Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée
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Durban, Afrique du Sud
31 Août – 7 septembre 2001
DR/D/5
30 août 2001

 

POINT DE PRESSE DE MME MARY ROBINSON, HAUT COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L'HOMME

Mme Mary Robinson, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et Secrétaire générale de la Conférence mondiale sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, a démarré cet après-midi la conférence de presse qu'elle donnait à la veille de l'ouverture de la Conférence mondiale en se félicitant de l'intérêt suscité par l'événement. Elle a indiqué qu'elle est fortement engagée en ce qui concerne les questions qui seront examinées par la Conférence, que ce soit la façon de s'attaquer au racisme contemporain qui constitue un problème que connaît tous les pays, et de ce point de vue, a-t-elle souligné, il est réconfortant de savoir que plus de 150 pays représentés à la Conférence, ce qui permettra d'aboutir plus facilement à des solutions efficaces pour traiter la question des victimes. Des valeurs importantes peuvent être fixées à Durban au début de ce nouveau siècle, a-t-elle déclaré, en tout premier lieu la réaffirmation de la valeur de la dignité humaine. La présente Conférence offre une occasion extraordinaire de se concentrer sur les droits de l'homme et la dignité humaine. C'est pourquoi est-il si important que la communauté mondiale et les délégués s'adressent pour la première fois aux problèmes du passé. Il faudra trouver un texte concerté qui admette les erreurs et les exploitations du passé; ce sera-là une façon extraordinaire de renforcer et de réaffirmer la dignité de l'homme. Ensuite il nous faudra trouver une voie médiane. S'il y a des remords vis-à-vis du passé, si le passé a des effets sur le présent, comment s'y attaquer de façon pratique en tenant compte du fait que nous devons tendre vers la création d'un monde plus équitable dans lequel les politiques de développement seront renforcées un monde plus équitable, renforcer les politiques de développement quelle que soit la façon dont les délégués traitent de ces questions et, en troisième lieu, nous avons besoin d'un programme orienté vers l'avenir : la déclaration et le programme d'action.

Mme Robinson a conclu sa déclaration liminaire en soulignant l'importance de la représentation de la société civile à la Conférence. Nous avons, a-t-elle indiqué, quelque 650 jeunes qui ont établi un programme des jeunes; les ONG participeront aux discussions; celles-ci mettront en relation les problèmes des peuples d'origine africaine avec ceux des peuples autochtones. C'est une façon d'assurer qu'il y aura réellement un grand caractère d'ouverture dans les discussions et que cette Conférence produira le meilleur résultat possible. Nous sommes d'ores et déjà en train de planifier le suivi, l'après-Durban, a-t-elle précisé, insistant enfin sur l'occasion historique que constitue cette Conférence mondiale et son importance.

Le Secrétaire général a noté que des groupes qui, jusqu'ici, avaient axé leurs efforts sur des questions très variées liées notamment à la pauvreté, le VIH/sida ou autres incapacités, les jeunes, la parité entre les sexes, le trafic des personnes et la prostitution, l'intolérance religieuse, les conflits, l'environnement, et bien sûr, les droits de l'homme et les droits des minorités étaient également représentés à Durban.

Répondant aux questions des journalistes, en premier à celles d'un correspondant canadien qui lui demandait s'il existait des moyens de dissiper les doutes émis par certains qui ne voient dans la Conférence qu'un exercice de relations publiques et ce qu'elle pensait des hésitations du Canada à participer à la Conférence, Mme Robinson a indiqué que tous les pays ont des problèmes et que certains pays cherchent à les nier complètement ou à les sous-estimer et ne cherchent pas à y faire face. Parce que c'est une Conférence mondiale, a-t-elle poursuivi, il n'est pas approprié de désigner certains pays du doigt. Il est vrai que l'on peut s'attaquer à certaines questions, en particulier du point de vue des victimes comme pour les Roms en Europe, mais il ne convient pas de désigner quelqu'un du doigt de façon spécifique. Après que les pays eurent adopté le programme d'action, il y aura des plans nationaux et il faudra veiller à leur application. Ce ne sera que de cette façon que nous pourrons obtenir des changements. C'est pourquoi je ne pense pas que l'on puisse dire que ce soit uniquement un exercice de relations publiques. Elle a fait remarquer qu'elle n'est que la Secrétaire générale de la Conférence et qu'il appartient aux délégués de produire le texte qui sera ensuite soumis à l'examen de l'Assemblée générale.

Au sujet de la participation du Canada, Mme Robinson a déclaré avoir noté que la participation des chefs d'Etat africains était importante et s'en est félicitée. Elle s'est félicitée en outre de la participation à un niveau élevé de quelques pays européens. On évoquera à Durban des problèmes dont la communauté internationale ne s'est jamais préoccupée auparavant et il est très important que soit présente une autorité suffisante pour négocier. Le niveau de participation reste l'affaire de chaque Etat mais la capacité à négocier est très importante.

