu'il faudrait une réponse mondiale, la question de la migration est traitée soit au niveau national soit au niveau local, sans concertation avec les autres pays, souvent considérée " trop politique " pour être traitée au niveau international. En conséquence, les politiques d'immigration sont souvent perçues comme une question de mécanismes juridiques élaborés qui excluent des territoires nationaux les migrants en situation irrégulière. Il est donc crucial d'établir un cadre politique coordonné traitant des droits des personnes se déplaçant au-delà des frontières, soutenu par une institution chargée de la migration internationale capable de prendre et de mettre en œuvre des décisions efficaces.
Article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme Illustration de l'artiste brésilien Octavio Roth

Dans le vaste domaine de la migration, une question particulièrement délicate est celle des enfants dans les mouvements transfrontières. Les groupes de la société civile, les groupes d'universitaires et les organisations des droits de l'homme estiment que les décideurs politiques devraient accorder une attention particulière et rapide aux questions liées aux enfants de migrants. Mary Robinson, la première femme à être présidente de l'Irlande, fondatrice et présidente de Realizing Rights: The Ethical Globalization Initiative (EGI), a clairement exprimé ce point de vue en octobre 2004 lors de son allocution adressée au Columbia University Institute for Child and Family Policy. " Les normes et les mécanismes des droits de l'homme acceptés à l'échelon international, particulièrement ceux qui concernent les droits économiques, sociaux et culturels, peuvent être utilisés plus efficacement pour relever certains défis mondiaux les plus urgents, comme les inégalités en matière de politiques commerciales internationales et les normes de la santé mondiale ou […] les problèmes associés au mouvement transfrontière de vastes populations, dont des millions d'enfants ", a-t-elle affirmé.

D'après une étude financée par le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et publiée en 2003 par l'université de Bristol et la London School of Economics and Political Science, intitulée La pauvreté des enfants dans les pays en développement, plus d'un milliard d'enfants, dont plus de la moitié vivent dans les pays en développement, sont privés d'" au moins un besoin de base ", comme la nourriture, l'eau potable, les installations d'assainissement et les soins de santé. Plus de la moitié de ces enfants sont également privés d'au moins deux de ces besoins fondamentaux et vivent donc dans une pauvreté extrême. La Convention internationale relative aux droits de l'enfant reconnaît qu'"il y a dans tous les pays du monde des enfants qui vivent dans des conditions particulièrement difficiles, et qu'il est nécessaire d'accorder à ces enfants une attention particulière ". Elle souligne également l'importance de la coopération internationale pour améliorer les conditions de vie des enfants, en particulier dans les pays en développement. Pourtant, les engagements juridiques et politiques font trop souvent défaut.

Une première initiative importante vers un engagement mondial a été réalisée en septembre 2000 avec la signature de la Déclaration du millénaire des Nations Unies, stipulant que les dirigeants mondiaux " ont des devoirs […] à l'égard de tous les citoyens du monde, en particulier les personnes les plus vulnérables, et tout spécialement les enfants, à qui l'avenir appartient ". Mais les Objectifs du Millénaire pour le développement, décrits dans la Déclaration comme des cibles devant être atteintes d'ici à 2015, sont encore loin d'être réalisés. Selon l'étude financée par l'UNICEF, le manque d'investissements pour améliorer l'éducation, la santé et les services publics dans de nombreux pays aggrave la pauvreté. Pour l'ancienne Haut Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, Mary Robinson, ce type de pauvreté est l'une des " principales causes de la migration aujourd'hui ", car " la pauvreté pousse les gens à quitter leur lieu de résidence à la recherche d'une vie meilleure pour eux et leurs enfants ".

Les organisations comme l'UNICEF et Human Rigths Watch, ainsi que les projets comme l'Initiative pour une mondialisation éthique, encouragent les stratégies visant à accroître la reconnaissance des droits des migrants. Ces droits ne sont pas couverts de manière adéquate par le droit international relatif aux droits de l'homme, qui est davantage orienté vers la protection des migrants ayant un statut particulier, comme les réfugiés, les apatrides et les diplomates, alors que les lois nationales traitent davantage des droits des citoyens, ce qui donne lieu à ce qu'on appelle " une lacune dans la protection ". De par leur " immaturité physique et mentale " qui nécessite des garanties et une attention spéciales, les enfants risquent de souffrir davantage des conséquences de cette lacune.

Dans le but de combler cette lacune du système juridique international, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté en 1990 la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, document qui fournit des directives pour la protection des migrants contre les arrestations arbitraires ainsi que pour le droit à une représentation légale, le droit à mener une vie privée et à participer aux réunions et aux activités des syndicats de travailleurs. Mais la Convention n'a été ratifiée que par 27 États. La Convention relative aux droits de l'enfant fournit une base juridique spécifique à la protection des enfants de migrants. Selon Mme Robinson, ses principes sont clairs et pertinents et " devraient contribuer à l'élaboration progressive de politiques pour protéger les droits sociaux et économiques de toute personne âgée de moins de 18 ans, quel que soit son statut, y compris les jeunes ", comme l'enregistrement de sa naissance, le droit à la nationalité, l'accès gratuit aux soins de santé de base, la protection contre les abus sexuels et l'exploitation sexuelle et toutes les autres mesures destinées à prévenir la traite des êtres humains.

Le Secrétaire général Kofi Annan et un certain nombre de gouvernements ont lancé la Commission mondiale sur les migrations internationales qui a pour objectif de fournir un cadre pour la formulation d'une réponse cohérente, complète et mondiale à la question de la migration internationale. Lors de la conclusion de ses travaux en décembre 2005, la Commission a réaffirmé la nécessité d'adopter une approche privilégiant les droits de l'homme " en intégrant les principes fondamentaux aux droits de l'homme et les normes du travail dans les politiques ". Elle a également souligné la vulnérabilité des migrants, en particulier des femmes et des enfants, " tout spécialement ceux qui sont employés de maison et victimes du trafic, ainsi que les travailleurs migrants exploités dans leur travail ".

Aujourd'hui, le défi consiste à créer une situation où les migrants peuvent vivre dans la dignité et où la migration devient un choix informé plutôt qu'une stratégie de survie. Pour commencer, les États pourraient reconnaître que la Convention sur la protection des travailleurs migrants est directement issue des principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Convention relative aux droits de l'enfant, et devraient donc être plus nombreux à la ratifier. Cela pourrait être un premier pas vers un avenir qui appartient vraiment aux enfants.

 
 
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