Chronique ONU

DES BIBLIOTHÈQUES NUMÉRIQUES SCIENTIFIQUES
pour promouvoir les sciences dans les pays en développement

Par DJ Patil, James Simon et Susan Cumberledge

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L'article



La recherche scientifique et technique est le moteur de nombreux aspects du développement économique moderne. Une étape décisive vers la création d'une infrastructure de recherche efficace consiste à fournir l'accès des chercheurs et des ingénieurs aux connaissances scientifiques de pointe, ainsi qu'aux mécanismes destinés au développement de programmes de collaboration internationaux. Les revues professionnelles en format électronique sont dépositaires du savoir scientifique et technique actuel. La création de bibliothèques numériques scientifiques, qui sont des portails d'accès utilisant les technologies Internet modernes, est une solution plus efficace, moins coûteuse que l'achat et le maintien de milliers de revues papier.


Il y a moins d'une décennie, la plupart des collections des bibliothèques scientifiques consistaient en des catalogues sur fiches et en un nombre important de revues et d'ouvrages papier. Un changement radical s'est produit à la fin des années 1990 quand les maisons d'édition ont commencé à proposer les collections de revues en format numérique. Actuellement, dans les pays développés, la plupart des chercheurs accèdent aux revues de recherche par les bibliothèques numériques parrainées par les universités. Les écrans d'ordinateur ont remplacé les feuilles de papier et les technologies de recherche avancées ont supplanté les catalogues sur fiches. L'adoption du format numérique a eu un impact considérable sur l'accès à l'information. Il est possible de rechercher des milliers d'articles, nouveaux et anciens, par sujet, à l'aide d'un simple clic. Les sites proposent des liens à d'autres articles, à des bases de données, à des bibliographies et à des adresses électroniques.


La révolution numérique a, à la fois, amélioré la qualité de la recherche et augmenté le nombre de personnes ayant accès au matériel de recherche. Cette technologie, qui peut être facilement incorporée dans les pays en développement, peut avoir un impact significatif sur l'enseignement supérieur et la recherche. Les fonds nécessaires pour créer et maintenir un portail Internet sont moindres que ceux qu'il faut investir pour la construction et le maintien de bibliothèques. Cette infrastructure minimale signifie qu'une vaste partie du budget d'une bibliothèque peut désormais être consacrée à l'abonnement aux revues. Tandis que les coûts d'abonnement peuvent être élevés, les maisons d'édition scientifique et les sociétés d'éditions professionnelles acceptent souvent d'offrir des tarifs réduits aux pays en développement.

La Bibliothèque virtuelle scientifique irakienne (IVSL en anglais) a pour objectif de combler le fossé numérique et de soutenir l'éducation et la recherche scientifiques dans les pays en développement. Le projet a été créé en 2005 à l'initiative d'un groupe de membres de la section Politique de science et de technologie de l'Association américaine pour le progrès de la science (AAAS) qui a commencé à travailler avec le Département de la Défense des États-Unis, Sun Microsystems Inc., la National Academies of Sciences des États-Unis (NAS) et la Fondation de recherche et de développement (CRDF). Ce groupe américain, en collaboration avec le ministère irakien de l'Enseignement supérieur, a créé l'IVSL (http://ivsl.org). La bibliothèque dessert sept grandes universités irakiennes, le ministère de l'Enseignement supérieur et celui de la Science et de la technologie ainsi que plusieurs instituts de recherche.
Grâce aux réductions importantes accordées par les grandes maisons d'édition, la bibliothèque a pu négocier une collection exceptionnelle de revues spécialisées dans divers domaines, notamment la biologie, la chimie, les sciences informatiques, l'ingénierie et les mathématiques. Elle offre actuellement aux étudiants, aux professeurs et aux chercheurs l'accès à plus de 17 000 publications, des cours en ligne, des bases de données et des ressources spécialisées. Le projet a été financé par le Département américain de la Défense et la CRDF. À ce jour, le budget total représente moins de 400 000 dollars. Les dépenses importantes ont concerné l'acquisition de licences auprès des éditeurs et des sociétés d'éditions professionnelles, environ 10 % du budget étant consacré à la conception, à la création et au maintien du portail Internet et 20 % à la formation de l'utilisateur et à des frais divers.

L'IVSL est une bibliothèque universitaire en ligne, qui sert de porte d'entrée et de guide à l'information. L'accès au site ne nécessite aucune inscription mais celle-ci est obligatoire pour télécharger les publications. D'autres ressources publiques, comme les cours ouverts en ligne du Massachusetts Institute of Technology, seront aussi proposées et facilement accessibles à tous les groupes.

