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Les Nations Unies et la société civile: un nouveau pas dans la bonne direction
Par John R. Gagain Jr.

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L'article
L'action conjugée de Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, et des diverses conférences de l'ONU pendant les années 1990 semble avoir eu un effet positif sur la participation de la société civile dans les activités du système de l'ONU. Pourtant il aura fallu attendre le Sommet mondial de la société de l'information (SMSI) pour qu'ait lieu un progrès décisif — la création du Bureau de la société civile comme partie intégrante du SMSI.

Le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, au Brésil, a rassemblé plus de 20 000 membres de différentes organisations non gouvernementales (ONG) et de la société civile. Le Sommet, appelé officiellement la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), a réaffirmé la nécessité de faciliter les interactions entre la société civile, les entreprises et l'ONU, compte tenu des effets que des questions, telles que celles concernant l'environnement et le développement, ont dans notre vie.

Le CUNED a élaboré un ordre du jour pour le XXIe siècle : le programme Action 21, qui reconnaît neuf groupes sociaux importants : les femmes, les enfants et les jeunes, les populations autochtones, les organisations non gouvernementales, les autorités locales, les ouvriers et les syndicats, les entreprises et l'industrie, les communautés scientifiques et technologiques et les paysans. Ces groupes participent désormais régulièrement à la Commission de l'ONU sur le développement durable par le biais d'un mécanisme communément désigné sous le nom de " dialogue entre les diverses parties prenantes ". Cela inclut les représentants des gouvernements, de la société civile et du secteur privé concernés par les questions ou les problèmes auxquels la société est confrontée. Certains enthousiastes de la société civile ont cependant estimé que ce dialogue manquait de substance.

Le Sommet mondial du développement durable (SMDD), qui a eu lieu à Johannesburg en août 2002, est un exemple typique. Dix milliers de participants de la société civile et de membres d'ONG se sont réunis à l'occasion du suivi du Sommet de la Terre, dix ans après. Le SMDD a limité le face à face entre les ONG et les gouvernements, en exigeant la présentation de billets à l'entrée du Centre des conventions de Sandton où se déroulaient les négociations. Ce ne fut que le dernier jour que le dialogue entre les diverses parties prenantes a pu avoir lieu entre les délégations gouvernementales et les jeunes, les entreprises, les syndicats et les ONG qui avaient traversé la planète pour faire entendre leur voix. Les sentiments dont étaient animés les représentants de la société civile pourraient se résumer en ces termes : " En somme, les gouvernements souhaiteraient notre participation pour que nous leur insufflions l'énergie afin de donner une perspective positive et de l'espoir à leurs promesses non tenues et à l'absence de volonté politique ".

Il est indiscutable que ce Sommet a été un échec. Il a pourtant donné lieu à de nombreux résultats importants et à la création de nouveaux partenariats. Mais il n'a pas été à la hauteur des attentes concernant la participation de la société civile.

On peut au moins espérer que le Sommet mondial sur l'information de 2003 réussira ce que le Sommet de Johannesburg n'a pas su faire. Le SMSI se déroulera en deux phases : du 10 au 12 décembre 2003 à Genève et du 16 au 18 novembre 2005 à Tunis.

Selon les chiffres de l'ONU, plus de 1,5 million de villages dans le monde n'ont pas accès à l'information et un tiers de la population mondiale n'a jamais fait un seul appel téléphonique. Le Sommet de cette année prévoit d'aborder ce problème, appelé " le fossé numérique ", en rapprochant tous les citoyens des quatre coins de la planète et en leur réservant une place à la table des négociations. Le Comité de préparation du SMSI, qui s'est réuni du 17 au 20 février 2003 à Genève, a finalement pris les mesures tant attendues par la société civile. Plus de 2 000 leaders, dont des ONG et d'autres acteurs de la société civile, ont approuvé la proposition de création du Bureau de la société civile, une commission composée de leurs collègues élus qui permettra de faciliter la participation de la société civile tout en canalisant leurs idées, leurs propositions et leurs travaux pour les présenter aux gouvernements, eux aussi dotés de leur propre Bureau.

Ce progrès s'explique en partie par le fait que le Bureau de la société civile a été créé dès le début. Trop souvent, les propositions de la société civile ne sont examinées que lorsqu'un sommet se réunit. Il est alors souvent trop tard pour apporter des changements importants dans la déclaration finale ou le plan d'action final adopté. La création du Bureau démontre, peut-être pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, que la société civile a la capacité de s'organiser sur une grande échelle, de s'asseoir à la table des négociations et de canaliser les idées des réseaux des ONG et de la société civile qui avaient fleuri depuis le début des années 1990.

Les récents forums mondiaux de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le G-8 et le Forum économique mondial, qui ont eu lieu à Seattle, à Gênes et à Davos, ont parfois donné lieu à de violentes manifestations. Le processus du SMSI à Genève et à Tunis montre la société civile sous un jour différent. Les organisations de la société civile ne pourront plus, et ne devraient plus, être stéréotypées comme étant des " voix oubliées qui sont forcées de hurler ". Le moment est désormais venu qu'elles " se fassent entendre, maintenant qu'elles ont une place autour de la table ". Le Bureau gouvernemental, qui est créé à chaque sommet et est choisi sur une base régionale, a enfin son équivalent, le Bureau de la société civile.

Celui-ci fonctionnera de manière similaire au Bureau gouvernemental, se consultant l'un l'autre et prenant les décisions procédurales qui forment la structure et le champ d'action du Sommet de la société d'information.

