Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée
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Durban, Afrique du Sud
31 Août – 7 septembre 2001
DR/D/24
3 septembre 2001

Séance plénière
après-midi et soir

LA CONFERENCE DE DURBAN TERMINE SA QUATRIEME JOURNEE DE TRAVAUX ET ENTEND DES
DECLARATIONS RELATIVES A LA CONDITION DES TRAVAILLEURS MIGRANTS ET AU MOYEN-ORIENT

Les délégations des Etats-Unis et d'Israël
indiquent qu'elles se retirent de la Conférence

La Conférence de Durban contre le racisme a poursuivi ses travaux cet après-midi et ce soir à la suite de la décision des Etats-Unis et d'Israël de se retirer de ses travaux, annoncée par la Présidente de la Conférence, Mme Nkosazana Dlamini Zuma et par sa Secrétaire générale, Mme Mary Robinson, Haut-Commissaire aux droits de l'homme.

La Conférence qui termine aujourd'hui sa quatrième journée de délibérations a poursuivi ses travaux au niveau de ses deux Groupes de travail et en réunion plénière où les interventions de cette demi-journée ont été dominées par un plaidoyer en faveur d'une indemnisation des victimes de l´esclavage fait par le Ministre de la justice du Zimbabwe. Expliquant que la question de compensation a déjà fait jurisprudence, en se référant, entre autres, à la compensation faite par l'Allemagne à l'Etat d'Israël et à celle effectuée par les Etats-Unis à ses populations d'origine japonaise, le Ministre s'est posé la question de savoir les raisons pour lesquelles une telle compensation se fait attendre lorsqu'il s'agit des Africains du continent et de la diaspora. Il semble, comme d´habitude, que la politique des deux poids deux mesures serait à l'origine d'une telle tergiversation, surtout lorsqu'il s'agit des Africains du continent et de la diaspora, des populations sans moyens de coercition suffisants, a expliqué le Ministre qui a stigmatisé le Royaume-Uni lequel, a-t-il dit, n'a pas honoré ses engagements concernant les compensations promises aux populations du Zimbabwe à la suite de l'indépendance du pays.

Elle a entendu en outre les plaidoyers en faveur des Palestiniens dont le quotidien est fait de vexations et d´exactions résultant de la politique et des pratiques israéliennes, de l'avis des représentants du Yémen, de la Libye, du Qatar, de l´Iraq et de Bahreïn. Le représentant de l'Iraq tout comme celui de la Libye ont mis en cause l'embargo décrété contre Bagdad qui, de leur avis, serait injuste et serait à l'origine de tous les maux auxquels devra faire face le régime iraquien.

Les délégués à la Conférence ont pris note d'une autre forme de plaidoyer qui, cette fois, a été fait en faveur des travailleurs migrants et des populations minoritaires dont le sort et les vexations auxquelles ils sont soumis ont préoccupé les délégations de la Turquie et de la République dominicaine notamment. Ces deux délégations ont invité les pays d'accueil à adopter des mesures législatives et autres qui tiennent compte de la condition des travailleurs migrants et des autres minorités.

Outre les pays déjà cités, les représentants des Etats suivants sont intervenus : Albanie, Bulgarie, Kazakhstan, Viet Nam, Thaïlande, Portugal, Paraguay, Népal, Equateur, Comores, Malte et Honduras.

L'UNESCO, la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, l'Organisation consultative juridique pour l'Asie et l'Afrique, l'Organisation internationale de la francophonie, le Comité international de la Croix-Rouge, l'Organisation internationale pour les migrations, le Fonds des Nations Unies pour la population, le Président du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, l'Ordre militaire souverain de Malte et le Saint-Siège sont également intervenus.

Ont exercé leur droit de réponse les représentants de Chypre, de l'Iraq, de la Palestine et de la Turquie.

La Conférence de Durban contre le racisme poursuivra ses travaux demain matin 4 septembre à 10 heures.

CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME, LA DISCRIMINATION RACIALE, LA XÉNOPHOBIE ET L'INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE

Déclarations

M. ALI AL-ANISI, chef de la délégation du Yémen : La tenue de cette Conférence ici en Afrique du Sud, pays qui a lutté contre le racisme, donne un souffle à nos travaux et envoie un message fort à la communauté internationale. C'est pour moi l'occasion de rendre un hommage appuyé à Nelson Mandela et à ses compagnons de lutte du Congrès national africain (ANC). Le Yémen contribue avec le reste de la communauté internationale à promouvoir les droits de l'homme et à lutter contre le racisme, notamment en protégeant les minorités, les travailleurs migrants et la diversité culturelle et religieuse. Notre religion islamique prône la justice, la fraternité, l'égalité, l'amour et la protection des minorités. La paix régnait dans le monde arabe jusqu'à l'arrivée des colons sionistes qui se sont installés sur la terre des Palestiniens et les ont chassés. Les pratiques israéliennes de discrimination religieuse sont en vigueur depuis 1948 non seulement dans les territoires occupés mais aussi dans d'autres territoires arabes. Nous demandons à la Conférence de condamner Israël et de réaffirmer que le sionisme est bel et bien une forme de racisme. Les crimes commis par Israël doivent donner lieu à des réparations et des indemnisations et leurs responsables doivent être traduits en justice.

Nous devons contribuer à éliminer le racisme en faisant la promotion de la diversité culturelle, du rejet de toutes les tendances politiques haineuses à l'égard des étrangers, du rejet de l'hégémonie culturelle. Nous devons aussi renforcer le rôle de la société civile, renforcer le dialogue entre les civilisations, encourager le rôle de l'éducation dans la lutte contre le racisme. Il faut aussi indemniser les victimes de l'hégémonie des puissances occidentales et de l'occupation, de l'esclavage, du racisme. Enfin, nous appelons cette Conférence à prendre des mesures pour prévenir les crimes sionistes qui sont la forme la plus abjecte de crime raciste aujourd'hui.

M. PIERRE SANE (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, Unesco) : Dès 1948, l'Unesco a lancé un programme qui, en se basant sur des faits scientifiques, a démontré la nature mensongère et fallacieuse des théories racistes. Plus récemment, la génétique moderne a confirmé que l'espèce humaine en est une. L'article premier de la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l'homme, adoptée en 1997, stipule que le génome humain souligne l'unité fondamentale de tous les membres de la famille humaine. Pourtant, non seulement le racisme et la discrimination raciale ont survécu aux démonstrations scientifiques prouvant que le concept de race est sans fondement, mais ils semblent en plus gagner du terrain dans la plupart des régions du monde. En ces temps de mondialisation, cette situation peut paraître paradoxale. Pendant trop longtemps, le déni a constitué le principal obstacle à l'éradication du racisme et de la xénophobie : déni des responsabilités pour les erreurs du passé, déni de malheurs endurés par les victimes du présent et refus de regarder en face les menaces futures. En 1994, l'Unesco a lancé le projet de Route des esclaves qui vise notamment à étudier les causes et modalités du commerce des esclaves et de l'esclavage et à en mesurer les conséquences. L'Unesco entend se concentrer sur l'éducation, l'impasse totale ayant été faite pendant longtemps sur cette question dans le domaine de l'éducation. La propagation de la vérité est le premier pas vers la guérison et le moyen le plus sûr d'y parvenir.

Le racisme et la xénophobie continuent d'infecter toutes les sociétés à travers le monde. Que l'on parle des 250 millions de Dalits en Asie du Sud, des Afro-Américains et des populations autochtones dans les Amériques, des Roms et des travailleurs migrants en Europe, des minorités ethniques en Afrique, des Noirs africains dans le monde arabe ou des Palestiniens dans les territoires occupés, la discrimination dont sont victimes toutes ces personnes a pour effet de les enfermer dans un cercle vicieux de pauvreté. Dans un monde où l'économie est mondialisée et où la pauvreté est une triste réalité pour un tiers de la population mondiale, les pauvres ne jouissent pas de l'égalité d'accès à l'éducation, à l'emploi, au logement, aux soins médicaux et à beaucoup d'autres choses encore. Les pauvres ne peuvent accéder à une éducation de qualité, qui est de plus en plus privatisée et chère. Les membres de certains groupes ethniques ou nationaux sont ceux qui souffrent le plus, si ce n'est systématiquement, de la pauvreté et de ses conséquences.

Face aux progrès scientifiques actuels, nous nous devons de rester vigilants. La révolution génétique, qui a suscité de grands espoirs, pose aussi des questions inquiétantes. Dans notre tentation de perfectionner notre espèce, ne revenons-nous pas à l'eugénisme et plus spécifiquement à une forme commerciale d'eugénisme? Les risques ont-ils été pleinement mesurés s'agissant du rêve caressé par l'homme de prendre totalement le contrôle de lui-même? Le progrès génétique ne risque-t-il pas d'aboutir un jour au "Meilleur des mondes" prophétisé par Aldous Huxley? Plus que jamais, le progrès scientifique et technologique doit aller de pair avec une certaine éthique afin de ne pas engendrer de nouvelles formes de discrimination. Des garde-fous doivent être mis en place afin de prévenir toute mauvaise application des progrès génétiques. Notre monde peut devenir un monde meilleur pour tous : il ne s'agit pas d'une question de moyen, il s'agit d'une question de volonté.

