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La tribune des invités:
Développement mondial et mondialisation
Des paroles à l’action

Par Son Excellence Tarja Halonen

On dit que la mondialisation a changé la vie des gens plus rapidement et de manière moins prévisible que tout autre phénomène. La mondialisation a permis à des centaines de millions de personnes d’atteindre un niveau de vie jamais atteint auparavant mais elle a, en même temps, engendré une grande misère et une grande insécurité économiques. L’internationalisation est un phénomène qui existait bien avant notre époque mais ce sont seulement les nouvelles technologies de l’information, avec la révolution numérique qu’elles ont engendrée, qui ont, en même temps, rapproché les gens et ôté leur pouvoir.

Depuis la fin de la guerre froide, l’économie de marché s’est développée dans le monde entier. Elle a démontré son efficacité et son dynamisme par rapport aux autres systèmes économiques. La créativité des entreprises est essentielle aux demandes de la technologie moderne et est compatible avec celles-ci. Or, ces deux aspects changent à un rythme rapide, et c’est là, précisément, que résident les risques. Comment la sécurité s’inscrit-elle dans ce contexte ?

Un développement mondial nécessite également des règles de base mondiales. Pour que le monde se développe de manière plus équitable, nous devons être capables de gérer simultanément de nombreuses variables. Pour cela, les États nations ont un rôle important et nous devons renforcer leurs opportunités à créer des conditions favorables pour les personnes et les entreprises. La démocratie, les droits de l’homme et la primauté de droit constituent toujours une base durable pour le développement. Dans le même temps, il serait nécessaire de créer des facteurs fondamentaux en faveur d’un développement économique sûr et plus équitable au niveau social.

Les règles du jeu mondiales devraient prendre en compte les acteurs internationaux. Le pouvoir incontrôlé des marchés mondiaux a été considéré comme le défi principal mais un phénomène qui émerge parallèlement est celui de la bureaucratie supranationale et du pouvoir des spécialistes par rapport auxquels la surveillance et l’orientation démocratiques sont inadéquates. Les gens ne sont pas restés inactifs, loin de là. La plupart ont été convaincus des avantages de la coopération.

Il existe un grand nombre d’accords internationaux et d’organisations internationales qui permettent de mieux gérer la situation.

La tâche de l’Organisation internationale du travail est très importante. Le renforcement de la libéralisation du commerce est également une condition préalable à la prospérité des pays en développement, mais cela ne suffit pas. Pour que les règles du jeu soient équitables, il faut faire plus que cela. Après une longue période d’atermoiements, la Conférence de Doha a fait naître des espoirs. Elle a tendu la main aux pays pauvres et a également ouvert la voie à l’intégration des valeurs éthiques dans le secteur du commerce.

Il ne s’agit en aucune façon de mettre en question le rôle des Nations Unies dans le développement mondial. Le soutien important que le Sommet du millénaire a reçu l’a prouvé, et la Déclaration du millénaire est peut-être le début d’un nouveau développement. Elle comprend des facteurs qui associent le développement économique positif avec le bien-être des personnes et l’environnement : l’élimination de la pauvreté, les investissements dans la santé et l’éducation.

Ce mouvement unanime s’est poursuivi à Monterrey, au Mexique, à l’occasion de la Conférence internationale sur le financement du développement. Si, comme je l’espère, ce message de responsabilité partagée est repris lors du Sommet mondial du développement durable, qui se tiendra à Johannesburg, nous pourrons alors nous réjouir d’avoir pris un chemin commun.

Mais il est urgent de mettre ces objectifs communs en pratique. Les changements causés par la mondialisation sont importants, ils affectent la vie de millions de personnes. Le problème n’est pas seulement lié à la volonté politique nécessaire pour mettre en œuvre ces décisions mais aussi aux divers processus faisant double emploi et qui comportent des lacunes. Cela crée un sentiment d’impuissance non seulement chez les gens qui dénoncent la mondialisation mais également chez ceux qui tentent de la gérer et de gérer leurs motifs.

C’est en ce sens que les travaux des Nations Unies sont insuffisants. La réforme de l’Organisation nécessite un effort supplémentaire. Cependant, la critique internationale s’est surtout centrée sur les institutions Bretton Woods et sur leurs opérations.

C’est précisément en raison de la mondialisation que le rôle du Fonds monétaire international (FMI) en tant que promoteur de la stabilité économique internationale a pris une plus grande importance. Or, sa capacité et son habilité à donner des conseils adéquats ont récemment été vivement critiquées. Les critiques ont fait valoir que le FMI opérait dans un secteur trop étroit pour comprendre les facteurs qui affectent une société. Souvent, prendre davantage en compte la situation sociale d’un pays et l’aider à atteindre une croissance économique rapide serait, du point de vue politique, aussi efficace que de dépendre d’une politique inflationniste stricte. Je crois que la discussion qui a été amorcée portera ses fruits, d’autant plus qu’actuellement la Banque mondiale semble davantage encline à prendre part à ce débat.

Mais, ce ne sont pas les seules raisons. La sphère économique ne bénéficie ni de la même transparence ni des doctrines communes de la sphère politique. Demander une aide économique ou reconnaître qu’elle est nécessaire peut être politiquement difficile pour un gouvernement. Il est également important de ne pas oublier que les entreprises privées recherchent le profit. Elles ont souvent tendance à se retirer au moindre signal d’alarme, et la situation ne fait qu’empirer. Le monde des entreprises préfère dissimuler ses problèmes et, d’ailleurs, les mécanismes de surveillance existants sont souvent défaillants comme, par exemple, dans le cas d’Enron.

