Chronique ONU
Opinion




Evaluer la Culture De la Paix
Par Joseph de Rivera

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L'article
La résolution A/52/13, adoptée en 1997 par l'Assemblée générale des Nations Unies, définit la culture de la paix comme un ensemble de valeurs, d'attitudes et de comportements qui rejettent la violence et préviennent les conflits en s'attaquant à leurs causes profondes par le dialogue et les négociations. La résolution 52/243 établit pour les enfants du monde entier une base pour l'instauration d'une telle culture en proclamant la « Décennie Internationale de la promotion d'une culture de la paix et de la non-violence au profit des enfants du monde ».

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À mi-parcours de la Décennie, deux rapports seront présentés en 2005 afin d'évaluer les progrès réalisés et les obstacles rencontrés par les Nations Unies, leurs membres et les organisations non gouvernementales (ONG) pour promouvoir une culture de la paix. En outre, il est important d'avoir une évaluation générale de l'engagement des différentes nations et communautés en vue d'instaurer une culture de la paix qui nous permette de fixer des objectifs et d'évaluer les progrès en vue de créer des sociétés pacifiques. Les points forts et les points faibles présentés aideront les gouvernements et les ONG à développer des politiques qui encourageront une telle culture. Cette évaluation fournit des normes objectives qui permettront aux nations de se mesurer les unes aux autres pour conquérir la paix, et non pas le pouvoir, ainsi que des conseils sur les meilleurs moyens de créer des programmes pour l'éducation de la paix.

Pour évaluer les facteurs qui entravent le développement d'une culture de la paix, il faut un cadre général pour relier les circonstances particulières et la culture de chaque nation à la culture de la paix des Nations Unies. Après une brève introduction faisant état de la situation unique à laquelle fait face une société, un modèle (voir page 54) créé à partir de la résolution de l'ONU et des conclusions d'études de sciences sociales consacrées à ce sujet peut être utilisé comme guide afin de prendre en compte les aspects les plus pertinents d'une culture de la paix. Cela peut permettre d'évaluer dans quelle mesure chaque nation possède les éléments d'une culture de la paix et la manière dont ces éléments sont liés entre eux. Bien qu'une telle discussion implique des jugements de valeur, leur subjectivité peut être minimisée en faisant référence à des indicateurs objectifs et aux résultats de questionnaires qui évaluent les attitudes, les normes et le climat émotionnel d'une nation. Pour conclure, une section pourrait suggérer les mesures à prendre pour réaliser une culture plus pacifique et faire référence aux actions présentées sur le site Internet de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture pour la promotion d'une culture de la paix (www.unesco.org/cp) ou dans des réseaux d'information (cpnn-usa.org). Jusqu'ici, le modèle d'évaluation a été utilisé pour décrire la culture de la paix au Brésil, en Espagne et aux États-Unis1. Des conclusions préliminaires à partir de l'utilisation de ses indicateurs objectifs sont également présentées ainsi que leurs implications pour créer des programmes d'éducation de la paix.

Les indicateurs objectifs sont-ils en corrélation de façon à pouvoir les résumer pour déterminer dans quelle mesure la culture de la paix existe dans une société donnée ? Des informations sont disponibles pour plus de soixante-dix pays. Lorsque nous mettons les indicateurs en corrélation et cherchons les facteurs sous-jacents, il apparaît que quatre facteurs sont nécessaires pour rendre compte des relations entre les indicateurs. Nous pouvons dire qu'une culture de la paix comporte quatre dimensions et décrire de manière objective dans quelle mesure une nation donnée comporte une telle culture en évaluant les facteurs suivants2 :

  • Le développement démocratique (mesuré par des indicateurs pour la liberté de la presse, le produit national brut (PNB), l'espérance de vie, l'alphabétisme, la démocratie, les droits de l'homme et le pourcentage de femmes au Parlement).


  • L'égalité (mesurée par l'indice de Gini, le faible taux d'homicide bas et, dans une certaine mesure, les droits de l'homme).


  • La promotion d'une culture de la non-violence (à l'inverse des dépenses et des menaces militaires qui sont en corrélation avec le pourcentage de la population incarcérée).


