Chronique ONU
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« Il faut mettre fin à cette situation »
Une surveillance plus efficace des violations commises contre les enfants dans les conflits armés
Par Julia Freedson et Clelia Peters

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L'article
Photo UNICEF/BETTY PRESS
Dans les conflits actuels, les civils sont fréquemment les victimes de violations extrêmes et graves commises contre leur sécurité et leurs droits. Les enfants et les adolescents, en particulier, sont régulièrement confrontés à la violence sexuelle, à la mutilation, aux assassinats et à la torture, ainsi qu'à la destruction de leur famille, des communautés et de l'infrastructure civile qui sont censées leur apporter un soutien. Les enfants ont le droit de bénéficier d'une protection spéciale contre les conflits violents, cette protection étant essentielle car elle permet aux communautés touchées par le conflit de survivre et de reconstruire une paix durable.

En 1996, Graça Machel a publié une étude révolutionnaire commandée par les Nations Unies sur l'Impact des conflits armés sur les enfants. Suite à ses recommandations, d'importantes améliorations ont été apportées aux politiques et aux programmes : le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté cinq résolutions concernant la protection des enfants dans les conflits armés, considérant qu'il s'agissait d'une question de paix et de sécurité internationales; les Nations Unies ont nommé un Représentant spécial pour les enfants et les conflits armés; et des organisations non gouvernementales (ONG) ont créé WatchList on Children and Armed Conflict pour mieux surveiller et rendre compte de l'impact des conflits sur les enfants.

Photo/Commission pour les femmes et les enfants
Pendant de nombreuses années, les États Membres et les institutions de l'ONU ont été d'avis que l'une des principales mesures pour assurer la sécurité et les droits des enfants pendant un conflit était de mettre sur pied un système efficace d'information au sein de l'ONU. Celui-ci aurait pour fonction de rendre compte rapidement et efficacement à ceux qui ont le pouvoir d'intervention, tels que le Conseil de sécurité, des abus qui sont commis sur place. L'Organisation mondiale ne disposant pas d'un système de coordination efficace pour surveiller et rendre compte des violations commises à l'encontre des enfants, les décideurs internationaux manquent souvent d'informations quand ils élaborent les programmes qui pourraient être une première étape vers la fin des abus. De leur côté, nombreux sont les acteurs de première ligne, les témoins de ces abus, qui se sentent déconnectés et ignorés de tous et laissés dans le désarroi.

Les ONG locales ayant un accès direct à l'information concernant les violations contre les enfants et les adolescents ne savent pas quelle voie suivre pour informer les décideurs. De leur côté, ceux-ci, loin des situations de conflit, ont souvent du mal à prendre des décisions vu le peu d'information dont ils disposent. Malheureusement, sans un échange adéquat d'informations précises et fiables, les mesures destinées à protéger la sécurité et les droits des enfants seront toujours limitées.

Photo/Marie delaSoudiere
Tant les ONG que les institutions de l'ONU jouent un rôle central pour collecter les informations et informer les décideurs. Mais un des problèmes majeurs est qu'il n'existe aucun système rigoureux et efficace pour coordonner ces activités et les orienter de manière à assurer le respect des obligations qui lient les pays ainsi que pour rendre compte des mesures prises.

Au cours d'une visite effectuée en juin 2003 en République démocratique du Congo (RDC), les membres du Conseil de sécurité ont fait face à la dure réalité des garçons et des filles enrôlés dans les forces armées; à leur retour, ils ont décidé de « mettre fin à cette situation ». Mettre fin aux abus est l'objectif de la résolution 1539 sur les enfants et les conflits armés, adoptée par le Conseil de sécurité le 22 avril 2004. Elle reconnaît le rôle essentiel que l'échange d'information joue dans la protection des enfants et appelle le Secrétaire général à mettre en place, de préférence d'ici à trois mois, un mécanisme systématique et global de surveillance et de communication de l'information au sein du système de l'ONU. Ce mécanisme permettrait d'améliorer considérablement la capacité de la communauté internationale à prendre des mesures immédiates et décisives pour protéger les enfants touchés par les conflits. Tirant parti de notre expérience en tant que seul réseau mondial qui surveille les violations commises contre les enfants dans les situations de conflit et qui en rend compte, Watchlist on Children and Armed Conflicts a défini plusieurs composantes essentielles à la mise en place d'un mécanisme efficace.

