Chronique ONU
Troisième Commission : humanitaire et culturelle
Mettre les personnes au cour du développement
La section sur l'Assemblée générale a été rédigée et coordonnée par Namrita Talwar.

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L'article


« L'un des principaux problèmes auquel fait face la Commission est la duplication de ses travaux et de ceux des autres organismes sociaux et humanitaires, en particulier de la Commission des droits de l'homme. »

- Ambassador Valeriy P. Kuchinsky
   Représentant permanent d'Ukraine
   Président de la Troisième
   Commission
La Troisième Commission se penche sur de nombreuses questions, telles que le développement social, la promotion des femmes, le contrôle international des drogues et les droits de l'homme. Les délégués se rencontrent, discutent et débattent de ces questions et élaborent des résolutions qui sont adoptées à l'unanimité ou soumises à un vote.

Sur recommandation de la Troisième Commission, l'Assemblée générale, lors de la cinquante-neuvième session, a adopté 66 résolutions, dont 46 à l'unanimité, 10 seulement ayant reçu plus de 5 voix contre. « La majorité de ces propositions, principalement de caractère social, humanitaire et culturel, ont été adoptées par consensus », a indiqué Valeriy P. Kuchinsky (Ukraine) à la Chronique ONU. Ce sont les résolutions par pays concernant les droits de l'homme qui ont été le plus débattues, a-t-il indiqué.

On estime qu'un million de personnes sont acheminées par bateau à l'étranger ou déplacées dans leur pays pour être vendues comme esclaves, a dit Marie Yvette Banzon (Philippines) à la Chronique. Les femmes et les filles sont les principales victimes, alimentant une industrie du sexe qui génère 1 milliard de dollars. Selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, plus de 200 000 enfants sont victimes de cette traite, vendus comme esclaves en Afrique centrale et de l'Ouest. Ils sont souvent vendus par leurs parents qui, incrédules, croient que leurs enfants sont pris en charge, apprennent un métier et vont à l'école, alors qu'ils sont livrés à la prostitution, sont maltraités et travaillent comme employés de maison.

Concernant la question importante de la traite des personnes, l'Assemblée a adopté par consensus une résolution intitulée « La traite des femmes et des filles ». C'est le texte qui a reçu le plus large soutien des États Membres depuis que cette question a été présentée par les Philippines pour la première fois en 1995 et a fait l'objet de négociations en vue d'un projet de résolution. Selon Mme Banzon, « la résolution est l'un des instruments internationaux qui a fourni aux gouvernements, aux organismes internationaux et à la société civile une base et un cadre d'action pour lutter contre la traite des personnes ». Quand le Protocole visant à prévenir, à réprimer et à punir la traite des personnes, spécialement des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, a été adopté en 2000, le texte de la résolution a été renforcé pour inclure les principes légaux et juridiques de la Convention. Le texte, « vise à compléter le Protocole sur la traite en soulignant la vulnérabilité, les besoins et les problèmes de la majorité des victimes de la traite, a-t-elle poursuivi. Même si, dans la résolution, il est fait mention de la situation des victimes de sexe masculin, le texte souligne l'importance stratégique d'adopter une approche fondée sur le sexe afin de lutter efficacement contre la traite des femmes et des filles, a-t-elle ajouté.

On estime que 250 millions d'enfants âgés entre 5 ans et 14 ans sont contraints au travail forcé et que plus de 100 millions ne sont pas scolarisés. Photo/Mikel Flamm
Cette année, un nouveau point important a été introduit : la nécessité de se pencher sur la question de la demande. « Le débat sur la demande a toujours été alimenté par les divergences d'intérêt entre le pays d'origine et le pays de destination », a précisé Mme Banzon. C'est pourquoi les négociations sur cette question n'ont jamais été aisées. Le Protocole, en tant qu'instrument juridique international, et le texte adopté peuvent cependant constituer une cadre d'action efficace et stratégique pour toutes les parties concernées afin d'éliminer cet esclavage des temps modernes.

L'Assemblée a également adopté sans vote une résolution intitulée « La protection des migrants », qui vise à mettre fin aux actes de racisme et à toutes les formes de discrimination liées à l'accès à l'emploi, à la formation professionnelle, au logement, à l'éducation primaire et secondaire ainsi qu'aux services sociaux et de santé. Deux autres résolutions traditionnelles, l'une sur l' « élimination de toutes les formes d'intolérance religieuse » et l'autre sur « les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires », ont été adoptées la première à l'unanimité par 186 voix pour et la seconde par 142 voix pour et 43 abstentions.