M. ALI BANDIARE, Vice-Président de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge : Le racisme n'est pas seulement une page honteuse de notre histoire. Il n'a pas entièrement disparu. Les idées préconçues et préjugés demeurent et sont encore admis. Les lois et pratiques discriminatoires sont toujours en vigueur dans certains pays. Dans d'autres, les populations acceptent silencieusement les formes les plus subtiles de discrimination. Ces pratiques déguisées, que personne n'admettra existent, rendent plus difficile la possibilité pour certaines personnes de se defender, d'être représentées équitablement, d'accéder au marché de l'emploi ou au logement ou même d'obtenir un visa. Le racisme et la discrimination raciale méprisent la démocratie et la dignité humaine. Aucune rhétorique sur l'égalité et la justice n'est crédible si l'on accepte le racisme et la discrimination raciale. C'est pourquoi, il est essentiel d'envisager et de s'entendre sur les meilleures stratégies qui débarrasseraient l'humanité de la corruption et de la pollution qui favorisent le racisme et la discrimination. La Fédération de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge -qui regroupe 177 sociétés nationales et près de 100 millions de volontaires et membres- est convaincue que les choses peuvent changer. Chaque jour, la Fédération, grâce à son vaste réseau de volontaires, assiste les populations vulnérables, à la fois en allouant des ressources financières et plaidant vigoureusement contre toutes les formes de discrimination.

Il ne suffit pas de sensibiliser les populations à notre lutte. Il faut renforcer nos efforts et utiliser au mieux nos plus importantes ressources, à savoir les volontaires omniprésents qui jouent un rôle exemplaire et contribuent à éliminer les idées alimentant le racisme. Pour ce faire, la Fédération a besoin de l'appui continu des gouvernements et de ses partenaires.

M. WAFIK KAMIL, Secrétaire général de l'Organisation consultative juridique pour l'Asie et l'Afrique : L'Organisation consultative juridique pour l'Asie et l'Afrique est le résultat tangible de la Conférence des Etats d'Asie et d'Afrique qui s'est tenue à Beijing en 1955. Elle comprend aujourd'hui 45 gouvernements d'Asie et d'Afrique et porte toute l'attention voulue aux questions relatives aux droits de l'homme lors de toutes ses sessions. Notre statut d'organe intergouvernemental nous voue à jouer un rôle actif dans les efforts faits pour améliorer la coopération internationale en mettant en œuvre les stratégies décidées au cours de cette conférence. L'AALCO et le Bureau de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies se proposent de passer un accord de coopération très prochainement.

Le futur de l'humanité est entre nos mains. Par la fraternité et l'égalité, nous pouvons éviter le cataclysme qui nous menace et envisager un futur lumineux pour l'ensemble de notre planète. Ici entre en jeu le rôle des Nations Unies qui doivent être considérées comme le cœur de la conscience planétaire.

M. XAVIER MICHEL, Observateur permanent de l'Organisation internationale de la francophonie : De nombreuses manifestations du racisme ont profondément marqué les pays de la francophonie, depuis les formes historiques, toujours actuelles par endroits, les plus douloureuses de l'esclavage et du colonialisme jusqu'aux expressions les plus meurtrières des génocides, des conflits identitaires, des entreprises d'épuration ethnique, sans oublier les formes contemporaines les plus insidieuses du racisme ordinaire. C'est pourquoi, nous pensons qu'il est nécessaire que cette Conférence consacre le devoir de mémoire et imagine les mécanismes les plus appropriés, les plus constructifs pour lui donner forme et substance. Mais cette Conférence doit aussi se tourner résolument vers l'avenir, afin de mieux nous armer contre un fléau qui reste, à l'aube du XXIème siècle, d'une violente actualité. Après les deux Conférences de Genève, et presque au terme de la troisième Décennie des Nations Unies de lutte contre le racisme, force est de reconnaître qu'il reste beaucoup de chemin à faire. Il ne suffit pas d'élaborer de nouveaux textes ou d'en modifier ceux en vigueur mais il faut également faire changer les mentalités. C'est la raison pour laquelle nous avons tenu à appuyer la participation des ONG qui ont su se mobiliser pour bousculer les mentalités et à faire participer des représentants du Parlement des jeunes de la francophonie. C'est dans l'engagement militant et solidaire des ONG, c'est dans la générosité et l'ouverture de la jeunesse que nous puiserons les meilleures forces pour combattre le racisme sous toutes ses formes. Le combat contre le racisme est un combat tous azimuts, un combat économique, un combat pour le développement et un combat pour la démocratie et pour la paix.

M. FRANCIS AMAR, chef de la Division des organisations internationales du Comité international de la Croix-Rouge : En tant que gardien du droit humanitaire international, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a pour tâche de s'assurer que celui-ci est respecté par toutes les parties impliquées dans les conflits armés, qu'il s'agisse de gouvernements ou d'entités non-étatiques. Le CICR estime que la question de la non-discrimination lors des conflits armés devrait recevoir l'attention qu'elle mérite au cours des discussions de cette Conférence. Nous avons soumis à cet égard des propositions visant à faciliter le travail effectué sur les projets de documents que cette Conférence doit adopter.

Nous recommandons que la Conférence demande aux Etats qui ne l'ont pas encore fait, d'adhérer, sans émettre de réserves, aux conventions de Genève et à leurs Protocoles additionnels ainsi qu'aux autres instruments du droit humanitaire international. Le respect du droit international passe non seulement par des mesures de prévention mais également par des efforts pour traduire en justice et punir les responsables de violations. Le CICR estime que la Conférence devrait en conséquence prendre en compte la question de la lutte contre l'impunité dans les cas de violations sérieuses du droit humanitaire international. Nous recommandons à la Conférence de demander aux Etats de mettre en place des législations interdisant et sanctionnant les crimes de guerre. La Conférence devrait insister auprès des Etats pour qu'ils ratifient les instruments internationaux permettant de combattre l'impunité pour crimes de guerre commis lors de conflits armés internationaux ou non, et notamment le Traité de Rome de 1998 créant de façon permanente la Cour internationale de justice.

M. Richard Perruchoud, Organisation internationale pour les migrations : C'est avec satisfaction que l'OIM constate que la plupart des suggestions qu'elle avait avancées ont été intégrées dans le texte de la déclaration et du programme d'action présentés ici, à Durban. Au cours de ces dernières décennies, la migration est devenue un sujet d'actualité politique brûlante, soulevant des passions, provoquant des abus, déchaînant des réactions parfois violentes. Déjà à l'époque du plein essor économique, on assistait à des actes de rejet et d'agression : qu'en sera-t-il en cette période de tassement économique qui se profile à l'horizon? Force nous est de constater que la réalité quotidienne est ponctuée de manifestations à caractère raciste et xénophobe dont sont victimes au premier chef les migrants. Dénoncer les écarts, les excès et les violences est une chose nécessaire; nous notons cependant que l'ambiguïté des situations et un certain laxisme, voire un manque de volonté politique, confortent les milieux xénophobes et racistes dans leurs égarements, faisant ainsi des migrants des boucs émissaires de leurs frustrations et de leurs échecs.

La radicalisation de certains régimes pousse de plus en plus les forces vives de ces pays à la migration. Ailleurs, les effets pervers de la mondialisation, en vertu desquels le développement des pays riches s'effectue au détriment des pays pauvres multiplient les flux migratoires. Ailleurs encore, les conditions d'admission et les délais imposés par les autorités des pays concernés développent tout un processus qui pousse vers une clandestinité aboutissant invariablement soit à la dégradation de la dignité humaine soit à la violence. Ailleurs enfin, le manque de concertation entre pays d'origine et pays de destination ainsi que le non-respect par les migrants des modalités d'entrée aboutissent aux mêmes résultats. On en vient ainsi à oublier que les migrations, si elles sont bien organisées, sont un facteur de développement non seulement pour le pays d'accueil et le pays d'origine, mais aussi pour le migrant lui-même.

Au plan des principes, nous préconisons la cohésion des actions dans la légalité et dans le respect de l'individu. Nous demandons la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles, ainsi que son application effective. L'OIM demande en outre à tous les pays de ratifier le Protocole des Nations Unies contre le trafic des migrants par terre, air et mer, ainsi que le Protocole des Nations Unies visant à prévenir la traite des personnes, en particulier celle des femmes et des enfants. Elle préconise également l'adhésion à l'OIM de tous les États confrontés aux défis de la migration afin qu'ils puissent élaborer des solutions concertées et équitables aux problèmes posés par la migration.

