Chronique ONU
Message du Secrétaire général
Le tsunami met en évidence les besoins des petits États insulaires

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L'article
On trouvera ci-après le texte du message du Secrétaire général, M. Kofi Annan, au débat de haut niveau de la Réunion internationale d'examen de la mise en ouvre du Programme d'action pour le développement durable des petits États insulaires en développement, qui
s'est tenue à Port Louis, à Maurice, du 10 au 14 janvier 2005.
Le Secrétaire général prononce une allocution à l'ouverture du débat de haut niveau de la Réunion internationale. Photo ONU
Cette réunion n'a pris que plus d'importance après le violent raz-de-marée qui s'est abattu sur la région il y a 18 jours à peine. Maurice a bien connu des ondes de tempête non loin de sa capitale, mais n'a pas pris le tsunami de plein fouet. Ailleurs, en Asie et en Afrique, beaucoup d'hommes, de femmes et d'enfants ont eu nettement moins de chance. Je viens de me rendre dans certains des endroits les plus durement touchés. J'ai vu des dégâts terribles, de larges bandes de terre sans vie qu'occupaient avant des collectivités dynamiques. J'ai rencontré des familles déplacées et entendu des récits d'une tristesse inimaginable. Et j'ai été témoin de l'incessante activité des équipes de secours, en mouvement de nuit et de jour pour apporter de l'aide.

Les survivants doivent savoir que nous sommes et resterons solidaires avec eux. L'aide a afflué de toutes parts, y compris de pays qui ont eux-mêmes des moyens limités ou traversent eux-mêmes des crises. L'Organisation des Nations Unies continuera de faire sa part et de n'épargner aucun effort pour que l'aide parvienne rapidement à ceux qui en ont besoin. Maintenant, pendant la phase des secours, il s'agit d'acheminer de l'eau salubre, des moyens d'assainissement, des vivres et des fournitures médicales. À long terme, il s'agira d'apporter une aide à la reconstruction et au développement. Si une autre catastrophe se produisait ailleurs, ou plutôt quand elle se produira, il faut que nous soyons en mesure de dire que nous avons fait tout ce qui était humainement possible pour créer des sociétés résistantes.

Cette tragédie nous a une fois de plus montré combien la prévention et l'alerte rapide sont importantes. À la réunion qui s'est tenue la semaine dernière à Jakarta, la mise en place d'un système régional d'alerte rapide pour l'Océan indien et l'Asie du Sud-Est a été préconisée. Nous devons aller plus loin. Nous devons mettre en place un système d'alerte mondial, non seulement pour les tsunamis mais pour tous les autres phénomènes dangereux, par exemple les ondes de tempête et les cyclones. Aucune partie du monde ne doit être laissée pour compte. Nous devons penser en termes mondiaux et envisager des mesures à la hauteur des risques.

Nous devons être prêts à prendre des mesures décisives face aux changements climatiques. Il n'est plus très difficile d'imaginer ce que pourraient être les effets de l'élévation du niveau de la mer qui, selon les plus grands scientifiques, accompagnera le réchauffement planétaire. Qui oserait affirmer que ce que nous faisons suffit ?

Les événements des 18 derniers jours ont également mis en évidence d'autres problèmes que rencontrent les petits États insulaires en développement. Ces États constituent un groupe varié. Mais ils ont beaucoup de problèmes en commun, pas uniquement le réchauffement planétaire et une vulnérabilité toute particulière aux catastrophes naturelles, mais aussi la dégradation d'écosystèmes essentiels tels que les récifs coralliens et les mangroves, qui ont également été sérieusement endommagés par le tsunami. Ils ont des limitations intrinsèques, par exemple une économie à échelle réduite et des réserves limitées d'eau douce, de terres et d'autres ressources naturelles. L'élimination des déchets est de plus en plus problématique. Les coûts énergétiques sont élevés, ce qui veut dire qu'il faut davantage promouvoir les sources d'énergie renouvelable. Le protectionnisme des autres pays, développés et en développement, est un handicap. À peine au-dessus du niveau de la mer, loin des marchés mondiaux, beaucoup de petits États insulaires vivent en marge de la communauté mondiale. La survie de certains est carrément compromise.

