Chronique ONU
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Les femmes agents de la paix

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L'article
Alors que les gouvernements nationaux et les organisations régionales et internationales prennent des mesures concrètes pour mettre en ouvre la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, adoptée par l'Assemblée générale le 31 octobre 2000, les femmes contribuent à la consolidation de la paix partout dans le monde. Ce qui est nouveau, ce n'est pas leur participation aux négociations de paix et à la reconstruction des sociétés, mais la réaffirmation de celle-ci, et non sa conception, telle qu'elle est contenue dans la résolution. Tout être humain est né d'une femme, et toutes les mères endurent des souffrances physiques lorsqu'elles mettent un enfant au monde.

La résolution 1325, cependant, réaffirme et assure que les femmes assument un rôle important dans la prévention et la résolution des conflits, ainsi que dans la consolidation de la paix. L'un des principaux thèmes de la 48e session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies (CCF), qui s'est tenue à New York du 1er au 12 mars 2004, concernait l'égalité des hommes et des femmes dans la prévention, la gestion et la résolution des conflits dans le monde, ainsi que dans la consolidation de la paix. Tandis que le changement d'attitude nécessaire pour adopter et intégrer une démarche soucieuse de l'égalité entre les hommes et les femmes, telles que préconisée par la résolution 1325, n'est pas toujours chose facile, les initiatives de paix lancées par les femmes se multiplient. Les organisations gouvernementales et non gouvernementales (ONG) font également des efforts pour mettre en ouvre la résolution.

Le Réseau des femmes de la rivière Mano a été créé en 2001, au plus fort de la crise libérienne, lorsque les femmes libériennes, guinéennes et sierra-léonaises se sont regroupées pour gérer, résoudre et prévenir le conflit. Ce réseau, qui a reçu le prix des Nations Unies 2003 pour la cause des droits de l'homme, a réussi, seul, à instaurer une voie de communication entre les factions en guerre, amenant les leaders des trois pays à régler leurs différends, à ouvrir les frontières et à reprendre leurs relations diplomatiques. Ses membres se sont cependant plaints que les traditions sexistes empêchent toujours les femmes de participer pleinement aux prises de décision ayant trait aux négociations de paix, aux mesures de renforcement de la confiance et à la résolution des différends. Mais ces femmes ne se sont pas découragées pour autant et ont sensibilisé les négociateurs de paix libériens pour qu'ils utilisent les instruments des droits de l'homme dans les négociations et la consolidation de la paix. Elles ont également enseigné la résolution des conflits aux ONG, aux médias et aux rebelles tout en défendant les droits des réfugiés.

De leur côté, les femmes autochtones népalaises participent à la prévention, à la gestion et à la résolution des conflits au niveau de la communauté tout en faisant pression pour que les femmes jouent un rôle de médiateur et de négociateur dans les institutions nationales. Pendant une présentation à la 48e session de la CCF, Stella Tamang, de la population Tamang, l'une des plus grandes populations autochtones au Népal, a mis l'accent sur le fait que « si les femmes s'assoient à la table des négociations, elles changeront la formulation des négociations ». « Elles introduiront des solutions concrètes au conflit. Je ne dis pas qu'il faille saper les efforts des hommes. Mais je vous rappelle que les interprétations et les solutions proposées seulement par les hommes ne résoudront pas les conflits et n'apporteront pas la paix », a-t-elle conclu.

Aninigina Tshefu Bibiane a fait ses études à Bruxelles. Après avoir obtenu une maîtrise en sciences sociales et en développement de la communauté, elle est rentrée à Kinshasha, en République démocratique du Congo et est devenue conseillère auprès du ministre de la Condition féminine. Soutenant activement la participation des femmes à la résolution des conflits, elle a également été l'agent de liaison pour Women as Partners for Peace in Africa (Femmes en tant que partenaires pour la paix en Afrique), une organisation panafricaine chargée de la préparation des négociations de paix. À New York, Mme Bibiane a travaillé avec le Comité des services africains avant de rentrer dans son pays pour participer au Programme des Nations Unies pour le développement dans la région des Grands Lacs. Tout en enquêtant auprès des ONG régionales, elle a renforcé la prise de conscience des femmes congolaises et encouragé leurs efforts en matière de résolution des conflits.

De même, Awut Deng, du New Sudan Council of Churches établi à Nairobi, a ouvré à la promotion de la prévention, de la gestion et de la résolution des conflits. Pour cette militante de longue date, les négociations de paix (elle a réussi à réunir des hommes et des femmes autour de la même table de négociations) ne visaient pas seulement le conflit entre le nord et le sud du Soudan, mais aussi les relations entre les femmes de ces deux régions. Elle a créé la Sudanese Women's Association (Association de soutien aux femmes soudanaises à Nairobi), qui est ensuite devenue Sudanese Women's Voice for Peace (la voix des femmes soudanaises pour la paix). Le New Sudan Council a étendu cette initiative de femmes à la Conférence de Wunlit qui comprenait les aînés, les chefs, les chefs spirituels, les représentants religieux et les jeunes, et a donné naissance à l'Accord de paix de Wunlit. Bien que veuves et seules à la tête de leur foyer, les femmes soudanaises du sud ont été des soldats et des négociateurs de paix, a fait remarquer Mme Deng. Grâce à ses efforts, les femmes soudanaises du nord et du sud se sont rencontrées et ont réussi à aller au-delà des divergences profondes qui les opposaient, convenant que les peuples ont des droits inhérents à l'autodétermination et que le gouvernement devait prendre en compte leur rôle en matière de prise de décision dans les affaires politiques.

