52/140 | Situation des droits de l'homme au Soudan | |
Date: 12 décembre 1997 Vote: 93-16-58 (enregistré) |
Séance plénière: 70ème
Rapport: A/52/644/Add.3 |
L'Assemblée générale,
Guidée par les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme1/, les Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme2/, la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale3/ et la Convention relative aux droits de l'enfant4/,
Réaffirmant que tous les États Membres sont tenus de promouvoir et de protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales et de s'acquitter des obligations qu'imposent les divers instruments sur cette question,
Rappelant l'obligation qu'ont toutes les parties de respecter le droit international humanitaire,
Rappelant également sa résolution 51/112 du 12 décembre 1996, et prenant note de la résolution 1997/59 de la Commission des droits de l'homme en date du 15 avril 19975/,
Notant avec une profonde préoccupation les graves violations des droits de l'homme et atteintes au droit international humanitaire mentionnées dans la résolution 1997/59 de la Commission des droits de l'homme, en particulier les bombardements aériens de cibles civiles, l'esclavage, la traite des esclaves, les exécutions extrajudiciaires, les arrestations arbitraires, les détentions sans garantie d'une procédure régulière, les disparitions forcées ou involontaires, les violations des droits des femmes et des enfants, les déplacements forcés de personnes et la pratique systématique de la torture, ainsi que le déni de la liberté de religion, d'expression, d'association et de réunion pacifique,
Se déclarant très préoccupée par les persécutions religieuses, notamment les conversions forcées de chrétiens et d'animistes, qui continuent à être signalées dans les régions du Soudan contrôlées par le Gouvernement,
Se félicitant de la visite au Soudan du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme chargé d'examiner la question de l'élimination de toutes les formes d'intolérance religieuse6/,
Particulièrement préoccupée par les informations qui continuent à faire état de mauvais traitements infligés aux enfants, notamment l'esclavage, l'exploitation sexuelle, les conversions forcées et la conscription forcée, tels qu'ils sont décrits dans le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Soudan, alors que la communauté internationale a exigé à plusieurs reprises qu'il soit mis fin à ces pratiques7/,
Profondément préoccupée par les politiques, pratiques et activités qui sont dirigées contre les femmes et les filles et qui constituent une violation particulière de leurs droits fondamentaux, et notant la persistance des pratiques signalées par le Rapporteur spécial, notamment la discrimination civile et judiciaire à l'encontre des femmes,
Gravement préoccupée par des informations d'après lesquelles ces pratiques ont fréquemment été le fait d'agents agissant sous l'autorité ou au su du Gouvernement soudanais,
Prenant note des efforts que le Gouvernement soudanais aurait déployés en vue d'enquêter sur ces activités et pratiques, et des mesures qu'il se propose de prendre pour éliminer les pratiques dont l'existence a été vérifiée, comme il en a été instamment prié par l'Assemblée générale dans ses résolutions antérieures,
Se félicitant des nouvelles pratiques concernant les enfants des rues qui sont axées sur leur réinsertion et sur le regroupement familial, et de la participation accrue du Fonds des Nations Unies pour l'enfance à des projets exécutés avec le Gouvernement soudanais,
Se félicitant également des invitations adressées par le Gouvernement soudanais au Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme chargé de la promotion et de la protection de la liberté d'opinion et d'expression ainsi qu'au Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage, et demandant instamment que la visite au Soudan du Rapporteur spécial de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités ait lieu dans les meilleurs délais,
Se félicitant en outre du concours prêté par le Gouvernement soudanais à la visite effectuée en décembre 1996 par une délégation de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples,
Notant la création par le Gouvernement soudanais de comités nationaux chargés de l'éducation en matière de droits de l'homme, et encourageant le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme à prendre en compte les demandes d'assistance du Gouvernement soudanais, notamment pour ce qui est d'aider ces comités à mieux faire respecter les droits de l'homme au Soudan,
Se félicitant de la création par le Conseil consultatif pour les droits de l'homme de sous-commissions chargées respectivement des détentions sans jugement, des arrestations, des actes de torture et du non-respect des droits de la défense, des persécutions religieuses, des déplacements forcés et des bombardements, des exécutions extrajudiciaires, de l'accès aux organisations d'aide et au droit humanitaire, de l'esclavage et des disparitions des droits de la femme, des droits de l'enfant et de la liberté d'expression et de réunion pacifique,
