Chronique ONU

LE FLUX DES MIGRANTS CLANDESTINS
LE RÊVE D'UNE VIE MEILLEURE PAR LE BIAIS DE RÉSEAUX CLANDESTINS

Par Letizia Lupini

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L'article

La mondialisation entraîne le mouvement de personnes qui construisent un réseau complexe d'interdépendances mondiales et sociales au-delà des frontières. Selon la Division de la population des Nations Unies, 191 millions de personnes, représentant 3 % de la population mondiale, vivaient hors de leur pays d'origine en 2005 - un changement important comparé aux 75 millions en 1960. Dans son rapport 2002, " Renforcer les Nations Unies ", le Secrétaire général Kofi Annan a estimé que la migration internationale était une question essentielle sur laquelle l'Organisation devait se pencher de plus près en réunissant plus d'informations et en menant une action plus efficace.

Non seulement le nombre de migrants internationaux a plus que doublé au cours des 45 dernières années mais le flux de migrants en situation irrégulière a rapidement augmenté. L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déclaré que la migration clandestine " a lieu en dehors des règles et des procédures régissant le mouvement de personnes entre les pays ". On estime qu'en Europe, le nombre de migrants sans papiers varie entre 3 et 8 millions.

Après avoir traversé le désert pout échapper à un point de contrôle, des Ethiopiens arrivent à l'aube à la péripherie de Bossaso, un port animé du Puntland, et entrent discrètement dans la ville à la rechereche d'un emploi ou d'un voyage clandestin par mer. Photo HCR/K. Mckinsey

Même si les gouvernements n'ont pas toujours des chiffres exacts sur les migrants clandestins, on dispose d'informations précises sur des pays d'entrée en Europe. Les données de l'OIM montrent que plus de 27 000 immigrants illégaux sont arrivés aux îles Canaries (Espagne) entre janvier et octobre 2006, et que plus de 17 000 sont arrivés à Lampedusa (Italie). Les autres destinations privilégiées sont le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas et la France. On estime qu'environ 500 000 sans-papiers vivent au Royaume-Uni.

Pour les pays en développement, le bien-être et la prospérité représentent un rêve souvent inaccessible. Le phénomène de la migration concerne généralement les personnes qui cherchent à échapper à la misère, avec l'espoir de commencer une nouvelle vie dans un pays qui leur offrira de meilleures opportunités économiques et sociales, ainsi que les réfugiés politiques et les réfugiés fuyant la violence et les conflits. Cependant, la migration légale offre des opportunités souvent limitées en raison de politiques restrictives et de la réticence des gouvernements à accepter des travailleurs migrants non qualifiés.

Les réseaux clandestins privés jouent un rôle considérable en tant que voies intermédiaires entre les migrants et le pays d'accueil, spécialement dans le choix d'une destination finale. Ils sont fondés sur les relations personnelles entre les migrants et leurs proches, leurs connaissances, leurs voisins et leurs amis. Souvent victimes d'une propagande trompeuse, ils prennent des décisions peu judicieuses, nourris de faux espoirs. Il est extrêmement difficile pour ceux qui essaient d'entrer dans un pays étranger de passer outre le contrôle placé au point d'entrée. Pour éviter les contrôles aux frontières, certains ont recours aux réseaux organisés, devenant souvent des victimes et cherchant l'aide de passeurs qui sont des criminels sans scrupule.

Généralement, les immigrants illégaux ignorent que la traite des personnes, l'esclavage, l'exploitation, qui sont des violations des droits de l'homme, sont souvent organisés par ces réseaux clandestins. Selon Jacqueline Bhabba, directrice exécutive de l'University Committe on Human Rights à Harvard University, on estime que 800 00 personnes passent clandestinement les frontières chaque année. La migration des travailleurs clandestins concerne principalement les hommes, mais les femmes et les adolescents sont plus vulnérables à la traite des êtres humains et sont souvent victimes de viols et d'exploitation sexuelle.

Motivés par l'appât du gain, les trafiquants ont souvent recours à des méthodes malhonnêtes, au lieu de mener à bien la transaction à la satisfaction du migrant. Les services promis ne sont pas fournis et les clients sont trompés par les publicités et les offres. Par exemple, on a rapporté que des migrants en transit en Afrique de l'Ouest ont été abandonnés par des trafiquants dans des régions désertes, ou pris à bord de petites embarcations en direction des îles Canaries puis jetés à la mer, ou privés d'argent et de leurs biens et abandonnés en plein désert. Dans certains cas, les passeurs les abandonnent, craignant d'être pris par la police des frontières.