M. EDUARD SULO, Secrétaire général du Ministère des affaires étrangères de l'Albanie : L'une des priorités de l'Albanie est de garantir l'égalité de ses citoyens et, au nom de ces principes, nous nous joignons aux efforts de la communauté internationale pour lutter contre le racisme, la discrimination et l'intolérance. Notre Constitution qui date de 1998 et le Code pénal sanctionnent tous les actes à caractère raciste ou discriminatoire, qu'ils soient basés sur la race, la religion, l'ethnie, la langue le sexe ou les croyances politiques ou philosophiques. Notre Etat protège et respecte la liberté de culte et les trois religions, musulmane, orthodoxe et catholique, y coexistent pacifiquement. Nous avons aussi désigné un médiateur qui est une institution chargée de protéger les droits, les libertés et la dignité des citoyens, notamment au regard de l'administration.

Aujourd'hui, les minorités sont les communautés les plus menacées par le racisme, l'intolérance et la xénophobie et notre pays protège les droits des minorités nationales toutes intégrées dans une société unitaire. Ces principes sont inscrits dans nos lois et nous les mettons en application, bien que certaines minorités comme la population rom doivent encore voir leurs conditions s'améliorer. Cependant, ils rencontrent en Albanie les mêmes problèmes qu'ailleurs dans le monde. L'Europe du Sud-Est a connu des développements politiques et démocratiques positifs au cours de la dernière décennie mais dans le même temps, la région des Balkans souffre de l'intolérance ethnique, nationaliste et xénophobe qui affecte des milliers de civils innocents. A ce titre, nous nous réjouissons de la décision de Belgrade de remettre Milosevic au Tribunal international. Au Kosovo, grâce aux efforts de la MINUK, de l'OSCE et de la communauté internationale, un processus de construction d'une société multiethnique est en cours, basé sur le respect de la tolérance et des principes démocratiques, et qui devrait aboutir au terme des élections générales du 17 novembre 2001.

Les événements dans l'ex-République yougoslave de Macédoine représentent une source de préoccupations pour nous. Nous pensons néanmoins que la place de la minorité albanaise n'a pas été clairement définie et est au cœur de ce problème. Notre pays s'est interdit toute forme d'ingérence et de soutien aux actions extrémistes en cours. Nous nous félicitons de l'accord intervenu récemment à Skopje mais nous tenons à exprimer notre préoccupations par rapport aux violations des droits de l'homme dont ont été victimes les Albanais en Macédoine. Mon pays, qui est un pays d'émigration, interpelle également les autres Etats Membres sur la nécessité de protéger ses ressortissants, au nom de la protection des migrants.

M. PETKO DRAGANOV, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Bulgarie : Après 18 ans de pause, il était grand temps d'aborder la question de la lutte contre le racisme, en particulier à la suite de l'élimination de l'apartheid, ces changements ayant donné de nouvelles orientations à la lutte contre le racisme. A l'aube du nouveau millénaire, nous pouvons utiliser des démarches universelles pour lutter contre un des phénomènes les plus honteux. La Bulgarie a adhéré à de nombreux instruments internationaux et est fermement engagée dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale. Nous appuyons la position de Kofi Annan qui a appelé cette Conférence à ne pas rouvrir les blessures du passé. Cependant, il est important de se pencher sur les questions de pauvreté et d'inégalités sociales. C'est pourquoi nous estimons qu'il est important de se concentrer sur le développement qui est un moyen de lutter efficacement contre le racisme et l'intolérance. Cette Conférence doit envoyer un message universel et nous ne devons pas confondre politique étrangère avec le thème du racisme et de la discrimination raciale qui sont les thèmes de cette Conférence. Nous souhaitons que la déclaration et le programme d'action tiennent moins compte des questions régionales dans leurs conclusions mais se contentent éventuellement d'identifier les communautés qui sont victimes de discrimination. La société bulgare pour sa part est une des plus stables de la région des Balkans et la diversité culturelle, religieuse et ethnique est reflétée dans nos institutions. Les populations roms sont par exemple représentées dans les diverses institutions, y compris dans le Gouvernement. Nous souhaitons que cette Conférence soit l'occasion de dépasser nos différences pour poser des bases solides tournées vers l'avenir.

M. PATRICK A. CHINAMASA, Ministre de la justice du Zimbabwe : Vous, Sud-africains qui avez combattu avec courage l'apartheid et le racisme, j'ai un conseil à vous donner. Vous avez gagné une bataille mais pas la guerre. Vous devez vous engager dans une lutte plus difficile pour redresser les considérables injustices du passé de manière à ce qu vous puissiez accéder équitablement aux ressources de votre pays au même titre que les autres nationalités. Je prie pour que vous ne vous endormiez pas sur vos lauriers. Ma délégation ose parler au nom de tous les Africains sur le continent et de ceux de la diaspora ainsi qu'au nom des Noirs dans le monde. Nous le faisons parce que nous sommes à la fois victimes du colonialisme et du racisme. L'héritage diabolique du colonialisme et du racisme subsiste alors que nous avons accédé à l'indépendance il y a 21 ans. Nous continuons de souffrir de la répartition des terres sur une base raciale. Nous éprouvons les souffrances que vous avec subies ou subissez encore.

La déclaration et le programme d'action qui seront adoptées par cette Conférence devraient refléter la gravité de cette question en décidant que les pays qui ont pratiqué ou se sont enrichis par l'esclavage, la traite et le colonialisme devraient être tenus entièrement responsables pour ces actes. Une déclaration claire reconnaissant l'esclavage, la traite et le colonialisme en tant que crimes contre l'humanité devrait être faite, contraignant ainsi les auteurs de ces crimes de présenter des excuses et de payer une réparation. Concernant nos appels pour les réparations des préjudices subis par les victimes de l'esclavage, la traite et le colonialisme, nous attirons l'attention de cette Conférence sur le fait que cette question est aujourd'hui internationalement reconnue par la jurisprudence; les réparations allemandes à Israël pour l'holocauste, les réparations américaines aux Américains d'origine japonaise pour l'internement illégal et les réparations de la Nouvelle-Zélande au peuple maori. Pourquoi reconnaît-on les réparations aux Juifs, aux Américains d'origine japonaise et non pas aux Afro-Américains et aux Africains? Pourquoi adopte-on la politique des "deux poids, deux mesures"? Est-ce que le message que nous emporterons signifiera que les pays faibles et les peuples faibles n'ont pas de place sous le soleil? Regardez-nous dans les yeux et répondez honnêtement à ces questions! Nous avons perdu de nombreuses vies humaines pour vaincre le colonialisme et le racisme, mais nous avons réalisé qu'en accédant à l'indépendance, nous avons gagné une bataille sans toutefois remporter de véritable victoire. Le système de propriété foncière fondé sur la race demeure intact. Dans un pays de 13 millions d'Africains et environ 100 000 Blancs, c'est la majorité des Noirs qui se plaint de racisme et de discrimination. Il est difficile de surmonter l'héritage du colonialisme et le racisme. Les politiques et lois racistes des régimes coloniaux successifs ont systématiquement privé les Zimbabwéens autochtones de leurs terres entre 1890 et 1980. Nos terres et nos activités d'élevage nous ont été brutalement retirées et volées sans aucune indemnisation et nous avons été cantonnés sur des terres arides, dans des zones exposées à la malaria et infestées par les mouches tsé-tsé.

Ceux qui ont résisté à l'oppression ont fait l'objet d'exécutions extrajudiciaires. En dépit de ces brutalités, certains ont survécu afin de faire entendre leur témoignage et mener une autre lutte. Vingt-et-un ans après l'indépendance, nous avons réalisé la gravité de l'erreur commise. Sur la base des promesses faites par les Gouvernements britannique et américain en échange de la paix, nous nous sommes prononcés en faveur de la réconciliation nationale mais 21 ans plus tard, 13 millions d'hectares sont toujours entre les mains de 4 000 fermiers blancs au détriment de la majorité Noire. La politique actuelle du Gouvernement zimbabwéen vise à rectifier l'injustice historique en procédant à la redistribution à l'ensemble de la population. Les Blancs résistent aux réformes foncières et soit renforcés dans leur position par de puissants membres de la communauté internationale et la presse internationale qui nous qualifient de racistes alors que nous avons été victimes de racisme pendant un siècle. Nous avons une obligation historique de restaurer les droits souverains de la population sur ses terres. Nous disons non à l'extinction et au nettoyage ethnique qui a commencé, il y a plus d'un siècle du fait du colonialisme. Pour le Zimbabwe, les dispositions sur l'indemnisation et les réparations sont à la fois appropriées et essentielles à un règlement pacifique de la question des terres.

M. ALI ABDUSSALAM TREIKI (Jamahiriya arabe libyenne) : Il est effarant de voir les indicibles préjudices engendrés par les conséquences de l'injustice flagrante qu'a constitué l'esclavage et le commerce des esclaves. Ces préjudices ont été encore aggravés par les puissances coloniales européennes qui ont envahi, entre autres, le continent africain, soumettant ses peuples à leur joug, pillant ses richesses et exploitant ses ressources humaines. Aujourd'hui, l'esclavage a disparu et les colonialistes ont été expulsés. Mais le fait est que la communauté internationale n'est pas parvenue à atteindre les objectifs de plusieurs décennies de lutte contre le racisme et la discrimination raciale. Des millions d'êtres humains sont toujours victimes d'atrocités racistes telles que le génocide et le nettoyage ethnique, sans parler de la xénophobie croissante, de la haine qu'inspirent les minorités et les immigrants ou de l'utilisation des nouvelles technologies aux fins de la propagande raciste et sans parler non plus de l'adoption de lois accordant une légitimité à des organisations et des partis politiques racistes.