Sur les questions relatives à la prévention de la criminalité et le contrôle international des drogues, Antonio Maria Costa, directeur exécutif de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, a dit à la Troisième Commission que face à la nature transnationale de la criminalité organisée, du trafic de drogue et du terrorisme, un renforcement de la coopération internationale et des partenariats était nécessaire.

« Nous constatons une mondialisation de la criminalité », a-t-il indiqué. La criminalité organisée, la traite illégale, la corruption et le terrorisme ont compromis les frontières nationales dont nous dépendions jusqu'à présent pour contenir ces menaces. Il a fait remarquer que la corruption sous toutes ses formes coûtait aux entreprises légitimes 1 000 milliards de dollars par an.

L'Assemblée a également adopté trois nouvelles résolutions sur le contrôle international des drogues concernant la lutte contre la culture et le trafic du cannabis, contre les substances chimiques (introduite par le Mexique) et le renforcement de l'appui international à l'Afghanistan pour éliminer le trafic d'opium (renvoyée devant l'Assemblée par le Conseil économique et social). Les trois résolutions ont été adoptées sans vote, en plus de la résolution omnibus intitulée « Coopération internationale face au problème mondial de la drogue ».

« C'est un problème qui touche tout le monde », a dit Jennifer Feller (Mexique) à la Chronique. Dans son effort d'éviter la duplication de ses travaux, la Commission n'aura pas à réapprouver les résolutions qui lui sont renvoyées par le Conseil, a-t-elle ajouté.

Selon le Président, l'un des principaux problèmes auquel fait face la Commission est la duplication de ses travaux et de ceux des autres organismes sociaux et humanitaires, en particulier de la Commission des droits de l'homme. « Chacun sait que ces deux organes traitent souvent des mêmes questions », a expliqué M. Kuchinsky. Il en résulte que leurs travaux présentent des résultats similaires et peuvent empêcher l'application des décisions correspondantes. « À cet égard, je pense que le document de la Commission sur la revitalisation de ses travaux aura un effet, au moins en partie, sur la rationalisation de l'ordre du jour de l'organe. »

À l'approche du dixième anniversaire du Sommet mondial pour le développement social et de l'Année internationale de la famille, de nombreux délégués ont exprimé l'espoir que les activités organisées pour célébrer ces événements comprennent un suivi de l'application des conclusions et de leurs recommandations. Une résolution sur l'application des textes issus du Sommet mondial, qui s'est tenu à Copenhague, au Danemark, a été adoptée sans vote. Le rapport du Secrétaire général sur l'application des textes issus du Sommet mondial et de la vingt-quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale a été également renvoyé devant la Commission. D'après ce rapport, trois questions semblent importantes pour les pays qui cherchent à définir leur rôle dans un monde économique mondialisé et interdépendant : les aspects sociaux de la mondialisation et la capacité des gouvernements nationaux à définir et à appliquer les politiques sociales.

Selon Clare Fleming, représentante adjointe de la Banque mondiale auprès des Nations Unies, le développement social a été un facteur important pour réduire la pauvreté de manière efficace et durable. Le développement n'est pas durable en termes sociaux ni d'ailleurs en termes économiques et environnementaux, a-t-elle considéré. Notant que le niveau moyen des revenus réels des pays les plus riches était cinquante fois plus élevés que ceux des pays les plus pauvres, elle a estimé que, dans un monde globalisé où la technologie ne cessait de progresser, il était possible de rectifier ces déséquilibres. Selon Jorge Cumberbach Miguen (Cuba), la promotion du développement social au niveau international passait par la réalisation des engagements que les pays ont pris au Danemark à l'occasion de différents sommets et conférences. Il a également souligné la nécessité pour les pays industrialisés de consacrer 0,7 % de leur produit national brut à l'aide publique au développement.