En octobre 2005, plus de 200 migrants sans papiers venant du Mali ont été laissés en rade au Maroc, puis secourus par l'OIM et reconduits dans leur pays. Le porte-parole de l'OIM, Jean-Philippe Chauzy, qui s'est entretenu avec certains d'entre eux, a expliqué que les migrants ignorent souvent les faits et les risques concernant les conditions de transport. Les situations précaires qu'ils rencontreront dans le pays de destination ne suffisent souvent pas à les dissuader de poursuivre leurs rêves. L'un des rescapés a raconté que les passeurs les avaient abandonnés dans le désert et volé tous leurs effets personnels, y compris leurs économies. Grâce à l'aide et à la générosité de bergers locaux, qui leur ont donné de l'eau et de la nourriture, ils ont réussi à survivre. Une fois qu'ils ont perdu l'espoir et l'optimisme, y compris leurs économies, ils ne désirent qu'une chose, retourner chez eux en toute sécurité. C'est pourquoi tous les migrants maliens ont immédiatement signé la déclaration de retour volontaire. Un des migrants interrogés a dit qu'il avait vendu des vêtements d'occasion dans la rue pendant trois ans pour mettre de l'argent de côté, espérant immigrer en France, mais qu'il rentrait au Mali avec seulement 5 francs en poche. La dure réalité est qu'un grand nombre de ces migrants ont économisé de l'argent pendant plusieurs années pour reconstruire leur vie dans un pays qui pouvait leur offrir une plus grande sécurité.

Mamadou Diakite, qui travaille pour une organisation non gouvernementale offrant une assistance aux migrants bloqués au Maroc, sait qu'ils ont été marqués physiquement ou psychologiquement par cette expérience et qu'ils ont honte de retourner chez eux, démunis. Selon lui, la seule solution pour mettre fin à ce problème est d'investir dans ces gens, de les aider à réaliser leur rêve et de les convaincre qu'ils ont un avenir dans leur propre pays. Une action doit être menée pour éliminer les causes profondes des mouvements de réfugiés et de migrants dans ces pays, telles que la persécution, les conflits armés, la pauvreté et les inégalités. Au cours des dernières années, de nombreuses tragédies ont persuadé la communauté internationale d'intensifier la lutte contre le trafic des migrants illégaux. Par exemple, en 2000, dans le port anglais de Douvres, 58 migrants clandestins chinois ont été retrouvés morts asphyxiés dans un camion qui devait les transporter au Royaume-Uni. Depuis la fin des années 1980, les passeurs chinois, appelés " têtes de serpent " ont acheminé des dizaines de milliers d'immigrants sans papiers dans d'autres pays.

Les Nations Unies ont mis en place une série de normes et d'instruments internationaux liés à la prévention du trafic de migrants et de la traite des personnes et à la protection des réfugiés. En 2000, l'Assemblée générale a adopté la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée - un instrument juridique contraignant qui est entré en vigueur le 29 septembre 2003 - assortie de protocoles additionnels sur des questions spécifiques. Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, mer et air, signé en décembre 2000 à Palerme, en Italie, vise à prévenir et à combattre le trafic illicite de migrants et à promouvoir la coopération et l'échange d'informations entre les États Parties. Il comporte une série de mesures et d'actions nécessaires visant, entre autres, à renforcer la criminalisation du trafic de migrants en clarifiant la nature du crime et en appliquant des sanctions plus lourdes et plus cohérentes entre les pays. En ratifiant le Protocole, les États Membres s'engagent à renforcer leur législation nationale afin de lutter contre le trafic illégal de personnes, en particulier pour promouvoir la coopération en matière d'application du droit international.

Ces initiatives internationales ne vont pas à l'encontre des migrants ou de la migration. Au contraire, elles découragent la criminalité organisée et l'exploitation humaine tout en reconnaissant l'importance des mouvements transfrontaliers. La migration internationale est une partie vitale de la mondialisation car elle peut jouer un rôle essentiel dans le développement et la réduction de la pauvreté. Cependant, pour améliorer ces objectifs, il est nécessaire de mettre en place une stratégie internationale entre tous les pays. Les 14 et 15 septembre 2006, l'Assemblée générale a organisé un Dialogue de haut niveau sur les migrations et le développement, où le Secrétaire général Kofi Annan a reconnu la détermination des États " à s'attaquer aux défis de la migration par le dialogue et la coopération, plutôt que par l'antagonisme et l'isolement ". Il a également proposé la création d'un forum mondial, qui se réunira pour la première fois en 2007 en Belgique, où les pays discuteront et échangeront leurs meilleures idées et pratiques sur les questions liées à la migration.

Cependant, une gestion efficace des politiques de migration internationale ne suffit pas toujours. Pour réduire les mouvements illégaux entre les frontières, il est aussi nécessaire d'aborder la question des futurs migrants. Plusieurs campagnes ont été menées dans des pays qui connaissent un taux élevé de migration clandestine. En juillet 2006, l'Albanie a lancé la campagne " La migration sans risque est un choix et une opportunité " afin de démontrer comment les personnes peuvent se procurer des informations fiables et éviter les dangers et les risques encourus, comme la déportation et le trafic de migrants. En septembre, l'OIM a lancé un programme similaire en Afghanistan pour accroître la sensibilisation parmi les migrants sur les abus liés aux réseaux de la migration clandestine. Ces deux campagnes utilisent des outils d'information, comme des annonces à la télévision et à la radio, des documentaires, des brochures et des affiches, fournissent des services de téléassistance et mettent en place des centres d'information. Comme il est reconnu que le problème concerne le manque d'informations sur les dangers auxquels les migrants font face lors des voyages à l'étranger, il est crucial d'intégrer des politiques de migration efficace aux initiatives pour que ces personnes utilisent les voies normales.

 
 
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