Notant le rapport, présenté par le Gouvernement soudanais avec un grand retard, sur l'exécution sommaire d'employés d'organismes de secours à Juba en 1992 8/ et déplorant que ce rapport ne contienne pas de preuves qu'un procès équitable ait eu lieu,
Notant également les travaux de la Commission spéciale d'enquête sur les allégations relatives à des disparitions forcées ou involontaires et sur les cas signalés d'esclavage,
Préoccupée par le fait que la poursuite de la guerre civile au Soudan a entraîné le déplacement à l'intérieur du pays d'un grand nombre de personnes, y compris de minorités ethniques, et des bombardements aveugles de cibles civiles, et s'est accompagnée de violations flagrantes des droits de l'homme par le Gouvernement soudanais et du non-respect du droit international humanitaire par toutes les parties au conflit,
Encouragée par le fait que le Gouvernement soudanais et le Mouvement de libération populaire du Soudan ont conjointement annoncé avoir engagé des pourparlers de paix, qui devraient reprendre au début de 1998 sous les auspices de l'Autorité intergouvernementale pour le développement, et par le fait que toutes les parties ont accepté la déclaration de principes comme base de négociation,
1. Se déclare profondément préoccupée par les graves violations des droits de l'homme qui continuent d'être commises sur une grande échelle au Soudan, notamment les exécutions extrajudiciaires et les exécutions sommaires, les détentions en l'absence de garanties d'une procédure régulière, les violations des droits des femmes et des enfants, les déplacements forcés de personnes, les disparitions forcées ou involontaires, les actes de torture et autres peines cruelles et inhabituelles, l'esclavage, les pratiques analogues à l'esclavage et le travail forcé, le déni de la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique et la discrimination fondée sur la religion;
2. Exprime son indignation devant l'utilisation de la force militaire par toutes les parties au conflit pour entraver l'acheminement des secours ou attaquer les convois, et demande qu'il soit mis fin à ces agissements et que les responsables soient traduits en justice;
3. Demande au Gouvernement soudanais de se conformer aux dispositions des instruments internationaux applicables dans le domaine des droits de l'homme auxquels le Soudan est partie, en particulier des Pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme2/, de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale3/, de la Convention relative aux droits de l'enfant4/, de la Convention relative à l'esclavage, telle qu'amendée9/ et de la Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage10/, de mettre en oeuvre les instruments auxquels il est partie et de veiller à ce que toutes les personnes qui se trouvent sur son territoire et relèvent de sa juridiction, y compris les membres de tous les groupes religieux et ethniques, jouissent pleinement des droits reconnus par ces instruments;
4. Engage la Commission spéciale d'enquête sur les allégations de disparitions forcées ou involontaires et sur les cas signalés d'esclavage à redoubler d'efforts pour appliquer les précédentes résolutions de l'Assemblée générale, dans lesquelles celle-ci demandait instamment au Gouvernement soudanais de veiller à ce que tous les cas d'esclavage, de servitude, de traite d'esclaves, de travail forcé et de pratiques analogues portés à son attention fassent l'objet d'une enquête et à ce que toutes les mesures nécessaires soient prises pour mettre immédiatement fin à ces pratiques;
5. Demande instamment au Gouvernement soudanais de faire largement connaître l'existence et les activités de la Commission spéciale; de garantir que ceux qui fournissent des informations ne subiront pas de conséquences fâcheuses; et de faire participer les autorités locales à ses activités;
6. Demande instamment au Gouvernement soudanais d'assurer de bonnes conditions de sécurité à tous les rapporteurs spéciaux, et de respecter l'engagement qu'il a pris de fournir un soutien logistique aux organisations nationales, régionales et internationales qui souhaiteraient se joindre à l'enquête sur les allégations relatives à des disparitions involontaires et à l'esclavage;
7. Demande instamment au Gouvernement soudanais et à toutes les parties au conflit d'accorder aux organisations internationales à vocation humanitaire et de défense des droits de l'homme, ainsi qu'aux observateurs indépendants, un accès libre et sans entrave à toutes les zones où des violations ont été signalées;
8. Continue à demander instamment que, dans les limites des ressources existantes, des observateurs des droits de l'homme soient déployés là où leur présence contribuerait à améliorer les apports d'informations, à en faciliter l'évaluation et à les vérifier en toute indépendance, une attention particulière étant accordée aux violations des droits de l'homme commises dans les zones de conflit armé, ainsi que l'a recommandé le Rapporteur spécial chargé d'étudier la situation des droits de l'homme au Soudan;
