Chronique ONU

LE DROIT À LA SÉCURITÉ

ASSURER LA SÛRETÉ DES ÉCOLES POUR LES ENFANTS

Par Ben Wisner

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L'article

Personne ne sait exactement combien de personnes sont mortes dans le séisme qui a frappé le Cachemire en octobre 2005, à neuf heures du matin, alors que les enfants étaient à l'école. D'après les estimations, un grand nombre de femmes à la maison et d'écoliers1 figuraient parmi les quelque 55 000 victimes. S'appuyant sur les estimations du gouvernement pakistanais, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a indiqué qu'au moins 17 000 enfants ont péri sous les décombres de 6 700 écoles dans la province du nord-ouest et de 1 300 autres au Cachemire sous contrôle pakistanais, selon les nouvelles en ligne de la BBC le 31 octobre 2005.


Une jeune survivante parmi les décombres de l'école à Balakot, près d'un charnier de 45 élèves qui ont été tués dans leur l'école lorsque le séisme est survenu. Photo HCR/B.Balock

Avant la Conférence sur la réduction des catastrophes en 2004, un grand nombre d'experts ont attiré l'attention sur l'exposition des écoliers aux risques sismiques. Selon un rapport détaillé de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)2, les améliorations dans la construction et la conception de la plupart des établissements scolaires ne sont ni onéreuses ni difficiles à réaliser du point de vue technique. Une approche progressive dans le renforcement du cycle normal d'entretien pourrait permettre de réduire le coût. Peu avant, le Japon, pays hôte de la Conférence, avait annoncé le financement d'un nouveau programme visant à réduire les risques sismiques en milieu scolaire dans la région Asie-Pacifique3.

Plus récemment, GeoHazards International (www.geohaz.org) et l'OCDE se sont associés à un effort international pour développer un audit indépendant de programmes de construction d'établissements scolaires au niveau national afin de renforcer les codes et les normes en matière de construction ainsi que l'inspection des pratiques dans les pays de l'OCDE. Le problème ne porte pas tant sur le développement et la diffusion des normes au niveau international que sur la corruption qui touche le secteur de la construction publique et privée.


Une classe dans une école de fortune dans un camp de Jalalabad, un camp d'urgence installé à Muzaffarabad au Cachemire sous contrôle pakistanais. Photo HCR/B.Balock

En 2004, deux ans après la mort de 26 écoliers dans un tremblement de terre en Italie, j'ai vérifié, avec l'aide d'un groupe de neuf collègues, la sûreté des écoles dans les zones sismiques actives4. Nous avons estimé que durant la décennie 2004-2014, 4 800 écoliers mourront probablement à la suite d'un séisme. Ces chiffres semblant trop élevés, nous avons de nouveau vérifié nos méthodes et nos données, mais la tragédie survenue au Cachemire montre que nous avons sous-estimé les risques. Nous avons également combattu l'idée qu'il y a un conflit entre le droit à l'éducation et le droit à la sécurité et que la construction des bâtiments empiéterait sur les budgets scolaires alloués aux salaires et au matériel scolaire, ces budgets venant de sources différentes.

Un grand nombre de bâtiments scolaires nécessitent une inspection et des travaux d'amélioration. L'UNICEF estime qu'il faudrait construire, entre 2004 et 2007 seulement, plus de 7 500 nouvelles écoles en Afghanistan afin d'atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement. D'autre part, en Californie (États-Unis), 8 000 bâtiments scolaires ayant des structures non ductiles nécessitent des travaux5. Étant donné l'ampleur de la tâche et l'importance des conditions locales, il est impératif que les parents, les enseignants et les collectivités locales s'engagent à promouvoir la sûreté des bâtiments scolaires.

Nous avons également examiné des études de cas du Népal, d'Algérie, du Canada, de Turquie et d'Italie. Des initiatives ont été entreprises avec la participation des parents et des enseignants et de nombreux projets ont abouti en utilisant une technologie à bas coût. Ailleurs, des réseaux ont été mis en place pour assurer la sûreté des bâtiments scolaires avec l'appui de l'Organisation des États américains6, y compris en Asie avec l'assistance du Centre des Nations Unies pour le développement régional.

Que manque-t-il au tableau ? La prise de conscience et la volonté politique. Pour que l'initiative " Éducation pour tous " porte ses fruits, il faudra construire de nouvelles salles de classe pour accueillir les nouveaux élèves. De plus, la protection des écoles contre les séismes n'entraînent par des dépenses élevées. Une nouvelle organisation est créée pour promouvoir la sûreté des établissements scolaires. La Coalition for Global School Safety (COGSS) s'inspire des actions entreprises depuis quelques années par des parents et des personnes concernées. Tracy Monk, médecin généraliste à Vancouver, en Colombie-Britannique, Arrietta Chakos, responsable municipale à Berkeley, en Californie, et Amod Dixit, de Katmandou, au Népal, ont mobilisé les parents et les communautés scolaires locales pour que des travaux soient entrepris afin d'améliorer la sécurité des écoles. D'autres personnes concernées, désirant soutenir ses initiatives locales, œuvrent pour établir la COGSS dans le monde entier.

La Coalition vise à améliorer la prise de conscience, à présenter des preuves irréfutables des risques, à promouvoir des méthodes de réduction des risques et des stratégies au niveau local. La COGSS ne construit pas des écoles mais œuvre à renforcer leur sécurité. Avec le soutien de la section de l'Institut de recherche sur le génie parasismique, établi dans le nord de la Californie7, elle a créé un site Internet et un CD constitué d'un série de diapositives montrant les catastrophes causées par les séismes dans les écoles et celles qui ont été évitées de justesse pour célébrer le centième anniversaire du tremblement de terre survenu à San Francisco en 1906. Diverses parties prenantes couvrant plus d'une dizaine de disciplines participeront à la manifestation en soumettant des articles aux revues spécialisées et aux magazines populaires afin de stimuler un changement de paradigme culturel dans le monde. À tous les niveaux, il est important de contribuer à la protection des écoles.

Notes

1 Reuters AlertNet, "Women's place at home their undoing in Kashmir quake", 14 octobre 2005.

2 OCDE, Leçons sur le danger : la sûreté et la sécurité des écoles. Paris : OCDE, 2004.

3 " Aide de soutien au " projet visant à réduire la vulnérabilité des écoliers aux séismes' dans la région Asie-Pacifique ", 3 décembre 2004.

4 School Seismic Safety: Falling between the Cracks?, 25 août 2005.

5 Sharon Bernstein, "How Risky are Older Concrete Buildings?", Los Angeles Time, 11 octobre 2005.

6 Le programme de l'OAS consacré aux écoles a été choisi par le ProVention Consortium pour sa liste de " bonnes pratiques ".
(www.proventionconsortium.org/goodpractices/eduplan.htm)

7 Le programme de la section de l'EERI Northern California sur la sûreté des écoles en cas de séismes (www.quake06.org/
quake06/task_committees_school_safety.html).

 

Biographie
Ben Wisner est chargé de recherche dans le cadre du programme pour les États en crise de l'Institut de développement à la London School of Economics et au Centre de recherche de Benfield sur les risques, à l'University College London. Si vous souhaitez participer à la COGSS, veuillez prendre contact avec Marla Petal à mpetal@imagins.com
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