Chronique ONU
Mettre en place une action collective contre
le Terrorisme
Par Sergey V. Lavrov
Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie


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L'article
Photo PNUD
L'expérience de ces dernières années montre que la lutte contre le terrorisme ne peut réussir que par les efforts communs de la communauté internationale. Devant la montée de cette menace partout dans le monde, la Fédération de Russie a été la première à demander la mise en place d'un mécanisme de coopération internationale contre le terrorisme basé sur la Charte des Nations Unies et les normes du droit international.

En 1999, sur l'initiative de la Russie, le Conseil de sécurité de l'ONU avait adopté à l'unanimité la résolution 1269 (1999), la première résolution anti-terroriste complète de l'ONU ayant pour but d'éradiquer le terrorisme international. Avant cette date, le Conseil n'avait examiné que quelques cas spécifiques liés au terrorisme, tels que les sanctions contre les talibans. La résolution 1269 a jeté les bases pour la création d'une coalition antiterroriste, a établi ses principes essentiels et a défini les domaines qui nécessitent les efforts de la communauté internationale.

En particulier, la résolution a condamné tous les actes de terrorisme, quels qu'en soient les motifs, a considéré que le terrorisme était une menace pour la paix et pour la sécurité, a demandé à tous les États d'adhérer aux conventions internationales de lutte contre le terrorisme et de les appliquer intégralement, et a souligné la nécessité de coordonner les efforts des gouvernements et des organisations internationales et régionales. Le Conseil de sécurité a également demandé à tous les États de prévenir et de réprimer les actes de terrorisme, leur préparation et leur financement, de traduire en justice ceux qui organisent de tels actes, d'empêcher ceux qui organisent, financent ou commettent des actes de terrorisme de trouver asile où que ce soit et d'échanger des informations et de coopérer sur le plan administratif et judiciaire de façon à prévenir ces actes. Toutes ces dispositions établissent le cadre conceptuel et pratique pour les résolutions suivantes du Conseil de sécurité, dont la résolution 1373 (2001) adoptée après les événements tragiques du 11 septembre 2001, qui occupe la place centrale. Cette résolution, à laquelle la Russie a participé activement, est importante car elle impose aux États de satisfaire aux exigences de la résolution 1269 et a établi un mécanisme de suivi et de coordination spécifique, le Comité contre le terrorisme (CCT), où la Russie occupe l'un des postes de vice-président et dirige l'un des trois sous-comités.

Les travaux du CCT sont entrés dans une nouvelle phase lorsqu'en se fondant sur l'expérience acquise, cet organe a commencé à associer les mesures pratiques des États et les diverses institutions internationales et régionales. Par les travaux du CCT, de ses sous-comités et de son groupe d'experts, un inventaire a été établi comprenant un rapport analytique des mesures prises par les États en ce qui concerne l'adoption d'une législation antiterroriste, les pratiques administratives et l'application de la loi ainsi que l'adhérence aux conventions internationales pertinentes.

Une assistance spécifique est fournie aux pays qui le souhaitent afin de promouvoir leurs pratiques optimales. Parmi les institutions coopérant avec le CCT dans ce but figurent, entre autres, le Fonds mondial international, la Banque mondiale, l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, le G-8 et Interpol. Les organisations régionales d'Eurasie, y compris l'Organisation du Traité de sécurité collective, la structure antiterroriste du Commonwealth des États indépendants et l'Organisation de coopération de Shangai contribuent à cet effort. Toutes ces organisations ont établi des relations de partenariat avec le CCT et remplissent une mission antiterroriste dans la région eurasienne. Ce réseau de coopération devient de plus en plus efficace, permettant de bloquer des voies pouvant être utilisées pour préparer, financer et exécuter des actes de terrorisme, limitant de ce fait le champ de manouvre des terroristes et réduisant leurs capacités à commettre des actes de terreur.

L'un des objectifs immédiats est de renforcer la base juridique internationale pour lutter contre le terrorisme. Il est nécessaire non seulement de faire appliquer toutes les conventions existantes mais également de combler la dernière lacune juridique. À l'initiative de la Russie, un projet de convention sur la lutte contre le terrorisme nucléaire a été examiné aux Nations Unies pendant plusieurs années. Tous les efforts devraient être mis en ouvre pour l'approuver dès que possible, compte tenu de la menace que représente l'acquisition d'armes de destruction massive (ADM) ou de leurs composants par les terroristes. Cette menace cause de sérieux problèmes, et la Russie estime que le Conseil de sécurité doit aussi jouer un rôle en prenant des mesures spécifiques pour s'assurer que tous les gouvernements coopèrent afin d'empêcher les individus et les groupes d'avoir illégalement accès aux matériaux, aux équipements et à la technologie liés aux ADM.