  • L'empathie (mesurée par les dépenses en éducation, la tolérance envers les réfugiés et, dans une certaine mesure, le pourcentage de femmes au Parlement).


  • Il faut remarquer que le facteur de l'éducation est reflété dans les trois premiers aspects de la culture de la paix, le développement démocratique dans les trois suivants et le recours à la non-violence dans le septième alors que l'égalité est liée au huitième aspect du développement durable. Il faut cependant diviser ce huitième aspect en trois éléments étant donné que le développement économique est un aspect du développement libéral et que la durabilité peut être liée à l'empathie.

    Cet ensemble d'indicateurs objectifs peut être utilisé pour évaluer dans quelle mesure les nations favorisent une culture de la paix. Ces mesures peuvent servir de repères pour établir des domaines forts et des domaines faibles et réaliser des progrès vers l'épanouissement d'une telle culture. En outre, elles fournissent une norme objective qui peut stimuler une concurrence saine parmi les nations. Les États-Unis, par exemple, peuvent, à juste titre, être fiers de l'étendue de leur développement démocratique et plutôt satisfaits de leur niveau d'empathie bien que, dans ce domaine, ils se situent au niveau moyen, étant au-dessous de la moyenne pour ce qui est de l'égalité entre les sexes et nettement au-dessous de la moyenne en ce qui concerne la promotion d'une culture de la non-violence. Ces conclusions, quoique préliminaires, nous aident à mieux intégrer l'éducation de la paix dans les programmes scolaires.

    De nombreux programmes d'éducation de la paix se concentrent sur la coopération et la négociation. Il est clair qu'ils devraient aborder leur développement, et mettre l'accent sur les quatre dimensions d'une culture de la paix et les relier aux différents aspects de l'éducation de la paix. Ceci est essentiel pour le développement démocratique et crucial dans tous les aspects de l'établissement de la paix. Nos résultats montrent cependant que le développement démocratique joue un rôle très limité dans la réalisation de l'égalité. À cet égard, les progrès semblent avoir lieu seulement quand les parties intéressées sont confrontées. Si cette confrontation est nécessaire pour éviter la violence, les programmes scolaires devront inclure un cours sur les principes de la non-violence et, quand c'est possible, une formation sur la non-violence.

    En outre, un programme d'éducation devrait aborder les facteurs structuraux nécessaires pour le recours à la non-violence par un État, c'est-à-dire les facteurs politiques tels qu'une division adéquate du pouvoir au sein d'un gouvernement et la séparation de l'armée de la politique et de l'industrie, et les facteurs essentiels à la construction de la société civile, tels que la présence de groupes civiques qui incluent différentes ethnicités et religions. Les étudiants des pays développés ont tendance à ignorer les politiques du pouvoir et à considérer la société civile comme un fait acquis. Pourtant, devant l'absence d'une corrélation entre la démocratie libérale, l'égalité et l'usage de menaces militaires par les nations, ainsi que l'emprisonnement de leurs citoyens, ils devraient apprendre à examiner ces facteurs structuraux.

    Enfin, en plus d'enseigner la négociation, la non-violence et les structures socio-politiques, notre évaluation des cultures indique l'importance de l'empathie. En tant qu'attention portée aux autres et à l'environnement, l'empathie est impliquée dans tous les aspects de l'établissement de la paix. Les programmes d'éducation de la paix peuvent développer cette capacité et permettre d'enseigner la compassion et la tolérance. De plus, les cultures pacifiques semblent accorder une importance particulière aux enfants, et les programmes d'éducation de la paix pourraient peut-être proposer des moyens pour aider toutes les sociétés à éduquer leurs enfants.
    Notes
    1.Assessing cultures of peace (2004). Special Issue of Peace and Conflict, vol. 10 (2).
    2.de Rivera, Joseph (2004). Assessing the basis of peace in contemporary societies. Journal of Peace Research. 41 (5).
    Biographie
    Joseph de Rivera est professeur à Hiatt School of Psychology à Clark University ainsi que directeur du programme d'études sur la paix. Auteur et éditeur de nombreux ouvrages sur les émotions et la paix, il est actuellement professeur invité à l'University for Peace au Costa Rica.
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