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Sur le terrain
L'usage des bicyclettes à Bogota
Par Jonas Hagen, pour la Chronique

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L'article
L'enthousiasme d'Enrique Peñalosa est contagieux. En 1997, lorsqu'il a été élu maire de Bogota (Colombie) pour trois ans, la ville était l'une des plus polluées au monde et connaissait des problèmes de circulation cauchemardesques. Maintenant que les résidents peuvent rouler à bicyclette, aller travailler grâce au système d'autobus innovant mis en place et que le nombre d'espaces verts publics a considérablement augmenté, il fait le tour du monde avec, pour message, rendre les villes des pays en développement plus vivables.

Il a convaincu les habitants de Bogota de laisser leur voiture au garage et d'emprunter les transports en commun ou d'utiliser la bicyclette, en organisant, avec l'aide des organisations non gouvernementales (ONG) et les Nations Unies, La Journée sans voiture. Cette initiative, soutenue par le gouvernement local, donne une impulsion et une direction au mouvement en faveur du développement urbain durable et des transports alternatifs.

Professeur invité au Centre d'études latino-américaines et des Caraïbes de l'université de New York, M. Peñalosa estime que les villes des pays en développement sont arrivées au moment décisif où elles peuvent tirer les leçons des erreurs des pays industrialisés et choisir de se développer en améliorant la qualité de vie de leurs habitants. Les villes sont " les lieux les plus importants au monde, a-t-il déclaré à la Chronique. Au cours des trente prochaines années, 2 milliards de personnes vivront dans les villes des pays en développement ".

" Pour que ces villes prospèrent, il faut que les habitants s'y sentent bien ", a-t-il expliqué. " Cela ne dépend pas de la richesse personnelle mais de la qualité de la vie. C'est un aspect essentiel pour les pays en développement parce que c'est notre avantage compétitif — nous ne pouvons peut-être pas fournir des revenus élevés, mais nous pouvons améliorer la qualité de la vie. " Il a ajouté que cela évitera la fuite des cerveaux vers les pays développés où les salaires sont plus élevés. Voyons aussi à quoi les personnes aisées vivant dans les pays développés consacrent leurs loisirs. " Peut-être aiment-elles se promener dans un parc, faire de la bicyclette ou nager dans une rivière non polluée. Peut-être pouvons-nous proposer la même chose dans les pays en développement bien que n'étant pas riches. "

À Bogota, chaque dimanche, près de 2 millions de personnes empruntent à pied, à bicyclette ou en patins à roulettes un réseau de 153 km de routes interdites aux voitures. Photo reproduite avec la permission de l'Institut des loisirs et des sports de la ville de Bogota.
Selon M. Peñalosa, réduire l'usage de la voiture dans les villes est un moyen efficace d'améliorer la qualité de vie de tous les citoyens. Cela permet d'améliorer la qualité de l'air et de rendre les transports plus rapides et plus efficaces. De plus, au lieu de gaspiller les fonds publics à la construction de routes qui coûte cher et aux programmes de maintenance dont les seuls à bénéficier sont les automobilistes (une minorité dans les pays en développement), les fonds peuvent être investis pour améliorer les transports publics, les voies cyclables et les espaces verts. " L'amélioration des espaces publics constitue l'un des instruments les plus efficaces visant à instaurer une société égalitaire.

Un beau parc bien entretenu est une fin en soi. Pour être heureux, les gens ont besoin de pouvoir marcher et d'être avec d'autres personnes. Les parcs, les espaces verts et les bibliothèques améliorent la vie des pauvres et créent une société plus juste, plus égalitaire ", a-t-il poursuivi, ajoutant qu'il voulait " créer une ville où les gens se rencontrent quelle que soit leur catégorie sociale, où par exemple, un propriétaire foncier et une femme de ménage sont sur le même pied d'égalité. Cela permet de désamorcer les tensions. Lorsqu'un millionnaire prend le métro, cela crée une société tout à fait différente ".

Pendant son mandat, M. Peñalosa a réduit de 40 % l'usage de l'automobile par les particuliers pendant les heures de pointe, a mis en place un service de " métro de surface " et un service de bus sur voie rapide appelé Transmilenio et ouvert 250 km de pistes cyclables (le plus long réseau dans un pays en développement). Il a également rénové la ville en construisant des bittes anti-stationnement sur les trottoirs, planté 70 000 arbres, installé 183 651 jardinières, aménagé des espaces verts le long d'un réseau de 202 km de routes et créé de nombreux parcs.