Cette Conférence mondiale doit officiellement proclamer que l'esclavage et la traite des esclaves pratiqués à l'encontre des peuples africains constituent la pire forme de violation des droits de l'homme. La Conférence se doit d'affirmer que les parties responsables de ces pratiques doivent s'excuser pour avoir perpétré de telles atrocités et entreprendre officiellement d'indemniser de manière satisfaisante les peuples de ce continent. Les peuples africains devraient aussi être indemnisés pour la période coloniale qui a abouti au pillage de leurs richesses et à l'appauvrissement de leurs ressources. Il faudrait créer un fonds pour le développement de l'Afrique. Le financement de ce fonds devrait être assuré par les anciens pays colonialistes dont l'action est à l'origine du retard pris par le continent africain et dont le développement s'est fait aux dépens de l'Afrique.

Conscients des faits de l'intolérance et de la discrimination raciale ne peuvent prospérer que dans des circonstances où prévalent l'exclusion politique, l'inéquité économique et le manque de justice sociale, nous estimons que l'élimination de l'inéquité politique ne peut se faire que lorsque les populations exercent directement le pouvoir, sans représentation ni députation. Il n'existe aucune garantie pour les droits de l'homme dans un monde où il y a des maîtres et des esclaves, des oppresseurs et des opprimés, des riches et pauvres.

La présente Conférence mondiale devrait affirmer le droit des peuples à préserver leurs valeurs spirituelles et éthiques, leurs coutumes, leurs traditions, leur littérature, leurs arts, ainsi que leurs patrimoines culturel et social. Chacun doit pouvoir exercer sa liberté de penser, d'innover et de créer. Nous devons vaillamment nous opposer aux influences culturelles unilatéralement imposées aux peuples; nous devons nous dresser contre les politiques de subordination, contre le pillage, contre les politiques de sanctions sélectives, contre les blocus et contre ceux qui tentent d'affamer des peuples entiers.

La Jamahiriya arabe libyenne s'est opposée à l'hégémonisme et a été attaquée pour cela en 1986. Aujourd'hui, le droit international n'est plus respecté. Les grandes puissances ne l'utilisent qu'afin de défendre et promouvoir leurs intérêts propres et leurs visées hégémoniques. La situation du peuple palestinien constitue une autre tragédie moderne. Quelle différence y a-t-il entre Sharon et Milosevic? Le peuple palestinien a été chassé de ses terres et est victime d'assassinats au quotidien. Qu'y a-t-il de plus raciste que ce qui se passe en Palestine où sont appliquées les pires formes de racisme? Les superpuissances sont complices de ce qui se passe là-bas. Les Juifs ont-ils le droit de reproduire ce qu'Hitler a fait il y a une soixantaine d'année? Nous sommes contre l'antisémitisme mais ce qui se passe en Palestine n'en est pas moins inacceptable. Il n'est pas acceptable que se poursuive la politique de deux poids deux mesures en vertu de laquelle certaines oppressions ont été condamnées alors que d'autres ne le sont pas.

M. ALIKHAN BAYMENOV, Ministre du travail et de la sécurité sociale du Kazakhstan : Le Kazakhstan fête cette année le dixième anniversaire de son accession à la souveraineté nationale. Notre pays abrite toutes les religions révélées et pas moins de 120 nationalités et, à ce titre, il partage les positions de la communauté internationale quant à la nécessité de lutter contre l'impunité, les violations des droits de l'homme et quant à la nécessité de traduire en justice les coupables de crimes contre l'humanité. Notre Constitution et notre législation interdisent la discrimination pour quelque raison que ce soit. L'affirmation par la loi de ces valeurs est importante mais elle doit être relayée par les actes au quotidien. Au Kazakhstan, l'harmonie interethnique a été réalisée et nous permet de conserver une forme de stabilité. Les membres de l'Assemblée des peuples du Kazakhstan proviennent de tous les groupes ethniques et religieux du pays. Notre Gouvernement prend des mesures pour faire participer les minorités aux activités de l'Etat et elles sont représentées au sein du Gouvernement. Un des signes de l'esprit de tolérance qui nous guide se traduit dans la prochaine visite du Pape Jean-Paul II, en septembre, qui revêt une importance symbolique en cette Année de dialogue entre les civilisations. Nous accordons également une grande importance aux travaux des médias de masse et des organisations non gouvernementales dans la lutte contre le racisme et la promotion de la tolérance. Nous attendons de cette Conférence qu'elle nous permette d'aller de l'avant. On dit que l'unité crée les gagnants et que l'accord crée les invincibles, je souhaite que nous soyons et gagnants, et invincibles.

M. NGUYEN PHU BINH, Vice-Ministre des affaires étrangères du Viet Nam : Alors que l'homme explore les autres planètes à la recherche d'autres formes de vie et prend des mesures pour protéger les animaux sauvages, nous en sommes encore à rechercher les moyens qui nous permettraient de mettre un terme aux actes souvent très barbares que des êtres humains commettent à l'encontre d'autres êtres humains pour le simple motif qu'ils ont une couleur de peau, une nationalité, une langue ou une ascendance différente. Le souvenir douloureux des souffrances endurées et des destructions engendrées par l'esclavage, le colonialisme et le fascisme, ainsi que l'émergence de nouvelles formes de racisme et de discrimination raciale telles que la xénophobie et le néo-fascisme font de cette Conférence une réunion nécessaire et opportune. Nous sommes saisis de plusieurs questions qui exigent que nous leur apportions des réponses appropriées. Étant donné que le racisme et la discrimination raciale se manifestent depuis bien longtemps, trop longtemps, nous devons faire preuve de détermination et d'un véritable esprit de coopération et de solidarité dans la recherche des solutions à apporter à ces phénomènes. Ce qui se dégage des discussions qui se sont tenues dans le cadre du processus préparatoire à la Conférence de Durban, c'est que ces solutions exigent de nous un véritable respect de l'histoire, un véritable sens des responsabilités et la recherche de mesures concrètes destinées à aider les peuples des pays en développement qui ont trop longtemps été victimes du colonialisme et d'autres formes de racisme et de discrimination raciale. Du fait que le racisme et la discrimination raciale ont toujours été associés aux guerres, aux agressions et à l'ingérence, il ne fait aucun doute que les solutions doivent être basées sur le plus fondamental des principes régissant les relations internationales, à savoir le respect de l'indépendance et de la souveraineté nationales. J'espère que ce point de vue inspirera chacun de nous dans nos délibérations et qu'il trouvera son expression dans la déclaration et le programme d'action que nous allons adopter.

Le Viet Nam, en ce qui le concerne, est un pays multiethnique composé de près d'une soixantaine de communautés ethniques. Sur les 77 millions de Vietnamiens, près de dix millions appartiennent à des minorités ethniques, lesquelles vivent essentiellement dans les montagnes et dans les régions reculées du pays. Des dispositions spécifiques destinées à protéger les droits fondamentaux de ces personnes sont contenues dans de nombreux documents juridiques nationaux de base. Sur les quelque 450 députés que compte l'Assemblée nationale actuelle, 78 proviennent des minorités ethniques.

M. PRACHA GUNA-KASEM, chef de la délégation de la Thaïlande : Il est indéniable que le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance existent, partout dans le monde, et ces phénomènes se sont trouvés accentués par la mondialisation. Lutter contre le racisme nous impose de l'analyser jusque dans ses racines, sans complaisance, et de faire en sorte que des mesures juridiques soient adoptées au niveau national. A ce titre, je tiens à préciser que la Thaïlande est en train de se doter d'un arsenal juridique qui garanti les droits de la population sans distinction et adhèrera prochainement à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Notre société respecte les principes de diversité et les différences entre les communautés et la libertés de religion est reconnue, y compris en matière d'enseignement.

La Conférence doit adopter deux documents importants, la déclaration et le programme d'action, qui doivent poser les bases et les principes de la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance. La question s'est posée, au cours du processus préparatoire et ici à Durban, de savoir comment définir les victimes. Pourtant, nous savons tous qui peut être qualifié de victime de la discrimination. Nous devons, concernant la question du Moyen-Orient, éviter d'exacerber les tensions entre les Israéliens et les Palestiniens mais plutôt atténuer les souffrances des deux parties en prenant toutes les mesures de nature à encourager la reprise des négociations.

La Thaïlande n'a pas souffert du colonialisme ni de l'esclavage mais nous comprenons les victimes de ces injustices. Il serait vain de penser que quelque décision que ce soit puisse réparer les souffrances de ces peuples. Nous devons, par conséquent, encourager les pays africains en développement par des programmes d'assistance car l'Afrique mérite cette attention. Cette Conférence doit progresser dans un esprit de coopération et nous ne pouvons échouer, nous le devons à nos peuples, à nos enfants.

