Pourquoi la responsabilité de protéger est-elle toujours d’actualité ?

Message vidéo de la Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la responsabilité de protéger, diffusé à l’occasion du 15e anniversaire  

L’année 2020 marque le quinzième anniversaire de l’adoption, à l’unanimité, du principe de la responsabilité de protéger par tous les chefs d’État et de gouvernement réunis au Sommet mondial des Nations Unies de 2005. L’adoption de ce principe a marqué une étape essentielle dans l’action collective menée par la communauté internationale pour faire en sorte que ses échecs passés, illustrés par son incapacité à prévenir les génocides au Rwanda et à Srebrenica, ne se reproduisent jamais.

Quinze ans plus tard, la tâche consistant à construire la paix, à hisser la prévention au rang de priorité et à protéger les populations n’a rien perdu de son urgence ni de son importance. Des atrocités criminelles aux conséquences graves et durables pour les sociétés et les générations futures continuent d’être commises. La pandémie de COVID-19 a mis en évidence l’importance de la responsabilité de protéger, les populations vulnérables du monde entier risquant davantage d’être victimes de violations graves des droits humains et d’atrocités criminelles. Face à la montée de l’intolérance, des discours de haine et de la discrimination, les États doivent prendre de toute urgence des mesures pour protéger leur population, notamment les plus vulnérables et les plus marginalisés. À l’heure où nous nous efforçons de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité, il importe plus que jamais que nous restions fidèles aux idéaux et aux objectifs de l’Organisation des Nations Unies. La prévention des atrocités criminelles s’inscrit au cœur de cette démarche.

Le 15e anniversaire de la responsabilité de protéger offre à la communauté internationale une occasion importante de renouveler et d’approfondir son engagement en faveur de la prévention du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité, et d’intensifier tous les efforts qu’elle fait pour protéger les populations de ces crimes et violations et des actes visant à les encourager.

Quelles sont les principales idées fausses sur la responsabilité de protéger ?

Lorsqu’il a été adopté, le principe de la responsabilité de protéger a suscité beaucoup d’attention et d’espoir en tant qu’outil indispensable de prévention des atrocités et de protection contre celles-ci. L’impératif était clair : la communauté internationale devait œuvrer davantage à la protection des populations, en présentant un front uni. Toutefois, ce principe continue de susciter un certain nombre de préoccupations, souvent liées à l’interprétation de son application dans des situations propres à certains pays au cours des quinze dernières années. C’est pourquoi il est nécessaire d’en finir avec les idées fausses concernant les objectifs de la responsabilité de protéger et la méfiance qu’ils inspirent.

Les trois idées fausses les plus répandues sur ce principe sont les suivantes :

La responsabilité de protéger est-elle un concept occidental ?
La responsabilité de protéger relève-t-elle de la politique étrangère ?
La responsabilité de protéger est-elle synonyme d’intervention militaire ?

Priorités pour l’avenir

Message vidéo du Secrétaire général de l’ONU pour le 15e anniversaire de la responsabilité de protéger 

À l’occasion du 15e anniversaire de l’adoption du principe de la responsabilité de protéger, la Conseillère spéciale engage chaque État à remplir ses obligations de protection et demande à la communauté internationale d’approfondir son engagement collectif à prévenir et faire cesser les atrocités criminelles. Nous devons trouver des solutions diplomatiques pour réduire le risque que de tels crimes soient commis et sauver des vies. Pour mieux faire appliquer ce principe, il faut promouvoir les grandes priorités suivantes :

1) AMÉLIORER LES ACTIVITÉS DE PRÉVENTION

La prévention des atrocités criminelles est au cœur de la responsabilité de protéger et du programme de prévention global du Secrétaire général. La prévention précoce nécessite d’ériger au rang de priorités l’intégration et la gestion constructive de la diversité. Les politiques et les normes nationales doivent être respectueuses des différences, ce qui suppose l’existence de lois et d’institutions destinées à promouvoir l’égalité entre les personnes et entre les groupes et à les protéger contre la discrimination, les discours de haine et l’incitation à la violence, tout en préservant la liberté d’expression. Les protections constitutionnelles et législatives des droits humains et des droits des groupes constituent le principal rempart contre la discrimination. Ces protections doivent faire l’objet d’un contrôle efficace par un pouvoir judiciaire et des institutions nationales de défense des droits humains indépendants, notamment des médiateurs et médiatrices, ainsi que des sociétés civiles dynamiques capables de demander des comptes aux États.

2) PROMOUVOIR LA JUSTICE ET L’APPLICATION DU PRINCIPE DE RESPONSABILITÉ

Le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité, ainsi que l’incitation à commettre de tels actes, sont érigés en infractions pénales dans la législation nationale. Tous les segments de la société doivent bénéficier d’un accès égal à la justice et aux voies de recours judiciaires en cas de violation de leurs droits fondamentaux, l’objectif général étant de renforcer l’état de droit. Il n’en va pas seulement l’intérêt de la justice : il s’agit également d’empêcher que de tels crimes soient perpétrés à l’avenir, l’impunité des auteurs de violations étant en soi un facteur de risque d’atrocités. La communauté internationale a le devoir juridique et moral d’aider celles et ceux qui en ont besoin et de leur donner les moyens légaux d’assurer leur sécurité. Les États devraient devenir parties aux instruments internationaux pertinents relatifs aux droits humains, au droit international humanitaire et au droit des réfugiés, ainsi qu’au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Les États Membres devraient en outre veiller à ce que les atrocités criminelles et l’incitation à commettre de tels actes soient érigées en infractions pénales dans leur droit interne.

3) COOPÉRER POUR PROTÉGER

L’engagement de la communauté internationale et le renforcement de la coopération sont indispensables pour empêcher que soient perpétrées des atrocités criminelles. Il est temps que la communauté internationale se réunisse pour trouver des solutions diplomatiques aux problèmes actuels et protéger les populations des atrocités criminelles. Aux Nations Unies, les organes intergouvernementaux doivent œuvrer de concert pour lutter contre le risque que des atrocités criminelles soient commises et y mettre fin le cas échéant, parvenir à des accords permettant aux populations vulnérables et laissées pour compte d’obtenir justice et de demander des comptes, faire droit aux griefs exprimés de longue date et remédier aux déficits structurels susceptibles de restreindre la protection et les droits humains, et promouvoir un développement durable qui ne laisse personne de côté. Les organisations régionales et sous-régionales devraient agir dans le même sens et recevoir tout l’appui possible à cet effet.

La bonne mise en œuvre de la responsabilité de protéger exige une coopération à tous les niveaux. Il faut donc privilégier le dialogue et la coopération entre la société civile et les acteurs nationaux et régionaux. La responsabilité de protéger doit dépasser le cadre des Nations Unies et s’appliquer dans les contextes régionaux et nationaux ; elle incombe par ailleurs non seulement aux pouvoirs publics, mais également à la société civile et aux principaux acteurs nationaux. L’expérience montre que la prévention et l’intervention sont le plus efficace lorsque l’ONU coopère avec ses partenaires régionaux, nationaux et locaux. Le renforcement de cette relation pour maximiser les possibilités de prévention et de protection demeure un aspect primordial de la stratégie de mise en œuvre.

En savoir plus sur le rôle crucial des États Membres, des organismes des Nations Unies, des organisations régionales et sous-régionales et de leurs partenaires de la société civile dans l’application du principe de la responsabilité de protéger