L'Assemblée générale
examinera bientôt un projet d'instrument juridique international
visant à aider les gouvernements à lutter contre
la corruption et à dépister les transferts illicites
de fonds. La Conférence internationale sur le financement
du développement pourrait susciter l'appui politique indispensable
à cet égard.
La corruption est devenue l'un des principaux
obstacles qui empêchent des pratiques porteuses de succès
en matière économique et de développement
dans tous les pays du monde. Depuis le 11 septembre, la corrélation
étroite entre le blanchiment de capitaux, les transferts
internationaux de fonds et les capitaux illégaux ou semi-illégaux
a donné lieu à des préoccupations plus pressantes.
En 1996, le Président de la Banque
mondiale, M. James Wolfensohn, a fait de la lutte contre le 'cancer
de la corruption' un priorité absolue de la Banque. La
même année, un large appui international s'est exprimé
en faveur de la lutte contre la corruption sous la forme d'une
résolution historique de l'Assemblée générale
des Nations Unies (A/RES/51/191), dans laquelle il est demandé
aux Etats de proscrire le paiement de pots-de-vin aux fonctionnaires
dans les transactions financières internationales et d'interdire
les déductions fiscales sur ces paiements. A la même
session, l'Assemblée a également approuvé
un code de conduite cadre pour les responsables publics.
La question ressurgi lors des réunions
intergouvernementales préparatoires à la Conférence
internationale sur le financement du développement, qui
se tiendra à Monterrey (Mexique) en mars 2002. L'élaboration
d'un accord global et juridiquement contraignant bénéficie
d'un large appui.
L'Assemblée générale
oeuvre déjà à l'élaboration d'un pacte
contre la corruption. Elle a ainsi donné instructions (résolutions
55/61 et 55/188) au Centre des Nations Unies pour la prévention
internationale du crime, dont le siège est à Vienne,
de l'aider à définir 'la portée et le champ
d'application' d'une convention internationale. L'Assemblée
a également demandé au Centre de tenir compte des
moyens nécessaires pour rapatrier les fonds illégalement
transférés sur le plan international.
En août 2001, le Centre a accueilli
une réunion du Groupe intergouvernemental d'experts à
composition non limitée, qui a recommandé que les
Etats Membres des Nations Unies élaborent, d'ici à
la fin de 2003, un pacte anti-corruption de large portée
définissant des mesures préventives ainsi que des
sanctions pénales et des recours. Plus particulièrement,
le Groupe d'experts a prévu des dispositions concernant
des questions difficiles et complexes telles que la juridiction,
les saisies de biens ou de fonds, la protection des témoins,
la responsabilité des personnes morales, le rapatriement
des fonds illégalement transférés et la coopération
internationale.
Un comité spécial de l'Assemblée générale
sur l'élaboration d'une convention contre la corruption
a tenu une première réunion à Vienne du 21
janvier au 2 février 2002 pour entamer les travaux d'élaboration
d'un projet de traité. Le Comité se réunira
de nouveau à Vienne en juin.
A quoi servira la Convention?
Le contenu de la Convention contre la
corruption n'est pas encore élaborée. Toutefois,
il ressort d'une réunion du Groupe d'experts des Nations
Unies sur la corruption et ses circuits financiers tenue en 1999
qu'on pourrait parvenir à un accord sur certaines dispositions
éventuelles concernant certains domaines. Constitué
en application d'un mandat que lui confié le Conseil économique
et social, le Groupe d'experts a insisté sur la nécessité
de persuader les centres financiers sans une réglementation
suffisante d'adopter des règles propres à les aider
à participer aux efforts faits à l'échelle
internationale pour dépister les actes de corruption et
prendre des mesures contre le produit de la corruption. Le Groupe
a conclu que le secret bancaire et la réglementation fiscale
au niveau national ne devraient pas entraver les efforts de lutte
contre la corruption au niveau international, et a demandé
instamment que les activités et systèmes financiers
fassent l'objet d'une supervision fondée sur des principes
internationalement acceptés. En outre, il faudrait demander
aux institutions financières d'identifier avec précision
leurs clients, de faire preuve de vigilance et de faire connaître
toutes transactions suspectes.