9. Demande à toutes les parties aux hostilités de respecter pleinement les dispositions applicables du droit international humanitaire, y compris l'article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 194911/ et les Protocoles additionnels de 1977 s'y rapportant12/, de mettre fin à l'emploi d'armes contre la population civile et de protéger tous les civils, y compris les femmes, les enfants et les membres des minorités ethniques et religieuses, des violations des droits de l'homme, y compris les déplacements forcés, les détentions arbitraires, les mauvais traitements, la torture et les exécutions sommaires, et déplore les conséquences qu'a pour les civils innocents l'utilisation de mines terrestres tant par les forces gouvernementales que par les forces rebelles;
10. Demande à nouveau au Gouvernement soudanais et aux autres parties de donner à l'opération Survie au Soudan, aux organismes internationaux, aux organismes à vocation humanitaire et aux gouvernements donateurs un accès sans entraves aux populations civiles pour qu'ils puissent acheminer les secours humanitaires;
11. Exprime l'espoir que toutes les parties à la guerre civile s'attacheront sérieusement à négocier lorsque les pourparlers de paix engagés sous les auspices de l'Autorité intergouvernementale pour le développement à Nairobi reprendront au début de 1998, dans l'optique selon laquelle la fin de la guerre civile constituerait un premier pas important dans l'élimination des violations des droits de l'homme au Soudan;
12. Demande instamment au Gouvernement soudanais de libérer toutes les personnes détenues pour des raisons politiques, de mettre fin à tous les actes de torture et à tous les traitements cruels, inhumains ou dégradants, de fermer tous les centres de détention clandestins ou non reconnus, et de veiller à ce que toutes les personnes mises en accusation soient placées sous la garde d'autorités de police ou de prisons ordinaires dans des lieux où les membres de leur famille et leurs avocats peuvent leur rendre visite, et à ce qu'elles soient jugées dans les meilleurs délais selon une procédure juste et équitable conformément aux normes internationalement reconnues;
13. Prie à nouveau instamment le Gouvernement soudanais de prendre toutes les mesures nécessaires pour respecter les droits fondamentaux des groupes les plus vulnérables, les femmes, les enfants et les minorités ethniques et religieuses vivant dans les zones de conflit, ainsi que l'a recommandé le Rapporteur spécial;
14. Demande au Gouvernement soudanais de cesser immédiatement le bombardement aérien de cibles civiles, pratique inhumaine et injustifiée;
15. Accueille favorablement la promesse faite par le Gouvernement soudanais à l'Envoyé spécial du Secrétaire général pour les affaires humanitaires au Soudan de permettre aux vols acheminant des secours de parvenir sans entraves aux personnes qui en ont besoin, et exprime l'espoir que ces vols pourront désormais s'effectuer sans danger ni obstacles;
16. Encourage le Gouvernement soudanais à oeuvrer activement en faveur de l'éradication de pratiques dirigées contre les femmes et les fillettes, qui constituent une violation de leurs droits fondamentaux, compte tenu en particulier de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing13/ adoptés par la quatrième Conférence mondiale sur les femmes;
17. Note avec satisfaction que le Rapporteur spécial s'est rendu récemment au Soudan et le remercie de son rapport intérimaire sur la situation des droits de l'homme dans ce pays;
18. Donne son plein appui au Rapporteur spécial et l'encourage à poursuivre un dialogue de vaste portée avec le Gouvernement soudanais et avec toutes les autres parties dont il juge la contribution utile compte tenu de la situation des droits de l'homme au Soudan, afin de répondre aux préoccupations exprimées par l'Assemblée générale et la Commission des droits de l'homme dans leurs résolutions sur la question, et l'engage à se rendre au Soudan et à effectuer les déplacements nécessaires à l'intérieur du pays;
19. Encourage également le Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression et le Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, qui ont tous deux été invités par le Gouvernement soudanais à se rendre au Soudan, et prie l'un et l'autre de communiquer leurs conclusions à la Commission et à l'Assemblée générale;
20. Se félicite de la décision prise par la Commission des droits de l'homme de proroger d'un an le mandat du Rapporteur spécial;
21. Prie le Secrétaire général de continuer à fournir au Rapporteur spécial toute l'assistance dont il a besoin pour s'acquitter de son mandat;
22. Recommande que la grave situation des droits de l'homme au Soudan continue à faire l'objet d'une surveillance, demande instamment que les efforts déployés au niveau régional pour mettre fin aux hostilités ainsi qu'aux souffrances de la population dans le sud soient poursuivis, et invite la Commission des droits de l'homme à examiner d'urgence, à sa cinquante-quatrième session, la situation des droits de l'homme au Soudan;