Poursuivant l'examen des rapports et des recommandations de la Troisième Commission, l'Assemblée générale a réaffirmé que la réduction du fossé entre les riches et les pauvres dans les pays et entre ceux-ci demeurait un objectif explicite à la fois aux niveaux national et mondial, alors qu'elle adoptait, par 129 voix pour, 53 voix contre et 4 abstentions, une résolution intitulée « La mondialisation et ses effets sur le plein exercice de tous les droits de l'homme ». De même, un texte intitulé « Droits de l'homme et extrême pauvreté », adopté sans vote, a réaffirmé que l'extrême pauvreté constituait une violation de la dignité humaine et que des actions nationales et mondiales devaient être menées pour l'éliminer.

Même si les États Membres se sont dits préoccupés par l'impact négatif que la mondialisation a eu sur la situation sociale dans le monde, beaucoup ont reconnu qu'elle n'était pas un phénomène naturel mais qu'elle était le fait de décisions individuelles et pouvait donc être contrôlée, a commenté le Président, M. Kuchinsky. S'exprimant au nom de l'Union européenne, M. Hof (Pays-Bas) a dit que le texte était « déséquilibré » et qu'il avait voté contre pour cette raison. « Certes, la mondialisation et les droits de l'homme sont liés entre eux, mais les droits de l'homme ne sont pas tous affectés par la mondialisation. Qu'en est-il de la mondialisation et de la torture ? La mondialisation ne conduit pas à la torture. » La mondialisation peut avoir des aspects positifs et négatifs; ses avantages n'ont cependant pas été soulignés dans le projet de résolution. Par exemple, la liberté d'expression et l'accès à l'information peuvent être attribués à Internet et, dans ce domaine, la mondialisation a joué un rôle positif, a-t-il estimé. L'Union européenne a demandé que des amendements soient ajoutés au texte mais, par manque de temps, l'Égypte, le principal parrain du projet, n'a pas pu introduire ces changements.

La Commission a également débattu des droits de l'enfant. On estime que 250 millions d'enfants de 5 à 14 ans sont impliqués dans des formes de travail et que plus de 100 millions ne sont pas scolarisés. La résolution omnibus a été adoptée par 166 voix pour, 2 contre (Îles Marshall et Etats-Unis) et une abstention (Inde). Elle appelle l'Assemblée à exhorter les États qui ne l'ont pas encore fait à signer et à ratifier la Convention relative aux droits de l'enfant ainsi que les Protocoles facultatifs à la Convention sur l'implication des enfants dans les conflits armés, sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. L'Assemblée a également approuvé, par 117 voix pour, 5 contre (États fédérés de Micronésie, Israël, Îles Marshall, Palau, États-Unis) et 62 abstentions, un projet de texte sur la situation des enfants palestiniens et l'aide à leur apporter.

Durant la session, 23 rapporteurs spéciaux et experts indépendants, ont présenté leurs rapports, principalement sur les questions des droits de l'homme, et participé à une discussion avec les délégués. Le texte du Président sur la « Revitalisation des travaux de la Commission » s'est centré sur des propositions afin de guider à l'avenir les travaux de la Commission et incluait des suggestions pour simplifier le programme de travail et promouvoir le dialogue avec les membres de la société civile, a indiqué M. Kuchinsky.

Le texte sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, adopté sans vote, appelle le gouvernement à mettre fin aux violations systématiques des droits de l'homme, à restaurer la démocratie et à libérer Daw Aung San Suu Kyi ainsi que les autres membres de la Ligue nationale pour la Démocratie. Selon le représentant du Myanmar, la résolution présentait des allégations sans fondement émanant d'une poignée de rebelles et alimentées par des groupes hostiles au gouvernement qui menaient une guerre de désinformation. Considérant que c'était une tentative flagrante d'interférer dans le processus politique national, le Myanmar a décidé de se retirer, a-t-il ajouté. Le représentant de la Chine a noté que le Myanmar avait exprimé des réserves concernant le texte, ce qui montrait que des divergences demeuraient entre les positions des auteurs de la résolution et celles du gouvernement concerné. Étant donné la situation, un vote semblait superflu.

Les votes sur les résolutions spécifiques à un pays ont divisé l'Assemblée. Le projet de résolution sur la situation des droits de l'homme au Turkménistan a été adopté par 69 voix pour, 47 voix contre et 63 abstentions, alors que celle concernant la situation dans la République islamique d'Iran a été adoptée par 71 voix pour, 54 contre et 55 abstentions. Les projets de résolutions sur les questions des droits de l'homme en Biélorussie, au Soudan et au Zimbabwe ont été rejetés par une motion de non-action (renvoi du débat à une date ultérieure). Certaines délégations ont salué cette initiative, la considérant comme un premier pas dans l'optimisation des travaux de la Commission, a indiqué M. Kuchinsky. Ce sont les « résolutions par pays » qui ont présenté les plus grandes difficultés dans les travaux de la Commission. « Ces documents ont été fortement critiqués car ils politisent la situation des droits de l'homme et sont un moyen d'exercer une pression sur les pays », a-t-il expliqué.

