Chronique ONU
La militante kényane reçoit le prix Nobel de la paix
Par Rasna Warah

Imprimer
Page d'accueil | Dans ce numéro | Archives | Anglais | Contactez-nous | Abonnez-vous | Liens
L'article
Wangari Maathai
Les premières ont jalonné la vie de Wangari Maathai. En 1971, elle a été parmi les premières femmes africaines de l'Est à obtenir un doctorat de philosophie. Cinq ans plus tard, ce fut la première femme dans la région à occuper une chaire à l'université. Dans les années 1980, elle s'est fait connaître en étant l'une des premières femmes à obtenir un divorce à une époque où cette pratique était taboue dans la bonne société kényane. Et aujourd'hui, à 64 ans, elle est la première femme africaine à gagner le prix Nobel de la paix.

Mme Maathai, une écologiste engagée, a été récompensée pour sa contribution au développement durable, à la démocratie et à la paix. Selon le comité norvégien du prix Nobel, en associant la science, l'engagement social et la politique, elle a montré qu'il ne suffisait pas de protéger l'environnement, mais qu'il était plus important de garantir et de renforcer la base dont dépend le développement durable respectueux de l'environnement - les femmes rurales pauvres.

En 1977, elle a fondé le « Mouvement de la ceinture verte » dont l'objectif était de mobiliser les femmes pauvres du pays afin de planter des arbres. Elle savait que demander à une femme rurale pauvre de ne pas utiliser le bois comme combustible était comme demander à un homme affamé de ne pas manger de poisson. Sa campagne visait donc à assurer la production de bois combustible tout en stoppant l'érosion des sols et la déforestation. À ce jour, grâce au mouvement, plus de 30 millions d'arbres ont été plantés dans le pays. Son militantisme politique dans les années 1980 et 1990 est cependant ce qui a fait d'elle une figure marquante au Kenya mais souvent aussi un objet de dérision.

Wangari Maathai, ministre déléguée de l'environnement (Kenya) et lauréate du prix Nobel de la paix 2004, lors d'une cérémonie de plantation d'arbres le 11 octobre au Bureau de l'ONU à Nairobi, accompagnée de Klaus Topfer, directeur exécutif du PNUE et d'Anna Tibaijuka, directrice exécutive d'Habitat-ONU.
En 1989, elle s'est attaquée pratiquement seule au parti au pouvoir, l'Union nationale africaine kényane, et a défié l'ancien président Daniel arap Moi en s'opposant à la construction d'un immeuble de 62 étages dans le plus grand parc de Nairobi, le parc Uhuru. Avant que les travaux de construction ne commencent, Mme Maathai et d'autres membres de son mouvement ont organisé une manifestation silencieuse dans le parc, malgré les menaces d'arrestation et de coups. Les membres du parti au pouvoir l'ont qualifié de « femme folle » et de « monstre » qui menaçait l'ordre et la sécurité du pays. Mais elle a tenu bon et le projet a finalement été abandonné, initiative applaudie par la communauté internationale. (Le lieu où Mme Maathai et ses camarades ont passé des jours et des nuits a été baptisé « Le parc de la liberté »).

Puis, en 1990, elle a été victime sur ce même lieu de violences policières alors qu'elle manifestait pour la libération des prisonniers politiques. Dix ans plus tard, alors que d'importantes parties de la forêt de Nairobi étaient illégalement vendues à des promoteurs privés, elle est entrée illégalement dans l'une de ces propriétés situées dans la forêt de Karura, où elle a été rouée de coups par un gardien saoul et une bande de voyous recrutés pour l'occasion. Nombreux furent ceux qui se sont joints à elle dans ce combat, mais peu étaient prêts à se faire malmenés ou à faire de la prison.

Elle a heureusement bénéficié du soutien moral des autres pays, ce qui a donné à sa campagne une légitimité internationale qui fut un atout important. Elle a reçu de nombreux prix internationaux, dont le prix Better World Society (1986), le prix Leadership Afrique (1991), le prix Golden Ark (1994) et le prix Sophie (2004). Son nom figure également sur la liste des 500 personnalités dans le monde du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE).

Mais dans le climat politique des années 1980 et 1990 au Kenya, où la corruption était de mise, son combat paraissait isolé. Ce n'est qu'avec l'arrivée du nouveau gouvernement de coalition en 2002 qu'elle a pu être vraiment efficace au sein du gouvernement. Elle a été nommée Ministre déléguée de l'environnement, un poste relativement important, mais qui ne lui a pas donné une autorité définitive au sein du ministère ou du gouvernement.

L'attribution du prix Nobel de la paix revêt une grande importance tant pour Mme Maathai que pour les Kényans qui se battent pour créer une société plus juste. Il est question qu'on lui confie un poste de ministre. Mais peut-être que cela vient un peu tard. Aujourd'hui, les Kényans se demandent bien ce qu'elle va faire après. Pour cette femme que les obstacles n'effraient pas, il ne serait pas surprenant qu'elle réussisse très prochainement une nouvelle première - être la première femme présidente dans un continent dirigé par les hommes
Biographie
Rasna Warah, une journaliste indépendante établie à Nairobi, est membre du conseil d'administration du Bureau de Afrique de l'Est de la Society for International Development.
Page d'accueil | Dans ce numéro | Archives | Anglais | Contactez-nous | Abonnez-vous | Liens
Copyright © Nations Unies
Retour  Haut