Fonds des Nations Unies pour
l’enfance (UNICEF)
Déclaration de Mme Veneman
Peu d’entre nous en âge de se souvenir de ce qui s’est passé il y a 20 ans oublieront un jour Tchernobyl. Il y a 20 ans cette semaine, Tchernobyl est devenu le site de la plus terrible catastrophe nucléaire civile que le monde ait connue. Mais alors que voilà bien longtemps que les projecteurs des médias se sont éteints, les effets eux perdurent, causant maladies et ravages psychologiques et freinant le développement humain dans de vastes zones du Bélarus, de la Fédération de Russie et de l’Ukraine.
Durant deux décennies, le monde s’est efforcé de répondre à l’ampleur et à la complexité de cette catastrophe. Le système des Nations Unies a été un solide partenaire des peuples et des gouvernements des régions touchées par Tchernobyl dans leurs efforts pour surmonter les souffrances et recouvrer leurs moyens de subsistance. Quelque 600 000 membres des services d’urgence et de secours ont œuvré pour atténuer les conséquences de la catastrophe. Une réaction rapide à cette catastrophe sans précédent a fait défaut, mais le monde a su tirer les enseignements de son expérience et il s’est employé au fil des ans à améliorer ses efforts.
Si la crise humanitaire est derrière nous, les problèmes liés à la santé et au bien-être des enfants et des plus jeunes persistent. Comme cela est souvent le cas dans les situations d’urgence, les enfants ont été frappés de manière disproportionnée. Une très forte augmentation des cas de cancer de la thyroïde a été signalée après l’accident, principalement chez les enfants et les adolescents. Il est clair que l’augmentation des cas de cancer de la thyroïde chez les enfants du fait des retombées d’iode radioactif constitue l’effet sanitaire le plus spectaculaire de Tchernobyl. Mais ironie cruelle, si les carences en iode dans la région touchée ont rendu les enfants plus vulnérables aux retombées d’iode radioactif, il y a 20 ans, elles continuent aujourd’hui encore de frapper des milliers d’enfants.
La carence en iode est la première cause d’arriération mentale dans le monde, et elle est dangereuse pour les femmes enceintes et pour les jeunes enfants. Dans les régions où les carences en iode sont endémiques, comme celles touchées par la catastrophe de Tchernobyl, il a été démontré que le quotient intellectuel des enfants est en moyenne inférieur de 13 points. Ceci peut entraîner de mauvais résultats scolaires et réduire la productivité des adultes.
Régler efficacement le problème de la carence en iode est très simple et peu coûteux. Une iodation généralisée du sel destiné à la consommation humaine et animale est le moyen le plus efficace de garantir que tout le monde bénéficie des avantages sanitaires liés à l’iode. Aujourd’hui, seulement environ 55 % des ménages du Bélarus consomment du sel iodé et en Russie et en Ukraine le chiffre est d’environ 30 %. Cela veut dire que chaque année, environ 41 000 enfants au Bélarus, 274 000 enfants en Ukraine et 1 million en Russie naissent avec une carence en iode.
Il est nécessaire que les dirigeants du Bélarus, de la Fédération de Russie et de l’Ukraine soient déterminés à agir. La communauté internationale est prête à apporter son aide. Dans ces trois pays, il faut une alliance entre le secteur de la santé publique, les médias, les associations de consommateurs et les producteurs de sel, afin que chaque ménage ait conscience des bienfaits du sel iodé et qu’il puisse le trouver dans le magasin le plus proche. L’iodation généralisée du sel dans ces pays serait un legs positif et durable pour ceux qui ont été victimes de la tragédie de Tchernobyl. En protégeant la santé, en renforçant la sensibilisation et en augmentant la productivité, prévenir les troubles liés aux carences en iode peut contribuer à réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement.
En 2002, le Programme des Nations Unies pour le développement et l’UNICEF, avec l’aide de l’Organisation mondiale de la santé et du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, ont commandé un rapport sur les conséquences humaines de l’accident nucléaire de Tchernobyl. Les recommandations formulées dans ce rapport ont orienté la réaction du système des Nations Unies pour répondre aux besoins des zones touchées par la catastrophe. L’Organisation des Nations Unies fait désormais passer son appui d’une aide humanitaire directe à un développement durable à long terme.
L’UNICEF et ses partenaires s’efforcentégalement de réagir aux problèmes psychologiques entraînés par Tchernobyl. En fait, l’une des séquelles les plus durables de Tchernobyl est la peur de l’avenir, que les parents transmettent trop souvent à leurs enfants. L’UNICEF s’emploie à y remédier en fournissant aux enfants une éducation sur les modes de vie sains et en leur inculquant l’optimisme. Nous travaillons avec d’autres institutions des Nations Uniesà l’élaboration d’un manuel de vie pratique pour aider les enfants et leur famille à faire face aux conséquences de Tchernobyl. Nous collaborons, avec des partenaires des organisations non gouvernementales, à des programmes visant à donner aux jeunes les compétences nécessaires pour obtenir un emploi.
La dure réalité de Tchernobyl est que, 20 ans après, les effets perdurent dans la terre comme dans l’esprit des populations. Mais le monde a la capacité de contribuer à guérir ces blessures et de prendre des mesures permettant de libérer le potentiel sans limites des jeunes générations. En ce vingtième anniversaire, nous sommes réunis pour nous souvenir de ceux qui ont été les victimes de Tchernobyl, mais aussi pour nous engager à ce que ceux qui vivent dans la zone affectée ne souffrent pas davantage.
Source : A/60/PV.77