Avec l'aide de l'ONU et d'autres ONG, la Journée sans voitures a été l'événement le plus suivi dans le monde. La ville, qui compte 7 millions d'habitants, a été interdite à la circulation et les résidents ont utilisé bicyclettes, bus ou taxis pour aller au travail ou à l'école. L'événement a été si populaire que, lors d'un référendum, les citoyens de la ville ont voté pour que cette journée ait lieu chaque année. " Si je leur avais demandé qu'elle ait lieu une fois par mois, ils auraient voté pour ", a ajouté M. Peñalosa.

On pourrait se demander quel est l'intérêt d'organiser une journée sans voitures une fois par an. Pour Ghazal Badiozamani, du Programme de l'ONU Journée sans voitures, l'objectif est d'instaurer un dialogue et d'envisager d'autres moyens de transport. " Les articles, les éditoriaux et les discussions ont suscité une grande mobilisation ainsi qu'une importante sensibilisation, et les habitants ont commencé à penser au développement de la ville à long terme. Cela pousse les gouvernements locaux à agir. Les journées sans voitures sont très efficaces parce qu'elles sont centrées sur la prise de décision des citoyens et " renforcent le sentiment d'appartenance à une communauté ainsi que le sentiment de propriété. Elles donnent aux gens l'occasion de changer leur vie et la manière dont la ville est gérée. Il s'agit d'un acte symbolique qui responsabilise. Les gens se rendent compte qu'ils peuvent utiliser le bus ou la bicyclette pour aller travailler et qu'en se mobilisant tous pour réaliser un projet, ils peuvent accomplir des choses importantes ".

La Journée sans voitures organisée à Bogota a connu un tel succès que d'autres villes colombiennes ont suivi l'exemple. En 2002, l'événement comprenait un séminaire parrainé par la Banque mondiale destiné aux maires des autres capitales d'Amérique latine.

Enrique Peñalosa aux Nations Unies avec le Ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement français, Dominique Voynet, et son conseiller . ITDP a organisé un tour de bicyclette avec Peñalosa et les ministres de l'environnement de 11 pays différents pendant la 9ème réunion de la Commission du Développement Durable des Nations Unies, avril 2001. Photo: ITDP
L'Institute for Transportation and Developement Policy (ITDP), une organisation non gouvernementale établie à New York qui encourage les transports durables dans les villes, a choisi M. Peñalosa pour représenter le mouvement dans d'autres pays. L'ITDP a travaillé en étroite collaboration avec les Nations Unies sur le Comité du développement durable 9 — dernière réunion d'une série d'événements ayant débuté en 1992 avec le Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro, au Brésil, et s'étant achevée en 2002 avec le Sommet mondial du développement durable, à Johannesburg, en Afrique du Sud. Oscar Díaz, de l' ITDP, a estimé que " par le biais de l'ONU, il était possible d'atteindre des objectifs politiques importants qui sont nécessaires pour assurer le transport durable ", que cela pouvait jouer un rôle dans la promotion du transport durable en élargissant le projet Journée sans voitures et en donnant aux villes les ressources nécessaires pour améliorer le transport public et encourager l'usage de la bicyclette.

Cette Journée sans voitures, qui s'est tenue le 6 février, comprenait un séminaire international sur la mobilité humaine, organisé par l'ONG Human City Foundation, établie à Bogota, en collaboration avec la municipalité, l'ITDP et la Banque mondiale.

Les 423 participants, au nombre desquels figuraient des maires, des ministres des transports ainsi que des représentants de l'ONU et de la Banque mondiale, ont pu évaluer les initiatives innovantes en circulant à bicyclette et en empruntant le Transmilenio.

La Journée sans voitures, a été l'occasion pour les participants internationaux d'aborder la question des moyens de transport alternatifs. Kleist Sykes, maire de Dar-Es-Salaam, en République unie de Tanzanie, a déclaré : " Tant que nous n'aurons pas un système de transport efficace et fiable, aucun projet de Journée sans voitures ne sera possible dans notre ville. " Paul Guitink de la Banque mondiale a félicité les deux maires de Bogota : " Enrique Peñalosa et [le maire actuel] Antanas Mockus ont montré qu'un leadership fort peut amener des changements importants. " Il a également soutenu la vision de M. Peñalosa : " La présence ici de plus de 30 pays témoigne du fait que les villes peuvent être conçues pour les gens et non pour les voitures. "

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