Chronique ONU
Désapprendre l'intolérance:
Attiser la flamme de la tolérance
Le rôle des médias
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L'article
Le troisième séminaire de la série intitulée « Désapprendre l'intolérance » a eu lieu le 3 mai 2005 au siège de l'ONU à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Au cours de ce séminaire, les participants ont examiné l'impact qu'ont les discours de haine diffusés par les médias et le rôle de ces derniers pour informer le public et dénoncer les formes d'intolérance à travers le monde. Ce séminaire a été organisé par le Département de l'information des Nations Unies (DPI) à mi-parcours de la Décennie internationale de la promotion d'une culture de la paix et de la non-violence au profit des enfants du monde, proclamée par l'Assemblée générale en 1998.
Le château d'eau de Vukovar, qui se dresse au centre de la ville, est un rappel de la destruction causée par la guerre en Croatie. Photo ONU

Parmi les participants à la table ronde figuraient : Mihnea Ioan Motoc (Roumanie), président du Comité de l'information des Nations Unies (COI); Erol Avdovic, correspondant diplomatique de la Deutsche Welle, de la Radiotélévision bosniaque et du quotidien Vjesnik; Alfonso Armada, correspondant accrédité auprès des Nations Unies et à New York du Journal télévisé en espagnol d'ABC; et Ghida Fakhry, chef du Bureau de New York du quotidien Asharq Al-Awsat, avec la participation de James Wurst, président de l'Association des correspondants accrédités auprès de l'ONU, et de Suzanne Bilello, directrice intérimaire du Bureau de New York de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Les participants ont discuté des méthodes pour promouvoir la tolérance comme, par exemple, reconnaître et éviter les préjugés et les stéréotypes culturels, ne pas privilégier de manière abusive le point de vue national au détriment des perspectives internationales et étrangères et encourager les débats sur le concept de « l'autre ».

Lors de l'ouverture du séminaire, Ramu Damodaran, chef du Service de la société civile, division de l'action éducative, DPI, a lu un message du Secrétaire général Kofi Annan qui a fait remarquer que de nombreux journalistes étaient persécutés, attaqués, emprisonnés et assassinés, alors qu'ils travaillaient en première ligne de l'actualité. En 2004 seulement, 56 journalistes ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions, 19 ont disparu et ont craint pour leur vie, et 124 autres ont été emprisonnés. La Journée mondiale de la liberté de la presse est une occasion de rendre hommage à ceux qui sont tombés, à réfléchir sur le rôle des médias en général, à réaffirmer le droit essentiel à la liberté de la presse et à poursuivre ensemble sa réalisation, a-t-il ajouté.

Pendant la discussion, assortie d'un dialogue interactif entre les participants et le public, Mme Fakhry a attiré l'attention sur la difficulté de définir les formes plus subtiles, plus banales, mais plus pernicieuses des discours de haine. En donnant l'impression d'être objectifs, les médias envoient souvent des messages subtils qui propagent des idées racistes et incitent à l'intolérance. Par exemple, depuis les attaques du 11 septembre 2001 aux États-Unis, le terme terrorisme a été employé pour décrire nombre de situations. L'ONU continue de se battre pour trouver une définition. Le terme « islamiste », lui aussi, est pratiquement devenu synonyme de « terroriste », a-t-elle commenté, ajoutant que la tolérance naissait du savoir, et que les médias avaient la responsabilité de promouvoir une meilleure compréhension des uns et des autres.

Selon M. Avdovic, les guerres qui ont eu lieu dans les Balkans dans les années 1990 avaient montré la capacité des journalistes à attiser la guerre. Les médias serbes détenus par l'État avaient mis leur point d'honneur à diaboliser l'autre, tandis que les médias indépendants avaient été qualifiés de traîtres et d'agents à la solde des pays étrangers. Il faut veiller à ce qu'un tel phénomène ne se reproduise pas dans d'autres sociétés. Tous les journalistes devraient se demander s'ils sont des agents de la paix ou des guerriers, s'ils contribuent à trouver une solution ou à aggraver le problème.

De son côté, M. Armada a déclaré qu'à la lumière des conflits qui avaient eu lieu dans les Balkans et dans la région des Grands Lacs, il était clair que les pays qui auraient pu prévenir les tragédies étaient intervenus trop tard, malgré les informations diffusées par les médias faisant état des horreurs qui y étaient perpétrées. Devant le nombre de conflits qui ont éclaté en même temps, le sentiment qui régnait était que plus rien n'était possible. Les journalistes sont pourtant restés convaincus qu'ils pouvaient faire la différence en couvrant des sujets dont personne ne parlait.