Peter-Derreck Hof (Pays-Bas), s'exprimant au nom de l'Union européenne, a dit dans une interview accordée à la Chronique ONU qu'il était très important que l'Assemblée générale s'élève contre les violations des droits de l'homme dans les pays. « Les gouvernements ont la responsabilité de protéger les droits de l'homme sous leur juridiction et, s'ils n'y arrivent pas, il est légitime que la communauté internationale se sente concernée et traite de ce problème. » Les résolutions par pays remontent aux années 1940, lorsque la première Assemblée s'est penchée sur les violations des droits de l'homme en Hongrie et en Roumanie, et dans les années 1970, lorsqu'elle avait l'Allemagne de l'Est, le Chili et d'autres pays d'Amérique latine dans le collimateur. Même si cet instrument n'est pas parfait, il a fait ses preuves, a indiqué M. Hof.

         25 millions de personnes déplacées dans leur pays

En traversant une frontière internationale, les réfugiés ont généralement droit à de la nourriture, un abri et à la protection d'un pays d'accueil. Or, ceux qui sont chassés de leur communauté mais qui restent dans leur pays n'ont pas cette chance. Selon le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), 25 millions de personnes sont actuellement déplacées à l'intérieur de leur pays (PDI). Obligées de fuir leur communauté pour échapper aux conflits armés, les violations des droits de l'homme et les catastrophes naturelles et causées par l'homme, ces PDI ne reçoivent pratiquement aucune protection.

Alors que la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés a créé un cadre légal pour protéger les réfugiés internationaux après la Deuxième Guerre mondiale, les Nations Unies ont été incapables d'établir des mesures semblables pour les PDI. D'un côté, les gouvernements perçoivent l'implication de l'ONU comme une atteinte à la souveraineté de l'État et, de l'autre, l'Organisation mondiale est souvent obligée d'intervenir pour prévenir les violations des droits de l'homme ou pour y mettre fin.

Des enfants dans un centre accueillant les personnes déplacées à Chigorodo, Uraba, en Colombie, dirigé par Compatir, le partenaire local du HCR. Les enfants vulnérables déplacés dans leur pays y reçoivent des conseils psychologiques, une éducation de base et des repas. Photo HCR/P. Smith
Alors que l'ONU a été parfois incapable d'agir à cause de cette tension entre le respect de la souveraineté nationale et la protection des droits de l'homme, elle a cependant cherché d'autres moyens d'accroître la sensibilisation internationale et le soutien aux PDI. En 1992, le Secrétaire général Kofi Annan a nommé Francis Deng, ancien Ministre soudanais des Affaires étrangères, son Représentant spécial pour les PDI. M. Deng a rédigé un rapport comprenant les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays, qui présente aux gouvernements et aux organisations humanitaires trente stratégies pour aider les réfugiés dans leur pays. Mais l'ONU ne disposant pas d'une institution spécifique pour travailler avec les PDI, c'est le HCR qui se charge de ces questions sur une base ad hoc. Dans la résolution sur l'aide aux réfugiés, aux rapatriés et aux personnes déplacées en Afrique, l'Assemblée générale reconnaît que parmi les réfugiés, les rapatriés et les personnes déplacées dans leur pays, les femmes et les enfants sont les plus touchés par les conflits et sont les premières victimes des atrocités et autres conséquences du conflit. Dans la résolution, l'Assemblée appelle également les États et les autres parties des conflits armés à respecter le droit humanitaire international, gardant à l'esprit que le conflit armé est l'une des causes principales du déplacement forcé en Afrique.

Malgré ces efforts, le HCR a constaté que le nombre de PDI est « relativement stable durant les premières années du millénaire ». Tant que les États et les Nations Unies ne parviendront pas à protéger les droits de toutes les personnes, les PDI continueront d'être les populations les plus vulnérables dans le monde.   -Lisa Krutky
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