18 mars 2020 — Dans la course de vitesse engagée contre la maladie à COVID-19, plusieurs laboratoires se livrent une compétition féroce pour développer et tester les premiers vaccins. Parallèlement, des traitements antiviraux en sont à la phase d’essais et pourraient prochainement arriver sur le marché. Pour accélérer ce processus, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a annoncé mercredi le lancement d’une étude internationale destinée à comparer les essais thérapeutiques.

« Plusieurs petits essais, avec des méthodologies différentes, peuvent ne pas nous fournir les preuves claires et solides dont nous avons besoin pour savoir quels traitements aident à sauver des vies », a expliqué le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’agence onusienne basée à Genève. C’est pourquoi l’OMS et ses partenaires organisent l’étude « Solidarity trial », dans laquelle certains de ces traitements non testés seront « comparés les uns aux autres ». Elle vise à « générer les données fiables dont nous avons besoin », a-t-il souligné, ajoutant que plusieurs pays - Argentine, Afrique du Sud, Bahreïn, Canada, Espagne, France, Iran, Norvège, Suisse et Thaïlande – ont déjà confirmé leur adhésion.

Cet effort intervient alors qu’aucun médicament n’a encore apporté la preuve de son efficacité face au coronavirus. « Il n'existe aucun traitement spécifique pour la COVID-19 et tout traitement s’appuie sur la présentation clinique », a tenu à préciser l’agence onusienne basée à Genève. Pour l’heure, a-t-elle rappelé, si la plupart des cas sont légers et peuvent être traités de manière symptomatique, certains patients évoluent vers une maladie grave qui nécessite des interventions de soutien, telles que l'oxygénation et la ventilation.

Cela étant, un protocole clinique mondial pour la recherche et la hiérarchisation des thérapies est en cours d’élaboration à l’OMS. Plusieurs essais cliniques aléatoires sur l'innocuité et l'efficacité des antiviraux et des stéroïdes sont également menés en Chine. Le recours aux stéroïdes est courant dans ce pays pour les cas graves, et ce bien que des études antérieures sur le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et la grippe aient mis en garde contre les risques liés à leur utilisation.

Des traitements au banc d’essai

Concrètement, quels médicaments sont aujourd’hui testés ? Selon l’OMS, plus de 200 essais évaluant des traitements expérimentaux contre la COVID-19 sont effectués en Chine. La phase d’essais cliniques aléatoires pour tester le lopinavir/ritonavir, un antirétroviral actif sur le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), est aujourd’hui terminée et les résultats sont attendus dans un délai d'un mois.

D'autres essais pour évaluer l’antiviral remdesivir - un pour les cas légers à modérés et un autre pour les cas graves chez l'adulte - sont en cours de conception, les patients commençant tout juste à être recrutés. A cet égard, l’OMS a chargé un groupe d'experts indépendants de délibérer sur un candidat thérapeutique potentiel, qui pourrait être évalué plus avant dans le cadre de l’actuelle pandémie de COVID-19.

Parmi les essais pratiqués sur le remdesivir, l’un des plus en pointe est celui mené par les Instituts nationaux de la santé (NIH) des États-Unis, en concertation avec l’OMS. Sur la base de délibérations d’un groupe d’experts du plan directeur R&D de l’agence onusienne, l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (NIAID) du NIH américain a développé un protocole, dont la version complète a été ajustée pour faciliter sa mise en œuvre au niveau international.

« Il n’y a pour l’instant qu’un seul médicament dont nous pensons qu’il pourrait avoir une réelle efficacité. C’est le remdesivir », a souligné le directeur général assistant de l’OMS, Bruce Aylward, lors d’une conférence de presse à Beijing, en Chine. Développé par le laboratoire américain Gilead Sciences, ce traitement antiviral jugé prometteur dans le traitement de patients en Chine pourrait arriver sur le marché dans les prochains mois.

Vigilance pour les anti-inflammatoires

Dans le même temps, des essais cliniques sur la chroloquine, un antipaludique, sont menés en France pour soigner les malades atteints par la COVID-19. Si les premiers résultats sont qualifiés de « spectaculaires », certains experts se montrent réservés en l’absence de tests à plus grande échelle et en raison des possibles effets indésirables de ce médicament. Le ministre français de la santé, Olivier Véran, a donné son autorisation pour qu’un essai plus vaste puisse être initié auprès d’un plus grand nombre de patients.

Quant à la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, de type ibuprofène, susceptibles selon les scientifiques d’aggraver les effets du coronavirus, l’OMS s’est déclarée consciente des préoccupations concernant l'utilisation de ces médicaments pour le traitement de la fièvre chez les personnes atteintes de COVID-19. Dans l’immédiat, elle s’emploie à recueillir des preuves supplémentaires sur cette question avant de faire une recommandation formelle.

Dans ce contexte, alors que l’on recensait mercredi plus de 200 000 cas dans le monde pour plus de 8 000 décès, et que huit nouveaux pays ou territoires ont fait état d’un ou plusieurs cas d’infection à la COVID-19 parmi leur population (Aruba, Bahamas, Bénin, Guam, Iles Vierges des États-Unis, Libéria, République-Unie de Tanzanie, Somalie), l’attente d’un vaccin se fait fortement sentir.

Vingt vaccins en cours de développement

L’OMS ne cache pas qu’il faut « habituellement » plusieurs années pour mettre au point un vaccin. Ce délai a toutefois pu être raccourci dans le développement du vaccin contre le virus Ebola grâce à la mobilisation d’efforts au niveau mondial. « Nous travaillons déjà pour faire de même avec la COVID-19 », assure-t-on à Genève.

Jusqu'à présent, l'OMS a reçu des demandes d'examen et d'approbation de 40 tests de diagnostic et 20 vaccins sont en cours de développement, les premiers résultats étant attendus dans « quelques semaines ». L’agence travaille pour cela en étroite collaboration avec les principaux donateurs et partenaires, notamment la Banque mondiale et la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI), pour investir dans le développement de vaccins.

Dans l'intervalle, maintient l’institution spécialisée des Nations Unies, « nous pouvons sauver des vies grâce à la thérapeutique et sans perturber les ressources dont nous avons besoin pour investir dans les capacités nationales de santé ». Face à la maladie de COVID-19, la feuille de route de la R&D de l’OMS reste axée sur les domaines-clés que sont l’histoire naturelle du virus, l’épidémiologie, les vaccins, les diagnostics, la thérapeutique, la gestion clinique, les considérations éthiques et les sciences sociales.

Aux États-Unis, le premier essai clinique pour un vaccin candidat a commencé cette semaine. Si les différentes phases se déroulent comme prévu, les NIH américains et l’entreprise de biotechnologies Moderna comptent sur une commercialisation du mRNA-1273, son nom de code, dans un an et demi. En parallèle, le laboratoire allemand CureVac a reçu lundi une aide de 80 millions d’euros de la Commission européenne pour développer un vaccin contre la maladie. La présidente de l’exécutif européen, Ursula von der Leyen, a dit espérer une commercialisation « avant l’automne », afin de soigner « de nombreuses personnes en Europe et dans le monde ».