Pourquoi renforcer la participation de la société civile aux conférences de l'ONU ? Premièrement, la société civile, ou " les peuples ", devrait pouvoir participer aux discussions portant sur les questions qui la concernent directement. Après tout, ce sont les populations locales qui sont le plus touchées par la pauvreté, le sous-développement, la violence, la dégradation de l'environnement, etc. De nos jours, les gouvernements et les organisations internationales font de plus en plus appel à ses compétences. En reconnaissance, le Bureau de la société civile du SMSI, qui est divisé approximativement en 20 groupes représentatifs, a décidé de réserver un siège aux " réservoirs de pensée ". Il s'agit d'instituts et de fondations de recherche interdisciplinaire établis dans le monde entier qui offrent savoir, expertise, recherche, capacité de réseaux, analyse, méthodes et formulation de politiques, plate-formes pour les débats, ainsi que des ressources et des services pour d'autres institutions, groupes et parties prenantes de la société civile. Les représentants des organisations fournissant les réservoirs de pensée au SMSI ont formé un réseau destiné à nourrir les négociations et les débats ainsi qu'à participer à la prise des décisions procédurales concernant le Bureau.

La société civile devrait considérer ce réseau de réservoirs de pensée de manière stratégique. Depuis longtemps, les gouvernements font appel à ces réservoirs afin d'améliorer la capacité des délégués gouvernementaux à participer aux négociations portant sur les questions de l'ordre du jour du Sommet. Il faut espérer que la société et le secteur privé feront aussi appel aux réservoirs de pensées et collaboreront avec eux avant la tenue du SMSI. Cela pourrait d'ailleurs être une occasion de susciter un rapprochement entre la société civile et les gouvernements.

L'OMC s'emploie également à travailler avec la société civile et le secteur privé en invitant leurs représentants aux événements et aux séminaires de l'OMC. Le 22 février 2003, elle a organisé à Genève un symposium sur les politiques et la concurrence commerciales, à l'occasion duquel se sont rencontrés des spécialistes du monde des affaires, des représentants de gouvernements et de la société civile se sont réunis. Les représentants de la société civile ont décidé de créer le Réseau international d'organisations de la société civile sur la question de la concurrence (http://cuts.org/incsoc.htm), dont le principal objectif est de relier les associations de recherche et du mouvement de défense, étant donné que, selon les conclusions du symposium, " les associations du mouvement de défense doivent connaître parfaitement les questions afin de promouvoir efficacement leur cause et leur mission auprès des gouvernements ".

Des changements considérables transforment le processus de participation de la société civile. Que ce soit dans le cadre de l'ONU, de l'OMC ou du SMSI, les États souverains et les élus font appel aux citoyens au niveau local pour qu'ils contribuent au savoir, ce qui s'appelle communément " le capital humain ".

Cette transformation n'est peut-être que le résultat du changement de paradigme lié à la mutation de la société industrielle vers la société d'information, où Internet a permis aux citoyens de se connecter entre eux et de prendre connaissance des questions en même temps que les élus et les représentants de l'ONU. Que se passera-t-il ensuite ? Nous verrons bien.

Dans tous les cas, le Bureau de la société civile devrait faire partie du changement de paradigme vers une société de l'information, le rendant plus adéquat pour avoir été proposé et accepté au SMSI. La volonté des gouvernements d'inclure la société civile a débouché sur ce progrès concret. Il y a dix ans, les gouvernements n'auraient pas accepté d'organiser leurs réunions en incluant un bureau de la société civile. C'est pourtant ce qui se passe aujourd'hui, même si cela n'est pas sans poser de problèmes. En fait, l'idée d'un bureau de la société civile n'est pas entièrement soutenue ni comprise par tous les délégués de la société civile au SMSI. La transformation vers une société civile qui " s'est organisée ", à l'opposé d'une société civile qui, comme cela s'est passé récemment, affronte les gouvernements, que ce soit dans les salles de conférences, à la table des négociations, dans les couloirs ou dans la rue, nécessite plus de temps pour être pleinement acceptée.

Selon certains représentants des ONG, le nouveau Bureau de la société civile crée un forum qui ne représente pas un défi important pour les gouvernements, lesquels peuvent décider quand et comment ils rencontreront les membres de la société civile et même anticiper ce qui sera dit ou présenté. Certaines organisations de la société civile estiment également que cela avantage même les gouvernements. En revanche, d'autres pensent que le nouveau Bureau agit en leur nom, leur permet de s'exprimer collectivement, leur assure une place à la table des négociations et leur donne une chance de proposer des projets et des solutions.

Il est important non seulement que le Bureau de la société civile du SMSI ait été créé mais aussi qu'il ait été réalisé au moment opportun et qu'il ait été couronné de succès dès le début. Trop souvent, les bonnes idées et les bonnes initiatives sont mises à l'écart au moment d'un sommet. Les mois qui précèdent l'ouverture du Sommet mondial sur la société de l'information permettront à la société civile de renforcer le Bureau et de fournir un mécanisme institutionnel important visant à soutenir, à faciliter et à structurer les intérêts de la société civile. Jamais auparavant, il n'a été aussi facile de mettre en place un processus aussi bénéfique. Le Bureau de la société civile est, et les peuples du monde sont, à pied d'ouvre.

La biographie
John R. Gagain Jr. est représentant auprès des organisations internationales de la Global Foundation for Democracy and Developement et vice-président exécutif de l'Association des Nations Unies de la République dominicaine.
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