Selon un rapport publié au début
de 2002 par le Secrétaire général de l'ONU
(E/CN.15/2002/3), les mesures visant à recouvrer les fonds
illégalement exportés par les dirigeants corrompus
devraient viser à surmonter diverses difficultés
pratiques. Ces transferts portent généralement sur
des montants énormes, dont on ignore bien souvent les sources,
la domiciliation ainsi que les bénéficiaires légitimes
en cas de rapatriement. En outre, un gouvernement qui cherche
à faire rapatrier ces fonds pourrait ne pas avoir les connaissances
spécialisées ni les ressources nécessaires
pour dépister des fonds qui sont passés par diverses
juridictions, transferts électroniques et autres manoeuvres
complexes de blanchiment de capitaux.
Mesures existantes
Il n'existe pas actuellement de traité
mondial contre la corruption. Diverses initiatives internationales
et régionales liées sont néanmoins en cours,
comme indiqué ci-dessous. [Pour plus d'informations, voir
la note technique No 2 (document A/AC.257/27/Add.2) établie
par le Secrétariat de l'ONU.]
· La Convention des Nations Unies
contre la criminalité organisée a été
ouverte à la signature lors d'une cérémonie
organisée en octobre 2000 à Palerme (Italie). Aux
termes de la Convention, les gouvernements sont tenus d'ériger
en infraction grave (pouvant généralement emporter
des peines d'emprisonnement de quatre ans ou plus) les infractions
suivantes: participation à un groupe engagé dans
la criminalité transfrontières; corruption ou intimidation
de fonctionnaires, du personnel de l'appareil judiciaire ou de
témoins; et blanchiment de capitaux (s'il est prouvé
que les fonds blanchis proviennent d'activités criminelles).
Pour la première fois, les entreprises peuvent être
poursuivies et subir de lourdes peines économiques en vertu
d'une convention internationale. La Convention contient également
des mesures visant à élargir le champ d'application
de l'extradition et à intensifier la coopération
internationale en matière de recherche et de poursuite
des suspects. Elle entrera en vigueur lorsque 40 pays l'auront
ratifiée. En janvier 2002, six pays l'avaient ratifiée.
· La Convention des Nations Unies contre le trafic illicite
de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988 (également
dénommée Convention de Vienne, en référence
à la ville où l'accord a été négocié)
contient aussi des dispositions contre le blanchiment de capitaux.
· En 1997, l'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) a adopté la Convention contre
la corruption de fonctionnaires étrangers dans les transactions
commerciales internationales. Cet instrument juridiquement contraignant
oblige les signataires à ériger en infraction pénale,
aux termes de la législation nationale, l'offre ou la promesse
de pots-de-vin ainsi que leur acceptation et à favoriser
l'entraide judiciaire et les procédures d'extradition.
Cette convention de l'OCDE est entrée en vigueur en 1999
après sa ratification par 33 des 34 signataires initiaux.
Bien qu'elle soit ouverte à l'adhésion de pays membres
et non membres de l'OCDE, la plupart des pays en développement
ont préféré s'engager en faveur de mesures
promulguées par un organisme à caractère
universel comme l'ONU.
· L'OCDE a mis en place le Groupe d'action financière
sur le blanchiment de capitaux en 1990. Les 'quarante recommandations'
du Groupe, inspirées de la Convention de Vienne, établissent
des normes pour les systèmes juridiques nationaux, les
banques et les institutions financières, notamment dans
les domaines de l'identification des clients et de la tenue des
dossiers. Des directives sont établies pour la coopération
internationale. Le Groupe examine ses recommandations en 2001-2002
et les révisera à la fin de cette période.
· Des accords régionaux non
contraignants sont en vigueur au niveau de l'Organisation des
Etats américains, du Conseil de l'Europe et de l'Organisation
de l'unité africaine (devenue Union africaine).