Chronique ONU
Microcrédit
Réduire la pauvreté et rendre les communautés autonomes
Par Paritosh Srivastava

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L'article
Un jour de 1974, Mohammed Yunus, fondateur de la Grameen Bank, a rencontré une femme d'un petit village du Bangladesh qui fabriquait des chaises en bambou destinées à la vente. Or, malgré ses efforts, il ne lui restait pratiquement rien après avoir payé les intermédiaires qui lui fournissaient les bambous bruts. Il s'est rendu compte que 42 villageois étaient dans la même situation et avaient accumulé une petite dette de 27 dollars. Il a aussitôt remboursé leur dette pour ne plus avoir affaire aux prêteurs et s'est par ailleurs porté garant pour les pauvres auprès de la banque locale1. C'est ainsi que débuta un long travail pour éradiquer la pauvreté et permettre aux personnes privées de services financiers, en particulier les femmes, de devenir autonomes.

Malgré les nombreux conseils des banques et des gouvernements, M. Yunus a commencé à accorder des microcrédits et, en 1983, il a fondé la Grameen Bank qui octroyait de petits prêts aux entrepreneurs trop pauvres pour prétendre aux prêts bancaires classiques. Depuis, le concept du microcrédit a fait son chemin. De nombreux organismes de développement ont compris le rôle essentiel qu'il joue dans la réduction de la pauvreté et les institutions financières réalisent les opportunités qu'il offre.

Une raison majeure pour laquelle les pauvres ne peuvent sortir de la pauvreté vient du fait qu'ils ne disposent pas de crédits suffisants pour investir dans de petites entreprises. Ils n'ont pas accès aux crédits simplement parce que les institutions financières les considèrent comme étant un risque, n'ayant souvent pas d'assureur ou de dépôt de sécurité pour garantir le remboursement du prêt2. Cependant, les mentalités changent lentement. Les banques de microcrédit, qui aident les plus démunis, partent du principe que les pauvres doivent, eux aussi, pouvoir accéder au crédit.

Pour sensibiliser davantage le public et obtenir un soutien à l'échelle mondiale, en particulier des institutions financières, les Nations Unies ont proclamé 2005 l'Année internationale du microcrédit (AIM), dont l'objectif est d'éradiquer la pauvreté, d'encourager les partenariats entre les institutions financières afin de fournir des services adéquats aux plus démunis et d'évaluer le rôle de la microfinance dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Des conseillers et des porte-parole ont été chargés de faire connaître et de promouvoir le concept de la microfinance, y compris les objectifs de l'AIM. De plus, l'Assemblée générale de l'ONU encourage les États Membres à créer des comités nationaux ou des points locaux pour commémorer et mettre en ouvre les activités nationales dans le cadre de l'AIM. Il existe à ce jour plus de 50 comités.

Au cours de l'année, des conférences et des rassemblements sont également organisés dans le monde afin de promouvoir le concept, mobiliser les investisseurs et obtenir le soutien des établissements financiers qui n'ont pas exploité les immenses possibilités offertes par la microfinance. Pour encourager les institutions financières à fournir des services aux démunis, le Fonds d'équipement des Nations Unies, en collaboration avec la Financial Women's Association, Women Advancing Micro-Finance, Women's Association of Venture and Equity et Women's Bond Club of New York, a organisé un déjeuner pour célébrer l'AIM et sensibiliser davantage les institutions financières sur les opportunités offertes par le microcrédit.

L'Année internationale du microcrédit a pour objectif d'aider à réaliser les OMD. Le microcrédit et la microfinance constituent un potentiel énorme pour éradiquer la pauvreté en aidant les pauvres à sortir de la pauvreté et à subvenir à leurs besoins. Le microcrédit contribue à la croissance du secteur agricole en multipliant les possibilités commerciales et en lui donnant les moyens de passer progressivement de la production de cultures de subsistance à la production à grande échelle. L'accès au crédit permet également aux populations de choisir diverses options, telles que créer une entreprise, inscrire les enfants à l'école ou accéder au système de soins de santé, y compris les divers services qui contribuent à la qualité de la vie.

Un avantage avéré du microcrédit est qu'il réduit le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. En se lançant dans des activités commerciales, les entrepreneurs peuvent investir, ce qui leur permet d'agrandir et de stabiliser leur entreprise ou même d'entreprendre des activités plus productives, de sortir ainsi de la pauvreté. De plus, le chômage diminue et la capacité de travail augmente alors que le nombre d'emploi progresse, ce qui contribue à la croissance économique du pays. Quelque 21 % des membres participant au programme de microcrédit de la Grameen Bank sont sortis de la pauvreté quatre ans après leur adhésion3. Cette banque au Bangladesh, dont l'exemple est largement suivi dans le monde entier, fournit des crédits aux personnes vivant dans l'extrême pauvreté. Environ 94 % des prêts sont accordés aux femmes et 98 % sont remboursés. La Grameen Bank prête 30 millions de dollars par mois à 1,8 million d'emprunteurs démunis.

Le microcrédit s'est également révélé un outil important pour l'autonomisation des femmes. Quelque 25 millions de personnes dans le monde, dont 90 % de femmes, y ont recours pour entreprendre des activités génératrices de revenus ou pour créer leur propre entreprise. Il a non seulement rendu les femmes plus productives mais il les a aussi rendu autonomes4. En créant leur propre entreprise, elles jouent un rôle plus important dans les sphères économique, sociale et politique de la société. De plus, elles prennent davantage part à la prise de décision sur les questions touchant à la famille, telles que la planification familiale, l'éducation des enfants et la sécurité économique.

