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Une planète. Ses habitants

La santé en matière de reproduction
Un mariage entre les sciences sociales et médicales

Par Kwasi Odoi-Agyarko


Au Caire, en Égypte, le 13 septembre 1994 a marqué un tournant. Les représentants de 180 nations, dont des milliers de femmes de races et de religions différentes, exultaient de joie après avoir obtenu plus qu’elles n’avaient espéré. Le monde avait publiquement reconnu que, pour les femmes, la santé et le bien-être, l’équité et l’égalité étaient des fins en soi. On ne parlait plus seulement de chiffres mais aussi de l’équilibre entre les ressources et la population, entre le développement et la durabilité. C’est ainsi que fut créé le Programme d’action du Caire, qui inaugurait une nouvelle ère pour les deux décennies suivantes suite à la déclaration centrée sur les personnes et leurs besoins.

C’était le début d’un changement de paradigme, de la santé maternelle et de l’enfant à la santé génésique. La santé génésique inclut de nombreuses questions. Pourtant, leur diversité et leur ampleur signifient que, même si l’on s’accordait sur une unique définition de la santé génésique universelle, il serait presque impossible de l’opérationnaliser.

Depuis la Conférence internationale sur la population et le développement en 1994, les pays ont apporté des changements sur la manière dont la santé génésique est mise en œuvre. Les progrès sont les suivants :
  • Au cours des trente dernières années, le développement de méthodes modernes de contraception ont permis aux personnes de mieux planifier leur famille. C’est un point crucial car la mortalité et la morbidité maternelles pourraient être réduites d’un tiers si toutes les femmes avaient accès à la gamme de services de planification familiale modernes et efficaces qui leur permettraient d’éviter des grossesses non désirées.
  • L’utilisation des contraceptifs a augmenté, passant de moins de 10 % de couples il y a trente ans à 60 % aujourd’hui.
  • La famille est passée de six enfants en moyenne dans les années 60 à moins de trois.
J’ai défini la santé génésique comme un mariage entre les sciences sociales et médicales, parce qu’elle affecte tout le monde. Elle comprend la santé infantile et la santé au-delà des années de fécondité tant pour les femmes que pour les hommes. Elle affecte la vie des gens, leurs conditions économiques, l’éducation, l’emploi, les conditions de vie, l’environnement familial, les relations sociales entre les hommes et les femmes ainsi que les structures traditionnelles et juridiques où ils vivent, et elle est affectée par ceux-ci. Par exemple, la discrimination entre les sexes dans la distribution de la nourriture au sein de la famille peut entraîner un retard de croissance et une anémie chez les filles à l’âge de l’adolescence. Plus tard, elles peuvent avoir un accouchement difficile dû à la malformation du bassin, être sujettes à de nombreuses infections ou ne pas pouvoir prendre des contraceptifs à cause de leur état anémique. La santé génésique inclut également la santé sexuelle, facteur important dans la qualité des relations personnelles, et pas seulement les conseils et les soins liés à la reproduction et aux maladies sexuellement transmissibles.

Les cinq domaines de la santé génésique sont la procréation saine, la régulation de la fécondité, les comportements procréateurs sains, les comportements sexuels et le contexte socioculturel dans lequel ils ont lieu. Pour un grand nombre de questions ayant trait à ces domaines, il existe des stratégies rentables, fondées sur des services qui permettent de prévenir ou de traiter les problèmes de santé génésique. Les approches préventives, sous la forme de planification familiale, de sexualité sans risque, de programmes d’immunisation et de promotion de l’allaitement, sont au premier rang des efforts menés pour lutter contre les grossesses non désirées et non planifiées, les maladies sexuellement transmissibles, les avortements dus au VIH et au sida, la morbidité et la mortalité maternelles ainsi que les maladies en général.

Toutes les nations ont convenu que les objectifs du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement étaient réalistes et réalisables parce qu’il répondait aux besoins des personnes, impliquait la participation des communautés, avait un plus grand impact sur la vie de la majorité des gens, était rentable et durable, fondé sur des infrastructures existantes, avec des projets de revitalisation, de réorganisation et d’intégration, et impliquait une allocation réelle des ressources.

Un grand nombre de gouvernements, cependant, spécialement de pays en développement, affaiblis par la baisse de la production alimentaire et la stagnation des revenus par habitant durant plus d’une décennie, font face à des défis difficiles pour développer les services de soins de santé. Les taux d’infection élevés de VIH/sida ainsi que les autres infections transmises sexuellement n’arrangent rien. Alors que des progrès ont été réalisés dans la mise en œuvre des actions proposées au Caire, le soutien des donateurs internationaux aux programmes de santé génésique est très insuffisant. En 1994, les gouvernements ont convenu qu’il faudrait allouer 17 milliards de dollars par an aux services de santé génésique en 2000, et près de 22 milliards en 2015 - dont les deux tiers seraient financés par les pays en développement et un tiers par les pays développés. Cet engagement n’a pas été respecté. En fait, depuis 1995, à quelques exceptions près, les donateurs ont réduit leur soutien au lieu de l’augmenter. Les effets indirects ne pourraient pas être pires. Le non-respect des engagements du Caire aura des conséquences dans d’autres domaines du développement, imposant des contraintes importantes sur l’éducation, les soins de santé, le logement, l’eau, l’assainissement ainsi que sur tout ce qui touche au développement économique. Pour certains pays, cela signifiera la différence entre le développement et la stagnation. Pour certaines personnes, cela signifiera la différence entre la vie et la mort. Les 22 milliards de dollars nécessaires chaque année sont inférieurs au budget hebdomadaire des dépenses mondiales en armements. C’est un investissement relativement peu élevé, et si nous ne le faisons pas, les effets se feront sentir pendant des générations.



Kwasi Odoi-Agyarko, Directeur exécutif de Rural Help Integrated, une organisation non gouvernementale au Ghana, a reçu en 2002 le prix de la population des Nations Unies pour récompenser ses efforts dans le domaine de la santé génésique au Ghana.

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