Néanmoins, le fait que de nombreuses entreprises aient commencé à prêter une plus grande attention à leur responsabilité sociale est un point positif. Le personnel des entreprises, les organisations non gouvernementales (ONG) et les consommateurs ont apporté un nouvel élan à ce développement. Des entreprises multinationales ont également convenu avec les syndicats internationaux de travailleurs que les droits fondamentaux des salariés devaient être respectés dans tous les lieux de travail et de production de l’entreprise.

Du point de vue économique, la coopération internationale est loin d’être aussi importante que celle qui prévaut dans la sphère politique. Toutefois, il est encourageant de constater que l’histoire de la coopération politique internationale, dans sa forme actuelle, est récente. Ce n’est que depuis la Seconde Guerre mondiale que la communauté internationale s’est employée avec détermination à créer un ordre mondial fondé sur des valeurs universelles. Le développement de la Déclaration des droits de l’homme dans un système international de traités, que les États nations se sont engagés à respecter, a été un changement positif très important.

Pour un État nation moderne, les droits de l’homme, la démocratie et la primauté du droit sont des critères acceptés. La communauté internationale a pu créer un système de gestion des crises fondé principalement sur les actions de l’ONU. Il est loin d’être parfait mais, en termes de crises économiques, notre expérience est encore très limitée, qu’il s’agisse de l’analyse, des alertes rapides, de la gestion efficace d’une crise ou de la reconstruction.

Je crois que nous sommes capables d’effectuer une meilleure analyse des crises économiques et de mettre en place une coopération internationale plus efficace pour les prévenir et les gérer. Nous pouvons même faire mieux : nous sommes capables non seulement de prévenir une catastrophe mais aussi de déterminer les facteurs de réussite comme la stabilité politique, l’égalité, l’éducation et la bonne gouvernance. Pour cela, les informations, la créativité et la coopération ainsi que la volonté politique sont importantes. C’est pourquoi la décision prise par le Bureau directeur de l’Organisation internationale du travail (OIT) de créer une Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation répond à un besoin politique.

Cette Commission a pour tâche de s’assurer que la mondialisation fera plus de gagnants que de victimes. D’une certaine façon, l’idée est très simple : une économie de marché devrait être réglementée, sans pour autant détruire son dynamisme et sa créativité, de manière à prendre davantage en compte les personnes et la nature. Cela a déjà été réalisé avec succès dans de nombreux pays. Mais le problème qui se pose est, d’une part, le caractère transational de la mondialisation et, d’autre part, la faiblesse de la gouvernance mondiale.

Le Directeur général de l’OIT, Juan Somavia, a lancé la Commission le 28 février 2002. L’objectif est « d’ouvrir un débat au niveau international sur des idées susceptibles de faire de la mondialisation un processus plus inclusif dans la conjoncture actuelle, dominée par la polémique et les idées reçues plutôt que par l’impartialité des faits ». Elle a pour tâche d’établir les faits, de délimiter à grands traits les contours et la dynamique du processus et d’examiner comment ce processus est perçu par les travailleurs, les entreprises, les investisseurs, les consommateurs ainsi que par les organes d’expression de la société civile et de l’opinion publique dans les différentes parties du monde.

La Commission, présidée conjointement par Benjamin Mkapa, Président de la République-Unie de Tanzanie, et moi-même, étudiera de quelle manière les organisations internationales sont susceptibles de contribuer ensemble à l’instauration d’un processus de mondialisation qui soit plus inclusif, acceptable et équitable pour tous. Elle s’attachera à analyser ses retombées en termes d’emploi, de travail décent, de réduction de la pauvreté, de croissance économique et de développement. Et nous espérons atteindre un large consensus dans la perception des problèmes, notamment l’implication de toutes les organisations internationales intéressées, mais aussi celle des gouvernements et des organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs. J’espère que nous parviendrons à mettre en place une dynamique de réponse aux problèmes fondamentaux posés par l’économie mondiale, afin que la mondialisation devienne un processus viable à long terme, dont les bienfaits seront répartis équitablement.

Jusqu’ici, la Commission mondiale s’est réunie seulement deux fois. Nous n’avons certainement pas eu à pâtir du manque d’informations écrites sur la mondialisation ou, à ce stade du moins, du manque de consensus. Les neuf membres de la Commission représentent un large éventail de perspectives sur la mondialisation et un haut niveau de compétences personnelles. Malgré leurs expériences différentes, ils ont convenu, presque à l’unanimité, qu’il était nécessaire de gérer les risques qui secouent l’économie internationale et de faire en sorte que les gens puissent mener une vie décente. En tant que membres de la Commission, ils sont également convaincus qu’il est possible d’exercer une influence sur les différents aspects de la mondialisation pour le bien-être des personnes, et c’est ce à quoi ils s’emploieront.



S.E. Mme Tarja Halonen a été élue onzième Présidente de la Finlande en février 2000 - première femme à devenir le chef d’État du pays, et en septembre de cette même année, elle a co-présidé le Sommet du millénaire à l’ONU. Membre du parti démocratique social de la Finlande depuis 1971, elle a débuté sa carrière politique en 1974 comme Secrétaire parlementaire auprès du Premier ministre et a été élue au Parlement en 1979, conservant son siège durant cinq élections consécutives jusqu’à son élection à la Présidence. Elle est titulaire d’une maîtrise en droit.

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