Toutefois, le microcrédit a ses propres critiques. Beaucoup font valoir qu'il existe deux types de microcrédit : l'un vise à faire des profits et l'autre à aider les pauvres5. Malheureusement, selon eux, le premier groupe est le plus dominant. Pour réduire la pauvreté et donner aux populations les moyens d'en sortir, il faut que les institutions de microfinance fournissent les services qui permettent d'améliorer les conditions de vie. Selon Shahidur R. Khandker, économiste à la Banque mondiale et principal auteur d'une étude intitulée Combattre la pauvreté avec le microcrédit : expérience au Bangladesh, « en tant qu'instrument de réduction de la pauvreté, la microfinance a un potentiel énorme, mais des efforts complémentaires, tels que la promotion de l'alphabétisme et la formation, sont nécessaires pour aider ceux qui n'ont pas les compétences pour en tirer parti ». De nombreuses études montrent que pour toucher les plus pauvres, d'autres programmes d'atténuation de la pauvreté, tels que des garanties d'emploi, la sensibilisation sur l'éducation et la prévention des maladies, « sont nécessaires pour s'assurer que les pauvres tirent le meilleur parti des microcrédits et sortent complètement du cycle de la pauvreté ».

De nombreuses organisations ont commencé à se pencher sur d'autres indicateurs de développement humain. Appelées « groupes d'autosuffisance (SHG en anglais), elles comprennent au moins 20 membres, principalement des femmes, issus le plus souvent des couches socio-économiques les plus défavorisées. Les membres économisent une petite somme d'argent et fondent le groupe. En retour, ils ont accès aux fonds accumulés qu'ils peuvent utiliser à des fins diverses comme créer une entreprise, payer les frais scolaires de leurs enfants ou suivre un traitement médical. Non seulement les SHG représentent un groupe de microcrédit mais ils constituent aussi un soutien social et une sécurité.

La Self-Employed Women's Association, un syndicat basé en Inde, est un exemple. Cette association fournit non seulement des prêts mais aide les travailleurs dans les domaines du travail, des salaires, de l'alimentation et de la sécurité sociale en leur proposant des services de soins de santé, de soins pour les enfants et un hébergement. De même, l'association Streevani (la voix des femmes), également établie en Inde, travaille pour l'autonomisation des femmes en leur redonnant leur dignité en tant qu'êtres humains et partenaires égales dans la société.

Une telle autonomisation comprend la gouvernance et le leadership, la mise en place de capacités, l'éducation juridique, les activités génératrices de revenus, le développement de la communauté. Nzoia Muungano, établi au Kenya, est un autre SHG qui a pour mission de rendre ses membres économiquement et socialement autonomes. Il apporte une contribution financière, en fonction du statut économique des membres, qui est utilisée collectivement pour aider l'un d'eux à créer une entreprise, acheter une maison ou envoyer ses enfants à l'école. Mais malgré tous ces succès, les organisations qui réussissent à réduire la pauvreté et à rendre les populations autonomes sont peu nombreuses.

L'Année internationale du microcrédit espère sensibiliser le public et faire comprendre que tout le monde a le droit d'accéder au microcrédit, et encourager les institutions de microfinance à offrir d'autres outils financiers. Environ 80 % de la population mondiale n'a pas accès aux services bancaires, alors que ces exclus du système peuvent être des emprunteurs responsables. Le microcrédit peut permettre à cette population d'avoir accès à des services bancaires.
Notes
1.Chang, Helen. Visionary Economist Muhammad Yunus Shares Microlending Success Stories, Standard Graduate School of Business.
2.Kilgour, David. The Challenges of Microcredit.
3.Khandker, Shahidur R.; (1998); "Fighting Poverty with Microcredit: Experience In Bangladesh", publié pour la Banque mondiale par Oxford University Press.
4.Ahmed F. Kaniz, Microcredit as a Tool for Women Empowerment: The Case of Bangladesh.
5.Sing, Kawaljit. Micro Credit: Band-aid or Wound? The Indian Economic Overview.

L'Année internationale du microcrédit 2005

Photo ONU
Les initiatives les plus importantes de l'Année inter-nationale du microcrédit (AIM) sont les projets Blue Book et Data ainsi que les prix des meilleurs micro-entrepreneurs dans le monde (GMA en anglais). Le Blue Book Project est une compilation de données soulignant les obstacles auxquels les pays font face pour créer des politiques de microfinance efficaces destinées à répondre aux besoins fiscaux du pays. C'est aussi « une référence pour les gouvernements afin de discuter collectivement des stratégies, de partager et d'améliorer les meilleures pratiques ». De même, le Data Project est une compilation de données dures pour idenfier les écarts de données comme par exemple qui fournit la microfinance et qui en est bénéficaire ainsi que pour anticiper les besoins futurs. Les décideurs, les donateurs et les banques pourraient ainsi repérer où les besoins de microfinance sont les plus importants et améliorer l'accès des services financiers à tous. Le Programme GMA reconnaît les moyens par lesquels les entrepreneurs ont contribué au bien-être de leur famille et de leur communauté. Il permet également de faire mieux connaître comment la microfinance peut rendre les populations et les communautés autonomes. Il soutient l'investissement et augmente la viisibilité de la microfinance.

De plus, l'AIM encourage le travail des micro-entrepreneurs, comme l'artisanat, la poterie et la fabrication de bijoux. Plus important, elle met en lumière pourquoi un si grand nombre de personnes n'ont pas accès aux services financiers. (Pour toute information complémentaire, visitez le site http://www.yearofmicrocredit.org).
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