En Azerbaïdjan, les femmes parlementaires et celles faisant partie d'institutions gouvernementales, d'ONG et de partis politiques se sont rassemblées en septembre 2002 à la Maison des Nations Unies à Bakou pour créer l'Azerbaïdjan Women's Coalition. Consciente des conséquences négatives qu'a le conflit sur la population civile et les réfugiés, et mettant en avant le fait que les femmes ont combattu aux côtés des hommes dans le conflit du Garabagh, la Coalition vise à renforcer l'indépendance de la République en incluant les femmes à la prise de décision dans la résolution des conflits. Alors que le statut des femmes évolue peu à peu, les organisations régionales et internationales cherchent à ce que la résolution soit mise en ouvre rapidement. Lors de l'Assemblée générale, qui a eu lieu en novembre 2003, Jan O. Karisson, alors ministre des Affaires étrangères et ministre chargé de la Coopération au développement et de la politique en matière de migration et d'asile, a annoncé : « Les droits égaux des femmes à l'éducation, à une carrière professionnelle, à la participation à la vie politique, ne constituent pas une menace pour les hommes. L'absence de ces droits est une menace pour l'humanité [...]. Les femmes jouent un rôle crucial dans la recherche de la paix et de la réconciliation. Je souhaite que les perspectives sexo-spécifiques fassent partie des mandats et des activités de toutes les missions de maintien de la paix. Il est impératif d'augmenter le nombre de femmes dans ces opérations, à tous les niveaux. L'application de la résolution 1325 du Conseil de sécurité est vitale. »

En 2003, la division Territoire de la capitale australienne (ACT) de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, a reçu des réponses du Premier Ministre australien, du ministère des Affaires étrangères et du commerce, des ministres de la défense et de l'éducation, des sciences et de la formation sur la manière de promulguer la résolution. En 2002, des subventions ont été accordées à l'ACT qui lui ont permis de développer et de distribuer des supports d'information et d'éducation sur la résolution. En 2002, les ministres néerlandais des Affaires étrangères et de la Défense ont établi un groupe de travail commun chargé d'évaluer la politique actuelle à la lumière de la résolution 1325, et ont soutenu les mesures concrètes en matière de promotion de l'autonomisation des femmes et de l'égalité des sexes. Les deux ministères ont convenu de mettre en place une stratégie globale destinée aux personnes chargées de la mise en ouvre de la résolution.

En mai 2003, Athènes, en Grèce, a accueilli le forum de l'Union européenne, où les participants ont demandé, entre autres, que la Convention européenne et la Conférence intergouvernementale de 2004 inscrivent l'égalité des sexes dans les principes et les valeurs proclamées par la Commission européenne et que, dans la future Constitution de l'Union européenne, une représentation équilibrée des hommes et des femmes soit assurée dans tous les organes consultatifs et de prise de décision traitant des relations extérieures. Deux mois plus tard, le Réseau inter-institutions sur les femmes et l'égalité entre les sexes et l'Organisation pour le Réseau de développement économique sur l'égalité des sexes, se sont réunis à Paris pour une session de travail afin de mettre en lumière les leçons tirées en Afghanistan en matière d'égalité des sexes et de reconstruction après le conflit. Ils se sont engagés à adopter une politique de transformation sociale et une démarche soucieuse de l'égalité des sexes dans la formulation des politiques, les allocations budgétaires et les mécanismes de suivi.

Créé en mars 2003, le Conseil des femmes en Allemagne accorde également une grande importance à la formulation des politiques, à l'allocation fiscale et aux mécanismes de suivi. Comprenant, entre autres, des militantes pour la paix, des analystes de recherche, des représentantes d'ONG, le Conseil des femmes fait pression pour que la résolution 1325 soit mise en ouvre dans le pays et suit de près les activités du gouvernement allemand. Il a soumis un plan d'action à son gouvernement demandant l'institution de quotas (30 % de femmes dans les domaines de prise de décision). Selon lui, les dispositions non contraignantes renforcent la tendance à exclure les femmes de l'accès à des postes de prise de décision et les relèguent au deuxième rang. Le Conseil recommande l'établissement d'un groupe de suivi de l'ONU rendant compte au Secrétaire général. Le non-respect des quotas par un État Membre entraînerait une réduction des allocations budgétaires existantes. Le quota de 30 % s'appliquerait non seulement à la prévention, à la gestion et à la résolution des conflits mais aussi à la phase de reconstruction, avec la mise en place de constitutions et de systèmes juridiques spécifiques à chaque pays.

Le rôle des femmes en faveur de la paix est à un point de non-retour. Même si le mouvement des femmes visant à donner aux femmes l'accès aux postes de prise de décision dans les domaines de la prévention, la gestion et la résolution des conflits, et de la reconstruction du pays, est une lutte de longue haleine, il a une raison d'être.   -Fayth A. Ruffin
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