23. Décide de poursuivre l'examen de la question à sa cinquante-troisième session.
__________
1/ Résolution 217 A (III).
2/ Résolution 2200 A (XXI), annexe.
3/ Résolution 2106 A (XX), annexe.
4/ Résolution 44/25, annexe.
5/ Voir Documents officiels du Conseil économique et social, 1997, Supplément No 3
(E/1997/23), chap. II, sect. A.
6/ Voir A/52/477.
7/ A/52/510.
8/ Voir A/52/510, par. 41 à 46.
9/ Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 212, No 2861.
10/ Ibid., vol. 266, No 3822.
11/ Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 75, Nos 970 à 973.
12/ Ibid., vol. 1125, Nos 17512 et 17513.
13/ Rapport de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, Beijing, 4-15 septembre 1995
(publication des Nations Unies, numéro de vente 96.IV,13), résolution I, annexes I et II.
VOTE POUR LA RESOLUTION 52/140:
In favour: Albania, Andorra, Angola, Antigua and Barbuda, Argentina, Armenia, Australia, Austria, Bahamas, Barbados, Belarus, Belgium, Belize, Bolivia, Botswana, Brazil, Bulgaria, Canada, Chile, Costa Rica, Croatia, Cyprus, Czech Republic, Denmark, Dominica, Dominican Republic, Ecuador, El Salvador, Eritrea, Estonia, Ethiopia, Federated States of Micronesia, Finland, France, Georgia, Germany, Greece, Guatemala, Guyana, Haiti, Honduras, Hungary, Iceland, Ireland, Israel, Italy, Jamaica, Japan, Kazakhstan, Kyrgyzstan, Latvia, Liechtenstein, Lithuania, Luxembourg, Malta, Marshall Islands, Mauritius, Mexico, Monaco, Mongolia, Namibia, Netherlands, New Zealand, Nicaragua, Norway, Paraguay, Peru, Poland, Portugal, Republic of Moldova, Romania, Russian Federation, Rwanda, Samoa, San Marino, Slovakia, Slovenia, Solomon Islands, South Africa, Spain, Sweden, Tajikistan, The former Yugoslav Republic of Macedonia, Trinidad and Tobago, Uganda, Ukraine, United Kingdom, United States, Uruguay, Uzbekistan, Vanuatu, Venezuela, Zimbabwe.
Against: Afghanistan, China, Comoros, Cuba, India, Indonesia, Iran, Libya, Myanmar, Nigeria, Pakistan, Qatar, Saudi Arabia, Sudan, Syria, Viet Nam.
Abstain: Algeria, Bahrain, Bangladesh, Benin, Bhutan, Brunei Darussalam, Burkina Faso, Burundi, Cameroon, Cape Verde, Chad, Colombia, Côte d'Ivoire, Democratic Republic of the Congo, Egypt, Equatorial Guinea, Fiji, Gabon, Ghana, Grenada, Guinea, Guinea-Bissau, Jordan, Kenya, Kuwait, Lao People's Democratic Republic, Lebanon, Lesotho, Liberia, Malaysia, Maldives, Mali, Mauritania, Morocco, Mozambique, Nepal, Niger, Oman, Panama, Papua New Guinea, Philippines, Republic of Korea, Republic of the Congo, Saint Kitts and Nevis, Saint Lucia, Senegal, Sierra Leone, Singapore, Sri Lanka, Suriname, Swaziland, Thailand, Togo, Tunisia, Turkmenistan, United Arab Emirates, United Republic of Tanzania, Zambia.
Absent: Azerbaijan, Cambodia, Democratic People's Republic of Korea, Djibouti, Madagascar, Malawi, Palau, Saint Vincent and the Grenadines, Seychelles, Turkey, Yemen.