3 avril 2020 — A l’heure où plus d’un million de cas confirmés de COVID-19 sont dénombrés dans le monde, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) poursuit et amplifie sa coordination des efforts mondiaux déployés contre la pandémie. Une action tous azimuts aujourd’hui dominée par l’urgence d’une réponse aux difficultés rencontrées dans l’accueil des malades et la fourniture de matériels médicaux et de protection.

Si l’agence sanitaire des Nations Unies continue d’aider à les pays à mettre en place ou à améliorer leurs stratégies de préparation et de réponse à la COVID-19, elle s’efforce aujourd’hui de trouver des solutions à la surcharge des services de santé, confrontés à un afflux croissant de personnes nécessitant des soins intensifs. Elle vient pour cela de publier de nouvelles lignes directrices destinées à permettre le maintien de services de santé essentiels pendant la période actuelle.

Ce document, qui s’ajoute à la quarantaine d’autres orientations déjà produites par l’OMS depuis le début de cette crise, ne cache pas que des « décisions difficiles » sont nécessaires pour équilibrer les demandes de réponse directe et atténuer le risque d’effondrement des systèmes de santé.

 

« Nous ne pourrons pas vaincre la COVID-19 sans protéger d’abord les agents de santé. » — Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS

 

Les pays sont ainsi appelés à définir les services prioritaires pour garantir la continuité des services et à procéder à des « réorientations stratégiques » afin que leur population bénéficie au maximum de ressources de plus en plus limitées. Il leur est aussi demandé de respecter les précautions les plus strictes, surtout en matière d’hygiène, et de fournir du matériel en quantité suffisante. Pour cela, précise l’OMS, une planification rigoureuse et des mesures coordonnées entre les pouvoirs publics et la direction des établissements de santé est indispensable.

Des besoins considérables en équipements essentiels

Reste que, partout, de graves pénuries de matériels médicaux et de protection se font ressentir. Une situation alarmante qui est la conséquence d’achats massifs, de fortes perturbations dans la chaîne d’approvisionnement mais aussi d’une gestion hasardeuse des ressources par certains pays et de manipulations du marché. 

« Les fabricants et les gouvernements doivent agir d’urgence pour augmenter la production, atténuer la restriction des exportations et mettre en place des mesures propres à empêcher la spéculation et la constitution de stocks abusifs », a plaidé le Directeur général de l’OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, ajoutant que « veiller à la libre circulation des produits de santé essentiels est ‎indispensable pour sauver des vies ».  

Pour tenter de répondre à la hausse de la demande, l’OMS collabore avec les gouvernements, les industriels et le Réseau des chaînes d’approvisionnement en cas de pandémie pour renforcer la production et assurer la fourniture aux pays les plus touchés ou à risque. Aux côtés du Fonds des Nations pour l’enfance (UNICEF) et du Programme alimentaire mondiale (PAM), l’institution sanitaire a monté une cellule de coordination pour garantir que les fournitures vitales sont allouées de manière efficace et équitables, là où elles sont le plus nécessaires. La liste comprend les équipements de protection individuelle (EPI), les tests de diagnostic, l’oxygène médical et les appareils de ventilation.    

L’achat de ces équipements par l’ONU est centralisé. Les transactions sont opérées par un groupe restreint d'acheteurs inter-institutions, lequel opère au niveau mondial en réponse à la demande des pays. L’OMS a fait savoir qu’elle avait, pour l’heure, expédié près de 2 millions d'EPI dans 75 pays où le besoin est le plus fort, dont 800 000 masques chirurgicaux, 54 000 respirateurs N95, 873 000 gants, 15 000 lunettes et 24 000 écrans faciaux. Des kits de test COVID-19 ont d’autre part été envoyés dans 126 pays.

L’agence souligne à ce propos qu’en raison de la menace pesant sur le fonctionnement des soins cliniques, la priorité pour la fourniture d'EPI doit être accordée aux médecins, infirmiers et autres personnels de première ligne qui traitent des patients atteints par le coronavirus. « Nous ne pourrons pas vaincre la COVID-19 sans protéger d’abord les agents de santé », a fait valoir le chef de l’OMS. 

Quant au port généralisé du masque, à présent préconisé par plusieurs gouvernements et autorités locales, l’OMS rappelle qu’il ne peut garantir à lui seul une protection contre la contamination et doit être combiné à d’autres mesures, comme le lavage des mains et la distanciation sociale. L’agence continue donc de le recommander uniquement pour ceux qui présentent des symptômes de la maladie respiratoire aiguë ou qui prennent soin d’une personne atteinte. Elle poursuit néanmoins son évaluation d’une utilisation potentielle du masque pour contrôler la transmission au niveau communautaire.