Comment fonctionne la Bibliothèque ? Les chercheurs des institutions soumettent une demande en ligne qui est envoyée au service des inscriptions, où l'on vérifie que le candidat est membre de l'institution, après quoi il est accepté ou refusé. On donne aux utilisateurs approuvés un mot de passe et ceux-ci peuvent ensuite accéder à la bibliothèque électronique à partir de n'importe quel ordinateur connecté à Internet, même dans un cybercafé. La bibliothèque protège les informations personnelles et ne stocke pas les informations spécifiques à chaque utilisateur ni les sujets de recherche. Mise en service pour la première fois le 1er janvier 2006, elle a connu un succès immédiat. Chaque mois, le nombre d'utilisateurs inscrits et d'articles téléchargés augmente. Par exemple, selon l'Institute of Electrical and Electronics Engineers, Inc., les utilisateurs de la bibliothèque irakienne ont téléchargé plus de 8 000 articles en mai.

Le portail Internet est actuellement hébergé aux États-Unis. La CRDF et Sun Microsystems Inc. travaillent avec le gouvernement irakien pour transférer la bibliothèque en Irak. Des projets d'hébergement local comprennent des dons de matériel informatique, le développement de logiciels à source ouverte et la formation en technologies de l'information. Par la suite, l'IVSL sera entièrement gérée et financée par les Irakiens. Pendant la phase de transition en cours, l'un des objectifs est de créer une communauté de développement de logiciels pour les bibliothèques virtuelles scientifiques. Ce groupe appuiera la mise en œuvre future en Irak et dans d'autres pays en développement.

Le succès de cette initiative est le fruit de partenariats public-privé efficaces. La NAS a identifié les revues appropriées et négocié des accords de licence avec les éditeurs, qui ont fourni des collections à des prix très réduits. Sun Microsystems Inc. a fourni des conseils techniques sur le développement et l'organisation de sites Internet, la formation en matière d'administration du système et de programmation informatique ainsi que des serveurs pour chacune des universités participantes. Useful Utilities a fait don de plusieurs logiciels essentiels et Skype a fourni des écouteurs et des logiciels de communication.

La bibliothèque numérique irakienne illustre la tendance croissante à la création de bibliothèques numériques scientifiques pour les universités dans les pays en développement. Les Nations Unies parrainent actuellement deux bibliothèques électroniques spécialisées : l'Initiative pour l'accès à la recherche dans le réseau international pour la santé (HINARI), développée par l'Organisation mondiale de la santé, et l'Accès à la recherche mondiale en ligne sur l'agriculture (AGORA), développé par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture. Les abonnements à leurs revues électroniques sont disponibles selon une échelle mobile, les pays dont le produit intérieur brut par habitant est inférieur à 1 000 dollars bénéficiant d'un accès gratuit. D'autres pays comme le Pakistan négocient directement avec les éditeurs et créent des bibliothèques scientifiques avec le soutien de leur pays.

Le savoir est une arme puissante. Les bibliothèques scientifiques électroniques sont des programmes efficaces qui peuvent avoir un impact immédiat sur la recherche scientifique et technique dans les pays en développement. Elles sont essentielles non seulement pour la recherche mais aussi pour promouvoir l'infrastructure, les soins de santé, l'agriculture et la prospérité économique. Alors que le projet IVSL progresse, les auteurs travailleront à développer une communauté mondiale de bibliothèques électroniques qui encourage les meilleures pratiques et les démarches pragmatiques adaptées aux besoins de nombreuses cultures et économies. Il est à espérer que le succès de la bibliothèque et des projets financés par les Nations Unies, comme HINARI et AGORA, encouragera tous les pays à participer et à tirer parti des nouvelles technologies pour combler le fossé numérique.

 

Biographie


 

 

 

 

DJ Patil (à gauche) est l'un des principaux créateurs d'ebay Inc. Il a été membre 2004-2005 de la section Politique de science et de technologie d'AAAS du Département américain de la Défense. Auparavant, il a enseigné à l'Institut des sciences physiques et de la technologie à l'University of Maryland.

James Simon est expert en technologie et l'un des créateurs des marchés mondiaux de l'éducation, du gouvernement et des soins de santé de Sun Microsystems. Il possède une expérience importante en architecture, en ingénierie et en expertise-conseil.

Susan Cumberledge est professeur associée de biochimie et de biologie moléculaire à l'University of Massachusetts, à Amherst, et membre 2004-2005 de la section Politique de science et de technologie d'AAAS.

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