Photo ONU
Pour être efficace, un système de surveillance et de communication de l'information doit comprendre deux composantes liées entre elles : d'abord, il doit disposer d'informations fiables sur les violations de base pour que le Conseil de sécurité, les gouvernements nationaux et autres prennent les mesures qui s'imposent pour que les parties respectent leurs obligations vis-à-vis des normes de protection des enfants. Deuxièmement, les informations doivent être fiables pour évaluer le degré d'observation des obligations des parties vis-à-vis des violations commises contre les enfants et de leur protection dans les conflits armés. Il n'y a pas une différence marquée entre ces deux composantes, les circonstances sur le terrain étant invariablement fluctuantes. Le processus de recueil d'informations sur les violations de base peut chevaucher, en temps et en lieu, les informations concernant les degrés d'observation des normes. Il se peut, par exemple, que durant une réunion entre un émissaire du Conseil de sécurité et une partie connue pour utiliser ou recruter des enfants soldats, l'émissaire soit informé de nouvelles violations commises à l'encontre des enfants. Cette information recueillie lors de l'évaluation de l'observation des normes doit être communiquée pour que des mesures soient prises. Il est donc important de coordonner ces deux composantes de manière rigoureuse afin d'en maximiser l'efficacité.

Des garçons sont les acteurs d'un « drame pschychogique » dans lequel ils miment les massacres qu'ils ont vécus. Cette thérapie, destinée à les aider à affronter leurs expériences, est proposée aux enfants non accompagnés séparés de leurs parents, dans un centre appuyé par l'UNICEF, à Nyamata, en Ouganda. Photo UNICEF/BETTY PRESS
De plus, l'expérience montre que les abus commis contre les enfants ne cessent que lorsque la collecte d'informations est suivie d'un plan précis indiquant à qui en rendre compte, comment les vérifier et les actions coercitives à entreprendre pour que les parties respectent leurs obligations. Mais, surtout, il est impératif que ceux qui transmettent les informations voient le lien précis qui existe entre l'information relative à un incident et les mesures correctives à prendre pour protéger les enfants dont les droits sont violés. Par exemple, il est particulièrement navrant de constater que même dans des situations où les informations concernant les violations de base sont connues et ont été communiquées aux institutions de l'ONU et aux membres du Conseil de sécurité par les parties intéressées, le Conseil et ses représentants n'ont rien fait, même pas introduit cette question dans une résolution relative au pays en question.
Un soldat médecin des Nations Unies examine un enfant blessé par une mine terrestre, à l'extérieur de l'hôpital central de Kigali, au Rwanda. Photo UNICEF/BETTY PRESS
Les résolutions précédentes du Conseil sur les enfants et les conflits armés - 1379 (2001) et 1460 (2003) - demandaient d'accorder une attention particulière à la sécurité des enfants lors des délibérations ayant trait aux situations de conflit spécifiques. D'importantes lacunes dans ce domaine sont documentées dans l'étude de Watchlist. Réalisée entre le 1er novembre 2002 et le 31 octobre 2003, l'étude a révélé que seulement neuf résolutions sur 54 adoptées par le Conseil abordaient la sécurité et la protection des enfants et couvraient seulement cinq situations de conflit spécifiques. De même, sur les 44 rapports par pays présentés par le Secrétaire général au Conseil pendant la même période, seulement 16 comprenaient un débat de fond sur la protection des enfants. En tout, ces rapports faisaient état de huit domaines de conflit.

En outre, des freins et des contrepoids sont nécessaires dans n'importe quel système de surveillance et de communication de l'information afin que les intérêts politiques d'un État Membre de l'ONU ne puissent bloquer une action menée pour protéger les enfants vulnérables. Un système efficace doit reconnaître que les organisations de la société civile jouent un rôle essentiel dans la surveillance et la documentation de l'information. Watchlist encourage la mise en place d'un système qui accorde un rôle précis aux organisations de la société civile, à la fois aux niveaux national et international, afin de fournir l'élément indépendant indispensable. Un système efficace doit reconnaître la capacité et l'expertise inhérentes aux groupes locaux et collaborer avec eux, créant des systèmes qui resteront en place après la première action internationale.

Ce sont quelques-uns des points de repère sur lesquels Watchlist se basera pour mesurer les propositions spécifiques à la mise en place d'un système efficace de surveillance et de communication de l'information. Mais, surtout, le système doit donner lieu à des actions spécifiques et assurer le respect des obligations internationales en matière de protection des enfants.
Pour lire les rapports par pays de Watchlist et pour plus d'informations sur la mise en ouvre des résolutions du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés, visitez le site à www.watchlist.org.
Biographies
Julia Freedson (à gauche) est coordinatrice et Clelia Peters (à droite) est spécialiste de programme à Watchlist on Children and Armed Conflict, un réseau d'ONG qui, depuis 2001, surveille, documente et communique les informations sur les violations commises contre les enfants dans des conflits armés spécifiques.
Ses rapports, effectués par pays, examinent les menaces ou l'impact des conflits sur les enfants. Watchlist lie ceux qui ont des informations de première main sur les violations en matière de sécurité et de droits de enfants et les décideurs qui sont à même de prendre les mesures pour mettre fin à ces violations.
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