Les conférences des Nations Unies, de Rio à Johannesburg et à Monterrey, en passant bien sûr par la Barbade il y a 10 ans, ont essayé de rallier le monde à la cause des petits États insulaires en développement. Il y eu des progrès. Certains petits États insulaires se sont taillé une place sur des marchés particuliers, notamment ceux des services financiers, du tourisme et des nouvelles technologies, ces dernières ayant d'ailleurs fait beaucoup pour les sortir de leur isolement.

Mais de sérieux problèmes économiques subsistent. Dans l'ensemble, la mise en ouvre de ce qui avait été convenu et promis à la Barbade a été, au mieux, décevante. Et de nouveaux problèmes sont apparus. L'épidémie de sida progresse dangereusement, en particulier dans les Caraïbes, dont la proportion d'adultes séropositifs n'est aujourd'hui inférieure qu'à celle de l'Afrique subsaharienne.

Les tâches qu'il était déjà pressant d'accomplir il y a 10 ans sont donc devenues urgentes et redoutables. Des progrès sont possibles ici à Maurice. Des partenariats avec les organisations régionales et la société civile vont être indispensables. La participation du secteur privé est essentielle. Le système des Nations Unies continuera de faire ce qu'il peut, et notamment de veiller à ce que les questions qui intéressent les petits États insulaires demeurent en haut de la liste des priorités de la communauté internationale.


« À peine au-dessus du niveau de la mer, loin des marchés mondiaux, beaucoup de petits États insulaires vivent en marge de la communauté mondiale. La survie de certains est carrément compromise. »

Je trouve encourageant que tant de dirigeants soient présents ici, et que le débat de haut niveau mette tellement l'accent sur la mise en ouvre. Cela devrait vous permettre de parvenir à un solide consensus politique et à un plan réalisable. Plus important encore, nous devons admettre que ce qui se passe dans les petits États insulaires en développement nous concerne tous.

L'interdépendance - celle des États, des facteurs de risque, du développement et des conditions de sécurité - est un des points sur lequel met particulièrement l'accent le rapport publié le mois dernier par le Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement. Laissez-moi dire quelques mots au sujet de ce rapport, parce qu'il est de la première importance pour les questions de développement.

Le Groupe a présenté une nouvelle conception globale de la sécurité collective qui accorde une très large place à la prévention et au renforcement des capacités dont disposent les États pour se prémunir contre les risques et s'acquitter de leurs responsabilités. Il a clairement dit que pour notre sécurité à tous, nous devons absolument agir sur les facteurs qui font obstacle au développement, par exemple la misère, les changements climatiques et la progression de maladies infectieuses comme le sida et le paludisme. Il a souligné les effets désastreux du terrorisme, des conflits et de la criminalité organisée sur le développement. Et il a fait des recomman- dations très diverses sur les orientations à suivre, ainsi que des suggestions quant aux changements profonds qu'il faudrait opérer dans nos institutions multilatérales, dont l'Organisation des Nations Unies.

C'est désormais aux États Membres qu'il appartient de relever le défi du changement. Dans quatre jours, avec la publication du rapport sur le Projet Objectifs du Millénaire, une autre étape déterminante sera franchie sur la voie du sommet du mois de septembre. Ce rapport indiquera ce qu'il faudrait faire pour que les objectifs du Millénaire puissent être atteints dans le délai prévu, c'est-à-dire en 2015 au plus tard. Il soulignera l'inadmissibilité du statu quo et montrera que des investissements nettement plus importants doivent être consentis partout dans le monde. Il recommandera l'adoption, au niveau des pays et au niveau international, de tout un éventail de mesures concernant l'aide, l'allégement de la dette, le commerce, la science et la technologie.

Nous sommes tous les habitants de la grande île qu'est la Terre. Riches et pauvres, faibles et forts, citoyens des grandes puissances ou de minuscules atolls, nous sommes tous reliés par des fils qui tissent une toile d'occasions à saisir et de dangers à combattre. Nous aurions déjà dû le savoir, mais il a fallu un tsunami pour nous le faire comprendre. La question est à présent de savoir si nous agirons à long terme, pas uniquement dans les petits États insulaires mais aussi partout ailleurs, avec cet esprit d'unité qui nous anime aujourd'hui. Si les bouleversements causés par le tsunami apportent quoi que ce soit de positif, j'espère que ce sera la preuve définitive que nous devons écouter les signaux d'alarme, unir nos forces bien avant qu'une calamité ne s'abatte sur nous et déployer collectivement des efforts soutenus pour mettre fin à la misère et poser des fondements solides pour le développement et la paix.
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