M. Motoc a fait remarquer que le pluralisme devrait l'emporter sur la simple tolérance. Il s'agit de reconnaître les valeurs intellectuelles et culturelles des autres, quelles que soient les différences, a-t-il indiqué. À cet égard, les journalistes et les sociétés de l'Europe de l'Est pourraient jouer un rôle catalyseur. Situées entre le Nord et le Sud, entre les pays développés et les pays en développement, elles pourraient promouvoir la réforme, une question qui revêt aujourd'hui une grande importance pour l'Organisation, a-t-il ajouté. La Journée mondiale de la liberté de la presse fait partie de la session annuelle du COI qui présente des recommandations à l'Assemblée générale sur les politiques et les activités du DPI.

M. Wurst et Mme Bilello sont intervenus comme médiateurs et ont résumé les arguments avancés et présenté leurs propres points de vue. Rendant hommage à deux collègues tués dans l'exercice de leurs fonctions en Irak et en Haïti, M. Wurst a dit que les participants à la conférence avaient défini la manière dont les médias pouvaient promouvoir la tolérance, notant que cela n'était pas toujours aussi évident que lors des émissions de Radio Rwanda qui avaient incité à la haine. Il a été reconnu que les journalistes devaient confronter les préjugés et les stéréotypes, ainsi qu'éviter d'écrire des articles simplifiés ou des résumés pour satisfaire leur patron. D'après lui, le Tribunal pénal pour le Rwanda avait été la première cour à condamner une personne pour propos incitant à la haine et que cela soulevait la question de la liberté d'expression et de ses limites. Concernant le nationalisme, il a été noté que les puissances nationales avaient souvent un rôle important à jouer en ce qui concerne les discours de haine et l'intolérance. Pour M. Wurst, la façon dont une puissance émergente traite les médias indique la manière dont elle fera usage de son pouvoir. Un filtre de l'information au niveau national n'est pas une mauvaise chose en soi, mais les journalistes devraient se montrer prudents lorsqu'ils privilégient une perspective nationale. Il a également fait remarquer que la question de la radio avait été fréquemment soulevée, et a souligné l'importance de ce moyen de communication dans les pays pauvres où l'analphabétisme est répandu.

Mme Bilello a déclaré que des médias indépendants, libres et pluralistes avaient un rôle à jouer dans les sociétés démocratiques. Depuis des années, l'UNESCO s'emploie à encourager la tolérance et la professionnalisation des médias, la promotion des valeurs éthiques étant une partie importante de sa mission dans le monde. Récemment, cette organisation a parrainé un atelier destiné aux journalistes femmes de l'Asie du Sud visant à donner une perspective sexospécifique aux conflits et à prévenir les stéréotypes ancrés dans la langue et dans la société. Autre sujet important : la question de la diversité, prise en compte depuis longtemps dans les salles de rédaction aux États-Unis, et que l'UNESCO aborde partout dans le monde.

Pendant la session de dialogue avec le public, les discussions ont porté sur la capacité des Nations Unies à confronter les médias qui incitent à la haine, le manque de prise de conscience du public sur le travail accompli par l'Organisation mondiale dans ce domaine, la difficulté de vendre ses programmes aux réseaux de médias, spécialement à la télévision, la discrétion éditoriale dans le choix et le contenu des sujets en fonction des besoins du public et l'impératif économique des médias américains qui limite le nombre de sujets traités dans les domaines qui ne font pas la une.

Répondant à une question sur le mécanisme le plus efficace pour lutter contre les discours de haine, le Secrétaire général adjoint à l'information et à la communication de l'ONU, Shashi Tharoor, qui a présidé une partie de la session, a dit que la meilleure solution était d'aborder le problème sans imposer de censure. À propos de la domination des nouvelles américaines et de l'efficacité de l'Organisation à contrecarrer les attaques qui ternissent son image, M. Tharoor a rétorqué que certains étaient fondamentalement hostiles à l'ONU et sourds à son message. Mais, a-t-il noté, une grande proportion de la population ne l'est pas et c'est ce public qu'elle veut toucher par son message.

Entre les sessions, M. Tharoor a annoncé la liste annuelle des Dix sujets dont le monde devrait entendre davantage parler (voir page 60), faisant remarquer que son objectif n'était pas de détourner l'attention du public des autres sujets. Cette initiative fait partie des efforts déployés par le DPI pour attirer l'attention sur les développements et les questions internationales importantes qui ne font pas la une des médias. Ces dix sujets sont les suivants : quelques pas accomplis sur la voie d'une paix fragile en Somalie; la fistule obstétrique parmi les femmes vivant dans les pays en développement; la crise humanitaire dans le nord de l'Ouganda, en particulier pour les enfants; le désarmement des anciens combattants en Sierra Leone; le développement des institutions de défense des droits de l'homme; l'amélioration des rendements agricoles au Cameroun grâce à la technologie de l'information; les efforts de la Grenade pour se remettre du cyclone Ivan; la violence contre les femmes; la réduction de la culture des drogues illicites par des activités de substitution; et la nécessité de préserver l'environnement afin de pouvoir traiter les maladies infectieuses.
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