Aux questions sur le traitement par l'Australie du problème des réfugiés se trouvant à bord d'un bateau norvégien, Mme Robinson a indiqué avoir suivi de très près le sort de ces quelque 400 personnes qui pose des préoccupations humanitaires, des préoccupations en matière de droits de l'homme en ce qui concerne les conditions psychologiques et physiques mais aussi du point de vue de la responsabilité juridique. On ne sait pas très bien quel est leur statut, a indiqué Mme Robinson qui a ajouté que leur cas devra être examiné conformément aux dispositions de la Convention de Genève. Elle a jugé inquiétant qu'un pays ayant une belle tradition en la matière ne puisse pas aider les gens selon les pratiques et traditions établies. Je sais, a-t-elle indiqué, que le Secrétaire général a contacté le Premier ministre australien et le Premier ministre de Norvège à ce propos et il a l'intention de poursuivre ces entretiens avec M. Ruud Lubbers, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, qui arrive ce soir et avec lequel je travaille en concertation. Pour des besoins humanitaires, nous avons insisté fortement pour que l'on autorise le bateau à aborder la côte australienne. C'est à l'Australie qu'incombe la première responsabilité. Il y a également l'Indonésie et le Timor oriental qui sont peut-être en cause. La Haut-Commissaire a lancé un appel au peuple australien pour qu'il écoute son cœur et qu'elle adopte une approche humanitaire et transmette le message à ses politiciens.

En ce qui concerne la participation des Etats-Unis, Mme Robinson a indiqué avoir pris note de l'annonce faite par les Etats-Unis de participer à la Conférence à un niveau acceptable. Je connais M. Michael Southwick qui a participé aux réunions et a travaillé ainsi que ses collègues de façon très efficace.

Interrogée sur les chances de règlement du différend entre la communauté juive et les Palestiniens ainsi que sur le fait de savoir s'il aurait été possible d'éviter l'acidité des débats qui est désormais au cœur des différences de vue, la Haut-Commissaire a exprimé sa préoccupation sur les échanges de vues déplaisants qui se sont produits, notamment en ce qui concerne le cas d'un groupe juif venu participer à la Conférence. Elle a indiqué à cet égard avoir fait hier soir une déclaration personnelle très claire dans laquelle elle a souligné qu'il s'agit d'une Conférence visant à faire progresser la tolérance, le respect de l'autre et la dignité de l'homme. Elle a indiqué qu'elle ne pensait pas qu'il aurait été possible de procéder différemment. Le processus cherche à inclure tout le monde mais les problèmes sont très épineux, a-t-elle fait valoir. Lors des deux conférences précédentes, la question du Moyen-Orient a entraîné la non-participation des Etats-Unis. Mon expérience de Secrétaire générale de la Conférence qui écoute toutes les parties, me fait dire qu'il y a une réelle volonté politique de résoudre les problèmes.

Mme Robinson a répondu par la négative à une question sur l'assimilation du sionisme au racisme qui figurait à l'ordre du jour de la Conférence. C'est une étape positive qui a été franchie à la fin des travaux préparatoires grâce aux talents de médiateur de l'ambassadeur de l'Afrique du Sud, a-t-elle indiqué.

Interrogée sur les possibilités de transcrire les dispositions concernant les peuples autochtones dans le droit international, la Haut-Commissaire a souligné l'importance symbolique de la formulation au pluriel. Ils ne sont pas traités comme des individus alors qu'ils représentent des millions de personnes, a-t-elle fait valoir. On reconnaît également qu'il y a des groupes différents, des tribus qui ont des droits collectifs. C'est d'autant plus important qu'il y aura une nouvelle instance, un nouveau Forum sur les peuples autochtones qui se réunira à partir de mai prochain à New York, a-t-elle indiqué.

De plus en plus, a-t-elle ajouté, je conçois ce que nous faisons ici à Durban, en ce début de ce nouveau siècle, comme un début, celui de ces nouvelles valeurs de solidarité humaine et de dignité.

Un représentant du journal de la nation Mohawk ayant dénoncé le caractère raciste du paragraphe concernant les peuples autochtones dans le projet de déclaration, Mme Robinson a estimé qu'il fallait modifier ce paragraphe 27 même s'il constitue par ailleurs un pas en avant.

A une question sur les élections du Timor oriental, elle a indiqué que cela représente une victoire des Nations Unies et exprimé sa satisfaction sur la façon dont se déroulaient les élections dans ce pays.

Interrogée sur des articles diffusés sur Internet, Mme Robinson a indiqué avoir été alertée par le Directeur de l'Unesco et souhaité que les délégués se prononcent à ce sujet. A la question sur la façon dont elle voyait la suite de Durban, la Haut-Commissaire a répondu qu'aucune disposition particulière n'était encore arrêtée, qu'il fallait attendre que soient définis les critères d'évaluation du succès du programme d'action et qu'il restait encore beaucoup à faire au niveau de la déclaration et du programme d'action.

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