Un méga-essai clinique qui rassemble des dizaines de pays

« Nous développons nos conseils sur la base de la totalité des preuves collectées dans le monde entier et nous les révisons et les mettons constamment à jour au fur et à mesure que nous en apprenons davantage », a expliqué le Dr Tedros à propos de l’usage du masque. Ce commentaire vaut également pour le vaste essai clinique lancé le 18 mars par l’OMS, qui vise à collecter rapidement des données scientifiques solides en comparant l’efficacité et l’innocuité, dans ce contexte pandémique, de médicaments déjà existants.     

Alors que le temps presse et qu’un vaccin contre le coronavirus n’est pas à attendre avant 18 mois, l’essai Solidarité évalue les traitements potentiels de la COVID-19.  Il a déjà mobilisé 74 pays, « qui soit l’ont rejoint, soit sont sur le point de le faire », a indiqué jeudi le chef de l’agence onusienne, faisant état de la participation de « plus de 200 patients ».  

Outre les soins habituels fournis aux patients dans le pays participant, l’étude se concentre, dans sa phase initiale, sur quatre médicaments : l’antiviral remdesivir, l’antipaludique chloroquine (et l’un de ses dérivés, l’hydroxychloroquine), une combinaison des traitements anti-VIH lopinavir et ritonavir, et cette même combinaison associée à l’interféron bêta, un messager du système immunitaire qui peut aider à paralyser les virus.

Dans la pratique, Solidarité est conçu pour permettre la participation la plus large, y compris celle des hôpitaux actuellement débordés par les vagues de patients. Le site web de l’OMS répartit les patients de manière aléatoire dans les cinq schémas thérapeutiques. A partir de là, les médecins n’ont qu’à enregistrer les données sur la durée de séjour du malade et s’il a eu besoin d’oxygène ou de ventilation.    

« Chaque nouveau patient qui rejoint l'essai nous rapproche un peu plus des médicaments qui agissent », a indiqué l’agence, non sans rappeler, qu’aucun produit pharmaceutique ne s'est encore révélé sûr et efficace pour le traitement de la COVID-19.

Les avertissements et alertes de l’OMS

Tout en mettant en garde contre « les faux espoirs, les études réduites et non randomisées, réalisées à partir d’observations », qui « ne nous apporteront pas des réponses dont nous avons besoin », l’OMS multiplie également les avertissements sur l’utilisation de produits thérapeutiques dont l’efficacité n’a pas été démontrée dans le traitement de cette maladie.

Elle relève en particulier que, dans de nombreux pays, des médecins administrent à leurs patients atteints de COVID-19 des médicaments qui n'ont pas été approuvés pour cette maladie par l’autorité nationale de réglementation pharmaceutique. Une telle l’utilisation est dès lors considérée comme un usage « hors indication », précise l’agence, qui note que tous les agents de santé « devraient connaître et respecter les lois et réglementations régissant leur pratique ».

D’une manière générale, l’OMS déconseille de tels usages. « L'histoire de la médecine est parsemée d'exemples de médicaments qui ont fonctionné sur le papier ou des éprouvettes, mais qui n'ont pas fonctionné chez l'homme ou qui ont en fait été nocifs », a récemment insisté le Dr Tedros, exhortant les pays et les praticiens à « suivre les preuves ». Il a également averti que l’utilisation de produits non éprouvés contre la COVID-19 risquait d’entraîner une pénurie de ces médicaments dans le traitement de maladies pour lesquelles ils se sont révélés efficaces.

Autre motif de préoccupation, la demande en médicaments, vaccins, diagnostics et réactifs en lien avec la COVID-19 « donne la possibilité aux personnes mal intentionnées de distribuer des produits falsifiés », qui prétendent « prévenir, détecter, traiter ou soigner » la maladie, prévient l’OMS dans une alerte en date du 31 mars à l’attention des consommateurs, professionnels de santé et autorités sanitaires.

L'agence, qui précise avoir reçu de nombreuses informations concernant de faux diagnostics in vitro et réactifs de laboratoire, invite à se référer à sa liste d’urgence de procédures approuvées pour une utilisation clinique. Elle évoque aussi l’existence de sites web non enregistrés commercialisant des produits soi-disant efficaces contre la COVID-19 et susceptibles d’être falsifiés. 

Sur une note plus positive, l’OMS a annoncé vendredi que son premier Plan ‎stratégique de préparation et de riposte à la COVID-19, lancé début février avec un appel initial à ‎un financement de 675 millions de dollars pour les trois premiers mois, totalisait 690 millions de dollars reçus ou promis. Un deuxième est en préparation est sera bientôt présenté.