M. ABDUL-RAHMAN H. AL-ATTIYAH, Secrétaire adjoint aux affaires étrangères du Qatar : Mon pays a joué un rôle considérable à la fois sur le plan régional et sur le plan international en participant à toutes les conventions et activités qui consolident l'égalité, la tolérance et la justice et préservent la dignité humaine. En sa qualité de Président en exercice de l'Organisation de la Conférence islamique, le Qatar souligne clairement que l'Islam nous a enseigné, il y a plus de quinze siècles, que personne n'est supérieur à une autre, sauf par piété, et que tous les individus sont égaux. La tolérance et l'amitié ont toujours été au cœur de la mission islamique à la fois en tant que principe et en tant qu'approche pour étendre cette mission. Ceci a gagné la confiance des populations et ouvert la voie à la communication. L'esprit d'interaction a toujours permis au développement et la civilisation de la communauté musulmane accommode tous les peuples sans distinction de leur race ou de leur origine. L'Islam a précédé les organisations internationales et l'Organisation de la Conférence islamique pour ses enseignements sublimes concernant les parents et les enfants bien avant que ces organisations ne les aient envisagées dans leur acte constitutif. La communauté internationale est encore confrontée au risque que ces pratiques pourraient s'aggraver comme le montrent les attaques israéliennes perpétrées contre les Palestiniens. Ceci indique que l'hostilité israélienne à l'égard des Palestiniens, et la destruction de leurs biens et de leur économie ne résulte pas du souhait d'Israël de les subjuguer seulement à l'arrogance du pouvoir, mais également de ferme sens de supériorité qui relègue les Palestiniens à une position inférieure.

Les souffrances continues sont une cause de grave préoccupation. Confronté à l'indifférence et à la marginalisation, ce peuple a subi pendant plus de 50 ans la privation de ses droits, le déplacement, l'expulsion, la destruction de leurs biens et un génocide. C'est pourquoi, il faut restaurer au peuple palestinien les droits qui leur ont été garantis par le droit international et appuyés par tous les Etats participant à cette Conférence. Les évènements tragiques que vivent les Palestiniens stigmatisent la conscience de l'humanité tout entière. Alors qu'on ne cesse de rappeler les crimes de génocide commis dans le passé, on effleure à peine les souffrances du peuple palestinien. C'est comme si ce peuple était né pour subir l'injustice et l'oppression. N'est-ce pas un racisme dans sa plus grande dimension, sa forme la plus virulente et ses manifestations les plus atroces? Nous devons appeler un chat un chat et faire face à nos obligations en exprimant la vérité. Nous ne devons pas être sélectifs car la vérité n'a qu'une face et ne change pas avec les objectifs que l'on modifie et avec les années. Aucun pays ne peut être soumis à l'humiliation et à la subjugation qui résulte de l'emploi de la force, de la discrimination, de l'oppression, la menace et la famine forcée.

M. MICHAEL SHERIFIS, Président du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale (CERD) : L'universalité et la légitimité des droits de l'homme universellement reconnus en tant que préoccupation commune ne sont plus contestées. A l'exception de la Convention sur les travailleurs migrants qui n'est pas encore entrée en vigueur, tout Etat Membre des Nations Unies est partie à au moins un des six traités importants sur les droits de l'homme. Alors qu'il reste encore beaucoup à faire pour garantir les droits de l'homme aux niveaux local et national, le champ d'application cumulatif de ces six instruments, mis en œuvre de manière appropriée marque une étape importante dans la lutte contre le racisme. Le rôle vital des organes créés par les traités a été constamment reconnu par les organes politiques des Nations Unies. L'Assemblée générale a prié les mécanismes des droits de l'homme de présenter des recommandations concernant la Conférence mondiale et les travaux préparatoires, par le biais du Secrétaire général, et participer activement au processus préparatoire en vue de garantir le succès de la Conférence de Durban. La promotion et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales constituent le plus grand succès que l'humanité ait réalisé à ce jour. Ce sont des engagements indivisibles. S'il y a non respect du droit d'une personne fondé sur la race, le sexe ou l'origine ethnique, ce sont tous ses autres droits qui sont bafoués et qui peuvent mettre en péril la paix et la sécurité dans le monde. Le CERD est convaincu que cette troisième Conférence mondiale offre une occasion historique pour l'adoption de nouvelles mesures concrètes et appropriées qui permettront de lutter efficacement les causes du racisme et d'éliminer ses différentes manifestations.

M. JOSÉ LEITAO, Haut Commissaire pour l'immigration et les minorités ethniques du Portugal : Le succès auquel nous espérons tous pouvoir aboutir à Durban représentera un pas décisif vers l'éradication du fléau du racisme. Des actes d'intolérance, basés sur des attitudes ou des doctrines racistes, ont été et continuent d'être commis à l'encontre d'individus qui sont presque toujours sans défense. Il nous incombe donc à tous de créer les conditions nécessaires pour que de tels actes ne se reproduisent plus jamais. Dans chacun de nos pays, nous avons le devoir de renforcer les cadres juridiques afin de garantir l'égalité et de combattre la discrimination. Nous devons donner une voix aux victimes et aux victimes potentielles, suivre avec une attention particulière la situation des groupes les plus vulnérables, tout en accordant la priorité à l'éducation et à la formation en matière de droits de l'homme et de lutte contre le racisme.

La présente Conférence contre le racisme devra constituer un moment marquant de reconnaissance de ceux qui ont souffert des conséquences de pratiques telles que l'esclavage et la traite des esclaves. La communauté internationale tout entière devra rappeler l'immense souffrance de ces victimes, en déplorant et en condamnant de façon claire toutes les pratiques d'esclavage, qui n'ont malheureusement pas encore été définitivement abolies dans toutes les régions du monde.

Le Portugal, en ce qui le concerne, s'est activement engagé dans la construction d'une société qui assure le respect de la dignité de tous les êtres humains, indépendamment de leurs caractéristiques individuelles, et qui considère la diversité comme un facteur d'enrichissement culturel. Les immigrants contribuent au développement de notre pays et nous tenons ici à les saluer. Nous orientons également notre action vers l'application de mesures destinées à assurer l'égalité des tsiganes portugais. Je suis sûr que dans nos travaux, ici à Durban, nous saurons saisir les opportunités qui s'offrent à nous de construire un avenir meilleur et plus heureux pour nous-mêmes et pour nos enfants.

M. SAMIR K. AL-NIMA (Iraq) : Nous voyons dans cette Conférence une occasion historique de tracer la route qui mène à l'élimination des actes et pratiques racistes. Aller vers le futur ne doit pas se faire en ignorant le passé et le présent. Il faut prendre en compte les tragédies qui s'y produisent et les résoudre. L'Iraq, avec ses différents groupes ethniques et minorités, souffre de différentes formes de discrimination, d'injustice et de privations dues aux sanctions économiques en vigueur depuis plus de 11 ans. Les souffrances du peuple iraquien sont un exemple évident de l'attitude raciale des gouvernements des Etats-Unis et du Royaume-Uni à l'égard du peuple iraquien, une attitude qui a déjà entraîné la mort de plus de 1,5 million d'Iraquiens.

Dans les territoires occupés palestiniens, les forces israéliennes d'occupation ont perpétré des crimes contre l'humanité depuis 1948. Le document de la Conférence doit démasquer la nature réelle des pratiques raciales sionistes et les condamner comme l'a fait la dernière Conférence sur le racisme.
Il ne fait aucun doute que le continent africain est la victime qui a le plus souffert du racisme, de la discrimination raciale, de l'esclavage et du commerce d'êtres humains. Tous les peuples africains ont beaucoup souffert durant l'ère de la colonisation et de l'occupation étrangère qui s'est caractérisée par le pillage des richesses et des ressources du continent africain. Il faudrait demander des comptes aux puissances coloniales qui devraient s'excuser et dédommager les peuples africains pour leurs actes durant cette sombre période. Les crimes sauvages perpétrés contre les Africains et l'injustice dont ont été victimes les peuples autochtones et des populations d'origine africaine qui ont souffert de l'esclavage, doivent être condamnés.