Il est impossible d'entreprendre une action efficace contre le terrorisme sans prendre en compte la relation entre ce phénomène et d'autres menaces et d'autres défis tels que les risques accrus de prolifération d'ADM et le trafic illégal de stupéfiants, la criminalité organisée et la montée des tendances extrémistes dans les régions où les conflits entre les ethnies et autres conflits persistent et où la faim, la pauvreté et le sous-développement sont des problèmes largement ignorés.

Il y a trois ans, convaincue qu'une approche complète de tous ces problèmes était nécessaire, la Russie a fait une proposition afin d'élaborer, sous l'égide de l'ONU, une stratégie mondiale pour faire face aux nouvelles menaces et aux nouveaux défis. Cette initiative a été approuvée à l'unanimité dans les résolutions des cinquante-septième et cinquante-huitième sessions de l'Assemblée générale de l'ONU, qui ont soumis des recommandations spécifiques afin que la communauté internationale mette en place une action plus efficace contre ces nouvelles menaces, avec l'appui des mécanismes multilatéraux du système de l'ONU et des organisations régionales.

Ce fut dans ce contexte que les membres de l'ONU ont soutenu l'initiative du Secrétaire général Kofi Annan de réunir un Groupe de haut niveau sur les menaces, les défis et les changements et, en se fondant sur le rapport du groupe, de soumettre ses recommandations à l'Assemblée générale. Ces recommandations seront d'une importance cruciale pour définir les moyens de renforcer l'Organisation mondiale pour qu'elle joue un rôle central de coordination des actions de tous les États et pour l'adapter aux exigences du monde actuel. Il n'y a qu'ensemble que nous pourrons éliminer les risques posés par le terrorisme et les autres menaces. À cet égard, on ne saurait surestimer le rôle de l'ONU.
Biographie
Sergey V. Lavrov a été nommé ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie en mars 2004. Il était représentant permanent auprès des Nations Unies depuis 1994. Il a écrit cet article pour la Chronique avant d'être nommé ministre.

Renforcer le régime juridique contre le terrorisme
Le Conseil de sécurité a adopté à l'unanimité la résolution 1373 (2001) le 28 septembre, déclarant que les actes, les méthodes et les pratiques du terrorisme, ainsi que le financement, l'organisation d'actes de terrorisme et l'incitation à de tels actes sont « contraires aux buts et aux principes des Nations Unies ». Il a également souligné la nécessité d'améliorer la coordination des efforts afin de renforcer une action mondiale face à la menace que ces actes font peser sur la paix et la sécurité internationales et a exprimé sa détermination à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la pleine application de la résolution.

Agissant en vertu du chapitre VII de la Charte de l'ONU, qui oblige tous les États à se conformer à ses dispositions, le Conseil a élaboré de nombreuses stratégies pour combattre le terrorisme international et a créé un Comité, composé de tous les membres du Conseil, pour assurer le suivi de la résolution. Il a demandé à tous les États de prévenir et de réprimer le financement des actes de terrorisme, ainsi que d'ériger en crime la fourniture ou la collecte délibérée de fonds utilisés pour perpétrer de tels actes, et de geler les avoirs financiers des personnes qui commettent, tentent de commettre des actes de terrorisme ou les facilitent.

Il a aussi décidé que les États interdisent à leurs nationaux ou toute personne ou entité se trouvant sur leurs territoires de mettre des fonds ou des services à la disposition de personnes qui commettent des actes de terrorisme, s'abstiennent de porter appui aux personnes impliquées, de prendre des mesures pour prévenir les actes de terrorisme et de refuser de donner asile à ceux qui commettent ou soutiennent les actes de terrorisme ou en recèlent les auteurs.

Les États doivent également empêcher que les terroristes utilisent leurs territoires pour commettre de tels actes contre d'autres pays, que toutes les personnes qui ont participé au terrorisme soient traduites en justice et à veiller à ce que ces actes de terrorisme soient érigées en crimes graves dans la législation nationale et que la peine infligée soit à la mesure de la gravité des actes. En outre, ils devraient s'aider mutuellement lors des enquêtes criminelles ou autres procédures portant sur le financement d'actes de terrorisme ou l'appui dont ceux-ci ont bénéficié, et empêcher les mouvements de terrorisme ou de leurs groupes en instituant des contrôles efficaces aux frontières ainsi que lors de la délivrance des papiers d'identité et de documents de voyage.

Le Conseil a appelé tous les États à devenir parties aux conventions et protocoles internationaux afin de combattre le terrorisme. La pleine application des douze conventions contre le terrorisme (voir Chronique ONU, n° 3, 2001, p. 74) va au-delà de leur ratification et de la mise en place du cadre législatif d'appui. Elle comporte de nombreux aspects, dont le concept de sécurité nationale, les allocations budgétaires et les mesures administratives et celles destinées au personnel. Le mise en place de la législation est, cependant, un obstacle initial à l'application de la résolution 1973 par un État partie et à la ratification des conventions mondiales contre le terrorisme.
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