M. RUBEN SILIE (République dominicaine) : La discrimination fondée sur la couleur de la peau a été accentuée par les gouvernements autoritaires dominicains qui ont marqué l'ensemble du XXème siècle qui ont manipulé la conscience nationale en faisant croire aux Dominicains qu'ils sont exclusivement les descendants d'aborigènes et d'Espagnols, en faisant abstraction de leur africanité. La dictature de Rafael Trujillo -de 1930 à 1961- a établi une discrimination raciale à l'égard des immigrants haïtiens. Les stéréotypes développés contre les Haïtiens ont stigmatisé les consciences et perturbent les relations entre les deux pays. Les attitudes héritées du colonialisme et adoptées par le régime autoritaire avaient contraint le grand leader José Francisco Pena Gomez à renoncer aux élections, à l'issue d'une campagne raciste fondée sur la couleur de sa peau et parce qu'il était de parents haïtiens. Cette politique officielle à l'encontre des Haïtiens n'existe plus bien que les attitudes hostiles aux Haïtiens subsistent encore dans les milieux conservateurs de la société. Aujourd'hui, le Gouvernement dominicain a pour principale préoccupation de lutter contre toutes les formes d'exclusion sociale, et les politiques sociales en vigueur visent à établir des mécanismes d'intégration sociale afin d'éliminer les attitudes négatives du passé. Pour la première fois, un président dominicain s'est prononcé pour donner une dignité nouvelle. Ce qui symbolise le mieux cette situation, ce sont les conditions de vie dans les "bateyanos". Désormais, les enfants de parents haïtiens peuvent accéder à la nationalité dominicaine et être scolarisés. Les autorités des affaires étrangères accordent une attention particulière à la situation des travailleurs haïtiens qui ne sont pas dotés de permis de travail ou de documents de résidence et prennent des mesures pour contrôler le trafic des personnes.

M. IBRAHIM ALI AL-MAJED (Bahreïn) : La participation sur un pied d'égalité de tous les Etats pour former un système politique et économique juste contribuera inévitablement à l'élimination du racisme et de la discrimination raciale. A cet égard, il est possible de tirer profit de la mondialisation, force dynamique qui peut être orientée en direction de tous les pays et peuples du monde, tout en évitant son impact négatif sur les droits de l'homme, en particulier l'accroissement du fossé économique et social qu'elle peut créer. L'occupation étrangère, fondée sur le déni de l'autodétermination, les colonies de peuplement, et les politiques et lois de discrimination raciale, ayant pour but la perpétuation de l'occupation des territoires appartenant à autrui par le recours à la force et l'exploitation des ressources naturelles, sont en contradiction avec les principes et buts de la Charte des Nations Unies. Ces actes constituent une grave violation des droits de l'homme et du droit humanitaire international, ainsi qu'une forme odieuse de ségrégation et de discrimination raciales, qui est un crime contre l'humanité et une menace pour la paix et la sécurité internationales. Ceci étant l'interprétation du droit humanitaire international sur l'occupation étrangère, il est évident que l'occupation par Israël des territoires arabes pendant des décennies mérite d'être dénoncée en des termes sévères. Cette situation a causé un grave préjudice au peuple palestinien et l'a empêché de vivre normalement au quotidien. Elle a aussi infligé des souffrances humaines considérables qui ont eu un impact négatif sur le tissu social dans les territoires palestiniens occupés.

Les politiques et pratiques israéliennes sont fondées sur la discrimination raciale et réaffirmées par leurs lois discriminatoires, notamment la loi sur le droit du retour réservé exclusivement aux Juifs et forçant l'exclusion des Palestiniens. Ces pratiques incluent la destruction de villes et villages par des armes très sophistiquées, le meurtre de civils, une politique de répression collective comme les blocus, privant les Palestiniens du minimum vital en fermant l'accès aux routes, à leur lieu de travail et autorisant les colons à attaquer les Palestiniens. Toutes ces pratiques montrent de toute évidence qu'Israël applique une politique systématique de discrimination raciale contre le peuple palestinien, qui vivent sur leurs terres et luttent pour leur autodétermination par la liberté, l'indépendance et la création d'un Etat indépendant selon les décisions de légitimité internationale. La poursuite de telles politiques ne contribuera pas à créer un climat propice à la paix, mais encouragera en revanche la haine et le mépris, et renforcera la résistance et la violence et constitueront des obstacles à toute solution pour l'avenir. C'est pourquoi, Israël, puissance occupante, doit mettre fin à ces politiques discriminatoires et à son occupation des territoires arabes.

Mme SOLEDAD VILLARA, Directrice des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères du Paraguay : La lutte contre la discrimination et pour l'égalité de tous en matière de jouissance des droits de l'homme ne saurait être une lutte menée par les seules victimes; il est indispensable qu'y soient également associées toutes les sociétés dans leur ensemble. À cet égard, il convient de souligner que le Paraguay est un pays solidaire et ouvert à la diversité, qui est disposé à œuvrer en faveur de la non-discrimination au sein de sa propre société comme à travers le monde. Le Paraguay - qui est sorti en 1989 de 35 ans de dictature - est persuadé que pour que chacun puisse s'épanouir dans un climat de tolérance et de respect, il est indispensable d'accorder la plus grande importance à l'éducation en matière de démocratie. La Constitution paraguayenne de 1992 reconnaît l'existence des peuples autochtones en tant que groupes antérieurs à la formation de l'État paraguayen moderne. Cette Constitution leur garantit donc la disposition des terres dont ils furent dépossédés par le passé. En maintes occasions, suivant une politique qui peut être considérée comme un exemple pour les autres pays latino-américains et pour le reste du monde, ont été restituées à ces peuples autochtones leurs terres ancestrales traditionnelles.

Il est nécessaire de prendre des mesures internes d'action affirmative (discrimination positive) en faveur des groupes victimes de discrimination. S'il est indispensable d'adopter des mesures nationales de lutte contre la discrimination, il est tout aussi fondamental de combattre ce phénomène au niveau des États en cherchant à instaurer un ordre international plus inclusif et équitable sur la base de la coopération et de la solidarité internationales. Ce nouvel ordre international devrait permettre de supprimer les politiques discriminatoires qu'imposent les pays développés aux pays en développement dans le domaine du commerce, en particulier du fait des restrictions auxquelles se heurtent les produits de ces derniers s'agissant de leur pénétration sur les marchés des premiers, ainsi que du fait des subventions qui sapent la compétition internationale, accentuant ainsi le fossé qui sépare les riches des pauvres.

En tant qu'État qui a déjà ratifié, sans aucune réserve, le Statut de la Cour pénale internationale, le Paraguay estime qu'il serait nécessaire de réagir à temps contre le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre qui sont souvent liés au racisme. À cet effet, le Paraguay lance un appel à la communauté internationale afin que s'accélère le processus de ratification du Statut de Rome et que puisse rapidement fonctionner de manière efficace et indépendante la Cour pénale internationale.


M. MURAT SUNGAR, chef de la délégation de la Turquie : L'émergence d'une nation sud-africaine démocratique et multiraciale et libérée de l'apartheid doit être une source d'inspiration pour la Conférence mondiale dans sa volonté d'éradiquer les menaces que posent le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance. Tous les hommes naissent égaux en droits et en dignité et aucune doctrine de supériorité raciale n'est moralement tolérable et justifiable. Malgré tous les efforts investis dans la promotion et la protection des droits de l'homme, les violations persistent dans le monde et le racisme et la discrimination raciale font partie des menaces les plus sérieuses à la liberté et aux droits de l'homme. Si les doctrines de supériorité reposant sur la différenciation raciale n'existent plus, la résurgence de mouvements d'extrême droite, en particulier dans les nations multiculturelles doivent faire l'objet d'une attention de la part de la communauté internationale.

Cette Conférence doit nous permettre de nous pencher sur toutes les formes de racisme et de discrimination raciale et sur leurs causes, leurs sources, les mesures de prévention à prendre, et sur la définition de la notion de victime. En tant qu'Etat qui compte quatre millions d'émigrés, nous sommes interpellés par les questions de protection des travailleurs migrants et constatons que les droits des travailleurs turcs sont souvent violés dans certains pays où ils n'ont pas accès à l'éducation, aux soins de santé ou à l'emploi. Nous souhaitons vivement que cette Conférence fasse tout ce qui est requis pour améliorer les droits et les conditions des travailleurs migrants victimes aujourd'hui de toutes les formes de racisme et de discrimination.

M. RAM SIMKHANDA, chef de la délégation du Népal : Nous sommes à la croisée des chemins entre deux siècles et, alors que le colonialisme fait désormais partie du passé, que l'esclavage est illégal, que l'égalité des sexes est consacrée, que les droits des enfants, des minorités et des peuples indigènes occupent une place importante à l'agenda des droits de l'homme, le 21ème siècle peut s'ouvrir sur le développement scientifique et technologique et offre des opportunités de transformations sociales. Malgré ce constat, le monde en développement, en Asie comme en Afrique, traverse des conditions de pauvreté, de misère et d'exclusion préoccupantes. Les conflits violents, reposant sur des motifs ethniques ou religieux, compromettent les chances de développement de ces régions et constituent une menace pour la sécurité humaine.

Au Népal, notre Constitution garantit la participation de tous à la vie politique et prévient toute forme de discrimination basée sur le sexe, la religion, la race, la caste, la tribu ou les convictions politiques. Malgré tout, l'égalité entre les sexes ne fait toujours pas l'objet d'un consensus, tout comme la question des castes ou des minorités ethniques qui préoccupent notre Gouvernement car elles compromettent ses efforts en vue de l'établissement d'une société unitaire et égalitaire. Au mois d'août dernier, le Premier Ministre a annoncé qu'il soumettrait une loi au Parlement visant à éradiquer les pratiques telles que la discrimination des intouchables ou celles des femmes. Des programmes seront également mis en œuvre afin d'appuyer ces lois et d'améliorer les conditions socioéconomiques des populations les plus vulnérables. Nous pensons que la lutte contre le racisme, la discrimination et l'intolérance passe par la lutte contre la pauvreté et la misère qui minent la stabilité de nos sociétés.

L'Archevêque DIARMUID MARTIN (Saint-Siège) : La lutte contre la discrimination raciale est placée au-dessus de la manière dont nous souhaitons structurer les relations entre les individus et les peuples à l'aube de ce nouveau siècle et de ce nouveau millénaire. Le racisme est un péché. Cette Conférence doit porter sur la vérité : la vérité concernant la dignité humaine, l'unité fondamentale de la famille humaine. C'est une Conférence sur les fondements éthiques d'une nouvelle communauté mondiale. Le défi qui se pose à ce nouveau siècle est une interaction fructueuse des peuples fondée sur des relations équitables, justes et fraternelles dans la solidarité. La Conférence marquera, peut-on espérer, une nouvelle étape significative dans les efforts accomplis par la communauté des nations. Elle commence à toucher aux dimensions les plus profondes de ces qui est nécessaire pour lutter contre la discrimination raciale et pour bâtir un monde plus juste. Les causes de la haine, de l'intolérance et de l'exclusion ne seront pas éliminées si l'on les attitudes individuelles et collectives ne changent pas. Les travaux préparatoires de la Conférence ont montré que ce processus n'est pas simple. Il exige que l'on examine la réalité de l'histoire, pas pour être piéger par le passé, mais pour être en mesure de commencer honnêtement à édifier un avenir différent. Le devoir de mémoire exige que nous considérions honnêtement notre histoire personnelle, communautaire et nationale et admettre les aspects les moins nobles qui ont contribué à la marginalisation d'aujourd'hui, afin de faire de l'ère de la mondialisation une ère d'inclusion et de solidarité.

Concernant la situation des migrants, des réfugiés et de leurs familles, la Conférence doit réaffirmer clairement les droits de l'homme fondamentaux de tous les migrants, sans tenir compte de leur statut d'immigration. Elle doit formuler des recommandations sur la mise en œuvre, sur les plans national et international de ces droits. En même temps, la lutte contre le racisme exigera un programme d'éducation concernant les migrations qui soit intensif et équilibré. L'éducation contre l'intolérance raciale doit constituer un pilier solide de toutes les dimensions de l'éducation, à la fois à l'école et dans la société en général. Cette éducation doit répondre aux fondements éthiques qui renforceront l'unité de la famille humaine. Il incombe en particulier à ceux qui en ont l'autorité de sensibiliser l'opinion publique. Toutes les formes de stéréotypes fondés sur la race ou les efforts visant à inciter l'exclusion ou la haine doivent être rejetés dès qu'ils apparaissent. L'éducation en matière de droits de l'homme doit prendre une dimension fondamentale dans les programmes, ainsi que dans la formation professionnelle de certaines catégories professionnelles actives dans la prévention de la discrimination raciale, notamment les médias, ou qui ont un rôle particulier pour protéger les victimes comme le personnel judiciaire ou de la police. La véritable foi religieuse est absolument incompatible avec les attitudes et les pratiques racistes. C'est pourquoi, le Saint-Siège espère que la Conférence de Durban marquera un tournant historique par le développement d'une culture de dialogue entre les religions, les civilisations et les nations.

M. FRANCISCO PROANO ARANDI (Équateur) : Il y a cinq siècles, alors que l'Occident était en pleine phase d'expansion, certains -dans le but de justifier une politique de conquête- en vinrent à nier que les autochtones américains et dans d'autres parties du monde avaient une âme. Sur cette même base, ils n'hésitèrent pas à se livrer à un trafic, réduisant à l'état d'esclaves et de simples marchandises les hommes libres d'Afrique. Ce fut le début de ce que l'on a appelé "la déshumanisation de l'Occident", laquelle a abouti aux grandes tragédies contemporaines que furent l'holocauste nazi, l'apartheid et le nettoyage ethnique. Aujourd'hui, l'Occident a l'occasion de se ré-humaniser. Il faudrait que l'Occident reconnaisse sa responsabilité historique s'agissant de ce passé de colonialisme, d'esclavage et de pillage de ressources. Il faudrait qu'il reconnaisse le plein droit des peuples autochtones, des populations d'ascendance africaine et d'autres minorités à jouir de leur identité dans un cadre harmonieux de diversité féconde. L'Occident devrait aussi reconnaître le droit à des compensations justes destinées à promouvoir le développement économique et social, lesquelles pourraient prendre la forme d'une renégociation de la dette extérieure ou de sa transformation en ressources allouées à des projets de développement social, de protection du milieu naturel et de promotion des droits de l'homme dans les pays en développement.

La Constitution équatorienne -l'une des plus avancées dans le domaine social- reconnaît la diversité des groupes ethniques du pays et garantit les droits collectifs des peuples autochtones comme ceux des descendants d'Africains, notamment pour ce qui est de leur droit à conserver la possession des terres communautaires ancestrales. Il n'en demeure pas moins qu'en raison des conséquences induites par le système colonial qui a été imposé au pays pendant des siècles, persistent en Équateur sous des formes de racisme et d'intolérance profondément enracinées, ces fléaux resurgissant avec une intensité inhabituelle en ces temps de mondialisation. L'État et la société civile se sont engagés à œuvrer sans relâche à l'élimination de ce leg néfaste du passé.

L'un des problèmes qui préoccupe le plus l'Équateur dans le domaine international est celui des migrants. Il convient de souligner que le monde actuel se trouve confronté, comme cela s'est déjà produit à plusieurs reprises dans son histoire, à une nouvelle vague migratoire dont les conséquences -tant négatives que positives- doivent être appréhendées en se fondant sur le principe de la responsabilité partagée. Cela veut dire qu'il faut promouvoir une politique internationale qui condamne la discrimination à l'égard des migrants des pays sous-développés et qui rejette l'établissement d'une citoyenneté de seconde zone dans les pays développés.

M. MARK WOLFF et le Rev. GERARD T. LAGLEDER, représentants de l'Ordre militaire souverain de Malte : Le droit à la liberté de religion est un droit de l'homme fondamental. C'est un droit inhérent de chaque individu et c'est une expression essentielle de l'esprit humain, protégeant et renforçant la dignité et l'individualité de chaque personne créée à l'image de Dieu. Alors que nous sommes à l'aube de ce troisième millénaire, l'intolérance religieuse demeure un problème aigu ancré dans les traditions sociales, culturelles et religieuses du passé. Aujourd'hui, l'intolérance religieuse revêt de nouvelles formes alarmantes. L'extrémisme sous toute forme est incompatible avec l'élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, en particulier lorsqu'elle est combinée avec les organisations politiques et religieuses extrémistes. L'histoire et malheureusement notre monde contemporain sont marqués par l'holocauste et les nettoyages ethniques qui ont été commis au nom de la religion et perpétrés par des extrémistes brandissant la religion pour justifier leurs actes. Ces organisations extrémistes utilisent différents moyens d'intimidation, y compris le prosélytisme, le harcèlement, les menaces, les restrictions juridiques directes et indirectes sur la religion et les croyances, la violence physique et les meurtres. Lorsque l'intolérance religieuse et la discrimination à l'encontre de minorités déjà vulnérables s'associent, les préjudices ne sont pas seulement cumulés mais créent également une violation des droits de l'homme encore plus cruelle. Pour faire face à ces fléaux, il faut prendre des mesures préventives concrètes, notamment par le biais de l'éducation. Dès leur plus jeune âge, les jeunes du monde entier devraient être sensibilisés à la riche diversité des véritables croyances religieuses qui existent dans le monde.

M. SOUEF MOHAMED EL-AMINE, Ministre des affaires étrangères des Comores : La délégation comorienne est disposée à œuvrer pour la réussite de cette Conférence. L'occasion que nous offre cette Conférence est salutaire. Tous les peuples du monde ont connu d'une manière ou d'une autre les graves méfaits de l'exclusion et de la discrimination et c'est pourquoi nous leurs devons un monde libéré de ces menaces. Le deuxième millénaire a été celui des Lumières et des grandes découvertes technologiques mais il a aussi été celui du nazisme, de l'antisémitisme, de l'esclavage, du colonialisme, et des guerres meurtrières. Nous devons dépasser ici nos passions, endiguer nos égoïsmes afin de bâtir un monde qui ne souffre plus aucune forme d'exclusion. Il est temps d'admettre le mal profond qui caractérise ces théories racistes et il nous est demandé ici de faire un véritable travail de mémoire. Mon pays est convaincu que cette Conférence saura assumer sa responsabilité pour que le droit soit le droit et que l'on réaffirme les principes sacrés.

Les Comores ont connu l'exclusion et la marginalisation et ce lot de misère prend sa source dans l'indépendance inachevée. Je veux parler de l'île de Mayotte restée sous administration coloniale et des conséquences de cet état de fait sur les velléités sécessionnistes de l'île d'Anjouan. Je lance un appel ici à la décolonisation de toutes les régions du monde qui ne le sont pas encore afin de leur permettre de s'inscrire dans le développement de l'humanité. Chaque humain a besoin de vivre sa propre liberté et mon pays insiste afin que son message soit clairement entendu. Les Comores ont fait d'énormes progrès depuis leur indépendance en 1975, notamment par la mise en place d'un système éducatif, au terme d'un processus colonial qui les privait de l'éducation secondaire. Notre pays souffre de l'amputation de Mayotte et je rappelle que Mayotte est plus près de Moroni que de Paris ou de Marseille. L'archipel des Comores est un bœuf maintenu depuis 25 ans sur trois pattes et les victimes de cette injustice sont ces naufragés qui, à bord d'embarcations de fortune, se rendent vers Mayotte pour rendre visite à leurs frères. Les Comoriens souhaitent aussi que la communauté internationale fasse tout pour mettre un terme au génocide dont est victime le peuple palestinien. Tous les peuples privés de leur liberté attendent énormément de cette Conférence.

M. TONIO BORG, Ministre de l'intérieur de Malte : Les difficiles négociations qui ont eu lieu à propos du projet de déclaration ont mis à jour les divergences entre les Etats concernant certains aspects du document. Pourtant, le seul fait d'être réuni en Afrique du Sud doit nous encourager à parvenir à un consensus sur la lutte contre le racisme et la discriminations raciale sous toutes leurs formes. Je souhaite que cette Conférence examine toutes les manifestations et les causes du racisme sans complaisance, à commencer par l'ignorance. En effet, c'est l'ignorance qui très souvent est à l'origine des réflexes racistes, identitaires et xénophobes. Dans ce contexte, les politiciens et les hommes politiques ont une immense responsabilité dans le combat contre le racisme non seulement pour s'assurer que les mesures sont prises au niveau juridique ou administratif pour combattre ce fléau mais aussi pour agir au niveau des consciences, en tant que leaders d'opinion.

Le manque de volonté politique et d'actions concrètes sont aussi la cause de la persistance des actes racistes et discriminatoires. Il est déplorable que même en Europe où l'on se targue d'être de vieilles démocraties, érigées selon les principes humanistes, le racisme, la xénophobie et l'intolérance aient conduit à des conflits récents. Le racisme et la démocratie sont incompatibles et il nous appartient ici de prendre des mesures qui permettront de consolider nos démocraties en luttant efficacement contre toutes les formes de racisme et de discrimination. La question des réfugiés et des migrants est aussi un domaine qui requiert une attention particulière et des mesures visant à protéger ces populations vulnérables. Malte considère que son adhésion à l'Union européenne l'aiderait à lutter contre le racisme et à renforcer les idéaux humanistes et démocratiques.

M. ANIBALDELGADO FIALLOS, Ministre et Directeur de l'Institut agraire national du Honduras : La société multiethnique, multilingue et pluriculturelle formée il y a cinq siècles d'une mosaïque d'Indiens, de Noirs et d'Européens, a été humiliée par la pratique infamante de l'esclavage et de l'expression brutale de la discrimination. L'esclavage a été aboli en Honduras dès les premières années de son indépendance, et en particulier en vertu de la Déclaration d'Indépendance de 1821 qui reconnaît la citoyenneté aux personnes originaires d'Afrique, et les différentes mesures constitutionnelles qui consacrent le principe d'égalité entre les hommes.

Il est nécessaire de s'attaquer aux comportements racistes qui persistent et que nous condamnons. C'est pourquoi notre société a adopté un agenda social et politique plus ferme pour lutter contre la discrimination et la marginalisation en mettant en œuvre des programmes visant à atténuer la pauvreté. Les populations d'origine africaine et les populations autochtones du Honduras ont initié, en 1996, des actions vigoureuses pour demander au Gouvernement la restitution de leurs terres et des programmes sociaux visant à améliorer leurs conditions de vie. Le Gouvernement a souscrit à un compromis et le Congrès a approuvé la Convention 169 de l'Organisation internationale du Travail sur les droits des populations autochtones et tribales dans les pays indépendants et l'a intégrée dans une loi nationale afin de respecter les principes de la consultation et de la participation. Toute mesure gouvernementale en faveur du développement des communautés autochtones ou d'origine africaine doivent au préalable faire l'objet d'une consultation et les représentants de ces populations doivent participer aux discussions portant sur les politiques et stratégies les concernant ou d'intérêt général. La délégation officielle participant à la Conférence mondiale est composée à 90% de Honduriens d'origine africaine ou appartenant à l'ethnie miskita.

La terre, l'eau et les forêts représentent pour les populations d'origine africaine et autochtone leurs ressources principales. Si on les prive de la terre et de ses ressources, on les privera de la vie. La terre, les forêts et les risques d'incendies furent précisément les choses dont ils furent dépossédés. C'est pourquoi, si nous parlons de réparations, la première mesure réparatrice que doit appuyer la communauté internationale est la restitution de la propriété communale de la terre ainsi qu'un financement substantiel des activités productives.

Mme IMELDA HENKIN, (Fonds des Nations Unies pour la population - FNUAP) : Le FNUAP œuvre à la promotion des droits de l'homme et de l'égalité dans le cadre des efforts qu'il déploie en matière de santé génésique dans les pays en développement. Nous avons constaté que le fait de comprendre l'environnement socioéconomique global d'un pays permet de mieux appréhender les questions de population dans ce pays. Cette approche nous a aussi permis de répondre à de nombreux défis auxquels nous sommes confrontés, notamment en matière de violence sexuelle, de mutilation génitale féminine, de mariage forcé et de crime d'honneur. Aujourd'hui, les pratiques traditionnelles préjudiciables comme les mutilations génitales féminines sont désormais interdites par la loi dans de nombreux pays africains. Pratiquement tous les pays ont en outre formulé des politiques nationales qui ont abouti à une amélioration sensible de la protection juridique et institutionnelle des droits des femmes.

Le FNUAP apporte son soutien aux services de santé génésique et aux informations y relatives afin de répondre aux besoins de ceux qui n'ont pas accès à de tels soins, à savoir -en particulier- les populations autochtones et les autres groupes marginalisés. Les femmes et les fillettes qui ont été forcées de quitter leurs foyers, qui ont été déplacées en raison de la guerre, de la famine, de persécutions ou de catastrophes naturelles constituent un autre groupe ayant des besoins spéciaux. Elles sont confrontées à des situations difficiles durant leur grossesse et au moment de l'accouchement et sont particulièrement exposées au viol et à la violence sexuelle. Le FNUAP et ses partenaires ont donc pris un certain nombre d'initiatives destinées à apporter des soins de santé génésique de première urgence afin de répondre aux besoins de ces femmes et fillettes. Les droits humains les plus fondamentaux des femmes et des fillettes continuent d'être massivement violés. Le trafic de ces personnes se développe un peu plus chaque jour et, selon la Division de la prévention du crime des Nations Unies, il s'agirait de la branche du crime organisé qui se développe le plus rapidement.

Droits de réponse

La représentante de Chypre a appelé la Turquie à respecter scrupuleusement les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité concernant le retrait de ses troupes de l'île et de mettre fin à ses pratiques discriminatoires.

Le représentant de l'Iraq a nié le fait que des prisonniers koweïtiens soient encore détenus en Iraq contrairement à ce qui a été affirmé hier par le représentant du Koweït. Il a admis que 1242 personnes avaient disparu pendant la guerre, Iraqiens et Koweïtiens, mais que le dossier était entre les mains du Comité international de la Croix-Rouge. Il s'est dit prêt à collaborer avec le Comité international de la Croix-Rouge et le Comité tripartite. Il a souhaité que les représentants du Koweït abandonnent les allégations sur les questions humanitaires et s'engagent dans des négociations avec l'Iraq.

L'observateur de la Palestine a estimé que le représentant d'Israël a essayé de détourner l'attention en invoquant la Bible pour expliquer la position de son pays. Les instruments internationaux qui garantissent les droits des peuples sont en vigueur mais Israël s'obstine à dénier le droit au retour des Palestiniens, reconnaissant ce droit exclusivement aux Juifs. Cette mesure est discriminatoire. Des colonies de peuplement sont en revanche construites sur les territoires qui appartiennent aux Palestiniens. Il incombe à Israël de s'acquitter de ses obligations, conformément au droit international. Comment Israël peut continuer à tromper le monde?

Le représentant de la Turquie a répondu au "représentant de l'administration grecque chypriote" en estimant que si la partie chypriote grecque acceptait de reconnaître son équivalent turc, tous les Chypriotes pourraient vivre en paix.

La représentante du Koweït a déclaré que nier l'existence de prisonniers koweïtiens en Iraq est une attitude totalement inacceptable. L'Iraq se doit de respecter les résolutions 687 et 688 en permettant à tous les Koweïtiens de retourner dans leurs foyers. Bien sûr, toute cette question est le résultat d'une guerre, mais c'est l'Iraq qui a déclenché cette guerre.


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